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La séquence d'apprentissage

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Rien n'est aussi pratique qu'une bonne théorie.
Kurt LEWIN

La théorie n'est pas, comme l'indique faussement son étymologie,
un objet de contemplation, mais plutôt un ensemble d'outils
intellectuels pour penser le monde et avoir prise sur lui.

Michel FABRE

« Concrètement » ? Je n'aime pas bien cet adverbe :
sous-entendu, les théoriciens sont bien gentils mais…
Rien n'interdit à un praticien de réfléchir au sens
de ce qu'il fait et d'essayer d'en construire la théorie.

Bernard DEFRANCE

 

Cette contribution ne se veut, en aucun cas, figée dans un discours normatif. Elle ne doit donc pas être lue dans ce sens, même si elle propose des points de vue tranchés sur un certain nombre de sujets. Elle n'est que l'état actuel d'une réflexion individuelle, fruit d'une « façon de voir » particulière, construite à partir d'une expérience professionnelle déjà longue, ce qui n'empêche qu'elle soit, au plus haut point, provisoire. Même, elle ne veut prétendre à autre chose qu'à réaliser une lecture particulière de l'acte didactique et pédagogique auquel un enseignant doit quotidiennement s'affronter, et une réponse partielle, voire partiale, aux multiples questions qu'il suscite.

Son but premier n'est donc pas de proposer une « théorie » de la séquence d'apprentissage, mais de faire le point sur les éléments dont la conjonction peut aboutir à l'élaboration d'une séquence didactiquement et pédagogiquement satisfaisante. Cette réflexion est elle-même le produit d'un apprentissage, c'est-à-dire d'une longue et ( peut-être ) patiente confrontation d'apports divers, d'interactions plus ou moins fécondes, qui ont abouti à la formation d'un état de « savoir » constitué, certes, mais fragile dans son organisation générale 1 et, encore une fois, particulier.

Si, cependant, elle se trouvait sa place dans un processus de clarification de la notion de « séquence d'apprentissage », elle remplirait pleinement son propos.

La nature et l'objet de cette contribution exigent, paradoxalement, à la fois de prêter attention à un « complexe » de concepts et de notions qui agissent en étroite interrelation dans le travail didactique d'élaboration et de mise en œuvre d'activités d'apprentissage, et la nécessaire présentation synthétique qu'il est possible d'en faire. Aussi, dans la plupart des cas, sera-t-on contraint de renvoyer le lecteur à des ouvrages où ces notions sont plus amplement développées.

 

La séquence : définition générale

En didactique, la séquence est une « suite d'opérations, d'éléments ordonnés et/ou enchaînés » 2.

Deux concepts sont, dans cette définition, centraux : « enchaînement » et « mise en ordre ».

Le premier, « enchaînement », suppose, entre les éléments constitutifs de la « chaîne »,

une succession ;

une dépendance, voire une interdépendance ;

la formation d'un ensemble complet, c'est-à-dire abouti, auquel on présume une certaine cohérence, au moins.

Le second, « mise en ordre », implique une organisation et une volonté organisatrice, l'existence d'une relation forte entre les éléments, relation qui est celle de la cohérence, c'est-à-dire de la non-contradiction.

La cohérence de la séquence est donc sa vertu cardinale.

fig. 1

Ce sont là des principes fondamentaux, sur lesquels il convient de s'accorder. Cette succession cohérente des activités proposées aux élèves pourra d'ailleurs se nommer indifféremment « séquence », « unité », « ensemble », ou tout autrement encore. Ici, comme ailleurs, « l'étiquette » n'est pas l'essentiel, mais bien les concepts qui la sous-tendent et l'impliquent 3.

 

Théorie et/ou pratique

Planifier une séquence d'apprentissage, est-ce de l'ordre de la pratique, du « faire » le plus souvent empirique de l'enseignant, ou de la théorie, c'est-à-dire du fruit de la recherche fondamentale ?

La question des relations entre théorie et pratique divise depuis toujours le corps enseignant. Paradigme de pensée prépondérant, ce couple bipolaire a fini par structurer toute l'activité humaine. A tout moment, nous sommes invités à nous situer, dans nos actes et parfois même dans notre identité, dans cet espace que certains conçoivent comme un continuum, alors que d'autres considèrent qu'il ne saurait y avoir, tout au mieux, que des « échanges » d'un pôle à l'autre.

« La théorie, c'est ce qui appartient à l'ordre de l'universel, de l'abstrait, des « hautes terres », du déductif, de l'applicable, du transposable dans la pratique. A l'inverse, la pratique, c'est ce qui appartient à l'ordre du contingent, du local, de l'éphémère, du complexe, de l'incertain, des « basses terres », de l'inductif, de ce qui nourrit la théorie. » 4

A défaut de pouvoir apporter une réponse développée à la question des relations « théorie / pratique », qui dépasserait largement le cadre de cet exposé, présentons rapidement l'option ici défendue : aucune pratique, quelle qu'elle soit, ne peut se passer de « théorie », si l'on veut bien entendre par là qu'aucune mise en œuvre pratique ne peut se passer, au minimum, de représentation abstraite, c'est-à-dire d'une modélisation, du produit à réaliser, de la tâche à entreprendre, des outils à utiliser. En d'autres termes, on ne fait pas que « faire », on fait toujours ce que l'on a d'abord « pensé », même sommairement.

Au demeurant, le vrai débat devrait porter plutôt sur la nature de la théorie qui sous-tend tout « faire ». On peut agir à partir d'une théorie « naïve », au sens où elle ne serait que construction hasardeuse d'éléments disparates, mais alors le risque serait grand, dans le cadre scolaire, d'aboutir à un spontanéisme pédagogique largement inconscient. Ne serait-il pas plus cohérent de se référer à une théorie « raisonnée », un arrière-plan conceptuel solide, qui prend appui sur des ensembles élaborés et cohérents, qu'on les nomme « théories », « systèmes », ou encore « modèles » pédagogiques ? Car enfin, il est difficile d'admettre que chaque professeur réinvente chaque jour la pédagogie dans l'ignorance totale des idées qui ont jalonné son histoire 5.

Trop souvent d'ailleurs, les tenants d'une pratique qui devrait faire l'économie de la théorie sont ceux-là mêmes qui, faute d'un arrière-plan « théorique » approfondi sur le contenu et les méthodes de l'enseignement, n'ont d'autre alternative « pratique » que celle qui consiste à « transmettre » aux élèves des « objets théoriques » détachés de leur contexte conceptuel ; ainsi du trop fameux « schéma narratif » 6, et de tous ces « modèles » didactiquement transposés, décontextualisés, dépersonnalisés, qui hantent les manuels scolaires 7.

Une pratique qui n'est pas fondée sur une théorie est une pratique forcément aveugle, puisque, aussi bien, aucun éclairage ne permet de voir ni d'où elle vient, ni où elle va. Et s'il est possible de faire de la théorie sans jamais s'occuper de pratique, l'inverse n'est certainement jamais vrai.

 

Séquence d'enseignement ?
Séquence d'apprentissage ?
Séquence d'apprentissage et d'évaluation ?

Si l'on admet donc que pour modéliser sa future « pratique » pédagogique dans une séquence d'apprentissage il soit nécessaire d'inscrire sa réflexion dans un cadre conceptuel déterminé, la question se pose alors de savoir dans quel cadre, s'il existe.

Curieusement, on peut percevoir, sous les diverses dénominations de la « séquence » en usage dans les textes officiels de l'Éducation Nationale 8, le « discours » - et ses présupposés fondamentaux, de trois grands courants théoriques qui alimentent, aujourd'hui encore, le débat contemporain sur l' « apprendre » ( cf. fig. 2 ).

fig. 2

Si la séquence est focalisée sur l'enseignement, il apparaît clairement qu'elle est alors, avant tout, « l'objet » de l'enseignant. C'est lui, à partir de ses conceptions, de ses présupposés sur sa discipline, des savoirs et des méthodes qui la constituent, c'est lui, à partir de ce qu'il croit des acquis des élèves 9, de leurs besoins, qui construit une séquence dont l'acquisition de contenus est l'objectif principal. Il prédéfinit, préforme, prédétermine tout le parcours de l'élève, jalonné de connaissances à « emmagasiner » et à restituer. L'exposé explicatif magistral, soutenu ou non par un appareillage technologique 10, et l'exercice individuel sont les modalités principales des dispositifs pédagogiques mis en place. Le mode de pensée privilégié par l'enseignant et exigé des élèves est la déduction : exposé de règles, de lois et vérification à travers des exercices d'application. Le « noyau dur » de cette conception est la croyance que le savoir est une « entité » transmissible, que l'élève est une « cire vierge » 11 sur laquelle viendra s'écrire l'héritage du passé.

La séquence d'enseignement, dont on trouvera de nombreux exemples sur les sites « institutionnels », s'inscrit donc clairement dans la sphère des théories académiques. En tout cas, elle en conserve, malgré tous les énoncés qui semblent l'inscrire dans un autre cadre, les présupposés théoriques.

J'ai longtemps défendu la position que les théories béhavioristes se situaient sur l'axe « apprendre », qui met en relation l'élève et le savoir à acquérir et privilégie donc la relation personnelle de l'élève avec le savoir. C'est essentiellement l'effacement volontaire de l'enseignant du processus d'enseignement qui motivait cette position. En effet, dans la perspective béhavioriste radicale, celle qui conduit à l'enseignement programmé, élève et savoir sont directement confrontés, même si par ailleurs c'est le contrôle strict par l'enseignant de l'environnement d'apprentissage qui en assure l'efficacité. Donc, même si cette approche s'éloignait fortement du pôle « élève » pour s'approcher au plus près du pôle « savoir », c'est bien sur cet axe « apprendre » qu'elle pouvait cependant se situer.

Or, je pense aujourd'hui que je me suis trompé. En effet, même si les programmes d'enseignement issus de ce modèle didactique et pédagogique mettent l'accent sur les évaluations - pronostiques, diagnostiques, etc. -, celles-ci sont rarement formatives, c'est-à-dire centrées sur les processus, les stratégies d'apprentissage de l'élève, à cause du parti pris binaire qui les sous-tend : une réponse est juste ou fausse, une compétence est maîtrisée ou non. Ce n'est pas tant ce qui se passe dans la tête de l'élève, le processus d'appropriation, qui intéresse les béhavioristes que ce qui est censé y entrer, les éléments de connaissance 12. Et pour mesurer au plus près la réalité de la transmission, les séquences d'enseignement sont, à tout moment, vouées à l'évaluation, qui est l'objet de tous les soins.

Cette véritable ardeur évaluative qui anime les concepteurs de séquences tient à la primauté absolue qu'ils accordent au savoir 13. On vérifie à l'aide de batteries de questionnaires que la transmission a bien eu lieu, que la connaissance est bien passé du « programme » dans la tête de l'élève.

Ce modèle, d'ailleurs largement répandu dans l'enseignement professionnel français, reste donc, malgré les apparences, fondamentalement un modèle de la transmission. Il privilégie l'instruction, l'exercisation et va même, on l'a vu, dans sa forme la plus radicale, jusqu'à remplacer le professeur, humain et donc faillible, par une machine, certes programmée par un cerveau humain, mais dont les capacités d' « administration » du savoir, de répétition, de « patience », sont infinies. Le courant béhavioriste rejoint ainsi le courant technologique 14.

Les théories constructivistes et cognitives mettent, quant à elles, l'accent sur l'apprentissage, ses conditions et ses processus. C'est l'élève, et ses caractéristiques cognitives, qui constituent l'objet fondamental de l'étude.

Les œuvres, immenses, de Bachelard et de Piaget ont marqué l'origine des modèles théoriques de l'apprentissage contemporains ; elles constituent d'ailleurs encore et toujours, des références incontournables dans la recherche fondamentale comme dans l'action pédagogique quotidienne.

« Cinquante années d'expériences nous ont appris qu'il n'existe pas de connaissances résultant d'un simple enregistrement d'observations, sans une structuration due aux activités du sujet. […] Il en résulte qu'une épistémologie […] ne peut consister qu'en un constructivisme, avec l'élaboration continuelle d'opérations et de structures nouvelles. » 15

***

« J'ai souvent été frappé du fait que les professeurs […] ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas. […] Ils n'ont pas réfléchi au fait que l'adolescent arrive dans la classe […] avec des connaissances empiriques déjà constituées : il s'agit alors, non pas d'acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne. » 16

La plupart des courants théoriques contemporains sont, d'une manière ou d'une autre, issus de ces propositions fondamentales - on construit son savoir à partir de ou contre son savoir actuel ; tous méritent une étude attentive 17.

 

Modèles

Auteurs

Théories

Allostérique 18

A. GIORDAN

psychocognitives

Dérangement épistémologique

M. LAROCHELLE & J. DESAUTELS

Gestion mentale

A. de la GARANDERIE

Apprentissage vicariant 19

A. BANDURA

sociocognitives

Conflit sociocognitif

W. DOISE & G. MUGNY

Médiation socioculturelle

L. VYGOTSKY

Cognition contextualisée 20

J.S. BROWN, A. COLLINS & P. DUGUID

sociales et écologiques

Cognition distribuée 21

R. PEA & D. PERKINS

Apprentissage coopératif

 C. FREINET - D. JOHNSON & R. JOHNSON, J. COOPER, L. McLEAN

Apprentissage-action

A. TOFFLER

 

Pour les cognitivistes, l'apprentissage est essentiellement un processus de traitement de l'information. L'élève traite, à l'occasion de son travail, une multitude d'informations complexes. Des informations affectives qui viennent plus particulièrement de ses expériences antérieures ( buts poursuivis par la nouvelle tâche, valeur attribuée à cette tâche et perception du contrôle possible sur sa réussite ) ; des informations cognitives ( il met les nouvelles informations en relation avec ses connaissances antérieures, choisit les stratégies jugées les plus appropriées pour réussir la tâche ) ; des informations métacognitives ( prise de conscience de ses stratégies, de son engagement personnel )...

« Chez un individu, le savoir progresse quand des interactions fécondes se mettent en place entre ses activités mentales et son environnement. Ce dernier tout à la fois stimule, fournit de la matière à penser et donne une signification au processus.

L'enseignant et la situation de médiation peuvent faciliter cette production de sens en proposant des situations motivantes, en fournissant des confrontations multiples avec les conceptions des autres apprenants ou avec la réalité et en filtrant les multiples informations, par exemple. La médiation (enseignante ou de situation) peut faciliter la comparaison, les mises en relation (temporelle, spatiale, causale) ou encore inciter à l'organisation en fournissant de la matière à penser adaptée (schéma, modèles, métaphores, analogies…). Parfois, elle doit même perturber l'apprenant dans son intime conviction, - sinon ce dernier se rattache à ce qu'il sait - et dans le même temps l'accompagner ou le mettre en relation. Des situations de mobilisation où l'individu peut tester son savoir, ou des moments où il en prend conscience et le situe, sont encore des éléments indispensables à l'apprendre. » 22

Les difficultés actuelles concernant la planification pédagogique cohérente de séquences d'apprentissage trouvent vraisemblablement leur origine dans le « brouillage » du discours théorique qui sous-tend les textes et instructions, discours général ou particulier, en cours dans l'institution 23. En effet, si l'on perçoit nettement l'orientation constructiviste / cognitiviste récente des textes ministériels, on perçoit, non moins nettement, les traces profondes du béhaviorisme, dominant dans les dernières décennies du XXème siècle, qui subsistent « sur le terrain » 24. Il est probablement « normal » qu'il en soit ainsi. En effet, il existe toujours un décalage de plusieurs années entre les changements d'orientation importants voulus par l'institution et leur traduction dans la pratique pédagogique quotidienne.

