
|
Éléments pour l'élaboration
d'unités de remédiation |
|
parcours
et contenus de formation aménagés |

|
élèves en risque d'échec scolaire |
Concepts de base
COMPÉTENCE
|
|
C'est une notion délicate à
définir, en raison de la variété des acceptions de ce
terme chez les différents auteurs qui l'emploient. On
peut, dans une visée pragmatique, s'accorder
provisoirement sur une définition didactiquement et
pédagogiquement opératoire, c'est-à-dire qui permet
l'élaboration et la mise en œuvre de situations
d'apprentissage en classe. L'approche de R. BRIEN (1993)
paraît, pour le moment, l'une des plus appropriées
dans le cadre qui nous occupe. On la retrouve, pour ce
qui est des caractéristiques opératoires générales,
dans l'ouvrage de M. MAUDUIT-CORBON et F. MARTINI
(1999).
Une compétence est
« un ensemble de savoirs et de
savoir-faire, généraux et particuliers, utilisés
lors de la planification et de l'exécution d'une
tâche donnée. »
Il semble utile de compléter cette
définition en intégrant à la notion de compétence
les savoir-être ( attitudes ) qui en sont
également des éléments constitutifs. Dans une tâche
donnée, savoirs, savoir-faire et savoir-être qui
constituent les compétences spécifiques à cette
tâche peuvent être activés ou non.
On appellera compétence stratégique
celle qui consiste à activer les compétences
nécessaires pour la réussite de la tâche.
Accomplir une tâche c'est changer
une situation actuelle, jugée insatisfaisante, en
situation désirée au moyen d'opérations appropriées
qui nécessitent la mobilisation de compétences
générales et spécifiques.
On peut distinguer trois types
d'opérations :
 |
les opérations de représentation
qui consistent à former une représentation
adéquate des situations ; |
 |
les opérations de planification
qui consistent à concevoir un plan d'actions
pour transformer une situation en une autre ; |
 |
les opérations d'exécution
qui visent à mettre à exécution le plan
d'actions en activant les compétences
procédurales et conditionnelles nécessaires
ainsi que des savoir-être spécifiques. |
Certaines compétences sont
générales en ce sens qu'elles ne sont pas
spécifiquement liées au contexte dans lesquelles elles
sont mises en œuvre, même si ce contexte détermine
certaines de leurs caractéristiques. D'autres, au
contraire, sont tout à fait particulières,
étroitement liées au contexte et n'ont de sens que par
rapport à lui.
Ces compétences sont des ensembles
complexes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être
qui doivent être mobilisés lors de la représentation
des situations, de la planification et de la
réalisation des actions nécessaires à la réussite de
la tâche.
Toute tâche peut s'analyser en
termes de compétences. Il s'agit, à cette occasion, de
dresser la liste des savoirs, des savoir-faire et des
savoir-être à mobiliser. Ces compétences peuvent
ensuite être classées selon qu'elles sont
caractéristiques des opérations de représentation, de
planification et d'exécution.
Enfin, il reste à considérer que
chaque compétence caractéristique peut se décliner en
composantes plus spécifiques, savoirs, savoir-faire et
savoir-être caractéristiques, dont le « poids
relatif » permet d'établir la dominante de cette
compétence : compétence déclarative
( savoir ), procédurale et conditionnelle
( savoir-faire ), comportementale ou affective
( savoir-être ).
|
CONNAISSANCES
|
|
On distingue trois types
de connaissances.
 |
Les connaissances
déclaratives.
N.B. : Nous ne
développerons pas ici la distinction
connaissance vs savoir.
|
 |
Les connaissances
procédurales.
|
 |
Les connaissances
conditionnelles.
|
|
HABILETÉ
|
|
C'est un acquis automatisé, exercé sans qu'il soit
besoin de réfléchir. En ce sens, une habileté est une
compétence intégrée.
|
STRATÉGIE
|
|
C'est une démarche, un processus que l'élève ne
peut appliquer sans se questionner sur ce qui lui est
demandé.
Ex. : Faire des inférences à l'occasion d'une
lecture suppose l'utilisation d'une stratégie
différente selon le type de texte lu ; un texte
explicatif, narratif ou argumentatif ne relève pas de
la même stratégie de lecture.
En effet, la nature des informations disponibles dans
