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La tempéra : technique

SUPPORT

ENCOLLAGE

MAROUFLAGE

ENDUIT

PEINTURE

VERNIS

 LE SUPPORT

La tempera nécessite un support rigide, en effet, le séchage et le durcissement prolongé lui apporte solidité et insolubilité mais en contrepartie le feuil, c’est à dire la couche picturale, devient dans le temps très dur et donc très cassant. De tout temps le support presque exclusif fut le panneau de bois. Les panneaux d’un seul tenant c’est à dire d’une seule planche pour les petits formats furent dès l’origine constitués d’assemblages de plusieurs morceaux de bois dès que la taille le nécessitait.

Actuellement l’industrie nous fournit des matériaux certainement plus stables que les planches  de bois que l’on trouve dans le commerce, ce bois mal débité et séché en étuve n’étant pas utilisable. Il vaut mieux écarter également  les agglomérés  qui ne présentent pas des caractères de vieillissement durable en fonction des colles utilisées. Certains contreplaqués ainsi que les panneaux lattés nous donnent des supports relativement stables, légers et peu déformables où l’on peut en fonction de la taille choisie définir une épaisseur appropriée : de douze à quinze millimètres d’épaisseur en moyenne. Il est également toujours plus intéressant de prendre des références marines dont les colles sont  de qualité nettement   supérieure. Les panneaux lattés sont en réalité des lattes collées en sandwich entre deux couches de placage, on  en trouve de qualités différentes suivant le bois utilisé : okoumé, pin ou chêne, je n’ai pas vu de différences essentielles entre ces différentes essences, et l’okoumé est généralement suffisant.

LA PREPARATION DU PANNEAU

Une fois le panneau brut débité à la forme et à la taille convenue un simple rebouchage des imperfections des faces et des tranches avec un enduit reboucheur courant du commerce est nécessaire. En effet il peut arriver qu’entre  des lattes des trous apparaissent ainsi que des défauts de surface, plus rares cependant. Après séchage de l’enduit un ponçage de celui-ci est indispensable. Il faut également passer un coup de papier de verre sur les arêtes du panneau pour enlever les échardes et les petites bavures des traits de scie. Par contre il n’est pas utile de poncer les faces, au contraire il faut les laisser brutes pour une meilleure adhérence des colles, à part les endroits rebouchés qui doivent être aplani au même niveau que le reste de la surface par ponçage. La planche est à présent prête pour l’étape suivante.

  

L’ENCOLLAGE

La deuxième opération sera donc l’encollage, celle-ci consiste à passer trois couches de colle sur les deux faces sans oublier à chaque fois les tranches. Le but de cette opération est de boucher les pores du bois mais également de préparer l’étape du marouflage tout en le protégeant des attaques des insectes et de l’humidité. La colle que j’utilise à cet effet est une colle de caséine, facile à préparer soi-même, je l’utiliserai également pour le marouflage. Elle a l’avantage sur les colles de peau de se travailler à froid tout en devenant totalement insoluble à l’eau après séchage donc insensible à l’humidité.

Il existe de nombreuses variantes dans les recettes mais celle qui suit me donne toutes satisfactions depuis longtemps déjà et est très simple quant à sa fabrication. Un grand récipient, une bonne balance, une spatule en bois et un tamis sont les outils nécessaires à sa mise en œuvre.

En voici les proportions :      Caséine                         100 grammes

                                                 Eau                               1 litre

                                                 Ammoniaque               30 grammes

                                                 Glycérine                     30 grammes

                                                 Essence de mirbane    24 grammes

Et en voici sa préparation

.La dernière étape  consiste a intégrer à la colle ainsi préparée un antiseptique en l’occurrence de l’essence de mirbane ou nitrobenzène à l’odeur agréable d’amande amère mais particulièrement nocif et cancérigène. Il faut éviter absolument de le respirer et travailler dans un local  bien ventilé.

La proportion à respecter et de deux grammes d’essence pour cent grammes de colle qu’il faut rajouter en fin de préparation.