L'élaboration et la mise en œuvre de séquences d'apprentissage seront très fortement déterminées par les choix théoriques personnels de l'enseignant 25 ( cf. figure 3 ). Et il semble bien qu'aujourd'hui tout porte à inscrire ces choix dans l'espace ouvert par les perspectives constructivistes , à partir des travaux de PIAGET et VYGOTSKY notamment, et cognitivistes.

fig. 3

S'inscrire dans un courant pédagogique ?

André GIORDAN 26 repère, dans son analyse des discours et des pratiques pédagogiques, une dizaine « d'ensembles théoriques » discriminés en fonction de leur focalisation sur la connaissance, la société ou l'élève.

 

focalisation sur

théories

la connaissance

académiques

technologiques

béhavioristes

épistémologiques

la société

sociales

socio-cognitives

psycho-sociales

l'apprenant

humanistes

génétiques

cognitives

Il y ajoute les « théories spiritualistes » qui relèvent d'une perspective métaphysique ou religieuse. Ce sont donc onze ensembles « cohérents » dans lesquels un enseignant peut inscrire son action pédagogique… à condition de les connaître et si son institution le lui permet !

Ajoutons encore que ces multiples théories peuvent, chacune, se séparer en courants qui privilégient tel aspect de la théorie d'ensemble ou encore lui apportent correctifs et adaptations à des contextes particuliers.

Peu d'enseignants le prennent en compte, mais méconnaître ou nier l'existence de courants pédagogiques, refuser explicitement de s'inscrire dans un des cadres qu'ils proposent, c'est adopter, par là-même, les principes du courant pédagogique le plus traditionnel, encore largement dominant dans le système scolaire français jusqu'à l'aube des années soixante dix : celui de la transmission ( théorie académique ) 27. Dans cette perspective, dite académique,

« tout est centré sur les savoirs à enseigner, qu'il s'agit, par l'enseignant, l'animateur, de maîtriser et de contrôler au mieux. […] Le rôle de l'enseignant consiste à transmettre les contenus et celui de l'étudiant à les assimiler. Le cours dogmatique ou frontal est le plus souvent préconisé. Parfois celui-ci, logiquement conçu, peut s'appuyer sur des illustrations ( schémas ou photos ) ou encore sur des expériences qui confirment les propos du formateur. L'excellence à viser est une structuration des idées et une progression dans leur présentation. L'effort maximum à fournir est dans les études et dans un travail de mémorisation.» 28

Si elle fut, très longtemps, la forme recommandée de l'enseignement, la pédagogie de la transmission n'est plus guère évoquée par les I.O. que pour la signaler comme une voie peu adaptée aux défis et enjeux de l'éducation de masse que nous connaissons aujourd'hui.

Pour mettre en place, en les conciliant au besoin, les dispositifs adaptés à la fois aux demandes de l'institution et à ses propres convictions pédagogiques, tout enseignant se doit donc de connaître, de la façon la plus précise qui soit, les théories contemporaines sur l'enseignement et l'apprentissage 29. Son arrière-plan conceptuel déterminera ainsi très fortement et sa réflexion didactique et sa pratique pédagogique.

Il n'est pas nécessaire pour autant qu'il s'inscrive dans un seul courant pédagogique, exclusivement, comme on entrerait en religion. La plupart des approches cognitivistes récentes présentent une fructueuse complémentarité et permettent d'alimenter la réflexion didactique en apportant des éléments de réponse à un grand nombre de questions que pose la conception de séquence d'apprentissage. L'enseignant a toujours une grande liberté, son objectif principal devant être la cohérence et l'efficacité des dispositifs d'apprentissage qu'il met en place. Mais ce n'est qu'une bonne connaissance des options théoriques qui s'offrent à lui qui lui permettra d'exercer cette liberté en toute « intégrité intellectuelle ».

Ainsi, il n'est pas incompatible de construire des situations d'apprentissage sur des principes différents, certes, mais incontestablement plus convergents qu'on ne l'imagine de prime abord :

ceux de l'approche contextualiste, qui met l'accent sur le contexte socio-culturel des tâches en les inscrivant dans le cadre de pratiques sociales de référence fortement déterminées par les usages d'une communauté de pratique ;

ceux de l'approche collaborative, qui favorise les interactions entre pairs en situation de résolution de problème, dans le cadre de la classe ou, plus largement, via les TIC 30;

ceux de la cognition distribuée, qui postule que « l'individu connaissant » n'est pas un individu seul face au savoir qu'il aurait accumulé, mais un individu dont « l'intelligence » peut être décrite par les multiples ressources - internes et externes - qu'il est capable de mobiliser 31;

ceux du modèle allostérique, qui préconise qu'on tienne le plus grand compte des connaissances antérieures des élèves et de leurs représentations ;

ceux de la théorie du conflit socio-cognitf ;

etc.

Pour planifier les activités, et donc les apprentissages, nécessaires à la réalisation d'un scénario d'apprentissage 32 tel que

Vous allez constituer et éditer une anthologie poétique sur le thème de l'amour. Cet ouvrage est destiné aux personnes incarcérées à la maison d'arrêt de … . Il sera exclusivement consacré à des poètes du XXème siècle. Une présentation de la maquette du livre est prévue le [ date ].

le professeur fera utilement appel aux différents modèles évoqués ci-dessus.

l'approche contextualiste permettra d'inscrire la tâche globale ( réalisation de la maquette d'une anthologie poétique ) dans le contexte, authentique, de l'édition et donnera l'occasion de faire connaissance avec ce milieu, ses usages, sa culture ; de s'approprier des compétences authentiques, donc plus aisément transférables dans des situations non scolaires.

l'approche collaborative, par le travail de recherche qu'exige la tâche, par les interactions multiples qu'elle requiert ( entre pairs, par le recours aux TIC , et plus largement grâce à toutes les ressources disponibles ), postule la mise en place d'activités qui « conduisent » les élèves aux interdépendances, personnelles et matérielles, inhérentes au projet ; on rejoint également, par là, le courant de la cognition distribuée ; le recours au travail de groupe 33 sera tout naturellement privilégié dans cette perspective ;

la prise en compte du modèle allostérique d'A. GIORDAN permettra d'élaborer des situations d'émergence des conceptions des élèves sur la poésie, l'amour, l'édition, etc. ; de mettre en place un environnement didactique propre à favoriser des confrontations authentiques ( c'est-à-dire qui ne soient pas fondées sur le seul « discours » magistral ) entre connaissance antérieure et croyance(s) des élèves, entre la « réalité » et les élèves, par le biais d'enquêtes, d'observations, de rencontres, etc. ; on rejoint également, ainsi, le courant de la psychologie sociale qui a mis en évidence la nécessité des conflits socio-cognitifs pour assurer des apprentissages signifiants.

 

Des échanges entre élèves, dans la classe ou à distance ; des rencontres, réelles ou virtuelles, avec des personnes qui travaillent dans le domaine de l'édition ou qui participent à la recherche et l'analyse d'une documentation authentique, donc souvent assez peu didactisée ; des contacts avec des représentants du public ciblé permettront de faire émerger, de réorienter, de (re)construire des conceptions anciennes et nouvelles ; des apprentissages plus signifiants et plus solides pourront alors être réalisés.

 

Principes de l'approche cognitive

Tous ces choix didactiques et pédagogiques découlent de la conviction que les réponses les plus pertinentes à la question « qu'est-ce qu'apprendre ? » sont apportées, du moins pour aujourd'hui, par l'approche cognitiviste de l'apprentissage. Un certain nombre de principes fondamentaux 34 caractérisent cette approche et sont de la première importance dans toute activité d'élaboration et de mise en œuvre de « séquence d'apprentissage ». Ce sont eux qui doivent guider l'enseignant dans sa réflexion et les activités d'apprentissage planifiées doivent présenter ces caractéristiques.

1. L'apprentissage est un processus actif et constructif.

L'élève joue un rôle primordial dans l'apprentissage. Non seulement il doit être actif mais il doit être, dans le même temps, toujours conscient de ce qui se passe à l'extérieur ( son environnement ) et à l'intérieur de lui ( ses processus, ses stratégies préférentielles, ses sentiments, etc. ) quand il apprend. Par exemple, il doit nécessairement opérer une sélection parmi les nombreuses informations qui se présentent à lui dans son environnement. Ce processus implique la création de règles opératoires qui lui permettent d'interagir de façon significative avec les éléments présentés. Dans ce domaine, le rôle de l'enseignant est d'aider à la création de règles justes et efficaces grâce à des dispositifs pédagogiques appropriés.

À défaut, l'élève construira quand même des règles à partir des situations qui lui sont présentées. Et tant qu'il n'aura pas rencontré suffisamment d'exemples corrects de ces règles, il créera les siennes propres. Et mêmes si elles se révèlent fausses aux yeux du professeur, elles seront le résultat de la construction cognitive de l'élève, qui, à ce titre, en usera de façon privilégiée.

2. Les connaissances antérieures exercent un rôle primordial dans l'apprentissage ; les connaissances sont essentiellement cumulatives et en interrelation.

Les connaissances antérieures stockées dans la mémoire à long terme, et les relations que l'élève construit entre ces connaissances, déterminent non seulement ce qu'il peut apprendre mais aussi ce qu'il apprendra effectivement et la façon dont les nouvelles connaissances seront appropriées 35. L'apprentissage est ainsi conçu comme l'établissement de liens entre les nouvelles informations et les connaissance antérieures. À cela s'ajoute l'idée qu'il est essentiellement un processus cumulatif, c'est-à-dire que les nouvelles connaissances s'associent aux connaissances antérieures pour les confirmer, pour y ajouter de nouvelles informations, pour les corriger, le cas échéant.

Les élèves n'arrivent pas, en début de séquence, « vierges » de tout savoir. Ils ont nécessairement construit des conceptions personnelles ( qui peuvent se révéler conformes à la « réalité », ou non ) sur l'ensemble des concepts, notions, ou « objets » qui forment le « contenu » de la séquence. Dans l'exemple présenté, les élèves se sont très certainement forgé des représentations, parfois très personnelles, de la poésie, de l'amour, etc., à partir de leurs expériences scolaires ou personnelles ; ils construisent même des conceptions spontanées sur des objets nouveaux pour eux - ce qu'est une anthologie peut-être, au moment où on les leur présente. Ce sont ces conceptions qu'il est nécessaire de faire émerger, explicitement, en cours d'apprentissage. En effet

« […] l'élève apprend à la fois « grâce à » ( Gagné ), « à partir de » ( Ausubel ), « avec » ( Piaget ) les savoirs fonctionnels dans sa tête, mais dans le même temps, il doit comprendre « contre » ( Bachelard ) ces derniers. » 36

3. L'apprentissage signifiant est étroitement lié à la représentation et à l'organisation des connaissances.

L'apprentissage requiert l'organisation constante des connaissances construites. La véritable différence entre l'efficacité de l'expert et celle du novice réside dans le fait que les connaissances sont bien organisées dans la structure cognitive des premiers alors qu'elles ne le sont pas encore dans celle des derniers. L'établissement de synthèses, de cartes conceptuelles qui décrivent l'espace notionnel d'une activité de production sont par conséquent des outils privilégiés à faire construire en cours de séquence.

Ces synthèses ont pour objectif principal de permettre, sur le papier d'abord, puis en mémoire à long terme, l'organisation cognitive des notions rencontrées en cours d'activité.

Elles favorisent également l'émergence, à l'occasion des échanges entre élèves, des conflits nécessaires à l'intégration des connaissances. En outre, la verbalisation, à partir d'une synthèse schématique, d'une carte conceptuelle, permet la mise en évidence des relations entre les connaissances ( cf. fig. 4 ).

 

fig. 4

4. L'apprentissage est fondamentalement l'acquisition de connaissances et de stratégies cognitives et métacognitives.

Le système cognitif de l'élève ne se caractérise pas par le stockage de savoirs inertes, de connaissances purement factuelles. Il est également constitué de connaissances dynamiques parce qu'il inclut un ensemble de stratégies cognitives et métacognitives qui permettent à l'élève d'agir sur son environnement, d'utiliser les informations qu'il acquiert... Ces stratégies doivent être enseignées ou présentées explicitement. En effet, il importe non seulement de rendre l'élève conscient des différentes stratégies possibles, mais également de leur économie et de leur efficacité dans des situations diverses. Les moments de réflexion méthodologique, l'apprentissage d'algorithmes, l'apprentissage de l'utilisation du dictionnaire sont des exemples d'apprentissage de stratégies cognitives.

Les stratégies métacognitives se réfèrent à la connaissance et au contrôle effectif des stratégies cognitives et des composantes affectives qu'implique la réalisation des tâches.

5. Il existe différentes catégories de connaissances : les connaissances déclaratives, les connaissances procédurales et les connaissances conditionnelles . 37

Les connaissances déclaratives correspondent aux connaissances théoriques ou qui sont reconnues comme savoirs au cours de l'évolution d'une société. Ces connaissances sont constituées de faits, de règles, de lois et de principes.

La constitution d'une anthologie poétique sur l'amour ( circonscrite aux poètes du XXème siècle ) implique nécessairement l'appropriation de connaissances déclaratives : une anthologie, l'amour et ses différentes formes, Apollinaire, forme fixe, vers libre, en sont quelques exemples parmi bien d'autres.

Les connaissances procédurales correspondent au comment faire, aux étapes d'une action ( séquences d'action ), aux procédures, bref à ce qu'on appelle généralement des savoir-faire.

Choisir un poème, comment mettre en page, choisir une illustration, argumenter ses choix

Les connaissances conditionnelles réfèrent essentiellement au quand et au pourquoi, c'est-à-dire aux conditions de l'action. Elles permettent de répondre à la question

« A quel moment et dans quel contexte est-il approprié d'utiliser telle ou telle stratégie, telle ou telle démarche, d'engager telle ou telle action ? Pourquoi est-il adéquat d'employer cette stratégie, cette démarche, de réaliser cette action ? » 38

Elles précisent les conditions de validité et de pertinence des connaissances procédurales. C'est pourquoi elles leur sont étroitement liées et correspondent souvent aux classifications ( classes ) et aux catégorisations ( catégories ).

Pourquoi constituer une anthologie ( but, pertinence… ), reconnaître les poèmes d'amour ( est-il pertinent de classer « ce » poème dans cette catégorie ? ), faut-il argumenter ses choix, à quel niveau de langue situer l'argumentation, etc.