le texte et la nature des connaissances antérieures
nécessaires n'est pas la même. Les stratégies doivent
être conscientes et réfléchies pendant la période
d'apprentissage, même si, ultérieurement, elle peuvent
être automatisées dans la pratique experte au même
titre que les habiletés.
|
MODES
DE PENSÉE
|
|
Il existe de nombreuses typologies des modes de
pensée.
P. MEIRIEU (1987) en propose une qui répond à trois
critères :
« simplicité d'utilisation,
conformité aux apports théoriques, fécondité
pour la pratique. » |
Il distingue quatre grands modes :
 |
la déduction,
|
 |
l'induction,
|
 |
la dialectique,
|
 |
la divergence.
|
Il suggère, à partir des travaux de J.P.
ASTOLFI - qui préfère parler de « régime
intellectuel », d'y ajouter l'analogie. D'autres
auteurs citent également l'abduction, processus qui
consiste à formuler des hypothèses.
|
modes
de pensée |
caractéristiques
principales |
mots-clés |
déduction
|
Exploiter les données sans interprétations mal
assurées
Se placer du point de vue des conséquences de chaque
affirmation
Être centré sur ce qu'on est en droit de conclure
|
logique
démonstration
preuve |
induction
|
Organiser les données pour chercher à les expliquer
Aller des faits aux mécanismes explicatifs
Rechercher des régularités, des tendances, des
évolutions, des conservations
|
causalité
explication
lois scientifiques |
dialectique
|
Examiner simultanément plusieurs causes possibles,
plusieurs explications et chercher à les intégrer
Voir qu'une interprétation peut s'affiner par
opposition / complémentarité avec une autre qui
apparaît concurrente
|
interactions
systèmes |
divergence
|
Rechercher un maximum de relations, même virtuelles,
entre les données
Associer les informations de façon
non-conventionnelle ( association d'idées,
aléatoire )
|
invention
créativité |
analogie
|
Étendre à un domaine nouveau ce qui est établi dans
un autre contexte
Utiliser de manière systématique, puis critique, la
comparaison et la métaphore
|
modèles
figuration des concepts |
Activité mentale et processus
intellectuels
Apprendre c'est exercer une activité mentale en vue de
comprendre et résoudre des problèmes. C'est un processus à
l'occasion duquel nous utilisons nos connaissances acquises, nos
savoirs, pour les mettre en relation avec des informations
nouvelles qui sont fournies par le contexte d'apprentissage
(BEYER, 1987). Il s'agit donc d'un processus complexe qui met en
jeu
 |
la perception ;
|
 |
le rappel d'acquis ;
|
 |
le traitement conscient des
informations ;
|
 |
la restructuration des
structures mentales de l'individu ( cf. PIAGET ),
pour donner du sens à son expérience.
|
Le processus d'apprentissage fait appel à des habiletés (
c'est-à-dire des compétences intégrées ) qui impliquent
notamment trois composantes essentielles :
 |
des opérations mentales ;
|
 |
des savoir-être spécifiques
;
|
 |
des savoirs.
|
a. Les opérations mentales
Les opérations mentales mettent en œuvre deux types d'opérations
:
 |
les opérations cognitives,
qui peuvent s'analyser en habiletés fondamentales et en
stratégies cognitives ;
|
 |
les opérations
métacognitives.
|
Les opérations cognitives ont
fait l'objet de nombreuses études. Deux modélisations se
révèlent particulièrement utiles pour l'élaboration de
séquences et d'activités d'apprentissage critériées.
Le modèle d'Henri WALLON
Dans ce modèle, les opérations de représentation sont
l'équivalent des habiletés de base du traitement de
l'information et les opérations de mise en problèmes ( nous
n'en retiendrons que deux ) peuvent être assimilées à des
stratégies cognitives.
Opérations mentales de représentation
( elles sont hiérarchisées et visent la production
d'une définition )
 |
Énumérer
|
 |
Décrire
|
 |
Comparer
|
 |
Distinguer
|
 |
Classer
|
 |
Définir
|
Opérations mentales de mise en problème
 |
Confronter les points de vue
|
les points de vue sont liés aux opinions, aux
croyances, aux rôles et aux statuts d'un apprenant.
Chaque point de vue a tendance à privilégier certains
aspects d'un problème, à en minimiser ou en négliger
d'autres. la confrontation a donc pour but l'évolution