La quantité indispensable de colle pour préparer un mètre carré de panneaux pour les trois premières opérations, c’est à dire encollage, marouflage et ré encollage est une préparation à base de150 à 175 grammes de caséine. Il n’est pas utile d’en fabriquer plus elle serait de toutes manières perdue. Les couches se passent avec un large spalter en alternant face avant et face arrière , sans oublier à chaque fois une couche sur la tranche. Il faut de plus laisser sécher les panneaux à l’ombre, jamais en plein soleil pour éviter les gauchissements. Le séchage est relativement rapide et la colle parfaitement dure nous pouvons passer à la suite.

Le tamis est utile que si la colle présente des grumeaux ce qui est rare avec les caséines de bonnes qualités. On trouve également dans le commerce des caséines toutes prêtes où seule l’eau est à rajouter voire même des préparations déjà liquides. J’ai testé ces produits ils offrent toutes les qualités nécessaires à un travail correct.

  

 LE MAROUFLAGE


Le marouflage consiste à l’entoilage des panneaux, cette opération évitera par la suite l’apparition de

fissures voire de fentes dans ceux-ci.

Une toile de lin, fine et non apprêtée, ni recouverte d’enduit est le meilleur des matériaux. On en trouve de fort bonne qualité dans les magasins de tissus et souvent à des prix très inférieurs à ceux pratiqués par les marchands de matériel de beaux-arts. J’ai réalisé des marouflages avec des toiles de lin écrues et d’autres blanchies, il n’y a pas de différences notables si ce n’est qu’avec des toiles blanchies on arrive plus rapidement, avec moins de couches d’enduit, à un blanc satisfaisant. On peut, de toute manière, si l’on désire conserver le grain du tissage de la toile utiliser un tissu plus épais et grossier qui restera apparent au travers des couches successives d’enduit. Pour décatir la toile de lin il est nécessaire de la faire tremper une nuit dans un bain de cristaux de soude  suivi d’un rinçage approfondi.

Il faut donc couper les morceaux de toile trois ou quatre centimètres plus grand que les panneaux. L’opération du marouflage n’est pas si délicate si l’on procède par ordre :

-Poser sur le panneau une bonne couche de colle.

-Encoller largement une face de la toile qui doit être totalement imprégnée.

-Poser le côté encollé de la toile sur le bois et à l’aide d’une spatule en bois ou en plastique éliminer toutes les bulles emprisonnées en progressant du centre du panneau vers les bords, en essayant de garder au maximum la chaîne et la trame perpendiculaires dans le tissu et bien parallèles aux bords du panneau. La toile à ce moment ne doit plus présenter de plis, de bulles ni de défauts.

-Repasser de suite une couche de colle sur la toile en étant généreux vers les bords qui ont souvent tendance à sécher plus vite que le centre du panneau.

Une fois la colle bien sèche à l’aide d’un cutter il faut couper rive le bord la toile de lin qui déborde puis repasser trois couches de colle sur la surface. Dernière étape avant la pose de l’enduit il est nécessaire de poncer la surface avec un disque très fin pour éliminer tous les défauts

 L’ENDUIT

Cette planche marouflée n’est pas encore prête pour la peinture, il faut à présent finir d’obturer les petits trous subsistants  entre les fils de la toile et surtout l’amener  à un blanc qui va permettre aux couleurs  de trouver leur luminosité par transparence. Pour cette opération les colles de peau me semblent préférables.

La recette de l’enduit est simple, elle est de dix grammes de colle pour cent grammes d’eau, mélange auquel nous rajouterons les pigments blancs. Cette proportion de colle est néanmoins une moyenne et suivant le résultat que l’on désire obtenir on pourra la varier dans une fourchette raisonnable entre huit et douze grammes pour cent grammes d’eau.

Quant aux pigments que l’on va lui adjoindre ils sont en général blanc mais rien ne nous empêche de les colorer différemment, les couleurs de ces enduits ont variés durant le temps passant du blanc au gris voire au rouge. Il faut toutefois manier ces fonds colorées avec une extrême prudence, car dans la vie du panneau ils peuvent un jour ou l’autre remonter c’est à dire réapparaître et transformer les harmonies choisies par le peintre.

