Alien

LA SAGA ALIEN

"Alien, le huitième passager". Un film de Ridley Scott avec Sigourney Weaver, John Hurt, Tom Skerritt, Yaphet Kotto, Harry Dean Stanton et Ian Holm.

Première sortie le 12 septembre 1979.

 

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Le vaisseau commercial Nostromo et son équipage, sept hommes et femmes, rentrent sur Terre avec une importante cargaison de minerai. Mais lors d'un arrêt forcé sur une planète déserte, l'officier Kane se fait agresser par une forme de vie inconnue, une arachnide qui étouffe son visage. Après que le docteur de bord lui retire le spécimen, l'équipage retrouve le sourire et dîne ensemble. Jusqu'à ce que Kane, pris de convulsions, voit son abdomen perforé par un corps étranger vivant, qui s'échappe dans les couloirs du vaisseau...
 

LA SAGA ALIEN

 

Le premier "Alien", mis en chantier en 1978 et distribué en 1979, a connu dès sa diffusion en salles un vaste retentissement. A partir d'un scénario plutôt conventionnel, Ridley Scott a conçu un monument du cinéma fantastique. Il sera suivi par James Cameron, David Fincher et Jean-Pierre Jeunet, à notre grand regret pour le dernier cité. Au moment de la reprise, dans une version longue, du premier volet de cette saga de la terreur, nous vous proposons un dossier complet centré sur la genèse et la réalisation des trois premiers épisodes.

Il est à noter que ce dossier s'appuie sur des éléments fournis lors de plusieurs visites des studios Pinewood, notamment au cours du tournage du troisième volet en 1989. Et le quatrième, me direz-vous ? Nous avons décidé de ne pas l'évoquer. Tout d'abord, car nous estimons qu'il est raté et indigne de la série. Sa récente diffusion à la télévision ne faisant que cette impression. Ensuite, parce qu'il fut tourné aux USA et non en Angleterre. A ce sujet, vous avez bien évidemment le droit de ne pas être d'accord. Or, nous estimons, à tort ou à raison, que la patrie d'origine d'"Alien" est et doit demeurer les studios Pinewood, dans la banlieue de Londres. Ridicule, penserez-vous ? Tant pis ! Nous sommes comme ça, des affectifs mais aussi des nostalgiques au sein de l'équipe du Quotidien du Cinéma. Qui plus est, n'oubliez pas, qu'en bons gars du Nord que nous sommes, puisque Le Quotidien du Cinéma est originaire de Lille, nous demeurons proches du Royaume-Uni, à moins de 300 km de ces magiques studios. Cela doit certainement jouer sur notre inconscient...

                         

 

LES ORIGINES DU PROJET "ALIEN"

L'idée du film "Alien" provient d'un échec, celui de l'adaptation de "Dune", le magistral roman de Frank Herbert. A l'origine, c'était un projet mené par le producteur français Jérôme Seydoux. La mise en scène devait en être assurée par Alexandro Jodorowski et le rôle-titre revenait à Salvador Dali. Dès le milieu des années 1970, cette entreprise pour le moins hétéroclite s'appuiyait sur une mine de talents : Moebius, Giger, Pink Floyd pour la partition musicale voire Tangerine Dream et Magma. L'ensemble apparaît donc clairement démesuré. Le budget final atteint les 20 millions de francs de l'époque, somme trop importante pour un film de science-fiction, genre qui n'a pas encore fait ses preuves auprès du grand public. Néanmoins, "La guerre des étoiles", qui débarque en 1977, va alors tout bousculer.