des points de vue individuels ( cf. conflit (socio)cognitif ).
|
 |
Dégager les contradictions
|
il s'agit d'exprimer l'opposition, provisoire ou
irréductible, entre des événements et des résultats,
des buts et des moyens, etc.
|
Le modèle de MARZANO
Le modèle de MARZANO (1992), appelé modèle « dimensions
of learning » présente les opérations cognitives en
distinguant habiletés de base et stratégies cognitives.
Opérations
cognitives |
Habiletés
de base
pour le traitement de l'information |
Stratégies
cognitives |
Comparaison
Classification
Induction
Déduction
Analyse d'erreurs de raisonnement
Construction d'arguments pour étayer une affirmation
Analyse de systèmes
Analyse de perspectives
|
Prise de décision
Étude d'un phénomène
Démarche scientifique
Résolution de problèmes
Invention ( créativité ) |
Les habiletés cognitives, dans ces deux modèles, s'exercent
lors de la mise en œuvre de stratégies cognitives. Les unités
de remédiation doivent donc viser à la fois le développement
de ces stratégies et l'appropriation des compétences de base
du traitement de l'information.
Les opérations métacognitives
sont des habiletés qui représentent l'aspect procédural de la
métacognition. Ce concept, relativement récent, a été
défini comme un corps de connaissances et de modes de
compréhension qui portent sur la cognition elle-même
(FLAVELL,1976 et YUSSEN, 1985, in MEIRIEU, 1997). En d'autres
termes, la métacognition est l'ensemble des savoirs que nous
possédons sur nos propres activités mentales, et les
habiletés que nous mettons en œuvre pour contrôler et gérer
nos processus cognitifs.
Les connaissances métacognitives concernent les objets
suivants :
Les
personnes |
|
Il s'agit des
représentations que nous pouvons élaborer sur la
pensée, l'apprentissage, nos points forts et nos points
faibles pour les utiliser stratégiquement… Ces
représentations de soi et des autres en tant
qu'apprenants sont essentielles dans la construction du
concept de soi et de la motivation.
|
Les
tâches |
|
Ces connaissances sont
acquises par l'accumulation de nos expériences
cognitives, mémorisation, lecture, résolution de
problème…
|
Les
stratégies |
|
Elles portent sur les
méthodes de travail, les manières efficaces pour
arriver à un but, etc., et sont capitales pour le
développement de l'autonomie.
|
Les habiletés métacognitives principales concernent :
 |
la planification des
opérations cognitives ( habiletés et stratégies )
;
|
 |
l'évaluation et la
régulation des activités cognitives pendant leur
déroulement en fonction des objectifs, du résultat
;
|
 |
l'évaluation terminale des
résultats obtenus en fonction du but visé.
|
b. Les savoir-être ( dispositions,
attitudes )
Il s'agit là des composantes affectives de l'activité
intellectuelle qui, comme la plupart des savoir-être, sont
rarement intégrées, comme objets d'apprentissage, dans les
séquences.
Acquérir une compétence, avoir la capacité d'utiliser une
habileté, ne préjuge en rien de l'utilisation effective, et de
l'utilisation efficace, de cette compétence ou de cette
habileté. BEYER (1987) signale les savoir-être spécifiques de
l'activité mentale qu'il faudrait intégrer dans les séquences
d'apprentissage pour guider l'utilisation des processus
intellectuels ( N.B. : cette liste n'est pas hiérarchisée )
:
 |
examiner plusieurs sources et
points de vue ;
|
 |
utiliser les sources
d'information crédibles ;
|
 |
chercher et fournir des
preuves ;
|
 |
garder un esprit ouvert ;
|
 |
être objectif ;
|
 |
persister dans une tâche ;
|
 |
accepter de modifier son
jugement en présence de preuves et de raisons
suffisantes ;
|
 |
suspendre son jugement en
l'absence de preuves suffisantes.
|
c. Le savoir
Dans un séquence d'apprentissage, il faut viser le
développement de trois types de savoirs et veiller à ce que
l'élève soit conscient des différences qui existent entre
eux.
Le premier type de savoirs est de nature métacognitive. Il
concerne les connaissances accumulées et accommodées par
l'expérience sur le fonctionnement cognitif propre de l'élève
( cf. les opérations
métacognitives ).
Le second type de savoirs concerne la nature même d'un
savoir. Il est essentiel que l'élève se rende compte qu'un
