La théorie des actes de parole - terme préférable à celui d'acte de langage puisqu'il s'agit bien de la parole mobilisée par une énonciation - relève du domaine de la pragmatique, c'est-à-dire des relations que la langue entretient avec ses utilisateurs, des effets produits par la langue à l'intérieur d'un contexte verbal et non verbal. D'après J. L. AUSTIN 1, toute énonciation non seulement dit quelque chose - acte locutoire - mais, en même temps, accomplit quelque chose, réalise une action - acte illocutoire - qui, comme les actes non linguistiques, modifie une situation en faisant reconnaître au co-énonciateur une intention pragmatique.
Acte de parole et implicite du discours Les actes de parole sont dits indirects ( ou dérivés ) lorsqu'ils sont accomplis non plus directement, mais à travers d'autres. C'est ainsi que « il y a une mouche dans ce café » constitue littéralement une assertion, mais peut ( ou doit ) être déchiffré comme un reproche, et/ou une requête implicite. Dans le vie courante, les actes de parole indirects sont relativement fréquents et constituent un mode habituel ( supposé facilement décodable ) de l'implicite du discours. Un acte de parole est dit « réussi » lorsque le destinataire reconnaît l'intention associée à son énonciation. Pour réussir, il doit réussir un certain nombre de conditions. Si je dis « il pleut », je suis censé être sincère ( cf. les lois du discours ), je suis capable de me porter garant de ce que j'avance : « l'acte de parole implique un réseau de droits et d'obligations, un cadre « juridique » spécifique » 2. Donner un ordre n'est pas un acte de parole réussi si je ne suis pas en mesure d'ordonner, si le rapport de places de part et d'autre ne m'autorise pas à ordonner. Il existe, comme pour les types de séquences de textes, des dizaines de tentatives pour décrire ce que fait un énonciateur en disant quelque chose. L. LUNDQUIST 3 propose la liste suivante ( non exhaustive ) :
Mais il faut prendre garde aux confusions :
Macro-actes de parole Quand on travaille non sur des énoncés courts isolés mais sur des textes ( ou séquences textuelles ), on ne peut se contenter d'analyser en actes de parole élémentaires ; le texte peut avoir, à un niveau supérieur, une valeur illocutoire globale, celle d'un macro-acte de parole constituant un genre de discours particulier. C'est le cas, par exemple, des pages de « remerciement à » ou d' « engagements » publics qui fleurissent actuellement, dans les journaux, sur des dépliants ou des affiches. Il est évident que ces textes gagnent à être compris et analysés sous cet angle plutôt que dans une seule perspective typologique. La notion d'acte de parole, au stade actuel des savoirs sur la langue, est une notion fondamentale de l'analyse du discours - mais reste, au plan didactique, le plus souvent inexploitée, ignorée par les instructions pédagogiques, carrément absente des manuels. Elle est fondamentale parce qu'elle fonde la compréhension/production discursive sur une philosophie du langage tout à fait nouvelle : la parole, si elle est effectivement aussi un acte, doit être considérée comme aussi lourde de conséquences que tout acte; la parole n'est plus seulement un univers de mots, sans lien avec l'univers des actes, mais elle pèse de tout le poids illocutoire de son énonciation et de son interprétation, puisqu'elle est elle-même un acte, et que l'interaction langagière n'est pas un vain mot, mais une responsabilité partagée; D. MAINGUENEAU 4 définit la langue comme une « institution permettant d'accomplir des actes qui ne prennent sens qu'à travers elle »; J.-M. ADAM 5 définit le texte comme une « suite ( hiérarchisée ) d'actes illocutoires »; L'analyse conversationnelle considère la séquence du même type comme un échange d'interventions orales analysées en tant qu'actes de parole. Enfin, nous avons déjà eu l'occasion de faire remarquer qu'il peut être plus pertinent d'analyser certaines séquences ou certains textes comme des macro-actes de discours : « comprendre l'action langagière engagée ( macro-acte de discours implicite ou explicite ), c'est une autre façon de résumer un texte et donc de l'interpréter dans sa globalité » 6 .
NOTES
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