Il faut noter que les compétences comportementales, les savoir-être, ne forment pas une catégorie de connaissances particulière parce qu'elles peuvent être, en soi, déclaratives, procédurales ou conditionnelles.

Les différents types de connaissances doivent être mis en évidence dans les activités scolaires des élèves, explicitement. On gagnerait également à opérer, dans des moments de prise de distance métacognitive, un lien explicite avec des activités non strictement scolaires qui requièrent, elles aussi, les mêmes types de connaissances 39.

6. La métacognition joue un rôle majeur dans l'acquisition des connaissances

La métacognition réfère au contrôle qu'un élève peut exercer sur lui-même et sur ses stratégies cognitives. Au cours d'une activité, il doit être conscient des exigences de la tâche, des stratégies à l'aide desquelles il peut la réaliser adéquatement, du ou des types de connaissances ( déclaratives, procédurales ou conditionnelles ) qui doivent être activées et des différentes étapes de réalisation de la tâche. Quant aux facteurs affectifs, toujours au niveau de la connaissance, l'élève doit avoir une perception adéquate de l'importance de la tâche, des buts que l'enseignant poursuit ; il est, ainsi, conscient du contrôle possible qu'il a sur sa propre réussite dans la réalisation de cette tâche ainsi que des facteurs susceptibles de le conduire à la réussite ou à l'échec.

L'activité métacognitive consiste donc, au cours ou à l'issue d'une tâche, à verbaliser et expliciter ces différents paramètres. Elle fournira des éléments qui permettront une évaluation ( formative ) des apprentissages réalisés, des difficultés rencontrées.

 

Le problème de l'induction

Toutes les Instructions de ces dernières décennies insistent sur le recours privilégié à une « démarche inductive » dans le cadre des activités scolaires. Avant de s'attacher à la conception de séquences d'apprentissage, il faut prendre position sur point parce que ce mode de pensée 40, cette démarche intellectuelle dont on pense qu'elle se confond avec la « démarche scientifique » pose, effectivement, et depuis longtemps, problème.

Rappelons que l'induction est définie comme un mode de raisonnement qui consiste à passer du concret, particulier, à l'abstrait, général, c'est-à-dire de l'observation des phénomènes à la formulation de lois ou de théories. La conséquence pédagogique en est qu'on préconise, dans la plupart des propositions de travail, une mise en situation des élèves devant des « objets » d'étude qu'on leur demande « d'observer » pour en dégager des règles. Or, c'est dans ce primat déclaré de l'observation que gît le problème.

« Je crois que la théorie - tout au moins, une sorte de théorie rudimentaire, ou d'attente - vient toujours en premier; qu'elle précède toujours l'observation; et que le rôle fondamental des observations et des tests expérimentaux est de montrer que certaines de nos théories sont fausses, et de nous inciter ainsi à en produire de meilleures.

J'affirme, en conséquence, que ce n'est pas des observations que nous partons, mais toujours des problèmes -, soit de problèmes pratiques, soit d'une théorie qui a rencontré des difficultés. C'est seulement une fois confrontés à un problème que nous pouvons commencer à y travailler. Nous pouvons nous y attaquer en deux temps : tout d'abord en essayant méthodiquement de proposer, à titre d'hypothèse ou de conjecture, une solution à notre problème; et ensuite en essayant de critiquer notre hypothèse, qui a généralement quelque faiblesse. Il arrive parfois qu'une supposition ou une conjecture résiste pour un temps à notre critique et à nos tests expérimentaux. Mais, en règle générale, nous nous apercevons bientôt, ou que nos conjectures peuvent être réfutées, ou qu'elles ne résolvent pas notre problème, ou qu'elles ne le résolvent que partiellement; et nous nous apercevons que même les meilleures solutions - celles qui s'avèrent capables de résister à la critique la plus rigoureuse des esprits les plus brillants et les plus inventifs - soulèvent aussitôt de nouvelles difficultés, de nouveaux problèmes. Nous pouvons donc dire que le développement de la connaissance consiste à passer des problèmes anciens à des problèmes nouveaux, au moyen de conjectures et de réfutations. » 41

La critique radicale de l'induction constitue le centre de l'épistémologie de Karl POPPER. Elle peut se résumer en deux thèses :

1.

Il ne faut pas confondre problème psychologique et problème logique que pose l'induction.

2.

Il ne saurait, logiquement, y avoir d'induction, au sens strict. Ce qu'on a coutume de nommer ainsi est, de fait, une démarche qui fonctionne par hypothèse - vérification - correction, une démarche hypothético-déductive.

La théorie classique de l'induction - c'est-à-dire atteindre la généralité par l'observation, l'examen et l'accumulation de cas particuliers - est donc, pour POPPER, irrecevable. Ce n'est pas l'observation qui est première, c'est l'hypothèse qui « modèle » l'observation, lui donne une « direction » et un « sens ».

Mettre un élève face à des textes ( relevant d'un groupement informel, qui n'a donc pas été « prédéterminé » 42 par l'enseignant en fonction de ses propres hypothèses ) et lui demander de les observer pour en dégager des règles générales peut n'aboutir à rien parce qu'il ne sait pas « quoi » chercher. Il faut lui donner l'occasion d'élaborer et de vérifier des hypothèses. Seule la formulation d'une hypothèse de travail ( par exemple : il s'agit d'un poème d'amour si… et si… ), et sa vérification par l'analyse textuelle, le conduira à « trouver » quelque chose, que cela se révèle pertinent ou non 43, sur les textes qu'on lui soumet.

« La probabilité pour qu'un apprenant puisse « découvrir » seul l'ensemble des éléments pouvant transformer les questionnements ou pouvant faciliter les mises en relation multiples et les reformulations est pratiquement nulle dans un temps limité. » 44

Dans le cadre scolaire, on a, par ailleurs, tendance à focaliser le débat sur la critique poppérienne de l'inductivisme. C'est oublier que bien des chercheurs, et parmi les plus prestigieux, ont eux-même adopté un point de vue très critique par rapport à l'induction. La liste en serait longue, l'énoncé des références, fastidieux. Citons cependant Claude BERNARD, Gaston BACHELARD, ou encore François JACOB.

La lecture attentive de nombreux travaux, surtout issus des perspectives ouvertes par les deux plus grands psychologues/épistémologues du XXème siècle, Jean PIAGET et Lev VYGOTSKY 45, montre également que cette critique est très largement partagée dans le champ de la recherche fondamentale actuelle. Consacrer la primauté de l'observation, de l'expérience dans la démarche pédagogique, sans la considérer pour ce qu'elle est, ou doit être, c'est-à-dire une étape de vérification d'une hypothèse, revient à négliger la leçon la plus importante du constructivisme : « le savoir est une construction individuelle ».

Pour l'activité d'élaboration de séquences d'apprentissage, le choix d'une option « raisonnée » se révèlera, une fois de plus, fondamental. En effet, c'est toute la démarche de l'enseignant qui sera affectée par ce choix 46. Retenir, ne serait-ce qu'en partie, la critique de l'inductivisme reviendra donc à travailler à partir d'hypothèses qui « modèleront » la réflexion didactique de l'enseignant. En voici quelques-unes.

L'activité intellectuelle qui vise l'appropriation de notions, de concepts ne commence pas par l'observation, elle commence par une problématisation du réel.

Au schéma classique de l'induction

observation - généralisation - énoncé de lois ou de règles - vérification

devrait se substituer une autre modélisation de la démarche d'apprentissage

problème - hypothèses - observation ( analyse ) d'un corpus déterminé pour contrôler les hypothèses

c'est-à-dire celle d'une démarche hypothético-déductive.

La démarche « scientifique » n'est pas une démarche inductive, mais une activité de résolution de problèmes.

La pertinence des observations est toujours induite par les hypothèses formulées, qui, elles-mêmes ne débouchent sur de « l'observable » qu'au sein de théories qui leur donnent sens 47.

Les représentations, les conceptions des élèves sont autant de « théories » qui déterminent la nature et le résultat de leurs observations. Leurs idées préconçues, les modèles, spontanés ou non, qu'ils sont en mesure de construire forment véritablement un cadre conceptuel tout aussi « légitime » qu'un autre.

Une des activités fondamentales d'une démarche d'apprentissage est la réflexion, individuelle ou collective, qui conduit à la formulation explicite d'hypothèses de travail.

Les hypothèses des élèves peuvent constituer des obstacles à la pertinence de leurs observations, de leurs conclusions, des « erreurs » à partir desquelles il leur faudra réfléchir pour construire de nouvelles connaissances.

« […] depuis le début du siècle, le postulat pédagogique absolument dominant est le primat donné aux catégories de l'induction dans la démarche expérimentale, dont on attend une attitude «active» et «motivée» de l'élève. Or, aussi bien les épistémologues, les physiciens, que les psychologues cognitivistes s'inscrivent en faux contre une telle opinion. Le dogme inductiviste, qui prétend à l'existence d'une voie «naturelle», fondée sur la rigueur et la minutie de l'observation, est inadapté […]. Loin de considérer qu'il n'existe qu'une seule voie « rigoureuse » d'interprétation de l'expérience, on peut au contraire reconnaître comme légitime l'existence d'interprétations concurrentes. Celles-ci sont l'expression des conceptions des élèves. Or, certaines d'entre elles peuvent se constituer en « obstacles épistémologiques », venant borner l'horizon des élèves, et leur aptitude à intégrer des données expérimentales nouvelles. En réalité, cet obstacle est lui-même souvent producteur de sens, apte à gagner en cohérence tout en restant éloigné des conceptions scientifiques canoniques. C'est pourquoi on ne peut ni ignorer ces conceptions obstacles, ni les prendre de front ; il faut créer les conditions psychologiques de leur dépassement, par la nécessité d'un changement de cadre de référence chez l'élève. En valorisant des démarches de caractère hypothético-déductif dans les processus de modélisation des élèves, on a alors un moyen non seulement de « tenir compte » des conceptions, comme autant d'embûches à éviter, mais de leur reconnaître au contraire un statut de véritable hypothèse émise par les élèves. […] » 48

Habituer les élèves à formuler des hypothèses, c'est-à-dire à problématiser des situations de travail, doit devenir un des enjeux majeurs de toute séquence d'apprentissage. Ces hypothèses devront se construire, se préciser, se confirmer à l'occasion d'un véritable travail collaboratif : le travail de groupe semble donc une modalité pédagogique majeure de la séquence d'apprentissage. Faire l'impasse sur la phase de formulation d'hypothèses, souvent sous le prétexte que cette activité fait perdre beaucoup de temps 49, revient à occulter ce que beaucoup considèrent comme une phase déterminante, et donc obligatoire, de la démarche d'apprentissage.

La tâche proposée aux élèves se révèle, en soi, une « situation-problème » à partir du moment où elle ouvre la possibilité d'un questionnement dont les réponses sont constituées par les hypothèses de travail qui en découlent. Partant de l'énoncé de la tâche à réaliser - « constituer une anthologie poétique » 50, les élèves doivent nécessairement se confronter aux questions ( authentiques ) que se pose tout anthologiste, sans compter celles qui découlent de leur « ignorance », normale et légitime :

- qu'est-ce qu'une anthologie ?

- une anthologie est-elle nécessairement thématique ?

- comment circonscrire le thème de l'anthologie ?

- comment opérer son choix dans la multiplicité des textes ?

- comment ordonner les textes ? etc.

« Il y a évidemment différentes manières de formuler [un] problème. La plus commune consiste à guider l'investigation de l'élève par un système de questionnements, d'observations dirigées, d'interrogations de documents. Dans ce cas, la réponse sera bien produite par l'élève, mais celui-ci n'aura aucune marge de manœuvre dans la construction du problème qui reste finalement la prérogative du maître ou du manuel.

Une pédagogie de la construction du problème ( soucieuse de déployer complètement le processus de problématisation ) va privilégier les activités cognitives qui prennent pour modèle les problèmes dits de « conception » dont le prototype est la rédaction de texte ou plus généralement l'élaboration de projet. Ici, le problème ne se présente pas tout fait, mais doit être construit progressivement à partir d'un cahier des charges et par un système de contamination de contraintes, de telle sorte que sa détermination complète coïncide effectivement avec sa solution. Pour l'enseignant, l'objectif n'est plus seulement que les élèves trouvent la solution au problème posé mais bien qu'ils construisent une problématique pertinente par rapport à la question traitée. » 51

 

Élaborer une séquence d'apprentissage

Pour planifier une séquence d'apprentissage, « suite d'opérations, d'éléments ordonnés et/ou enchaînés », l'enseignant doit tenir compte d'un ensemble de paramètres déterminés par le cadre conceptuel dans lequel il entend inscrire son « enseignement » - et les points « théoriques » abordés précédemment font naturellement partie de cet ensemble et déterminent très fortement la démarche d'élaboration d'une séquence. Cette démarche commence par une réflexion approfondie sur la tâche qu'il entend proposer à ses élèves et les compétences à mettre en œuvre pour la mener à bien.

1. Le choix d'une tâche terminale

Constituer une anthologie poétique

La tâche terminale proposée aux élèves est le point de départ de la réflexion qui conduit à la planification d'une séquence. Cette tâche doit, dans le meilleur des cas 52, renvoyer à une pratique sociale déterminée 53, c'est-à-dire qu'elle devrait avoir un équivalent authentique, inscrit dans une sphère culturelle, professionnelle identifiable par les élèves : activité de recherche, de planification ( ingénierie ), de production, etc.

La tâche proposée renvoie ici au travail d'un anthologiste, souvent lui-même écrivain par ailleurs ; d'un bibliothécaire ou d'un documentaliste qui, dans le cadre de leurs fonctions, peuvent être amenés à constituer des anthologies ; voire d'un amateur qui, pour son propre plaisir, réalise une anthologie de textes qui lui sont chers.

Selon le contexte professionnel et/ou social ( …c'est cela la contextualisation ) dans lequel s'inscrit la tâche, la constitution de l'anthologie et le produit final présenteront des différences, de nature, de forme, de contenu, etc..

Si la tâche proposée requiert indubitablement des apprentissages proprement scolaires ( et on peut alors les cadrer à partir des programmes et des référentiels de la classe avec laquelle on envisage de travailler ), il n'est pas douteux non plus qu'elle requière également la connaissance, au moins, si ce n'est l'apprentissage, d'une vision du monde, d'une culture, de compétences spécifiques qui relèvent d'habitus 54 caractéristiques d'une communauté de pratique déterminée.

« L'activité scolaire a souvent tendance à être hybride, cadrée de manière implicite par une seule culture, mais explicitement rattachée à une autre. Dans une salle de classe, l'activité se déroule à l'intérieur d'une culture scolaire bien qu'elle soit attribuée à la culture de vrais lecteurs, d'écrivains, de mathématiciens, d'historiens, de géographes, et ainsi de suite. Bien des activités entreprises par les élèves ne sont tout simplement pas les activités des professionnels et n'auraient aucun sens dans, ou ne seraient pas avalisées par les cultures à qui on les attribue. Cette activité hybride, en outre, limite l'accès des élèves aux indices qui émergent du contexte et qui apportent structuration et soutien. L'activité des élèves tend à n'être qu'un ersatz d'activité. » 55

L'inscription de la tâche terminale dans le cadre d'une pratique sociale identifiée assure à la fois la contextualisation et la finalisation de la séquence. Elle lui apporte, en outre, sa cohérence interne en favorisant « l'indexation » de toutes les activités proposées.