Nous  nous concentrerons donc essentiellement sur les pigments blancs. Ils peuvent-être de plusieurs natures : plâtre, lithopone, craie ou autres.

  

 LA PEINTURE

La première étape consiste à reporter son dessin, sa composition sur la surface au crayon puis de repasser à l’encre de chine celui-ci et enfin de gommer toutes les traces inutiles. La tempera est souvent réalisée de couches transparentes et des traces de crayon pourraient apparaître au travers des couleurs les plus claires, le ciel en particulier.

Si la surface est trop lisse, les anciens la voulaient comme un marbre poli, il sera nécessaire de poser une première couche adhérente qui empêchera la peinture à tempera de perler sur le panneau. Pour ce faire il suffit de passer une seule couche de jus d’oignon sur son dessin, une fois sèche nous pourrons continuer.

Recette : Jus d’oignon un tiers, eau deux tiers.

Préparation : Broyer finement l’oignon, en extraire le jus à l’aide d’une passoire, rajouter l’eau et filtrer. La préparation est prête. Pour le filtrage un filtre type filtre à café n’est pas utile, un simple papier absorbant est suffisant.

Une autre couche de préparation est à présent nécessaire avant de peindre il s‘agit de l’imprimature ou imprimeure. C’est une première couche du liant à l’œuf additionné d’un peu de blanc de titane qui permettra une meilleure accroche de la suite. Toute peinture est un mélange d’un pigment insoluble et d’un liant. Dans le cas de la tempera le liant est un mélange à base de jaune d’œuf.

Recette : Liant : Jaune d’œuf  une mesure

               Diluant : Eau ou vin blanc  une mesure et demi

               Antiseptique : 2 à3 gouttes d’essence de girofle par jaune

               Ralentisseur de séchage : 2 à3 gouttes d’huile de lin par jaune

Préparation : Après avoir séparé le blanc du jaune on fait rouler délicatement celui-ci sur un papier absorbant puis on le

 saisit entre deux doigts et au-dessus d’un récipient on crève la poche et le jaune s’écoule. En effet l’enveloppe ne doit pas être mélanger au liant. Une fois cette opération terminée on rajoute le diluant, eau ou vin blanc voire même bière en Russie, pour amener le mélange à la bonne consistance pour être utilisé. On rajoute l’antiseptique puis l’huile de lin qui sert à ralentir un peu le séchage mais n’est pas indispensable suivant sa manière de travailler.

Cette préparation est mise dans un flacon hermétique puis fortement agitée une à deux minutes. Il faut ensuite laisser reposer le mélange jusqu’à disparition de l’écume. Il est alors prêt à être utilisé. Il est prudent de le garder au réfrigérateur quand on ne l’utilise pas et de ne pas le garder au-delà d’une semaine. C’est un produit fragile qui une fois posé sur le panneau et sec deviendra d’une solidité remarquable.

A présent nous pouvons commencer à peindre. Cette technique privilégie le travail en glacis, couches transparentes superposées. Il faut aussi savoir qu’on travaille son panneau partie par partie en terminant complètement chaque partie avant de commencer la suivante. Et dernière règle on commence toujours par le fond pour terminer par les premiers plans.

Nous allons prendre un exemple qui vous fera mieux comprendre le processus. Si vous voulez représenter un personnage dans un paysage il vous faudra procéder étape par étape de la sorte :

On passe une première couche de la couleur désirée, souvent pure, puis on termine par des glacis qui donne à la surface son aspect définitif, passages entre les couleurs, ombres et lumière. On termine en retravaillant le graphisme avec une couleur plus foncée pour réaffirmer son dessin. Quant une partie est complètement terminée on passe à la suivante et ainsi de suite jusqu’à la fin du panneau. Il est aussi possible, tout à la fin, de passer de grands glacis sur tout ou partie de l’œuvre pour lui donner son aspect définitif.

Si l’on désire éclaircir une couleur ou la rendre plus transparente il ne faut surtout pas rajouter de l’eau mais du liant, en effet les proportions de celui-ci doivent rester constantes pour ne pas affaiblir la couche picturale.