savoir est toujours personnalisé, sélectif, fragmentaire, en
constante évolution. Par là, un savoir est toujours relatif à
un individu et vient le plus souvent, sur un aspect ou un autre,
en contradiction avec le savoir d'un autre individu ( cf.
conflit (socio)cognitif ).
Enfin, le dernier type de savoirs concerne ceux qui font
partie d'un domaine de connaissance particulier. Il faut que
l'élève puisse se rendre compte que chaque domaine véhicule
des connaissances spécifiques, contextualisées dans ce
domaine, et dont l'appropriation représente un gage de
maîtrise du domaine considéré.
Caractéristiques cognitives et
métacognitives des élèves en risque d'échec scolaire
Si l'on se place au point de vue développemental, on peut
estimer que la grande majorité des élèves qui présentent un
risque important d'échec scolaire possèdent des capacités
intellectuelles que l'on peut qualifier de « normales ». Il
est donc vain, dans la plupart des cas, de chercher la cause de
leurs difficultés scolaires dans une prétendue « débilité
intellectuelle » ; l'origine de ces difficultés, acquises
plus qu'innées, est bien plutôt à rechercher dans des
caractéristiques sociales ou cognitives. Nous ne traiterons ici
que de ces dernières.
La recherche récente met l'accent sur la faiblesse de ces
élèves dans le domaine des stratégies cognitives et
métacognitives. Elles seraient inexistantes, déficientes,
inadéquates, qu'il s'agisse de celles propres à chaque
matière ou de celles qui concernent les apprentissages
généraux communs à toutes les matières et qu'on désigne par
ailleurs sous la dénomination de capacités transversales.
Les élèves, parce qu'ils maîtrisent peu ou mal ces
différentes stratégies, ont tendance à sur-utiliser les
stratégies qui leur sont les plus familières, au risque de
faire surgir des difficultés liées à la contradiction entre
ces stratégies habituelles, mais utilisées à mauvais escient,
et les stratégies efficaces dans un contexte d'apprentissage
donné.
PALINCSAR et KLENK (1992) affirment que même si les
faiblesses dans les stratégies cognitives et métacognitives ne
sont pas les seules responsables de l'échec scolaire, elles y
contribuent éminemment, et tout particulièrement en ce qui
concerne les stratégies de lecture.
La métacognition, comme nous l'avons déjà souligné,
concerne la prédiction, la vérification, la coordination et
l'autogestion des processus cognitifs. Les élèves sont peu
conscients de leurs processus cognitifs propres et les gèrent
par conséquent très mal. Ils sous-utilisent les stratégies
nécessaires et efficaces pour l'exécution d'une tâche dans un
contexte donné ( ce sont des apprenants passifs pour la
plupart ), et sur-utilisent aléatoirement ( i.e. sans
les contextualiser ) les quelques stratégies qu'ils ont
l'habitude de mettre en œuvre, quelle que soit la situation,
sans être en mesure de les conscientiser et donc de les
verbaliser. C'est cette situation qui engendre le plus de
démotivation devant les tâches scolaires, à cause d'un
sentiment d'incompétence lié à l'utilisation de stratégies
inefficaces.
Caractéristiques d'apprentissage des
élèves en risque d'échec scolaire
ATTENTION |
C'est surtout dans le domaine de l'attention
sélective que résident les difficultés des élèves.
En effet, ils ont du mal à centrer leur attention. En
d'autres termes, ils ont du mal à isoler les aspects et
les éléments importants d'une tâche. Des éléments
triviaux les distraient fréquemment.
|
MÉMOIRE |
Ils « oublient » facilement, et c'est surtout leur
mémoire à court terme ( ou mémoire de travail - MT )
qui est affectée. De nombreuses études ont montré que
la MT est affectée par ce que l'on nomme une surcharge
cognitive : au-delà d'un certain nombre d'éléments (
empan mnésique ), les élèves ne peuvent plus
maintenir en mémoire tous ceux qui sont nécessaires au
traitement d'un problème et ils les « oublient » donc
pour ne conserver, de façon aléatoire que la quantité
d'information qu'ils sont en mesure de traiter sans
surcharge. Ces limites mnésiques ( 7 ± 2 ) sont
structurelles et ne sont donc pas liées à l'attention.
De plus, les élèves présentent des déficits dans