2. La détermination des compétences à maîtriser

Lorsqu'on a atteint un degré d'expertise important dans un domaine, on a tendance a « oublier », en tout cas à largement sous-estimer, la somme des compétences requises pour accomplir une tâche donnée et la difficulté de leur appropriation. Il est toutefois important d'analyser une tâche en termes de compétences et non de connaissances « pures » parce que, justement, les connaissances requises sont impliquées par les compétences 56. Rappelons qu'une compétence est, d'après la définition qu'en donne Pierre GILLET ,

« … un système de connaissances, conceptuelles et procédurales, organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l'intention d'une famille de situations, l'identification d'une tâche-problème et sa résolution par une action efficace. » 57

Les compétences requièrent par conséquent la mobilisation et la mise en relation de connaissances qui, dans la plupart des cas, se révèlent assez étendues. C'est pourquoi il est vain de s'attacher à en dresser une liste exhaustive. Il faut veiller cependant, pour la cohérence des situations d'apprentissage, à mettre en évidence un « noyau » de compétences spécifiques à la tâche proposée.

Mais un certain nombre de difficultés surgissent dès que l'on s'y attache.

L'une d'elles concerne les multiples composantes d'une compétence. Si l'école porte, par nature, une attention particulière aux connaissances et aux procédures ( aux savoirs et aux savoir-faire ) elle montre par ailleurs une prédisposition à négliger les autres composantes, qui font également partie du « système » d'une compétence.

composantes d'une compétence 58

cognitives

connaissances

déclaratives

procédurales

conditionnelles

métaconnaissances

affectives

attitudes

comportements

sentiments

motivation…

sociales

interactions

 concertations

 négociations ( de sens )…

sensori-motrices

postures

gestes…

 

Une compétence caractéristique de la tâche « constituer une anthologie » réside dans la capacité de retenir un poème déterminé pour l'intégrer à l'anthologie en cours de constitution.

S'il s'agit d'un choix souvent purement individuel, d'ailleurs très fréquemment fondé sur des éléments relevant de l'émotion, il faudra néanmoins que l'élève « négocie » ce choix ( en l'expliquant, par argumentation, en tentant de convaincre, ou de persuader… ) au sein d'un groupe de travail. Il y a donc, entre autres, des apprentissages à réaliser dans le domaine des interactions sociales et de leurs composantes affectives. Une autre difficulté réside dans l'imbrication des compétences et des connaissances. Une compétence déterminée renvoie souvent à d'autres, qui fonctionnent comme des « satellites » ; ces compétences impliquent des connaissances spécifiques, qui elles-mêmes en impliquent d'autres, etc. ( cf. fig. 5 ).

Comme le souligne P. PERRENOUD 59

 « La principale difficulté théorique […] est de gérer l'emboîtement des poupées russes. »

Comment déterminer ce « noyau » de compétences à mobiliser dans une tâche aussi complexe que « constituer une anthologie » ? La réponse doit être sans ambiguïté : en la réalisant soi-même. La pratique de l'enseignant, si elle est indubitablement experte dans son domaine disciplinaire, doit également s'ouvrir à une réelle capacité, métacognitive, d'analyse des processus à mobiliser pour la réalisation de la tâche. Afin de déterminer avec le maximum de précision les compétences requises pour mener à bien une activité complexe 60, il est également utile d'avoir recours à des modèles, généralement issus de la psychologie cognitive, qui « décrivent » un certain nombre de processus comme « lire un texte », « comprendre un texte », « raisonner », « argumenter », etc. 61.

Ces modèles se révèlent extrêmement puissants et montrent toute leur utilité comme « outils » d'accompagnement de la réalisation préliminaire d'une activité par le professeur lui-même, lorsqu'il veut « lister » les compétences et les connaissances impliquées par cette activité. Ils permettent, en effet, d'avoir constamment à l'esprit les opérations mentales mises en œuvre, opérations qui, par le fait même de l'expertise de l'enseignant, sont souvent pour lui « transparentes ».

Pour illustrer le propos, on trouvera ci-dessous ( cf. fig. 6 ) un exemple de modélisation des processus cognitifs impliqués dans la lecture-compréhension d'un texte 62.

Mais il est important de rappeler, une fois encore, que le travail de « listage » des compétences ne saurait être exhaustif ; en effet, la nature des tâches terminales proposées requiert la maîtrise d'un nombre si important de compétences qu'il serait vain de vouloir les énumérer toutes. De plus, le professeur a tout intérêt à se concentrer sur les compétences les plus spécifiques de la tâche, celles qui pourraient faire l'objet d'un apprentissage si les élèves ne les maîtrisaient pas.

3. La détermination des obstacles à l'apprentissage 63

Dans la tâche de détermination des compétences spécifiques, il ne faut cependant pas négliger celles qui pourraient être à l'origine de difficultés. L'enseignant doit, en effet, s'attacher à déterminer, avec autant de précision qu'il lui est possible, les difficultés et les obstacles à l'apprentissage qui pourraient se manifester à l'occasion des activités proposées aux élèves.

Ainsi dans le modèle ci-dessus, des difficultés peuvent se manifester à chaque étape du processus, du décodage à la formulation d'inférences. Ces difficultés se manifesteront par des « erreurs » de décodage ( un mot pour un autre, par exemple ), des « erreurs » de grammaire, textuelle ou non, de raisonnement, etc. Mais c'est très vraisemblablement à l'occasion de la mobilisation des connaissances sémantiques ou encore de l'activation des schémas et des connaissances sur le monde, et sur le monde représenté par le texte 64, que peuvent surgir de véritables obstacles cognitifs à la compréhension, qui auront pour conséquence une réelle « impossibilité » pour le lecteur de construire une représentation significative du texte qu'il lit.

Un obstacle se caractérise fondamentalement par des connaissances qui opèrent en tant qu'outils fonctionnels, opératoires dans certains contextes, mais qui conduisent à des échecs interprétatifs hors de ces contextes. Souvent, dans un contexte plus complexe, moins scolaire et moins « immédiat » que celui qui a permis l'intégration d'une connaissance, un obstacle bloque la construction et la résolution des problèmes liés à ce nouveau contexte.

Une autre caractéristique de l'obstacle c'est que, le plus souvent, il n'est perçu comme tel que par celui qui est en mesure de lier des conceptions individuelles à un savoir collectif qui les réfute. Les connaissances deviennent obstacles par rapport à un savoir de référence. C'est pourquoi l'obstacle est aisément visible pour l'enseignant et invisible pour l'élève.

« […] le savoir à acquérir ne s'inscrit jamais automatiquement dans la ligne des connaissances antérieures ; celles-ci représentent, le plus souvent, un obstacle à son intégration. Il faut donc prévoir une transformation radicale du réseau conceptuel. » 65

Jean-Pierre ASTOLFI propose une modélisation des obstacles qui les associe étroitement au « triangle didactique », formalisé par J. HOUSSAYE, et aujourd'hui bien connu 66 ( cf. fig. 7 ). Qu'ils soient épistémologiques, didactiques et/ou psychologiques, les obstacles sont révélateurs des processus d'apprentissage des élèves et ils indiquent, en outre, les « progrès » à accomplir.

« La pensée d'un apprenant ne se comporte […] pas comme un système d'enregistrement passif qui graverait un nouveau savoir sur un terrain jusque là vierge. Elle possède son propre mode d'explication qui oriente la manière dont sont appréhendées les informations nouvelles.

Ce réseau conceptuel, constitué de manière involontaire et inconsciente à partir des premières expériences et des interprétations personnelles des situations d'enseignement ou de médiation antérieures constitue un véritable filtre pour toute nouvelle acquisition. C'est donc l'apprenant qui, pour une raison ou pour une autre, doit se trouver en situation de changer ses conceptions. Si l'enseignement ne les prend pas en compte, celles-ci résistent vivement à tout changement ou remodelage. » 67

Donc, il faut considérer que des obstacles à l'apprentissage peuvent être générés par des connaissances peu ou mal maîtrisées, des procédures ( savoir-faire ) défaillantes ou des attitudes ( savoir-être ) inadaptées qui agissent comme des « écrans ». De plus, ils peuvent être liés

 au domaine d'étude ( français écrit / oral, théorie littéraire… ),

 au produit à réaliser ( texte, objet… )

au travail intellectuel impliqué ( stratégies, méthodes, outils… )

 ou encore au contexte authentique dans lequel s'inscrit la tâche demandée ( culture, processus… ).

Pour toutes ces raisons, la détermination des obstacles possibles à l'apprentissage constitue, tout autant que la clarification des compétences exigées, est une tâche essentielle dans l'élaboration d'une séquence.

 

fig. 7

4. Analyse par objectifs et pédagogie de maîtrise

Même s'il est nécessaire d'inscrire aujourd'hui la réflexion didactique et pédagogique dans un cadre constructiviste et cognitiviste, il n'y a aucune raison pour oublier les apports du courant béhavioriste 68 qui les a précédés.

Pour la question qui nous occupe, deux voies ouvertes par les béhavioristes gagneraient à être plus largement et plus sérieusement explorées 69. Elles rejoignent d'ailleurs, sur bien des points, les propositions de la psychologie cognitive, qui les a reprises tout en les inscrivant dans un paradigme radicalement différent.

L'analyse par objectifs des tâches complexes 70 a apporté à l'enseignant un ensemble de référents qui lui permettent

de réfléchir sur les compétences très diverses que nécessite la réussite d'une tâche ( cf. 2. La détermination des compétences à maîtriser) ;

de hiérarchiser ces compétences en fonction de leurs (inter)dépendances ( cf. la taxonomie du domaine cognitif de B.S. BLOOM, celle du domaine affectif de D.R. KRATHWOHL, celle du domaine psychomoteur de A. HARROW ), ou leur inscription dans un modèle plus complexe 71, celui du « modèle tridimensionnel de l'intellect » de J.P. GUILFORD ;

de programmer une présentation progressive et cohérente des apprentissages à réaliser.

Tout cela constitue, très exactement, la « technologie » de mise au point d'une séquence d'apprentissage.

 

La « pédagogie de maîtrise » est issue des travaux de B.S. BLOOM 72. Sa thèse centrale est la suivante :

« ... la plupart des élèves sont capables de réaliser des apprentissages de niveau élevé, si l'enseignement est adéquat et si les élèves sont aidés quand et là où ils rencontrent des difficultés, si on leur donne suffisamment de temps pour atteindre la maîtrise et s'il existe des critères clairs de ce qu'est cette maîtrise. » 73

Trois principes généraux régissent la pédagogie de maîtrise ( et ils recoupent, du moins en partie, les préconisations de l'analyse par objectifs ) :

Principe 1

Il convient de cibler les stratégies d'enseignement ainsi que les procédures d'évaluation des apprentissages à réaliser.

Principe 2

Il ne faut jamais aborder un apprentissage nouveau sans s'être assuré que les élèves maîtrisent les apprentissages antérieurs et, plus largement, les compétences nécessaires (motivation, attitudes, etc. ) au nouvel apprentissage visé.

Principe 3

Il faut s'assurer que chaque élève bénéficie d'un temps d'apprentissage suffisant.

Dans l'action pédagogique qui conduit à l'élaboration d'une séquence, ces principes généraux se traduisent en plusieurs étapes :

L'enseignant doit définir le plus clairement possible les objectifs à atteindre et la ou les tâches terminales à réussir ;

N.B.

En cours de séquence, il doit indiquer, de façon tout aussi claire, quels sont les apprentissages attendus ( ce qui revient à communiquer aux élèves des éléments qui leur permettent d'identifier la nature exacte des apprentissages à réaliser ) ;

avant de s'engager dans un processus d'apprentissage, l'enseignant doit évaluer dans quelle mesure les élèves maîtrisent les pré-requis à l'apprentissage visé et, le cas échéant, mettre en place des dispositifs adaptés à une remise à niveau ;

il doit également décomposer la matière en unités d'apprentissage bien structurées ( ce qu'on a appelé, par ailleurs, les objectifs intermédiaires et les objectifs spécifiques ) ;

il lui faut préparer des situations d'apprentissage qui favorisent une participation maximale des élèves et, plus exactement leur temps d'engagement dans la tâche prévue 74;

l'enseignant doit procéder à l'évaluation de la maîtrise des compétences à la fin de chaque unité intermédiaire ( en proposant une tâche dont on évaluera formativement la réussite ) ;

il doit prévoir des travaux supplémentaires ( remédiation ) à proposer aux élèves qui n'ont pas atteint le critère fixé de maîtrise afin de prolonger, de la sorte, leur temps d'apprentissage 75;

en fin de séquence, il faut enfin qu'il s'assure que les objectifs prévus sont atteints ( par le biais d'une évaluation sommative qui ne doit, par ailleurs, évaluer que les compétences dont l'apprentissage était fixé 76 ).

L'objectif principal de la pédagogie de maîtrise est donc d'adapter, le plus possible, les situations d'apprentissage aux caractéristiques cognitives et affectives des élèves. Elle tient également le plus grand compte de leurs difficultés d'apprentissage spécifiques. C'est d'ailleurs pourquoi elle met à ce point l'accent sur le moment de l'évaluation formative qui doit constituer, en fait, un véritable diagnostic pour repérer les obstacles non surmontés.

Et c'est dans ce sens qu'elle rejoint les préoccupations actuelles de la psychologie cognitive.

 

La mise en œuvre d'une séquence

1. Une activité « diagnostique »

Dans une phase préparatoire, l'enseignant a donc déterminé

la tâche terminale à réaliser,

les compétences nécessaires pour la réussite,

les obstacles ( de toute nature ) qui pourraient entraver cette réussite.

Il lui faut, pour faire émerger de cet ensemble les apprentissages que les élèves doivent absolument réaliser, obtenir des informations sur ce qu'ils maîtrisent et sur ce qu'ils ne maîtrisent pas. Un « diagnostic » se révèle alors nécessaire 77.

Contrairement à la pratique qui consiste à laisser l'enseignant déterminer des « pré-requis » ( ce ne sont alors que ses propres attentes qu'il met en évidence ), il serait plus judicieux de laisser les élèves se confronter d'emblée à la tâche complexe qu'on attend d'eux. C'est donc la tâche terminale attendue en fin de séquence qu'on leur demande de réaliser.

« Constituer une anthologie poétique » est cependant une tâche terminale qui demande trop de temps. Proposer cette tâche pourrait se révéler utile si l'on disposait du temps nécessaire. Ce n'est pas toujours le cas.

Une stratégie alternative consiste alors à proposer une ou des activités qui soient de nature à favoriser l'émergence des conceptions des élèves sur le produit à réaliser, sur son inscription dans un cadre socio-culturel donné et sur les activités nécessaires à sa réalisation.

