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Le Merle bleu

billet paru dans les « Dernières Nouvelles d'Alsace »
le 19 novembre 1988

Depuis douze années, un merle bleu du Kenya coulait des jours heureux dans une famille messine. Cet oiseau extraordinaire aux reflets métalliques et aux yeux jaunes qui peut vivre jusqu'à trente ans fut baptisé « Jo ». On le choyait. On ouvrait souvent sa cage et même la fenêtre de l'appartement. Il ne s'éloignait guère. Il fit pourtant une courte fugue, jadis. Lorsqu'il découvrit ses maîtres alarmés qui le recherchaient à travers la campagne, sa cage à la main, il se précipita dans cette dernière, tout joyeux de retrouver ses habitudes et l'affection dont on l'entourait

Jo et les siens passaient d'agréables vacances à Metzeral, cet été, lorsque le drame éclata sous la forme d'un énorme bang supersonique. Jo qui prenait le frais sur le balcon, en fut tout bouleversé et disparut dans la nature. Un jour passa, puis une semaine. Ses maîtres firent paraître une annonce. Premiers résultats : un monteur électricien avait effectivement rencontré Jo sur son chantier du côté de la Schlucht. Ils avaient passé la journée et cassé la croûte ensemble, puis le soir venu, Jo s'était envolé.

Dix jours plus tard, coup de fil : le merle avait pris pension chez un viticulteur de Ribeauvillé. Il entrait par le fenêtre, déjeunait avec les enfants et se baignait dans la baignoire. ( Comme il sait dire quelques mots, il réclame même en cas de besoin: « bain ! bain ! » ).

Lorsque nos Messins accoururent à Ribeauvillé, Jo avait à nouveau disparu.

Nouvel avis de recherche. Le fugueur fut signalé à Dettwiller où il vagabondait d'une maison, d'un jardin, à l'autre. Mais grisé d'indépendance et de liberté, le coquin accueillit ses maîtres, chaque fois qu'ils voulaient le récupérer, avec un refrain joyeux mais moqueur et prenait de respectueuses distances dès qu'il apercevait la cage.

Aux dernières nouvelles, il poursuit ses vacances insouciantes autour de Saverne. Mais gare ! L'hiver approche. Ce farceur qui n'en connaît pas les rigueurs n'y survivra peut être pas, sauf s'il trouve refuge dans une maison accueillante, encore qu'en cette saison, les fenêtres ne sont pas souvent ouvertes. Alors, si jamais vous voyez Jo, essayez donc de le faire entrer chez vous, bouclez la porte et téléphonez vite à sa famille anxieuse (87 75 ** ** ). C'est pour son bien.

Jean LOZI

 

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