Hikma n°118 :
"Il t'a ordonné qu'en cette demeure tu médites sur
Ses créations; dans l'autre demeure, Il dévoilera pour toi la perfection de Son
essence."
Commentaire :
Il t'a ordonné dans cette demeure de le voir à travers Ses
créations car tu ne peux pas voir la vérité de Sa sainte essence sans passer
par une chose intermédiaire. Le prophète Moussa, que la paix soit sur lui, a
demandé de le voir, mais, par Sa grande sagesse, Dieu a voilé les secrets de Sa
divinité par les lumières de celle-ci. S'il se montre dans le costume de Sa
grandeur, l'accession sera réalisée et le cheminement s'arrêtera. Or, le
cheminement dans les secrets de l'essence ne se fait qu'à travers la méditation
sur les lumières des qualités et ne s'interrompt jamais dans les deux mondes. Si dans cette
demeure le sens concret (tout ce qu'on peut toucher ou sentir) est plus
important que le sens abstrait, la sagesse est apparente et le pouvoir est
caché, alors, dans l'autre demeure, au contraire, le sens abstrait est plus
important que le sens concret, le pouvoir est apparent et la vérité de
l'essence se dévoile beaucoup plus que dans ce monde.
Ceci est du point de vue des gens de Dieu et des
connaisseurs. Quant aux gens du commun, ils ne perçoivent que le sens concret
dans cette demeure et dans l'autre.
L'apparition de l'essence est de deux sortes: la première
est qu'elle peut être à travers des choses denses dont l'apparent est une
obscurité et le caché est une lumière, l'apparent est une sagesse et le caché
est un pouvoir, l'apparent est concret et le caché est abstrait. C'est
l'apparition de l'essence dans cette vie d'ici-bas. La deuxième est qu'elle
peut être à travers des choses délicates et lumineuses dont l'apparent est une
lumière et le caché est une lumière, l'apparent est un pouvoir et le caché est
une sagesse, l'apparent est abstrait et le caché est concret. C'est
l'apparition de l'essence dans l'au-delà.
Les connaisseurs qui ont réalisé la contemplation et la
connaissance dans ce monde et dans l'autre, rien ne les voile de Dieu et ils
sont en permanence dans le regard, le bonheur, la beauté et la satisfaction,
car s'Il s'est fait connaître à eux dans ce monde, Il ne se voilera pas dans
l'autre monde. L'homme meurt dans l'état où il a vécu et est ressuscité dans
l'état où il est mort contrairement aux gens du commun. Car si ceux-là ont été
voilés dans cette vie, ils se cacheront dans l'autre vie pour ne pas voir leur
seigneur sauf pendant un moment précis, sur un aspect précis.
Ibn Al-arabi Al-hatimi a écrit à l'Imam Ar-razi en lui
disant: viens, et nous te ferons connaître Dieu aujourd'hui, avant ta mort.
Car, quand Dieu apparaîtra à Ses serviteurs, tu Le nieras et tu ne Le
reconnaîtras pas.
Le Chaykh Abou Mohammad Al-qadiri Al-jilani, que Dieu
l'agrée, a été interrogé au sujet d'un homme qui prétendait voir Dieu avec ses
yeux. Le Chaykh l'a convoqué pour s'expliquer. L'homme lui a dit: oui, c'est
vrai. Alors Le chaykh l'a grondé et l'a défendu de répéter une telle chose.
Puis on a demandé au Chaykh si cet homme avait raison ou pas et il a répondu:
il a raison mais il est dans la confusion, car il a vu avec l'œil de son cœur
(al-bassira) la lumière de la beauté et cette lumière a transpercé l'œil de son
cœur pour arriver à son œil physique. Alors son œil physique a vu l'œil de son
cœur dont le rayon est lié à la lumière de la vision de Dieu. Il a cru qu'il
avait vu ce que voyait l'œil de son cœur alors que son œil physique a seulement
vu l'œil de son cœur.
Le sens de tout cela est que tant que l'âme est voilée par
le caractère physique (corporel), la vision reste attachée à la vue physique et
on ne perçoit que le sens concret. Et si le spirituel domine le corporel alors
la vision est attachée à l'œil du cœur (al-bassira) et l'œil physique ne
perçoit que les sens abstraits que percevait l'œil du cœur.