En effet, l'essentiel de cette production a été réalisée en Angleterre, plus précisément aux studios Elstree. Ainsi, la dimension technique d'un tel projet n'apparaît plus comme un obstacle insurmontable. "Starwars" bénéficiait d'un budget de 75 millions de francs et son succès donne des idées aux producteurs. Mais, progressivement, l'idée d'adapter le roman de Herbert est abandonnée au profit d'une autre intrigue. Cette évolution, on la doit aux scénaristes Dan O' Bannon et Ronald Shusett. Le premier est un fidèle complice de John Carpenter avec lequel il a conçu "Dark Star", une fabuleuse parodie des films de science-fiction. Le second le rejoint pour développer une intrigue dont la source d'inspiration première s'appuie su des histoires de "gremlins" qu'évoquaient des pilotes de bombardiers pendant la seconde guerre mondiale.

Le premier jet scénaristique s'intitule "Star Beast" et s'inspire ouvertement d'un film de Mario Bava, datant de 1965, "La planète des vampires". On peut également penser à "It ! The terror from outer space", en 1958, une réalisation d'Edward L. Cahn, un ancien monteur longtemps confiné dans la mise en scène de séries Z mais auteur de quelques westerns remarquables. Ajouté à cela, un recueil de quatre nouvelles signées A.E. Van Vogt : "La faune de l'espace", et l'essentiel des grandes influences, facteur inévitable dans tout processus de création quelqu'il soit, est au complet. Après moults discussions, le projet est retitré "Alien"...  

                                               

Le moment d'une prise de contacts avec des artistes susceptibles de concevoir l'univers du film arrive. Le premier sollicité est Ron Cobb, un dessinateur à la réputation déjà bien établi au milieu des années 1970. Pensé pour être au départ un petit budget, le projet "Alien" fait l'objet d'un accueil dithyrambique de la part des responsables des studios, notamment ceux de la Twentieth Century Fox qui viennent de connaître un succès fabuleux avec "Starwars". Intervient alors le réalisateur Walter Hill qui, avec sa société Brandywine, apporte au duo constitué par Dan O'Bannon et Ronald Shussett un soutien logistique appréciable. Un accord est signé avec la Fox. Walter Hill et son complice David Giler remanient alors le scénario et commencent à le faire circuler. Ce projet atterrit sur le bureau d'un certain Ridley Scott.

Ce dernier est un cinéaste reconnu pour ses créations publicitaires. Il a par ailleurs réussit un coup de maître pour son premier film de cinéma en signant "Les duellistes" interprété par Harvey Keitel et Keith Carradine. Scott va profiter des travaux préparatoires menés par Moebius pour "Dune", en l'occurrence les scaphandres et les tenus décontractés de l'équipage du navire "Nostromo". Il découvre, dans le même temps, les dessins de H.R.Giger publiés dans l'ouvrage "Necronomicon". Scott, designer de formation, se lance à corps perdu dans l'aventure, pressentant le potentiel que recèle le film. Travaillant en symbiose avec Giger, leur collaboration débouche sur un monstre qui est le croisement de la chair et de l'acier. C'est Carlo Rambaldi qui apportera son talent pour la supervision des effets spéciaux mécaniques. Giger conçoit également la surface planétaire où l'équipage découvre l'Alien, le squelette extraterrestre pétrifié aux commandes de son télescope, les couloirs de l'épave, etc...

                                                 

Il est alors décidé de profiter des structures anglaises de production. En effet, la banlieue de Londres offre de multiples studios pleinement opérationnels pour accueillir des tournages coûteux. A Pinewood, existe, depuis 1976, le plateau 007, utilisé notamment pour "L'espion qui m'aimait", et disposant de la superficie idéale pour recevoir les décors d'un film de science-fiction. Quant au casting, la production sélectionne Tom Skerritt, John Hurt, Yaphet Kotto et surtout Sigourney Weaver qui deviendra star grâce à ce film. Le tournage est plutôt éprouvant. Un petit détail est révélateur du talent de Scott. Ce dernier, en parfait accord avec John Hurt, ne dit rien au reste de l'équipe au moment de tourner la scène de l'éclatement du ventre de Hurt, pendant le repas. Ainsi, la surprise de l'actrice Veronica Cartwright est-elle totale et pleinement sanguinolente...