toutes les stratégies qui permettent de diminuer la
surcharge cognitive et donc d'améliorer le maintien des
informations en MT : la catégorisation ( i.e. le
recodage des informations pour former des catégories
plus faciles à traiter ), la répétition mentale ou
encore la représentation iconique ( i.e. le transcodage
de l'information ). Voir à ce sujet A. LIEURY (1992). |
MOTIVATION |
On considère généralement que la motivation est
directement liée à une bonne utilisation des
stratégies mentales et des stratégies d'apprentissage.
Les faiblesses dans ces stratégies entraînent toujours
la démotivation mais débouchent également sur une
image de soi dégradée.
Mais la motivation est également fonction des
attributions causales effectuées par les élèves.
Les élèves en difficulté scolaire, contrairement
aux autres, ont tendance à attribuer leurs échecs à
des causes internes stables, leurs faibles capacités
personnelles par exemple, et leurs succès à des causes
externes, facilité de la tâche ou chance le plus
souvent. Les élèves qui ne sont pas en difficulté ou
en échec attribuent fréquemment leur réussite à des
causes internes, renforçant ainsi leur estime de soi.
Les élèves en difficulté n'ont plus d'attente de
succès parce qu'ils sentent que le contrôle de leurs
apprentissages leur échappe. Il y a cependant deux
catégories d'élèves :
 |
ceux qui échouent
malgré la quantité d'efforts qu'ils
fournissent ;
|
 |
ceux qui échouent à
cause du manque d'efforts fournis.
|
Les premiers pensent souvent que leurs capacités
sont déficientes et ne perçoivent pas la relation
entre les actions et le résultat des actions. Les
seconds ont intériorisé l'échec à tel point qu'ils
se retrouvent en situation de « résignation apprise
», leur niveau de performances se situant à un niveau
très inférieur à ce qu'ils sont ( ou ont été )
capables de faire.
|
ESTIME
DE SOI |
Les élèves développent une image très négative
d'eux-mêmes en tant qu'apprenants. Ils se croient
dépourvus de compétences et parfois même transfèrent
cette piètre estime dans d'autres domaines, culture,
sport ou encore relations sociales. Certains chercheurs
supposent que les élèves qui ont des difficultés
importantes de lecture ont plus tendance à transférer
leur sentiment d'incompétence à toutes les matières
scolaires que ceux qui ont par exemple des difficultés
en mathématiques seulement.
|
En résumé, un élève en risque d'échec scolaire présente,
à des degrés divers, les caractéristiques suivantes
 |
il lui est difficile de se
concentrer et surtout de focaliser son attention sur les
éléments pertinents d'une tâche ;
|
 |
sa mémoire de travail (
mémoire à court terme ) est déficiente. Il est
rapidement en surcharge cognitive parce qu'il ne gère
pas ou mal des stratégies, de catégorisation notamment
;
|
 |
sa motivation pour les
tâches scolaires est faible ;
|
 |
il attribue ses réussites à
des causes externes ;
|
 |
son image de soi est
dévalorisée dans la plupart des matières, surtout
s'il présente des handicaps sérieux en lecture.
|
Contexte pédagogique d'un
enseignement/apprentissage contextualisé.
Stratégies et connaissances sont nécessaires à
l'exécution d'une tâche. Les connaissances antérieures des
élèves jouent un rôle capital dans la réussite d'une tâche.
Mais ces connaissances, le plus souvent, ne sont acquises et
opératoires que si elles ont été appropriées au cours d'une
tâche complexe signifiante. L'élaboration des stratégies
vient alors s'appuyer sur ces connaissances. C'est pourquoi les
situations d'apprentissage doivent être élaborées à partir
de contextes précis et familiers aux élèves, donc s'appuyer
sur leurs connaissances et leurs conceptions antérieures.
Elle peuvent également être l'occasion d'acquérir ces
connaissances, surtout en termes de représentation du
produit/résultat, représentation du problème ou de la tâche,
représentation de la stratégie de résolution. Pour
développer efficacement des compétences, il faut intervenir
essentiellement sur les savoir-faire procéduraux et
conditionnels. En effet, des recherches ( cf. J. TARDIF, 1992 )
ont permis d'aboutir aux constats suivants :