Comparer trois groupements de textes poétiques dont un seul répond véritablement aux principes d'une anthologie qui ne soit pas simplement une collection de texte. Présenter son analyse à la classe sous la forme d'un tableau synthétique. Répondre aux questions et aux objections avancées.

L'analyse immédiate des productions des élèves ( ou des groupes ) présente plusieurs avantages. En effet, elle permet, entre autres,

à chacun de verbaliser ses propres conceptions ;

de les confronter aux conceptions des autres ( conflit socio-cognitif ) ;

de mettre en évidence les « erreurs » 78 générées soit par les conceptions des élèves, par l'état de leur savoir actuel ou par les caractéristiques de la tâche ;

d'expliciter un certain nombre d'éléments qui, sinon, demeureraient dans la sphère du non-dit ; cela est particulièrement vrai des difficultés - de tous ordres -que les élèves rencontrent dans la réalisation de la tâche ;

de mettre en évidence, de manière immédiate, les apprentissages les plus pertinents à réaliser ;

à chacun d'évaluer ses propres besoins en termes d'apprentissage ;

au professeur d'élaborer une séquence d'apprentissage qui correspondra plus étroitement aux besoins des élèves réels et non de « l'élève moyen » auquel on rapporte souvent cette activité.

Cette analyse fournit donc, à l'occasion de cette réflexion collective en classe, les informations utiles au professeur pour élaborer sa séquence et peut se révéler une source de motivation pour les élèves.

Si, pour des raisons d'ordre pratique 79, il ne peut mettre en place ces activités collectives, l'enseignant analysera pour lui-même les productions initiales des élèves. Il peut alors proposer une synthèse de cette analyse en classe.

Autre chose encore plaide en faveur de la réalisation immédiate de la tâche terminale : tout au long de la séquence, cette production initiale servira de référence à l'élève et jouera comme un « marqueur » des apprentissages et des progrès réalisés.

A ce stade, l'enseignant dispose donc de toute une série d'informations qui devraient lui faciliter la phase d'élaboration proprement dite d'une séquence d'apprentissage cohérente et adaptée. Mais il faut souligner que, dans la présente proposition, une séquence ne se prépare pas avant d'avoir rencontré ses élèves mais bien après les avoir fait réfléchir et travailler sur une tâche qui nécessite la maîtrise des apprentissages qu'on vise 80.

2. La programmation séquentielle des apprentissages

Il importe, à partir de l'évaluation initiale, de cibler les besoins d'acquisition, de renforcement et de consolidation des apprentissages et donc de privilégier, dans la construction de la séquence, ceux qui sont indispensables à la réussite de la tâche terminale. Les propositions d'activités seront alors, par définition, finalisées et les élèves pourront ainsi donner plus de sens à leurs apprentissages.

Mais, comme la tâche dans laquelle ils vont être impliqués est nécessairement complexe, il devient dès lors impossible d'organiser la séquence autour des « objets » habituellement choisis 81.

La constitution d'une anthologie ne permet pas de centrer les apprentissages sur la seule poésie. Les discours explicatifs et argumentatifs seront également impliqués dans la tâche et les activités qu'elle requiert, de même que des apprentissages spécifiques d'écriture ( la présentation, les liaisons… ), de prise de parole ( l'explication et la justification des options choisies, de planification, d'organisation et de régulation… ). Des apprentissages devront également être réalisés - ou consolidés, dans les stratégies et démarches de recherche et de traitement de l'information, dans les attitudes et comportements en jeu dans les relations interpersonnelles et la résolution de problèmes, etc. ( cf. fig. 9 ). Ces attitudes, comme le souligne A. GIORDAN, ne trouvent pas toujours leur place à l'école, actuellement 82, et il en cite notamment quatre, fondamentales, « à cultiver » pour (mieux) apprendre : curiosité, esprit critique, confiance en soi, créativité.

Ainsi, cette tâche impliquera des stratégies générales, transversales à plusieurs disciplines et des stratégies spécifiques fortement rattachées à un contenu disciplinaire 83.

Cela signifie que les élèves devront réaliser des apprentissages liés à la tâche globale qui leur est soumise et non seulement au genre ou au type de discours incarné dans le produit final. Et il revient naturellement à l'enseignant de déterminer quels sont les apprentissages pertinents à la fois pour la réussite de la tâche et par rapport à leur inscription dans une progression annuelle.

Mais se pose également la question de la séquentialité des apprentissages : dans une tâche complexe les problèmes apparaissent simultanément et sont souvent si étroitement imbriqués que les aborder « en séquence » n'est pas toujours aisé. Là encore, c'est, de façon très pragmatique, la réussite de la tâche qui doit commander la priorité, l'ordre, les modalités des apprentissages, sachant cependant qu'il pourra être difficile de les « découper » de façon aussi nette et aussi « étanche » les uns aux autres que c'est le cas dans les séquences actuellement proposées.

 

fig. 9

3. Des activités d'apprentissage spécifiques

Après avoir construit sa séquence, l'enseignant approche enfin de sa mise en œuvre pédagogique effective. Trois phases principales se succèdent, qui se traduisent dans des types de situations qui doivent être bien identifiées par les élèves : situation d'apprentissage, situation(s) d'entraînement et situation(s) d'évaluation.

Les activités d'apprentissage ( au cours d'une séance de durée très variable en fonction des tâches demandées ) se présentent elles-même en plusieurs étapes.

a. une situation d'apprentissage

Elle se compose essentiellement d'une situation-problème 84, qui vise à confronter les élèves à des éléments qui introduisent des dissonance(s) cognitive(s) par rapport à leurs conceptions initiales, et d'apports qui remettent en cause leurs connaissances antérieures, obstacles à des apprentissages nouveaux. Cette situation, pour une efficacité accrue, se concrétise le plus souvent dans des travaux de groupes afin de favoriser, outre le conflit cognitif visé, l'émergence de conflits socio-cognitifs dont on a montré qu'ils étaient largement générateurs de progrès.

Une situation-problème devrait également privilégier

des travaux orientés vers la résolution de problème(s) complexe(s), si possible générés par des situations authentiques ;

des travaux centrés sur la réflexion des élèves par rapport à leurs connaissances actuelles, aux procédures et aux stratégies qu'ils mettent en oeuvre.

La situation d'apprentissage permet donc aux élèves d'entrer dans un processus de réflexion authentique et non dans un processus d'exercisation, sur un modèle dont les manuels scolaires dispensent de nombreux exemples.

Dans une situation d'apprentissage qui s'appuie sur un problème 85, les élèves travaillent ensemble, par petits groupes. Dans la très grande majorité des cas, ils n'ont reçu aucune formation particulière dans le contexte de la tâche à réaliser ; on suppose donc que cela leur permettra de réaliser des apprentissages de contenu et de développer, par la même occasion, des compétences spécifiques à la démarche de résolution de problèmes.
La tâche de chaque groupe est de formuler les questions sous-jacentes au problème, quelles qu'elles soient, et de tenter de les résoudre avec les ressources mises à disposition. Cette démarche est guidée par l'enseignant qui joue alors lui-même un rôle de « personne-ressource », mais aussi d'accompagnateur et de facilitateur.

Les élèves devraient travailler ensemble, pendant plusieurs séances, pour résoudre un problème « réaliste », présenté, répétons-le, dans un contexte le plus semblable possible à celui dans lequel il pourrait se présenter dans la vie « réelle ». Au moment de la confrontation des solutions, des démarches entre les différents groupes, si pour l'un ou l'autre d'entre eux, le travail ne se révélait pas satisfaisant, il serait convié à le reprendre là où il a posé difficulté, pour approfondir les connaissances et les compétences souhaitées.

Bien sûr, les élèves devraient travailler de façon autonome à l'aide de ressources documentaires, - usuels, livres - y compris scolaires, revues, Cd-roms, Internet, synthèses… - mais également d'outils de création de savoir - applications informatiques diverses, notamment.

Quand le problème est résolu, toute la classe établit un bilan des apprentissages, des difficultés rencontrées, des solutions trouvées ou inventées à l'occasion d'un retour métacognitif sur la tâche réalisée ( cf. ci-dessous, c. un retour « métacognitif » ).

Les processus d'apprentissage sont ainsi continuellement mis en lumière et les élèves encouragés à intégrer leurs compétences, maîtrisées ou en développement, dans la tâche requise, à développer des compétences nouvelles, et à identifier, analyser et résoudre des problèmes de plus en plus complexes.

L'apprentissage par problèmes 86 permet également de viser des compétences qui se situent à un niveau taxonomique plus élevé que la simple application. Il favorise, naturellement, la prise de décision ou le jugement par l'analyse critique de sujets complexes.

La constitution d'une anthologie poétique est, en soi, une situation-problème. Mais elle peut également être décomposée en sous-problèmes qu'on peut donner à résoudre à la classe entière ou à certains élèves seulement 87.

Ainsi on peut imaginer de faire travailler certains élèves sur la mise en évidence des relations intertextuelles dans les textes choisis, d'autres sur un classement générique des poèmes ou d'autres encore sur le contenu rhétorique des poèmes sélectionnés. L'ensemble de ces travaux pourra être intégré dans une situation de décision collective, débattue et justifiée, sur la logique de présentation des textes dans l'anthologie.

b. une phase « magistrale »

Après une mise en commun des réflexions et des travaux des élèves, le professeur intervient pour un apport de données, factuelles, notionnelles, méthodologiques, propres à résoudre les problèmes rencontrés. A cette occasion, il donne toutes les explications nécessaires et aboutit à une synthèse qui clôt cette phase magistrale, nécessairement brève.

Il doit, dans cette phase, se montrer comme « modèle agissant » : il lui est donc possible de réaliser la tâche demandée en rendant le(s) processus transparent(s) aux élèves ; il explique verbalement ce qui se passe dans sa tête lorsqu'il élabore ou applique une compétence caractéristique de la tâche et, à cette occasion, aura le souci de verbaliser les décisions qu'il prend, les questions qu'il se pose et les difficultés qu'il rencontre 88.

c. un retour « métacognitif »

Dans une stratégie d'apprentissage efficace, il est nécessaire, à l'issue d'une activité et de la synthèse collective qui en a été faite, de revenir sur certains éléments caractéristiques. Ainsi, il est recommandé d'analyser les compétences mises en œuvre, de verbaliser et d'expliciter ce qu'elles ont permis de réaliser et les difficultés qu'elles ont généré.

De même, il faut donner l'occasion aux élèves de s'exprimer sur les stratégies, notamment cognitives, qu'ils ont privilégiées dans la résolution du problème auquel ils ont été confrontés. Cela donne l'occasion de montrer qu'il n'y a pas qu'une seule stratégie efficace ou qu'à l'inverse, d'autres mènent dans une impasse.

Cette phase métacognitive ne doit pas être négligée ; elle fait en effet partie intégrante du processus d'apprentissage 89.

d. l'évaluation immédiate des apprentissages 90

Il est étrange de constater à quel point les enseignants « pensent » les situations d'évaluation comme devant être déconnectées des situations d'apprentissage. Elles devraient, pourtant, être envisagées dans une continuité parce que l'évaluation est toujours « enchâssée » dans la situation d'apprentissage 91, c'est-à-dire qu'elle en fait partie intégrante.

Ceci étant, deux types au moins d'évaluation sont à prévoir :

une auto-évaluation provisoire ;

une évaluation formative.

 

L'auto-évaluation ne vise en fait qu'à rendre les élèves capables, à terme, de gagner une certaine autonomie dans l'évaluation de leurs propres compétences. Il est de la plus haute importance, en effet, que celui qui réalise une tâche soit capable, lui-même 92, d'évaluer avec un relatif degré d'exactitude si elle a été exécutée de façon satisfaisante.

L'activité d'auto-évaluation se présente, le plus souvent, sous forme d'une liste 93 où l'élève doit cocher des items qui lui permettent d'émettre une hypothèse sur ce qu'il a fait.

L'évaluation formative peut prendre des formes diverses. Mais, foncièrement c'est une

évaluation intervenant, en principe, au terme de chaque tâche d'apprentissage et ayant pour objet d'informer élève et maître du degré de maîtrise atteint et, éventuellement, de découvrir où et en quoi un élève éprouve des difficultés d'apprentissage, en vue de lui proposer ou de lui faire découvrir des stratégies qui lui permettent de progresser. 94

C'est un mode d'évaluation dont l'objectif principal est donc la régulation du processus d'apprentissage. Il s'agit, essentiellement, d'un processus de rétroaction. En fournissant à l'élève, qui en est le principal destinataire, des informations sur ses progrès par rapport à un objectif déterminé, elle permet

d'intervenir dans le processus d'apprentissage pour infléchir les modalités de l'action en cours ;

de transformer les contenus d'apprentissage, de permettre à l'élève de transformer ou de varier ses méthodes et ses stratégies d'apprentissage ;

de décider des actions d'aide nécessaires ( soutien notionnel, aide méthodologique... ).

 

C'est toujours une évaluation qui permet à l'apprenant d'évaluer lui-même ce qu'il sait, ce qu'il ne sait pas, ce qui fait qu'il ne réussit pas et, en ce sens, elle est également un chemin vers l'auto-évaluation.

Faut-il préciser que l'évaluation formative consiste à fournir des informations, des appréciations sur le travail, les activités et les productions de l'élève ? C'est pourquoi elle est irréductible à un quelconque résultat chiffré.

4. Des situations d'entraînement

Les situations d'apprentissage sont des situations essentiellement ouvertes sur la réflexion des élèves, sur la formulation et la vérification d'hypothèses de travail.

Un apprentissage, pour se réaliser, nécessite également des activités d'entraînement, activités diversifiées, individualisées et, si possible, différenciées. C'est à ce stade du processus que les exercices trouvent toute leur place et leur utilité.

a. des situations différenciées

Pour différencier efficacement les situations, il convient naturellement de les élaborer en fonction des besoins identifiés des élèves - besoins qui découlent le plus souvent de la nature des obstacles rencontrés ; on peut également s'appuyer sur les différents paramètres de différenciation suggérés par P. MEIRIEU 95 :

les supports,

les modes de pensée,

le degré de guidage,

la gestion du temps,

l'insertion socio-affective.

 

Il faut, en outre, prendre en compte, autant que possible, les caractéristiques cognitives des élèves, dont voici les plus caractéristiques ( entre parenthèse, l'auteur qui les a plus particulièrement étudiées ) :

auditif / visuel ( A. de la GARANDERIE ),

dépendant / indépendant du champ ( M. HUTEAU ),

réflexif / impulsif ( J. KAGAN ),

centration sur la tâche / balayage ( J. BRUNER ),

accentuation / égalisation ( D. AUSUBEL ),

production / consommation ( J.-L. GOUZIEN ).

 

Il ne s'agit, bien évidemment, pas d'enfermer les élèves dans ces styles cognitifs - ou stratégies cognitives. Ils ne servent qu'à fournir des repères pour l'élaboration de situations de travail adaptées, et à proposer des activités suffisamment variées pour que tous puissent apprendre dans les meilleures conditions.