                                                    

 

UNE PREMIERE SEQUELLE AU MILIEU DES ANNEES 1980

La situation internationale a considérablement évolué au moment, où, s'ébauche l'idée d'une suite au premier film. Tout d'abord, les USA ont vu arrivé à la présidence un ancien acteur, Ronald Reagan, qui, dans le cadre de son premier mandat, relance la propagande anti-communiste osant même comparer l'URSS à "L'empire du mal" ! Ceci va nettement affecter l'industrie hollywoodienne dont les productions prennent une tournure plus que militariste. Ensuite, la production cinématographique américaine se structure selon une forme de sécurité spécifique quant aux résultats attendus des films au box-office : on réalise donc des suites. Ainsi, voit-on dans les salles "Indiana Jones et le temple maudit", "Rambo 2", "Freddy 2 puis 3", "Ghostbusters 2", etc... Alors, pourquoi pas une suite aux aventures de Ripley dans l'espace ?

Comme le cinéma fantastique ne s'est jamais aussi bien porté au niveau des entrées, la Twentieth Century Fox lance la production d'une séquelle et cherche le metteur en scène idoine. James Cameron, qui va obtenir un beau succès avec "Terminator", pour le compte de la Fox, est contacté. Il écrit un scénario qui enthousiasme les pontes du studio. Il vous faut savoir que James Cameron n'est pas, au milieu des années 1980, un parfait inconnu. Il s'est déjà fait la main sur "Piranhas 2, les tueurs volants", en tant que cinéaste, mais aussi en tant que collaborateur pour les effets spéciaux sur des productions telles que "New York 1997", le chef d'oeuvre de John Carpenter, en 1980, ou "La galaxie de la terreur", en 1981. Sachez également que James Cameron a été formé à l'école du producteur-réalisateur, pape de la série B voire Z :  Roger Corman. Ainsi, Cameron est-il habitué à privilégier son imagination pour pallier les insuffisances budgétaires. S'ajoute à cela, sa culture personnelle qui le porte vers la science-fiction. Goût que partage son épouse, Gale Ann Hurd, qui produira "Aliens". Il est décidé que la production continuera à profiter des structures anglaises, même si, cela sera relaté par Cameron en personne, ses relations avec les techniciens d'outre-Manche ne seront pas des meilleures.

Vraisemblablement inspiré par des idées de scénario qu'il a exploité pour "Rambo 2", James Cameron a militarisé cette suite donnée au film de Ridley Scott. Au point, qu'à la sortie du film, il sera la cible de la critique qui lui reprochera d'être pro-militariste voire d'être fascisant. Des remarques qui, avec le temps, apparaissent moyennement justifiées. Cameron met donc en scène un corps de marines, exterminateurs de créatures et équipés d'une panoplie d'armes très sophistiquées. Ripley devenait-elle pour autant un Rambo en jupon à leur contact ? Cela est plus que discutable, car cela ne dépend pas du film lui-même, mais de l'impact du personnage incarné par Stallone sur l'environnement médiatique du moment. Si l'on veut bien avoir l'honnêteté de se détacher de cette influence, il faut reconnaître que Cameron a dirigé un formidable spectacle spatial. Qui plus est, il finit par donner le premier rôle à Ripley, s'inscrivant dans la logique du premier film. D'ailleurs, depuis, il est admis que cela fait  partie intégrante de sa thématique personnelle. James Cameron, un auteur ? J'entend déjà les mauvaises langues qui persiflent à la lecture de cette affirmation. Pourtant, c'est vrai ! "Abyss", "Terminator 2" voire "Titanic" ne l'ont-ils pas plus que brillamment démontré ?