|
on
donne trop souvent priorité aux savoirs
décontextualisés au détriment des savoir-faire ;
|

|
les
savoir-faire procéduraux sont souvent présentés de
façon morcelée, hors de tout contexte signifiant en
lui-même ;
|

|
les
savoir-faire conditionnels sont à peu près totalement
négligés ( sauf par exemple dans le cas notable des
ARL où l'exercice explicite, dans les phases de
socialisation, de ce type de connaissances fait partie
intégrante de la méthode ).
|
Or il apparaît que les connaissances conditionnelles sont
l'une des bases de transfert possible (même si la possibilité
de transfert sans réapprentissage reste largement discutée)
des connaissances et des stratégies acquises dans un contexte
donné.. Enfin, il faut insister sur le fait que les
savoir-faire, qu'ils soient procéduraux ou conditionnels, ne
peuvent se développer que dans l'action ( cf. DEWEY ) et dans
des contextes d'apprentissage et de pratique déterminés.
Enseignement/apprentissage contextualisé
COLLINS, BROWN et DUGUID (1989) puis COLLINS, BROWN et NEWMAN
(1989) ont jeté les bases d'une approche contextualiste de
l'enseignement/apprentissage. Pour eux, la compréhension,
l'action, l'apprentissage sont en constante interaction et la
compréhension précède l'apprentissage. Les nouvelles
connaissances sont sans cesse mises en relation avec des
connaissances antérieures qui servent d'ancrage cognitif.
Compréhension et apprentissage se réalisent dans l'action
parce que les objectifs d'apprentissage doivent viser
essentiellement des savoir-faire procéduraux et conditionnels.
Il faut que ces savoir-faire soient abordés, dès le début
de l'apprentissage, dans toute leur complexité. De ce fait, les
tâches proposées aux élèves doivent correspondre à des
situations réelles ( cf. pratiques
sociales de référence ) où les savoirs, les savoir-faire
et les savoir-être sont effectivement utilisés. En situation
de classe, il est important que l'environnement d'apprentissage
puisse reproduire le plus fidèlement possible les
caractéristiques de ces situations authentiques, de sorte que
les élèves, pour une compétence spécifique, développent la
« culture » en usage dans la communauté de pratiques où
s'exerce cette compétence. La situation idéale reste, bien
entendu, l'apprentissage en contexte réel. Une pédagogie du
projet peut y contribuer.
Pédagogiquement, la structure de la situation
d'apprentissage contextualisée devrait respecter les modalités
suivantes
Découverte
et construction du problème lié à la tâche
|
L'élève doit être placé en situation de problème
et non en situation d'exécution. Pour cette dernière,
il dispose ( ou devrait disposer ) de connaissances et
de stratégies déjà construites. En situation de
problème par contre, « le répertoire de réponses
immédiatement disponibles chez le sujet ne permet pas
à celui-ci de fournir une réponse appropriée »
(OLERON, 1963).
La construction du problème par l'élève passe donc
par la représentation qu'il se fait de la tâche
( espace du problème ). Cette représentation est
souvent plus limitée que celle que s'en fait
« l'expert », pour qui la tâche n'est pas, ou
n'est plus, un problème (espace de la tâche). Il faut
également insister sur le fait que l'élève n'est en
mesure de construire un problème que si la tâche qu'on
lui propose représente un but à atteindre, un but
recherché ; l'activité doit donc être orientée par
une finalité précise (WEIL-BARAIS, 1993).
Cette finalité est déterminée par la structure
suivante : l'état initial est perçu par l'élève
comme insatisfaisant parce que ses compétences
actuelles ne lui permettent pas de résoudre le
problème ; il se représente un état final plus
satisfaisant qu'il essaie d'atteindre à travers des
états intermédiaires qui seront l'occasion
d'apprentissages pertinents ( cf. Construire
des unités de remédiation ).
|
Modelage
( de 2 à 7, cf. TARDIF, 1995 )
|
L'élève est placé en situation d'observation où
une personne experte ( enseignant, intervenant ou pair )
réalise une tâche donnée. La réalisation de cette
tâche se fait en verbalisant les connaissances (
déclaratives, procédurales et conditionnelles ), les
stratégies mentales nécessaires. Cela doit permettre
aux élèves de construire un modèle mental
stratégique pertinent pour la résolution de problèmes
similaires.
|
Entraînement
|
Avec l'assistance de l'enseignant, les élèves
doivent réaliser une tâche complexe au cours de
laquelle il leur sera systématiquement demandé de
recourir aux savoirs, savoir-faire (procéduraux,
conditionnels) et savoir-être nécessaires.
L'enseignant intervient sur ces savoirs, met en relation
savoirs et conceptions antérieures des élèves, pour
leur donner l'occasion de construire des savoirs plus
efficaces pour la réalisation.
|
Échafaudage
(ou étayage)
|
Dans les tâches que les élèves ont à réaliser,
l'enseignant doit fournir un soutien gradué, en
fonction des compétences de chacun. Ce soutien est
progressivement réduit jusqu'à ce que les élèves
soient en mesure de réaliser la tâche de façon
autonome.
Cet échafaudage doit veiller à ce que la tâche, ou
les sous-tâches, restent constamment dans la zone de
développement proximal de l'élève ( cf. VYGOTSKY,
1992 ). Il repose sur la conviction que ce qu'un élève
peut réaliser avec de l'aide, il pourra, à terme, le
réaliser seul. Mais cette aide doit lui être fournie
tant qu'il n'est pas en mesure d'exercer ses
compétences de façon autonome.
|
Articulation
|
Dans une phase de retour sur la tâche, l'enseignant
dirige l'attention des élèves sur les savoirs,
savoir-faire procéduraux et conditionnels, savoir-être
qu'ils ont mis en œuvre dans la résolution du
problème. Ainsi, il vise à les rendre conscients des
connaissances acquises et des stratégies qui leur ont
permis de les acquérir. Cette phase est essentiellement
centrée sur la métacognition ( cf. MEIRIEU, 1997 ).
|
Réflexion
|
Cette phase privilégie la relation entre les
démarches de réalisation de l'expert et celles des
élèves. La comparaison entre les démarches doit
permettre aux élèves

