Le récit n'est pas une simple « relation », mais essentiellement une « représentation » d'événements : oral ou écrit, le récit est une construction ( donc aussi une reconstitution ), une mise en scène d'événements, réels ou imaginaires. Le fait de construire des histoires, de mettre les événements en récit, constitue, pour certains anthropologues, l'activité langagière première, et ce qui définit le spécificité du langage humain. C'est en écoutant des histoires que l'enfant ( infans = qui ne parle pas ) accède à l'humanité ; c'est en forgeant des mythes ( mythos = récit, fable ) que les peuples se transmettent leur représentation du monde. Il faut toujours avoir présent à l'esprit, que le « texte narratif » est enseigné et pratiqué à tous les niveaux de la scolarité. C'est probablement, de tous les types, celui qui suscite le plus d'intérêt parmi la communauté des chercheurs, celui qui se prête aux activités pédagogiques les plus variées, et aux apprentissages les plus différenciés. Dans une progression pédagogique ( année ou cycle scolaire ), il n'est pas rare qu'il tienne la première place. Il faut donc veiller à ne pas ressasser, pour la nième fois, les mêmes outils d'analyse ( le sempiternel schéma quinaire, entre autres ! ), les mêmes activités, les mêmes textes, les opérations mentales... et au même niveau de complexité ! Avant tout apprentissage, connaître les représentations des élèves sur le récit est absolument indispensable. La progression temporelle ne suffit pas à définir le récit. Pour qu'il y ait récit, il faut qu'à la simple logique de l'action ( c'est la logique, par exemple, du « script » qui est une séquence événementielle figée, stéréotypée : prendre le train, aller au cinéma, répondre au téléphone... ) se substitue une logique narrative : des alternatives, des possibles narratifs, une complication/transformation, un sens narratif ). C'est pourquoi la simple relation d'une excursion scolaire, par exemple, ou du déroulement d'une journée électorale, ne fait pas récit. J.-M. ADAM et F. REVAZ 1 proposent, dans ce cas, la notion de « descriptions d'actions », forme particulière de séquence descriptive. Dans nombre de récits ( défini comme une succession de séquences hétérogènes ), la ( ou les) séquence(s) narrative(s) occupe(nt) une position dominante. C'est le cas dans certains genres : la fable, le conte, le fait divers de presse, le roman d'aventures ou policier... Mais il peut arriver aussi que la séquence narrative soit entièrement dominée, par exemple lorsqu'elle est insérée dans une séquence plus vaste dont elle ne constitue qu'un élément particulier, une sorte d'illustration... animée : c'est ainsi qu'il n'est pas rare, dans la description nécrologique, qu'une brève séquence narrative enchâssée joue un rôle de simple « indice » ( traits de caractère du défunt, par exemple ) de la description. Une séquence narrative peut revêtir des formes autres que celle - certes la plus répandue - de l'énoncé narratif... prosaïque : récit poétique, dialogal ( conversation, théâtre )... L'analyse textuelle distingue, dans tout récit, l'HISTOIRE de la NARRATION. L'histoire - en fait, ce qui est résumable - est aussi ce qui, sur le plan didactique, est le plus accessible, le plus proche du narrataire, ce qui correspond le plus à son horizon d'attente, à son désir de lire ou d'écouter une « histoire ». C'est l'histoire qui, au niveau fonctionnel et actantiel, s'analyse en schémas narratifs 2, qui constituent, eux, la superstructure de la séquence narrative. Rappelons, à ce sujet, qu'un schéma narratif, s'il comporte au minimum trois éléments ( une situation initiale, transformée, en nouvelle situation ), ne se réalise pas forcément de façon... schématique : le récit peut être lacunaire, elliptique, inachevé 3... Il peut arriver aussi, et cela enrichit la lecture, qu'un récit comporte plusieurs « programmes narratifs » 4 qui se complètent, interfèrent, dialoguent, voire se contredisent : nombre de fables, de romans, de pièces de théâtre sont ainsi construits. Dans « Le Chat, la Belette et le petit Lapin », par exemple, si l'on applique l'analyse de BREMOND 5, deux « virtualités » et deux « actualisations » s'affrontent... pour atteindre le même résultat. La narration peut être définie comme l'ensemble des procédés utilisés pour représenter une histoire : présence du narrateur/narrataire, code à travers lequel ils sont signifiés au long du récit, relation entre le temps du récit et celui de l'histoire, façon dont les événements de l'histoire sont montrés par le récit : mode narratif ( discours direct, monologue, dialogue, récit d'événements), focalisation... Si le mode narratif et la focalisation font souvent l'objet d'un chapitre spécifique dans les manuels, les autres aspects de la narration sont plus rarement abordés en classe. Ce sont pourtant ceux qui permettent le mieux d'apprécier la différence entre deux récits tirés de la même histoire. Une fable de PHÈDRE et la même, mise en récit par La FONTAINE, par exemple. C'est à l'aide d'un plus grand nombre « d'outils » de la narration que l'élève peut se lancer dans la construction personnelle d'une « rédaction » narrative qui présente quelque originalité... et, partant, quelque authenticité. NOTES
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