Entre ces deux injonctions :
les nuances du « faire faire » sont grandes. On peut passer ainsi de la catégorie modale du « pouvoir faire » à celle du « devoir faire », de la suggestion à l'impératif catégorique, en passant par l'invitation, la proposition, l'incitation, le conseil, l'ordre réglementaire, l'injonction proprement dite. Mais le schéma intégré de ces modes injonctifs est le même : à propos d"un « faire » possible, souhaitable, nécessaire, quelqu'un ( qualifié pour cela ) enjoint à un autre de réaliser ce « faire ». S'il est des textes injonctifs pratiquement mono-séquentiels ( tracts, affiches, inscriptions ), la séquence injonctive est souvent associée à des séquences argumentatives ou expositives/didactiques qui la précèdent, l'enchâssent, ou y sont enchâssées, mais avec une nette dominante injonctive s'il s'agit d'agir sur le « faire ». La séquence injonctive qui clôt ( tout en l'ouvrant... ) la séquence narrative du Merle bleu est un exemple assez particulier de texte à dominante narrative dont le récit est en quelque sorte relancé par l'injonction au destinataire... de continuer le récit ! La séquence injonctive visant par définition une interaction est toujours un discours. Elle est aussi un acte de parole ( du type « directive » ) caractérisé par une tension plus ou moins forte vers l'énonciataire par une stratégie énonciatrice dans laquelle les « places » relatives ( réelles ou supposées ) des interlocuteurs jouent un rôle déterminant, et enfin par un effort perlocutoire qui permet d'évaluer sa « réussite ». Comme agir sur le « faire » est plus difficile qu'agir sur les croyances, la directive est non seulement nuancée à l'infini, mais se réalise souvent par un acte de parole indirect ( dérivé ) : un remerciement peut cacher une injonction 2, une assertion peut être injonctive 3. Assez bizarrement, Jean-Michel ADAM « abandonne » la séquence injonctive sous prétexte qu'il s'agit d'actes de langage ne relevant pas, à ce titre de la séquentialité textuelle. Dans le n° 56 de la revue PRATIQUES ( 1987 ), l'injonctif avait encore sa place, mais exclusivement dans la modalité dite « instructionnelle ». La plupart des manuels scolaires se limitent également à cette seule modalité - ce qui nous paraît très réducteur. Dans le n° 111-112 de PRATIQUES 5, Jean-Michel ADAM développe la notion architextuelle de « textes d'incitation à l'action, entre conseil et consigne », catégorie textuelle mêlant recommandations et/ou instructions procédurales, « quoi faire » et « comment faire ». Il attire en même temps l'attention sur « l'importance socioculturelle » de ces textes, ainsi que sur la variété des genres par lesquels ils se réalisent. La séquence injonctive-instructionnelle se rencontre fréquemment au quotidien ( recettes, modes d'emploi, règles de jeu, guides, itinéraires, etc. ) et mérite d'être analysée comme une modalité de séquence injonctive, mais il serait abusif de réduire tous les textes « d'incitation à l'action » à cette seule modalité.
NOTES
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