|
d'évaluer
l'efficacité de la démarche de résolution
proposée par l'expert ;
|

|
de
confronter cette démarche à la leur, pour en
évaluer la pertinence ;
|

|
de
se rendre compte des compétences pour
lesquelles ils ont acquis un degré de maîtrise
suffisant ;
|

|
de
préciser ce qui doit encore être amélioré.
|
Cette phase de réflexion évaluative est, elle
aussi, essentiellement de nature métacognitive.
|
Exploration
|
On insiste, dans cette phase, plus particulièrement
sur les transferts de savoirs et de savoir-faire. Dans
des situations variées, les élèves sont amenés à
recontextualiser les connaissances qu'ils ont
précédemment construites. On les incite à proposer
eux-mêmes des exemples de situations ou de tâches dans
lesquelles les savoirs et les savoir-faire acquis
peuvent être réutilisés. Les élèves sont également
invités à proposer différentes modalités de
résolution des problèmes, à mettre en œuvre ces différentes
propositions pour accroître ainsi leur flexibilité
cognitive.
|
Construire des unités de remédiation
Situation actuelle et situation
désirée
Réussir une tâche c'est passer d'une situation donnée,
actuelle, à une situation désirée en mobilisant les
compétences nécessaires à cette réussite. Des situations
intermédiaires assurent le passage de la situation initiale à
la situation finale. Situation actuelle, situation(s)
intermédiaire(s), situation désirée sont des états de la
tâche qui permettent d'assurer et de vérifier sa réussite.
Si la représentation mentale de la situation initiale peut
ne pas poser de problèmes particuliers, il n'en va pas de même
pour les situations intermédiaires et pour la situation finale
parce qu'elles n'existent pas en dehors de cette mentalisation.
Pour assurer la réussite d'une tâche, il faut donc que
l'élève puisse

|
se
représenter le produit final auquel il faut aboutir,
c'est-à-dire être en mesure d'évoquer ce produit sous
forme d'image mentale.
|

|
désirer
ce produit final. Ce désir est source de motivation et
ne peut exister que si la réussite de la tâche
entraîne la satisfaction d'un besoin.
|
Si un apprentissage est nécessaire, il doit viser

|
la
maîtrise des opérations mentales de représentation (
énumérer, décrire, comparer, distinguer, classer,
définir ) ; |

|
la
familiarisation avec les gestes mentaux d'évocation
auditive et/ou visuelle ; |

|
la
formation d'expectatives, sources de motivation. |
Unité de remédiation
Une unité de remédiation peut se définir en trois temps

|
une
évaluation diagnostique
critériée des compétences de l'élève à l'occasion
d'une tâche donnée ; |

|
le
résultat de cette évaluation fournit les informations
nécessaires à l'élaboration d' une séquence
d'apprentissage, appuyée sur des évaluations
formatives critériées, visant l'acquisition et
l'appropriation des compétences non maîtrisées ; |

|
une
évaluation terminale sommative. |
La séquence d'apprentissage
Nous proposons une modélisation de la séquence
d'apprentissage qui en fait apparaître les principaux
paramètres.
N.B.
:
|
Cette modélisation
repose sur certains éléments que l'institution a validés (ce
sont les composantes « canoniques » d'une séquence
d'enseignement : objectif général, objectif intermédiaire,
application, évaluation formative...).
L'une des difficultés
de la réflexion sur la notion de séquence, c'est que le modèle
canonique que l'on en propose se fonde sur des éléments
hérités d'un béhaviorisme « pur et dur », dominant dans les
années 70 ( SKINNER, MAGER, D'HAINAUT, etc.), et qui a conduit à
ce que l'on a appelé, en France, de façon très inappropriée,
la « pédagogie par objectifs ». La séquence
béhavioriste est explicitement une séquence d'enseignement (i.e.
centrée sur le travail de l'enseignant).
L'approche
cognitiviste/constructiviste (PIAGET, VYGOTSKY, TARDIF, etc.) est préférée
aujourd'hui pour modéliser des situations d'apprentissage
(centrées sur le travail de l'élève). Tout ce qui est
développé dans cet article est issu de ces travaux.
Or behaviorisme et
cognitivisme sont incompatibles à bien des égards. La
modélisation proposée ne peut donc éviter les contradictions
inhérentes au rapprochement de ces deux courants de pensée. |
agrandir l'image > |

|
Objectif
terminal
|
Il
s'agit d'une tâche complexe que les apprentissages
réalisés en cours de séquence doivent permettre de
mener à bien. Aucun apprentissage supplémentaire ne
devrait être nécessaire mais tous les apprentissages
explicitement réalisés en cours de séquence devraient
pouvoir être efficacement réinvestis. La tâche
terminale permet l'évaluation des opérations mentales
maîtrisées, des compétences acquises et du (des)
mode(s) de pensée privilégié(s). Une remédiation
éventuelle repose sur le critériage fin de ces
maîtrises ou non-maîtrises.
N.B.
: la séquence ne consiste en aucun cas à faire
travailler les élèves sur cette tâche terminale ; en
d'autres termes, les objectifs intermédiaires ne
doivent pas, en tant que tâches, être des sous-tâches
de l'objectif terminal.
|
Objectif
intermédiaire
|
Également
formulé en termes de tâche, l'objectif intermédiaire
représente un objectif-obstacle, une
situation-problème ( cf. MEIRIEU, 1987 ) à
dépasser. Dans une unité de remédiation, la
situation-problème considérée met en jeu une ou
plusieurs opérations mentales définies et vise
l'acquisition ou le renforcement de compétences
identifiées, disciplinaires ou transdisciplinaires.
Pour
favoriser les apprentissages et les opérations de
décontextualisation ( à l'occasion d'une réflexion
métacognitive commune ), les opérations mentales et
les compétences visées sont proposées dans trois
types de contextes :