La tempera séchant très vite les glacis peuvent se passer dès que la couche inférieure est sèche, ce qui est un grand avantage par rapport à la peinture à l’huile. Pour ce qui est des pigments il faut se méfier des récents qui sont souvent trop violents en couleur et du fait de leur trop grande finesse ont tendance à mal se mélanger au liant.

Une fois le résultat désiré atteint il faut laisser son panneau durcir quelques mois ( trois à six en moyenne ) avant de procéder à sa finition c’est à dire le vernissage.

 LE VERNIS


Quelques mois sont passés, nous allons à présent arriver à la phase finale de notre travail. Une tempera après un  durcissement prolongé devient totalement insensible aux attaques extérieures et notamment à l’eau. Mais il est cependant utile de les vernir tout en respectant le caractère de la technique et d’éviter des finitions trop brillantes.

Vous constaterez qu’en fonction des pigments utilisés l’aspect de votre tempera pourra passer sur une même œuvre d ‘endroits mats à d’autres parties plus satinées. Les terres entre autres absorbant plus de liant n’auront pas la même brillance que le reste de la surface. La première couche de vernis au blanc d’œuf servira donc à uniformiser l’apparence du tableau.


Recette : un tiers de liquide d’œuf et deux tiers d’eau

Préparation : On monte les blancs en neige avec une petite pincée de sucre puis on laisse reposer une heure ou deux. On récupère le liquide qui s‘est déposé au fond du récipient, on le dilue avec la quantité d’eau nécessaire puis après filtrage sur un papier absorbant on l’utilise en passant une seule couche régulière sur l’ensemble du panneau. A la suite de cette opération la surface doit-être uniforme.

Au bout de deux semaines environ nous pourrons alors passer au vernissage définitif qui selon l’aspect désiré sera plus ou moins brillant. Deux choses sont importantes à ce stade pour une bonne réalisation. En premier lieu les vernis vendus dans le commerce sont souvent trop chargés en résine et il n’est pas mauvais d’y rajouter un peu d’essence de térébenthine. Deuxièmement si l’on désire un aspect mat il est toujours obligatoire de passer d’abord un vernis brillant, avant le mat, sous peine de bleuissement et de la création d’un voile sur sa surface.

Si vous voulez fabriquer vous-même vos vernis cela ne pose pas de problèmes particuliers. Il n’est pas utile d’utiliser de la résine mastic très chère et n’apportant rien de plus. La résine dammar est parfaitement appropriée.


Recette : un quart de résine

               Trois quarts de térébenthine

               Deux grammes d’huile de lin pour cent grammes de préparation

Préparation : une fois la résine réduite en poudre on la met dans une casserole sur le feu ( préférez l’électricité au gaz ) dès qu’elle est fondue on rajoute l’huile de lin qui sert de plastifiant et gardera au vernis une certaine souplesse. A ce moment on rajoute l’essence de térébenthine et on obtient un liquide jaune clair et transparent. Si la cuisson est trop courte le vernis restera opaque donc il faut la prolonger. Si la cuisson est trop chaude et trop longue le vernis va prendre des couleurs plus foncées. Il faut donc doser finement et la durée et la température pour obtenir un produit de qualité.

Ce vernis mis en bocal se gardera longtemps, il est même préférable de le laisser décanter quelques jours avant de l’utiliser, les impuretés se déposant un fond du récipient.

Pour ce qui est du vernis mat il suffit de rajouter cinq à sept grammes de cire blanche ou de carnauba pour cent grammes de verni en fin de cuisson. Par contre ce vernis devra être utilisé tiède. On met le pot dans une casserole d’eau chaude et quand le vernis est réchauffé on le passe normalement sur sa surface en couche bien régulière et fine. Il est toujours préférable de passer deux fines couches qu’une épaisse.


Voilà nous avons fait un tour succinct de cette technique. Si elle nécessite beaucoup de manipulations elle donne des résultats fort intéressants et est de plus très agréable à pratiquer.

Pour vous en convaincre allez voir les temperas dans les musées elles sont souvent d’une étonnante fraîcheur de coloris malgré les siècles passés. A vos pinceaux donc, ce n’est que par l’expérimentation et les essais que vous progresserez.


  

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