A l'occasion de ces situations d'entraînement, on aura utilement recours à toutes les ressources documentaires et « technologiques » disponibles ( en fonction des réalisations individuelles souhaitées : synthèses, schémas heuristiques, cartes conceptuelles, productions partielles ou complètes, recours aux technologies nouvelles de l'information et de la communication 96 dont Internet, etc. ).

b. des activités « guidées »

Il faut également fournir aux élèves impliqués dans une tâche complexe un « support » 97 qui est fonction de leur degré de maîtrise des compétences requises. Cette aide doit permettre de réduire le différentiel entre niveau d'habileté acquis et niveau à atteindre. Elle doit prendre en compte les difficultés, réelles, des élèves à déchiffrer correctement une situation problématique, à établir des liens pertinents, et les rendre attentifs au « danger » de chercher trop rapidement des solutions en faisant l'impasse sur la réflexion et l'analyse. Cette aide doit être, par nature, différenciée et diminuer au fur et à mesure que les élèves acquièrent des stratégies plus affermies de résolution de problèmes.

« Il faut étayer le développement d'un sujet, c'est-à-dire, en prenant appui sur les savoirs et savoir-faire qu'il a déjà acquis, prolonger son développement en mettant en place des situations interactives qui lui permettent de progresser. Puis il faut désétayer, c'est-à-dire lui permettre progressivement de toutes les aides qu'on lui a proposées, d'être suffisamment solide pour que de nouveaux dispositifs puissent s'appuyer sur ce qu'il vient d'acquérir et engager un nouveau progrès. 98 »

5. Des situations d'évaluation différées

Dans le cadre d'une séquence d'apprentissage, les pratiques de l'évaluation doivent elles-aussi être rigoureusement définies. Le modèle présenté ici s'inspire très largement des idées développées par Goéry DELACÔTE dans un ouvrage qui présente, entre autres, les thèses du courant contextualiste, en psychologie et en pédagogie, dans les pays anglo-saxons ( situated cognition et situated learning ) 99.

L'acte d'évaluation peut s'inscrire dans un triangle dont les sommets figurent les trois pôles entre lesquels s'affrontent le plus souvent les différentes conceptions, les différentes pratiques de l'évaluation.

 

fig. 8

 

Le RÉSULTAT de l'apprentissage est un produit ou un comportement qui montre ce que l'élève sait et sait faire au moment et dans les conditions où il est évalué. Il est, le plus souvent, un indicateur des apprentissages réalisés. Le jugement émis par l'évaluateur porte principalement sur la présence et la maîtrise de savoirs et de compétences et l'information évaluative produite sur ce résultat est de l'ordre de la réussite ou de la non-réussite en fonction des critères retenus.

La VALEUR du résultat de l'apprentissage est la traduction de ce résultat en note dont l'ambition est de s'inscrire dans un absolu étalonné : l'échelle de 0 à 20, ou toute autre échelle possible 100. L'information évaluative ne dit alors plus rien du produit évalué, des savoirs et des savoir-faire maîtrisés ou non, elle renvoie un jugement sur la qualité globale du travail accompli par l'élève. Donner une valeur au résultat d'un apprentissage est d'ailleurs une nécessité pour informer tous ceux qui ne sont pas présents dans la situation d'apprentissage ( parents, administration, société... ) et pour lesquels les informations sur la réussite ou la non-réussite des apprentissage ne sont pas des informations pertinentes, ou ne font pas partie d'un héritage socioculturel profondément et encore durablement partagé.

Les ACTIVITÉS MENTALES qui permettent les apprentissages et donc la mise en oeuvre des connaissances et des compétences forment le troisième pôle de cet ensemble. Il s'agit de tous les processus intellectuels, cognitifs, socio-cognitifs, culturels etc., qui, sans se manifester directement et de façon visible, sont pourtant indispensables à la réussite d'une tâche. L'information évaluative consiste, dans ce cas, à faire l'hypothèse, à partir du produit réalisé, de la mise en oeuvre d'opérations mentales dont seule la maîtrise permet d'atteindre le résultat attendu. Le jugement de l'évaluateur porte alors sur la mobilisation par l'apprenant de stratégies et de moyens d'apprentissage adaptés. La possibilité d'évaluer ces activités mentales, surtout celles de haut niveau, passe, bien entendu, également par la mise à distance métacognitive qui en est l'instrument privilégié. C'est ce que VYGOTSKY appelle « conscience après » , retour réflexif sur les réussites et les non-réussites pour en analyser les causes 101. Il est aisé de voir pourquoi ces trois pôles s'affrontent toujours dans la pratique de l'évaluation. C'est qu'ils ne répondent ni au même but, ni aux mêmes modalités.

Le pôle ACTIVITÉ et le pôle RÉSULTAT sont en interaction parce que l'un dit toujours quelque chose de l'autre ; et surtout parce que si l'objectif premier de l'enseignement devient la maîtrise des savoirs et des compétences relatifs aux différents domaines de connaissance, ainsi que leur transfert optimal dans de nouveaux domaines, alors le resserrement des liens entre ces deux pôles est une nécessité. En effet, un même résultat peut être obtenu par des stratégies différentes ( et c'est là le pari même de toute différenciation pédagogique ).

Par contre, il ne peut y avoir interaction entre le pôle RÉSULTAT et le pôle VALEUR puisqu'il s'agit d'une traduction de l'un dans le code particulier de l'autre. Une fois un produit traduit en note, lorsque la note reste la seule trace des apprentissages, il n'est plus possible de se faire une idée exacte de ce qu'était ce produit, il n'est plus possible d'y revenir. Seule subsiste la mesure.

Quant aux pôles VALEUR et ACTIVITÉS MENTALES, il est strictement impossible de les mettre en relation. Une note ne peut donner d'indication sur des processus mentaux. Il est même possible, en forçant quelque peu le trait, de considérer que certains résultats de moindre valeur peuvent être dus à la mobilisation par l'apprenant de processus cognitifs de haut niveau ( et ce sont précisément ceux que l'enseignement devrait chercher à développer ). En effet, il peut être plus facile de réussir une tâche en faisant appel à un apprentissage par cœur, ou même à un conditionnement 102, plutôt que par la mise en oeuvre de stratégies et d'opérations mentales plus élaborées mais actuellement moins maîtrisées. C'est d'ailleurs ce qui se passe lorsque ne sont évalués que des savoirs déclaratifs que les élèves sont capables d'énoncer mais incapables d'utiliser.

C'est, bien sûr, le pôle des activités mentales qu'il convient de privilégier dans un processus d'apprentissage. Cette évaluation formative peut alors s'appuyer, tout au long de la séquence, sur des tâches de révision, totale ou partielle, de la production initiale, au fur et à mesure enrichie grâce aux apprentissages réalisés.

On peut également conduire les élèves sur la voie du transfert des apprentissage ; on leur proposera alors une nouvelle production, inscrite cependant dans un contexte identique à celui qui a été déterminé dans la phase d'apprentissage, les autres paramètres pouvant par ailleurs varier ( situation de production, destinataire, thème… ).

Mais, dans tous les cas, ces évaluations doivent être différées dans le temps et non pas suivre immédiatement une activité d'apprentissage. En effet, si c'était le cas, l'évaluation porterait bien plus sur la mémoire immédiate des élèves que sur des apprentissages appropriés et consolidés.

6. La globalisation

On aura compris que, dans la présente modélisation d'une séquence, la demande institutionnelle de globalisation de l'enseignement est réalisée de facto. Les tâches complexes proposées aux élèves conduisent l'enseignant à couvrir tous les champs de sa matière, nécessairement. En outre, cette globalisation est « naturelle », et sera considérée comme telle par les élèves, puisqu'elle résulte des questions réelles qu'ils posent et ne se limite donc pas à un simple apport, dans un champ déterminée , de connaissances factuelles décontextualisées : l'analyse d'un point de grammaire, par exemple, trouvera sa justification dans la légitimité que lui confère la tâche dans laquelle on est impliqué, l'apprentissage des règles propres à un discours oral particulier également. Et si, d'aventure, tel ou tel axe d'un enseignement disciplinaire n'était pas couvert par un problème particulier, serait-ce d'ailleurs péché mortel ?

Ce type de globalisation de l'enseignement ne résulte donc pas d'un discours institutionnel qui « impose » que chaque séquence couvre tous les axes de l'enseignement d'une discipline et qui conduit souvent les enseignants à proposer des séances dont ils n'arrivent pas à justifier l'enchaînement : ainsi des séances d'apprentissage de l'oral, en français, qui, la plupart du temps, ne proposent rien en termes d'apprentissage parce qu'on se contente de mettre les élèves en « situation de parole ».

Bien sûr, la globalisation des apprentissages dans un contexte de résolution de problème ( de tâche complexe ) impose un autre mode d'intervention du professeur et surtout implique sa capacité à répondre immédiatement aux besoins qui émergent à l'occasion du travail des élèves.

7. Le temps dans les apprentissages

Dans l'appropriation et la consolidation des apprentissages, le temps joue un rôle déterminant. Le temps consacré à l'enseignement, le temps investi en classe par l'élève dans les tâches qui lui sont proposées, le temps consacré - et laissé - à la consolidation des apprentissages.

a. le temps de « l'enseignement » et celui de « l'apprentissage »

Il n'est pas rare, dans leur pratique quotidienne effective, que les professeurs occupent au maximum le terrain pédagogique. Ils « croient », en effet, qu'il leur faut fournir le plus d'informations possibles aux élèves pour qu'ils apprennent « bien » 103. C'est pourquoi le cours magistral 104 a encore de beaux jours devant lui. Si cette pratique trouve son origine dans un louable effort d' « outiller » au maximum les élèves sur le plan notionnel, elle néglige cependant la première des règles fondamentales de tout apprentissage : un contenu notionnel nouveau « profite » à celui qui en sait déjà beaucoup, il est « lisible » pour celui dont la structure cognitive est à même de l'agréger aux connaissances déjà acquises 105, un concept nouveau ne se transmet pas, il s'élabore et se construit par l'activité d'un sujet.

La classe devrait être, au contraire et le plus possible, un lieu d'activité véritablement « intellectuelle » pour les élèves. Le temps consacré à la réflexion, à la résolution de problème, à la construction de savoir dans et par les interactions, devrait occuper la majorité du temps scolaire. Ce temps d'apprentissage serait celui d'élèves actifs, impliqués dans des tâches complexes, non linéaires, et non seulement dans des exercices répétitifs, simples applications qui suivent le discours magistral.

b. le temps investi par les élèves

On le sait, dans les situations d'enseignement traditionnelles, il arrive souvent aux élèves de s'évader dans des « bulles » extra-scolaires, des activités rêveuses qui leur permettent de quitter, par la pensée, la salle de classe 106. On peut également noter que les élèves d'aujourd'hui, s'ils sont indéniablement plus informés, plus ouverts sur le monde, parfois plus « ouverts » que leurs aînés, ont aussi une attention bien plus « volatile ». La parole du professeur se déroule alors dans un silence mental qu'il est par ailleurs difficile d'évaluer, beaucoup d'élèves ayant appris à fort bien simuler une attention sans faille. Le temps de l'apprentissage devient un temps déserté. Si, par ailleurs, les élèves sont « attentifs » et prennent note de ce que dit le professeur, on s'aperçoit vite que leur technique, somme toute rudimentaire, de prise de notes 107 ne fait que renvoyer à plus tard le temps de la réflexion et de l'apprentissage.

Là encore, il faut faire le pari que les activités de résolution de problème se révèlent plus motivantes et mobilisent plus durablement l'attention et l'intérêt des élèves. Dans ce cas, le fait de s'abstraire, pour quelques instants, de la tâche à réaliser relèverait davantage des régulations normales, visibles dans tout travail de groupe.

On gagnerait beaucoup en efficacité du temps investi par les élèves dans les situations d'apprentissage si on leur donnait plus à réfléchir, à discuter, à décider de leurs actions au lieu d'exiger d'eux qu'ils écoutent, plus ou moins passivement, ce qu'on leur dit.

c. le temps de la consolidation

Il faudrait que l'école arrive enfin à ne pas évaluer les apprentissages alors qu'ils ne sont ni achevés, ni consolidés. On n'apprend pas en classe, sur l'instant. L'apprentissage nécessite une maturation plus ou moins longue, faite de progrès, de reculs, de sédimentation ( cf. fig. 9 ). Un apprentissage nouveau fait progresser l'élève, le conduit à une maîtrise supérieure, mais il est très fréquent qu'il s'accompagne aussi de phases régressives où l'apprenant a l'impression de « perdre » cette acquisition récente : elle reste, en effet, fragile 108 tant qu'elle n'est pas appropriée. Le coût de l'apprentissage est alors la « profondeur de la régression » et le temps de stagnation constaté avant un nouveau palier de progression.

fig. 9 : le coût de l'apprentissage

On considère qu'un apprentissage est consolidé lorsqu'il peut servir de point d'appui à un nouvel apprentissage. Le temps de la consolidation est donc un temps où il faut revenir sur l'objet de l'apprentissage, l'interroger, l'utiliser au cours de séances d'entraînement qui ne peuvent pas toutes avoir lieu en classe. Le temps investi par les élèves dans un travail véritablement personnel d'appropriation des compétences est l'un des garants de la solidité des apprentissages réalisés, mais ce travail ne peut être ni simplement un temps d'exercices d'application pure, ni surtout un temps consacré à apprendre « par cœur » des données vides de sens pour l'élève 109.

Il faut bien constater que l'école est bien souvent un lieu d'évaluation immédiate : évaluation en fin de cours qui n'évalue en fait que la qualité de la mémoire immédiate ( à court terme ) des élèves ; évaluation dite « sommative » trop hâtive où l'on ne fait la somme que des apprentissages « par cœur » 110 réalisées en vue de cette évaluation. A trop évaluer des compétences qui ne sont pas vraiment appropriées, on court un double risque : décourager ceux qui sont « en train d'apprendre » mais n'ont pas fini de le faire, participer à la fabrication d'élèves-« enregistreurs »" dont les « apprentissages » utilitaires s'effacent en se superposant.

 

A SUIVRE...