|
un
contexte personnel, familier à l'élève ; |

|
un
contexte didactique, à travers des activités
de type scolaire ; |

|
un
contexte professionnel ( cf. Pédagogie
de l'alternance ). |
Une
séance d'apprentissage contextualisé, articulée
autour d'un objectif intermédiaire, comporte plusieurs
phases :

|
découverte
du problème lié à la tâche ; |

|
construction
de l'espace du problème ; |

|
échange
sur des stratégies de résolution ; |

|
modelage
à partir d'une autre situation
caractéristique. |
|
Séance(s)
d'application
|
A
partir d'une évaluation formative critériée, des
activités de consolidation voire de remédiation sont
proposées aux élèves. Il importe, en effet, de
laisser un temps de latence, nécessaire à
l'apprentissage, entre la présentation des opérations
mentales et des compétences visées ( séance
d'apprentissage = objectif intermédiaire ). On
programmera autant de séances d'application qu'il sera
nécessaire pour la maîtrise, par le maximum
d'élèves, des objets d'apprentissage visés.
Ces
séances sont les moments privilégiés pour
l'articulation des compétences mises en œuvre et la réflexion
métacognitive destinée à favoriser la
décontextualisation nécessaire au possible transfert
des habiletés cognitives et compétences acquises. |
Situations
de travail
|
A
l'occasion des séances d'apprentissage ou des séances
d'application, il convient d'être particulièrement
attentif aux dispositifs didactiques proposés aux
élèves. Toute situation de travail, individuelle ou
collective, doit :

|
permettre
l'émergence des conceptions antérieures des
élèves ; |

|
favoriser
l'émergence de conflits cognitifs et/ou
socio-cognitifs ; |

|
favoriser
la mutualisation des compétences ; |

|
permettre
l'accès à des sources multiples d'information
; |

|
permettre
une prise de distance métacognitive pour la
validation de stratégies pertinentes. |
|
BIBLIOGRAPHIE
BEYER (B. K.) : (1987), Practical
strategies for the teaching of thinking, Allyn and Bacon
Inc.
BRIEN (R.) : (1993), Science
cognitive et formation, Presses de l'Université du
Québec
BRIEN (R.) : Apport des sciences
cognitives à la technologie éducative
Sur Internet à l'adresse : http://www.fse.ulaval.ca/fac/ten/reveduc/html/vol1/no1/scco.html
COLLINS (A.), BROWN (J.S.) & DUGUID
(P.) : (1989), Situated cognition and the culture of
learning, Educational Researcher n°18, .
Sur Internet à l'adresse : http://www.ilt.columbia.edu/ilt/papers/JohnBrown.html.
COLLINS (A.), BROWN (J.S.) & NEWMAN
(S.E.), Apprenticeship : Teaching the crafts of reading,
writing and mathernatics in RESNICK (L.), (ss la dir. de)
: (1989), Knowing, learning and instruction - Essays in the
honor of Robert Glaser, Hillsdale, New Jersey, Lawrence
Erlbaum Associates
FLAVELL (J.H.), Développement
métacognitif in BIDEAUD (J.) & RICHELLE (M.) :
(1985), Psychologie développementale, problèmes et
réalités, Mardaga
LIEURY (A.) : (1992), Mémoire et
réussite scolaire, Dunod
MARZANO (R. J.) : (1992), A
different kind of classroom. Teaching with dimensions of
learning, Association for Supervision and Curriculum
Development
MARZANO (R.J.) & PICKERING (D.) :
(1997), Dimensions of learning,Association for
Supervision and Curriculum Development
MAUDUIT-CORBON (M.) & MARTINI (F.)
: (1999), Pédagogie de l'alternance, Hachette
Éducation
MEIRIEU (P.) : (1994), Apprendre…
oui, mais comment, ESF Éditeur, 12e édition
MEIRIEU (P.), ( ss la dir. de),
coordonné par GRANGEAT (M.) : (1997), La métacognition,
une aide au travail des élèves, ESF Éditeur
OLERON (P.) in FRAISSE (P.) &
PIAGET (J.) : (1963), Traité de psychologie expérimentale,
t. 1, PUF
PALINCSAR,( A.S.) & KLENK (L.) :
(1992), Fostering literacy learning in supportive contexts,
Journal of learning disabilities
TARDIF (J.), Savoirs et savoir-faire
: une dynamique pédagogiquement ignorée in BENTOLILA,
A., ss la dir de : (1995), Les Entretiens Nathan,
Savoirs et savoir-faire, Nathan Pédagogie
TARDIF (J.) : (1992), Pour un
enseignement stratégique, Les Éditions Logiques
VYGOTSKY (L.S.) : (1992), Pensée et
langage, La Découverte
WEIL-BARAIS (A.) : (1993), L'homme
cognitif, PUF
|