                                                              

A ce titre, la version longue qui sera exploitée en vidéo permet de mieux affiner notre connaissance du personnage de Ripley. On y apprend que l'héroïne avait un enfant sur terre, morte ensuite. Cette perte justifie alors son acharnement de mère frustrée à sauver Newt des griffes du monstre. Cette version longue permet également d'assister aux prodromes de la contamination de la colonie des terraformers par les aliens. Aspect qui fut purement et simplement occulté dans la première version projetée en salle. Le film est aussi l'occasion pour Cameron de régler, avec une maestria sans égal, l'affrontement entre Ripley et la Reine. On découvre ainsi l'un des monstres parmi les plus terrifiants jamais conçu pour le cinéma. Agile, intelligente, implacable, la Reine constitue une horrible réussite que l'on doit à Stan Winston et son équipe. Notons, à ce sujet, que le casting des techniciens a plus qu'évolué pour ce second opus. Giger ayant déclaré forfait tout comme Carlo Rambaldi, Stan Winston fut appelé. Si Ron Cobb restait aux commandes de la conception des décors, Chris Foss, lui fut remplacé par Syd Mead, dont les compétences artistiques étaient visibles dans "Blade Runner", c'est tout dire...

Le succès d'"Aliens", dont la multitude des effets spéciaux donnent au film une ampleur totalement adaptée à son sujet, lança véritablement la série et sa déclinaison. Une palanquée de Comic books et un merchandisage parfois outrancier prolongeront le film.

 

LE CHEMIN DE CROIX DU TROISIEME VOLET

A la fin des années 1980, la décision est prise de produire un troisième épisode d'"Alien". La principale difficulté réside dans le choix d'un metteur en scène qui soit à la hauteur du sujet tout en pouvant apporter une touche personnelle. On requiert alors les talents d'un jeune homme de 27 ans : David Fincher. Ce dernier se voit donc confier la pérennité de la série, tout auréolé qu'il est par l'impact des vidéo-clips qu'il a dirigé.

Il propose un scénario où Ripley est recueillie par des moines perdus et vivant comme au Moyen-Age sur une planète perdue. Cet aspect de l'intrigue perdurera mais elle sera complétée par l'apport de Brian Gibson, qui a concocté une autre mouture de l'histoire. De son travail, on retiendra essentiellement le code-barre visible sur la nuque des habitants de Fury 161, une planète pénitentiaire, gérée par la compagnie, qui déjà par le passé, possédait le Nostromo.

Pourquoi la production s'est-elle apparentée à un chemin de croix puisque le scénario tenait la route ? A cause de la pression de la Fox sur Fincher. Le sentiment qui domine en étudiant ce qui s'est passé est que les responsables ont retenu Fincher en raison de son talent mais surtout de son jeune âge dans l'espoir de mieux pouvoir le manipuler. La presse s'empare de multiples rumeurs : le scénario serait réécrit au jour le jour, la participation de Giger débouche sur un constat de discorde, même les interventions de Fincher sont dès plus lapidaires. Il rejette catégoriquement le film, ne le considérant pas comme le sien propre, bien que sa signature apparaisse au générique.

La production de cette nouvelle suite est partiellement assumée par Sigourney Weaver dont les acteurs louent les qualités professionnelles. Elle accepte par ailleurs la requête du cinéaste et se présente avec le crâne entièrement rasé. Le résultat final fait de "Alien 3" le film le plus noir de la série. Les survivants du précédent épisode sont immédiatement tués lors du crash de la capsule de secours du Sulaco. Ripley est la seule survivante et découvrira rapidement qu'elle a été fécondée d'une Reine.

L'action se déroule dans une prison rouillée où croupit une poignée d'hommes, violeurs, tueurs, plus ou moins convertis à une forme de christianisme. Ils n'ont pas eu d'autre choix que de rester dans cette prison de l'espace, pour surveiller des hauts fourneaux peu actifs. Ce qui semble pour le moins singulier, c'est le décalage entre le rejet du cinéaste Fincher pour ce film et le résultat final. L'innovation est constante dans les plans, le cadre et la direction des comédiens. L'actrice principale appuiera la prestation du metteur en scène, devenant de fait, le porte-parole de la série. La terreur cinématographique est de nouveau au rendez-vous. Le seul aspect, pourtant inéluctable, et qui créera un divorce avec les fans du triptyque étant la mort de Ripley.