 

NOTES

1 Une situation d'«équilibre », au sens où l'entend Jean Piaget, certainement.     retour au texte

2 Dictionnaire Hachette Multimédia.     retour au texte

3 Il est vrai que le terme « unité » peut se révéler plus satisfaisant que tout autre en ce qu'il réfère à la fois aux notions d'ensemble, d'organisation, de cohérence, d'inscription dans une durée déterminée, d'élément appartenant à un ensemble plus large… Quant à la croyance, largement répandue, que parce que l'on utilise les mêmes « étiquettes » ( i.e. « mots » ), on parle nécessairement des mêmes « choses », cf., entre autres, FLAHAULT, F. : (1978), La parole intermédiaire, Editions du Seuil, pp.70 et sq., Comment le langage colle au réel, et BOURDIEU, P. : (1982), Ce que parler veut dire, L'économie des échanges linguistiques, Fayard.     retour au texte

4 BARBIER, J.-M., ss la dir. de : (1996), Introduction in Savoirs théoriques et savoirs d'action, P.U.F., p. 6.     retour au texte

5 Faut-il, à ce propos, comme Jean DESOLI dans son « incendiaire » pamphlet : (1997), Boulet rouge pour tableau noir, Syros, pp. 24 et sq., souligner, certes de manière excessive, « l'illettrisme pédagogique des enseignants », ou regretter que ce qui a trait, de près ou de loin, à la « théorie » se trouve si souvent rejeté, dans beaucoup de « salles des profs », au motif que ce qui est le plus nécessaire c'est de la « pratique », du « concret » ?     retour au texte

6 « Le « schéma narratif », disent les manuels. Qu'il ait été élaboré par Paul LARIVAILLE, en 1974, pour synthétiser les apports théoriques de l'analyse structurale des contes ( PROPP, GREIMAS, BREMOND… ), et des contes seulement, aucun n'en souffle mot. C'est ainsi que l'on a fait d'un outil d'analyse déterminé par et dans un contexte particulier, un outil d'analyse « universel », valable sub speciae aeternitatis. Mais que l'on s'entende bien ! Il n'entre nullement dans ce propos de remettre en cause l'utilité, la pertinence des « modèles » d'analyse en question. On plaide simplement pour leur utilisation raisonnée et raisonnable.     retour au texte

7 La plupart des manuels de français pour le lycée professionnel « posent problème ». En effet, ils ne sont pas avares en inexactitudes, opèrent trop souvent, au gré des a priori des auteurs, des choix « discutables » dans les « objets de savoir », les déforment, les « transposent » - pas toujours avec toute la rigueur didactique souhaitable. La notion d'apprentissage leur est particulièrement étrangère, mais il faut convenir que c'est la nature même du manuel qui ne permet pas de dépasser le mode expositif du type : 1. Ce qu'il faut savoir, 2. Exercices d'application.     retour au texte

8 Voir les programmes et leurs documents d'accompagnement sur EduSCOL à l'adresse http://www.eduscol.education.fr     retour au texte

9 Des élèves qu'il n'a, parfois, pas encore rencontrés au moment où il planifie les activités de travail, et dont il connaît donc mal le passé scolaire, les caractéristiques cognitives, les centres d'intérêt, etc.     retour au texte

10 Planches, diapositives, films, cd-roms non interactifs, etc.     retour au texte

11 Pour reprendre la métaphore cartésienne.     retour au texte

12 Pour les béhavioristes, le cerveau est une « boîte noire », nul espoir de savoir jamais ce qui s'y passe. On ne peut évaluer les savoirs d'un élève qu'à partir d'un « observable », ses réponses et/ou ses comportements.     retour au texte

13 Cette ardeur peut se lire, historiquement, dans les espoirs, et finalement les déconvenues, suscités par le « contrôle continu », avatar français des « curricula » élaborés par les « Instructrional Design Managers » anglo-saxons.     retour au texte

14 Bien entendu, dans la réalité des théories en questions, les choses sont plus nuancées. La présentation est intentionnellement très synthétique pour mettre en évidence les caractéristiques du « noyau dur » de ces modèles.     retour au texte

15 PIAGET, J. : (1979), La psychogenèse des connaissances et sa signification épistémologique, in Théories du langage, théories de l'apprentissage, Le Seuil, coll. Points, p. 53.     retour au texte

16 BACHELARD, G. : (1938), La Formation de l'esprit scientifique, Librairie philosophique J. Vrin, p. 18.     retour au texte

17 On en trouvera une excellente présentation générale dans l'ouvrage de BERTRAND, Y. : (1993), Théories contemporaines de l'éducation, Chroniques Sociales - réédité et augmenté depuis.     retour au texte

18 Un article d'A. GIORDAN, Les nouveaux modèles sur apprendre : pour dépasser le constructivisme ?, présente ce modèle ; il est consultable, sur le site du LDES, à l'adresse http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/giordan/LDES/infos/publi/articles/apprendre.html     retour au texte

19 cf. http://www.offratel.nc/magui/APVIR.HTM    retour au texte

20 L'article fondateur de J.S. BROWN, A. COLLINS & P. DUGUID, Cognition contextualisée et culture de l'apprendre, est disponible dans le section Pédagogie/Articles. On pourra lire également DELACÔTE, G. : (1996), Savoir apprendre, les nouvelles méthodes, Editions Odile Jacob, chap. 3 et 4.     retour au texte

21 voir la fiche de lecture de Sandrine TOGNOTTI sur le site de l'Unité TECFA de l'Université de Genève à l'adresse
 http://tecfa.unige.ch/~tognotti/staf15/pea.html     retour au texte

22 A. GIORDAN, Apprendre, une alchimie complexe, à l'adresse
 http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/act_educ/education/apprendre/commapprends_p1.html     retour au texte

23 Discours général, c'est-à-dire celui du Ministère ( programmes et Instructions Officielles ) ; discours particulier, celui de tel ou tel inspecteur de terrain qui « traduit » les I.O., ou celui des formateurs en I.U.F.M. par exemple.     retour au texte

24 On en trouvera des exemples dans les ressources pédagogiques proposées en ligne sur le site de l'Académie de Strasbourg à l'adresse http://www.ac-strasbourg.fr/visiteurs//pedago/lettres/index.cfm. Mais, pour être tout à fait exact, il faut reconnaître que même les Instructions Officielles montrent encore la diversité des influences conceptuelles qui les traversent.     retour au texte

25 Il est clair que ces choix théoriques concernent tout autant les domaines de la psychologie de l'apprentissage, de la pédagogie ou de la didactique générale que celui de la didactique de la discipline enseignée.     retour au texte

26 voir sur le site d'A. GIORDAN à l'adresse http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/giordan/LDES/rech/allostr/art3.html, l'article Le modèle allostérique et les théories contemporaines sur l'apprentissage. A. GIORDAN, dans cet article, est très critique par rapport à la psychologie constructiviste et cognitive. Ses critiques mériteraient à elles seules un examen approfondi. Même s'il remet en cause un certain nombre de fondements de la science cognitive, A. GIORDAN s'inscrit quand même dans le champ des théories qu'il discute.     retour au texte

27 Il faut, dans ce domaine, faire la part des orientations présentées par les Instructions Officielles, qui sont le « discours » de l'Institution sur les pratiques qu'elle souhaite favoriser ( discours qui n'est d'ailleurs pas toujours lui-même de la plus grande cohésion théorique ), et les pratiques réelles des enseignants en classe. De même qu'il convient de mesurer le nombre d'enseignants qui appliquent, tentent d'appliquer, ou peuvent appliquer, dans l'esprit ou à la lettre, les I.O. à leur pratique quotidienne.     retour au texte

28 A. GIORDAN, Le modèle allostérique et les théories contemporaines sur l'apprentissage, cf. note 26.     retour au texte

29 Distinguer nettement « enseignement » et « apprentissage », pour mettre l'accent sur le second processus, c'est également s'inscrire d'emblée dans le cadre des conceptions aujourd'hui dominantes dans la sphère de la réflexion sur l'apprentissage : les théories génétiques et cognitives.     retour au texte

30 Technologies de l'information et de la communication dont on conviendra qu'elles ne sont plus très nouvelles… si ce n'est dans leur intégration dans la classe - aussi abandonnerons-nous l'usage du sigle NTIC ! Quant à l' « invention » des TICE ( acronyme pour « technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement » ), elle relève de cette volonté de l'institution éducative, aussi systématique qu'insupportable, de s'approprier des « objets », des « outils » développés pour le « monde réel » et de les vider, en les « bricolant », de toute substance… En témoigne l'obsession du verrouillage des outils et des logiciels de la plupart des « responsables informatiques » ( on n'apprend pas aux élèves à utiliser Internet tel qu'il est, en en profitant pour faire œuvre véritablement éducative sur ses dangers très réels, mais on en verrouille les utilisations jusqu'à en faire un pâle ersatz - et cela fait d'ailleurs bien rire la plupart des élèves dont les compétences en informatique dépassent de très loin celles de leurs professeurs. Voir aussi la pauvreté - le terme est bien faible pour rendre compte de la réalité ! - des logiciels développés pour « l'enseignement ». On attend avec impatience les TICA ( technologies de l'information et de la communication pour… l'apprentissage ).     retour au texte

31 Voir l'article de David PERKINS, L'individu-plus, Une vision distribuée de la pensée et de l'apprentissage, in Revue Française de Pédagogie, n° 111, avril-juin 1995, pp. 57-71.     retour au texte     retour au texte

32 J'emprunte l'idée générale de ce scénario à ma collègue Rachelle MARX. Le « scénario » d'apprentissage est conçu en termes de projet pédagogique inscrit dans une pratique sociale déterminée. Cela permet à la fois de contextualiser véritablement et de finaliser l'ensemble de la séquence.     retour au texte

33 Qui n'est pas le simple « regroupement » d'élèves. La mise en place de ces activités exige, da la part du professeur, une connaissance approfondie des multiples dispositifs possibles, de leurs caractéristiques socio-cognitives, de leur gestion…     retour au texte

34 Ces principes sont issus de l'ouvrage de TARDIF, J. : (1992), Pour un enseignement stratégique, L'apport de la psychologie cognitive, Les Éditions Logiques, Montréal (Québec).     retour au texte

35 Voir également à ce sujet, la notion de « zone proximale de développement » élaborée par L. VYGOTSKY et l'article, sur Rezo Ø, de Jeremy ROSCHELLE, Apprendre dans des environnements interactifs : connaissances antérieures et nouvelle expérience.     retour au texte

36 A. GIORDAN, Le modèle allostérique et les théories contemporaines sur l'apprentissage, cf. note 26.     retour au texte

37 Cf. TARDIF, J. : op. cit., p. 47 sq. Consulter également, pour une approche un peu différente mais tout aussi utile, l'article de Robert BRIEN, Apport des sciences cognitives à la technologie éducative, à l'adresse http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/reveduc/html/vol1/no1/scco.html     retour au texte

38 TARDIF, J. : op. cit., p. 52.     retour au texte

39 Dans la pratique des « Ateliers de Raisonnement Logique » de Pierre HIGELE, Gérard HOMMAGE, Elisabeth PERRY nomment cette étape indispensable de l'apprentissage, une « séance de socialisation ».     retour au texte

40 C'est ainsi que le définissent ASTOLFI et MEIRIEU. Cf. ASTOLFI, J.-P. : (1992), L'école pour apprendre, ESF Editeur et MEIRIEU, P. : (1987, 1ère éd.), Apprendre… oui, mais comment, ESF Editeur.     retour au texte

41 POPPER, K. : (1979), La Connaissance objective, chap. VII, pp. 387-388.     retour au texte

42 Souvent, les éléments présentés aux élèves en cours de séquence ont nécessité une longue réflexion du professeur : il les a sélectionnés en fonction de ses connaissances, de ses présupposés, de ses propres hypothèses de travail. Le « travail » demandé aux élèves relève alors plus de la validation de ces hypothèses professorales que d'une « démarche inductive » au sens strict, en ce sens qu'il lui faut, pour réussir, inscrire toute sa réflexion dans le cadre ouvert par les hypothèses en question. Ses réponses seront « justes » ou « fausses » selon qu'elles entrent, ou non, dans ce cadre.     retour au texte

43 C'est, en effet, un autre problème.     retour au texte

44 A. GIORDAN, Le modèle allostérique et les théories contemporaines sur l'apprentissage, cf. note 26.     retour au texte

45 Mais pas exclusivement. On pourra lire les ouvrages des théoriciens de « la complexité », notamment Edgar MORIN ( la série La Méthode, parue au Seuil dans la collection Points ) ou encore Le MOIGNE, J.-L., : (1994), Le constructivisme, t. 1, des fondements, ESF Editeur, coll. Communication et Complexité, pp. 217 sq.     retour au texte

46 Rappelons, encore une fois, que le non-choix est, en lui-même, un choix. Il conduit à travailler à partir des options les plus traditionnelles, celles qui semblent relever du « bon sens »… pédagogique ! : le savoir existe indépendamment du sujet, le savoir peut se transmettre, l'esprit est un réceptacle vide qu'il faut remplir, si l'élève n'a pas compris il doit travailler chez lui et « apprendre » sa leçon, etc.    retour au texte

47 Voir, entre autres, ALLÈGRE, C. : (1987), Les Fureurs de la terre, Editions Odile Jacob, coll. Points, qui donne de nombreux exemples, dans le domaine des sciences de la terre, de constructions théoriques qui contredisent l'observation pure. On peut s'intéresser également, sur le site de l'Université de Genève, aux travaux de Francine PELLAUD sur les « expériences contre-intuitives », cf.
 http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/giordan/LDES/rech/experim/exp.contrint.html     retour au texte

48 JOHSUA, S. & DUPIN, J.-J. : (1991), Démarches de modélisation et interactions sociales en classe : un exemple en physique, in Après Vygotski et Piaget, Perspectives sociale et constructiviste. Ecoles russe et occidentale, De Boeck Université, p. 70.     retour au texte

49 Ce qui s'avère exact, par ailleurs. Mais cette réelle « perte de temps » est garante de la solidité des apprentissages. Elle est donc nécessaire. Les connaissances construites sont autre chose qu'un stockage « inerte » d'information.     retour au texte

50 Une séance initiale de la séquence d'apprentissage doit partir de cet énoncé « minimal » ; les restrictions - thématiques, chronologiques, etc., seront introduites ultérieurement.     retour au texte

51 FABRE, M. : (1999), Situations-problèmes et savoir scolaire, PUF, pp.193-194.     retour au texte

52 Le contenu des programmes, c'est-à-dire ce qui constitue la « commande » institutionnelle, ne le permet cependant pas toujours.     retour au texte

53 Pour la notion de « pratique sociale de référence » voir MARTINAND, J.-L. : (1986), Connaître et transformer la matière, Peter Lang, Berne et DEVELAY, M. : (1992), De l'apprentissage à l'enseignement, ESF Editeur, pp. 22 sq.     retour au texte

54 La notion d'habitus a été théorisée par Pierre BOURDIEU, notamment. Un habitus est un « […] acquis qui va fonctionner comme une nature, une propriété acquise dans la famille par l'apprentissage, par toutes les actions de socialisation, d'éducation, une sorte de système de dispositions, de manière d'être permanentes, de goûts, de préférences, etc. qui oriente […] notre perception des autres, notre perception des nourritures, nos choix… », P. BOURDIEU (1983), Conférence dont le texte est disponible à l'adresse http://www.remue.net/cont/bourdieu02.html     retour au texte

55 COLLINS, A., BROWN, J.S. & DUGUID, P. : (1989), Situated cognition and the culture of learning, Educational Researcher, vol. 18 n°1, pp. 32-42 - traduit avec l'aimable autorisation des auteurs sur ce site : Cognition contextualisée et culture de l'apprendre.     retour au texte

56 cf. également 4. Analyse par objectifs et pédagogie de maîtrise.     retour au texte

57 GILLET, P. ( Ed. ) : (1991), Construire la formation : Outils pour les enseignants et les formateurs, p. 69. Mais le débat sur la définition de la notion de « compétence » reste ouvert, voir notamment DOLZ, J. & OLLAGNIER, E. Eds : (2000), L'énigme de la compétence en éducation, Revue Raisons alternatives, De Boeck Université et PERRENOUD, P. : (1997), Construire des compétences dès l'école, ESF Editeur.     retour au texte

58 D'après ALLAL, L., Acquisition et évaluation des compétences en situation scolaire, in DOLZ, J. & OLLAGNIER, E. Eds : (2000), op. cit., pp. 77 sq.    retour au texte

59 PERRENOUD, P. : (1997), op. cit., p. 65.     retour au texte

60 « La formation de compétences exige une petite « révolution culturelle », pour passer d'une logique de l'enseignement à une logique de l'entraînement ( coaching ) sur la base d'un postulat assez simple : les compétences se construisent en s'exerçant face à des situations d'emblée complexes. » P. PERRENOUD : (1997), op. cit., p. 71.     retour au texte

61 On peut se référer notamment à

RICHARD, J.-F. : (1990), Les activités mentales : comprendre, raisonner, trouver des solutions, Armand Colin ;
BASTIEN, C. : (1997), Les connaissances de l'enfant à l'adulte, Armand Colin ;
GAONAC'H, D. & GOLDER, C. ( ss. la dir. de ) : (1995), Manuel de psychologie pour l'enseignement, Hachette Education, coll. Profession Enseignant ;
GOLDER, C. & GAONAC'H, D. : (1998), Lire et comprendre, Psychologie de la lecture, Hachette Education, coll. Profession Enseignant ;
GOLDER, C. : (1996), Le développement des discours argumentatifs, Delachaux & Niestlé ;
PIOLAT, A. & PELISSIER, A. : (1998), La rédaction de textes, approche cognitive, ,Delachaux & Niestlé.     retour au texte

62 HAYES, J. R. : (1996), Un nouveau cadre pour intégrer cognition et affect dans la rédaction, in PIOLAT, A. & PELISSIER, A. : (1998), op. cit., p. 75.     retour au texte

63 Pour une typologie des obstacles cognitifs, voir BROUSSEAU, G. : (1989), Les obstacles épistémologiques et la didactique des mathématiques, in BEDNARZ, N. & GARNIER, C. ( ss la dir. de ) : (1989), Construction des savoirs, obstacles et conflits, CIRADE, p. 43. Voir également, sur ce site, Les obstacles cognitifs.    retour au texte

64 Le monde « réel » et le monde « mis en texte » ne se recouvrent pas exactement. Les connaissances du lecteur sur le monde « réel », qui est cependant lui aussi une construction cognitive et culturelle, peuvent générer des obstacles cognitifs à l'appréhension du « monde possible » du texte. A ce propos, voir ECO, U. : (1979, rééd. 1985), Lector in fabula, chap. 8, Structures de mondes, Le Livre de Poche, coll. Biblio essais, pp.157 sq.     retour au texte

65 André GIORDAN, op. cit., cf. note 26.     retour au texte

66 HOUSSAYE, J. : (1988), Le triangle pédagogique, Peter Lang.    retour au texte

67 André GIORDAN, ibid.     retour au texte

68 On a d'ailleurs fait aux béhavioristes, et à B.F. SKINNER en particulier, de féroces critiques, dont la plupart reposent, d'après M. RICHELLE ( 1977, B.F. SKINNER ou le péril béhavioriste, Mardaga ), sur des malentendus. En effet, nul plus que SKINNER n'a été soucieux d'individualiser l'enseignement, de l'adapter aux particularités de chaque élève, et la plupart de ses critiques de l'enseignement « traditionnel » restent d'actualité.     retour au texte

69 Faisons, en effet, l'hypothèse que, dans le système éducatif français tel qu'il est conçu, ces voies n'ont pas été véritablement « explorées ». La formation des enseignants repose principalement sur la maîtrise des contenus : un « bon » enseignant est celui qui maîtrise le « mieux » sa matière, i .e. celui qui en « sait » le plus. Le reste est laissé au « talent » pédagogique de chacun. En d'autres termes, il n'y a pas, en France, de formation initiale des enseignants, notamment ceux du second degré, qui les familiarise avec les courants et les méthodes pédagogiques dont, à tout le moins, la connaissance de leur existence ( niveau 1 de la taxonomie de BLOOM ! ) pourrait se révéler utile. De Comenius à J. Bruner, de J.H. Pestalozzi à D. Perkins ( entre autres ), n'y aurait-il donc « rien » qu'un enseignant doive savoir dans ce domaine ?     retour au texte

70 Il convient de rappeler que nulle part, dans les travaux des béhavioristes, il n'est question d'une quelconque « pédagogie par objectifs » dont, dès l'introduction de ces idées dans la sphère européenne, Daniel HAMELINE avait souligné avec force qu'elle n'existait pas ( HAMELINE, D. : (), Les objectifs pédagogiques, ESF Editeur ). L'analyse par objectifs (n')est (qu')une « technique » qui permet, ultérieurement, avec d'autres outils conceptuels, de définir des situations pédagogiques d'acquisition de compétences, et de les ordonner dans une séquence d'apprentissage cohérente.    retour au texte

71 Modèle qui est à l'origine de la mise au point du dispositif GEREX-Soutien par François CHIRIVELLA. On trouvera un développement très complet autour de ces questions dans MINDER, M. : (1996, 7ème édition), Didactique fonctionnelle, De Boeck Université.     retour au texte

72 Voir notamment BLOOM, B.S. : (1979), Caractéristiques individuelles et apprentissages scolaires, Labor/Nathan et HUBERMANN, M. ( ss la dir. de ) : (1988), Assurer la réussite des apprentissages scolaires ? Les propositions de la pédagogie de maîtrise, Delachaux & Niestlé.     retour au texte

73 B.S. BLOOM, op. cit., p. 15-16.     retour au texte

74 On peut traduire cela d'une autre manière : en cours de séquence, ce sont les élèves qui doivent travailler le plus et non leur enseignant.    retour au texte

75 Pour prévoir ces travaux supplémentaires, l'enseignant gagne à avoir une idée claire des obstacles à l'apprentissage et de la typologie des erreurs qu'une tâche peut générer ( cf. 3. La détermination des obstacles à l'apprentissage ).     retour au texte

76 C'est un point crucial. En effet, s'il n'est pas possible de proposer une tâche qui ne mette en jeu que ces seules compétences, il est cependant impératif de n'évaluer qu'elles, sur des critères précis. A défaut, on évaluerait des compétences dont la maîtrise n'était pas requise, et l'ensemble du processus d'évaluation sommative en serait alors affecté. C'est ce qui arrive d'ailleurs à nombre d'élèves qui « échouent » parce que sont évaluées des compétences qui n'ont pas à entrer dans la « somme » des apprentissages requis. On peut naturellement penser, au premier chef, à l'orthographe et à la syntaxe, dont la non-maîtrise surdétermine les résultats de la plupart des élèves en français.     retour au texte

77 Il faut veiller à ne pas donner à ce terme une connotation « médicale », qu'il n'a pas ( soutenir le contraire relève du procès d'intention ). En effet, de la même manière que la notion de remédiation ne devrait pas renvoyer à un hypothétique « remède » mais plutôt, suivant en cela aussi les enseignements de Vygotsky, à une re-« médiation », un diagnostic ne doit être qu'une évaluation initiale pour collecter un certain nombre d'informations utiles.     retour au texte

78 Il faut rappeler avec force que l'école est un lieu où l'erreur doit être dédramatisée et même légitimée. Or, la plupart des élèves croient que la salle de classe est un lieu où il ne faut dire que des choses exactes : bien des sollicitations et des commentaires installent durablement cette conviction et expliquent, pour une large part, le mutisme obstiné d'élèves à qui on n'a jamais expliqué que l'erreur est « normale ». Elle doit devenir non pas une « faute » mais le « signe » d'un apprentissage nécessaire et c'est en s'appuyant sur le type d'erreurs commises, en les analysant que l'on peut le mieux préparer le chemin de l'apprentissage. Voir, sur cette question, ASTOLFI, J.-P. : (2001), L'erreur, un outil pour enseigner, ESF Editeur, coll.     retour au texte

79 Le « temps » notamment, dont les enseignants manquent toujours.     retour au texte

80 C'est une technique assez difficile à mettre en œuvre par des enseignants débutants. Qu'ils se rassurent en se disant qu'on ne peut tout apprendre en même temps et que, l'expérience aidant, il leur sera de moins en moins difficile d'anticiper ce qui « prend corps » dans une salle de classe.     retour au texte

81 Une des solutions actuellement privilégiée est l'entrée par la typologie des discours ( on confond souvent, par ailleurs, dans les programmes et dans les manuels, types et genres de textes, modes de réalisation textuelle - cf. le texte poétique, le texte dialogal, le texte théâtral, etc. ).    retour au texte

82 GIORDAN, A. : (2002), Une autre école pour nos enfants ?, Delagrave.     retour au texte

83 Cf. POIRIER-PROULX, L. : (1999), La résolution de problèmes en enseignement, cadre référentiel et outils de formation, De Boeck Université.     retour au texte

84 Impossible, évidemment, dans le cadre de cet article, de développer la notion de « situation-problème ». On se référera à l'ouvrage de référence de Michel FABRE : (1999), op. cit.     retour au texte

85 On trouvera, dans la littérature anglo-saxonne, des développements considérables sur cette démarche, nommée « problem-based learning ».     retour au texte

86 On peut, bien entendu, parler également d'apprentissage par « projet ».     retour au texte

87 Il faudra veiller à la détermination des apprentissages à réaliser par tous, ce que MEIRIEU appelle les « socles » de compétences, et ceux qui pourraient être différenciés : des apprentissages proposés à ceux qui ne maîtrisent pas certains pré-requis, ou encore des approfondissements pour les élèves qui le peuvent et/ou le souhaitent.     retour au texte

88 Cette phase se réalise en liaison avec la suivante et associe donc ce que le courant contextualiste nomme « modelage " et « articulation " des apprentissages.     retour au texte

89 On peut se référer à l'ouvrage récent de MEIRIEU, P. & : ( ), La métacognition dans la classe, ESF Éditeur.     retour au texte

90 Pour un développement du concept d'évaluation, cf. page 30 : 4. Des situations d'évaluation différées.     retour au texte

91 Cf. TARDIF, J. : (1998), Intégrer les nouvelles technologies de l'information, Quel cadre pédagogique ?, pp. 80 et sq.     retour au texte

92 La plupart des élèves « croient " - et c'est là un apprentissage bien ancré - que seul un professeur est en mesure d'évaluer leur travail. En fait, trop souvent ils se « déchargent " de cette tâche sur l'enseignant et cela accentue parfois leur sentiment que l'évaluation est « aléatoire ".     retour au texte

93 On trouvera de nombreux exemples dans PERRETTI de, A. : (), Recueil d'évaluation formative     retour au texte

94 LANDSHEERE, G. de : (1992), Dictionnaire de l'évaluation et de la recherche en éducation, Presses Universitaires de France, 2ème édition revue et augmentée, p. 125.     retour au texte

95 Dans Apprendre… oui, mais comment, ESF Editeur ( cet ouvrage a connu de constantes rééditions ).     retour au texte

96 TIC ( ou NTIC ) et non pas TICE ( Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement ). Ici, comme dans la plupart des cas, l'Education Nationale annexe des outils existants en les « adaptant " à ses présupposés, mais sans raisons particulières le plus souvent. Ainsi, par exemple, en est-il d'Internet et de l'outil informatique en général. On verrouille, on bride, on interdit l'accès à des ressources et à des fonctions au lieu d'apprendre aux élèves à se servir de l'outil tel qu'il est utilisé dans des situations authentiques ! Au lieu de faire de l'utilisation d'Internet une occasion d'apprentissages réels et citoyens, on propose aux élèves, le plus souvent rigolards parce que plus doués que les enseignants en matière de « hacking " et de « cracking ", un pâle « ersatz ".     retour au texte

97 Jérôme BRUNER, suivi en cela par P. MEIRIEU et M. DEVELAY, appelle ce " support " un étayage ; les contextualistes ( cf. note 20 ) l'appellent " scaffolding ", c'est-à-dire " échafaudage ".     retour au texte

98 MEIRIEU, P. & DEVELAY, M. : (1992), Emile, reviens vite… ils sont devenus fous, ESF Editeur, pp. 117-118.     retour au texte

99 DELACÔTE, G. : (1996), op. cit.     retour au texte

100 Une note de 0 à 20, une échelle réduite de 1 à 5, une échelle étendue par la prise en compte de ½ ou de ¼ de points, des lettres A, B, C... etc.     retour au texte

101 VYGOTSKY, L.S. : (1997), Pensée et langage, La Découverte.     retour au texte

102 Exercice d'automatisation d'un savoir ( ex. apprentissage par cœur des tables de multiplication ), d'un geste ( ex. tour de main professionnel ) ou d'une procédure ( ex. effectuer une règle de trois ). C'est ce que les psychologues appellent un drill, par opposition à un skill, habileté centrée sur une tâche. Cf. G. de LANDSHEERE, op. cit., p. 84.     retour au texte

103 Malheureusement, il n'est pas rare, non plus, que l'évaluation de ce " bien " apprendre passe par la restitution pure et simple du " discours " magistral.     retour au texte

104 Et ce n'est pas parce que le professeur s'arrêterait deux ou trois fois dans sa phrase pour laisser les élèves " deviner " tel ou tel mot qu'il se situerait dans une autre perspective. Ce qu'on appelle le " frontal dialogué " reste centré sur celui qui est… " au front " !     retour au texte

105 Et donc " transparent ", ou vide de sens, aux autres.     retour au texte

106 Et cela dans le meilleur des cas. Il arrive aussi que les élèves, au lieu de s'évader mentalement, marquent fortement leur présence - et leur souhait de quitter la situation imposée par le professeur, par des manifestations plus bruyantes et plus perturbantes.     retour au texte

107 Parce que, très bizarrement, on ne leur a jamais véritablement appris à le faire. Prendre des notes va bien au-delà du fait de les prendre vite en pratiquant quelques abréviations.     retour au texte

108 On voit fort bien ce processus à l'œuvre dans les acquisitions qui relèvent du domaine sportif : un nouveau geste est appris qui permet de progresser, et il faut le temps de son intégration, souvent de son automatisation, pour que les progrès soient consolidés.     retour au texte

109 Je connais fort bien une jeune fille dont les notes ( excellentes ! ) de version latine ne sont dues qu'à un tel type d'apprentissage. Est-il nécessaire de signaler que, par ailleurs, elle avoue ne rien comprendre au latin ?     retour au texte

110 Un " par cœur " d'ailleurs lui-même très volatil : il est, en effet, utilitaire, et ne sert que pour l'interrogation ou le devoir ; il n'est que peu réactivé et donc rapidement oublié.     retour au texte


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