La séquence d'apprentissage

     

   

Remarque liminaire : alors que dans les pays anglo-saxons elle est, dans un environnement béhavioriste, un principe d'organisation de l'enseignement, toutes disciplines confondues, la notion de séquence, en France, n'est, semble-t-il, évoquée que dans le seul contexte de l'enseignement du français, en dehors d'ailleurs de toute référence au béhaviorisme. Les textes officiels régissant les autres disciplines n'y font pas allusion.

    

    
Organisée autour d'objectifs ( généraux ou terminaux, intermédiaires, spécifiques... ), la séquence est un héritage incontestable du paradigme béhavioriste. Introduite, dans les années 1980, comme élément organisateur de la formation dispensée dans les Lycées Professionnels ( notamment par l'intermédiaire de M. BILLON, professeur à l'ENNA de Paris-Nord ), la séquence s'est peu à peu imposée dans les textes officiels de l'Éducation Nationale : toutes les Instructions Officielles pour l'enseignement du français, du Collège au Lycée, préconisent un enseignement organisé en séquences. Mais, tandis qu'elle est proposée dans toute sa vigueur béhavioriste en L.P., la notion de séquence, au lycée et au collège, s'est singulièrement assouplie et ne subsiste, sous le nom de séquence didactique, que comme principe organisateur d'activités scolaires décloisonnées 1 .

Dans une perspective plus générale, une séquence d'apprentissage est une unité de travail au cours de laquelle, à l'occasion d'activités diverses, les élèves doivent mettre en oeuvre des compétences assimilées, consolider des acquis antérieurs non parfaitement stabilisés et acquérir de nouvelles compétences. Des séances d'apprentissage, qui jalonnent la séquence, sont élaborées en vue de favoriser l'acquisition de ces nouvelles compétences.

La séquence est organisée autour d'un objectif terminal, exprimé sous forme de tâche, qui spécifie la production que les élèves auront à réaliser à l'issue de cette unité de travail. Cet objectif terminal peut être opérationnalisé ou non.
  

Opérationnalisation des objectifs

Un objectif est opérationnalisé à partir du moment où l'on précise dans son intitulé en plus d'un comportement observable et de la production attendue, les conditions de réalisation de la tâche ( durée, matériel à utiliser, aides autorisées... ) et les critères d'évaluation de la production réalisée. En ce sens, n'importe quel objectif peut être opérationnalisé.

Ainsi 

« Écrire un poème » est un objectif terminal non opérationnalisé

« Écrire un poème en utilisant un maximum de termes qui ne contiennent que les lettres utilisées dans le mot « antilope ». Le poème comportera au moins trois strophes, les vers seront, au choix, des octosyllabes, décasyllabes ou des alexandrins. La rime n'est pas obligatoire. L'utilisation d'un dictionnaire est recommandée. La production sera évaluée sur le respect de la consigne et sur la variété des termes utilisés. La correction syntaxique du poème sera évaluée mais on ne tiendra pas compte de l'orthographe. » est un objectif terminal opérationnalisé. On voit bien à quelles aberrations peut mener une volonté d'opérationnalisation excessive.

  

Dans le système scolaire français, la réflexion sur les objectifs  est un héritage béhavioriste déjà ancien. La révolution cognitive, qui a proposé une alternative heureuse au béhaviorisme pur et dur en vigueur jusque dans les années 1980, n'en a pas cependant rendu obsolètes tous les apports.
  
Ce qu'on peut regretter, cependant, c'est la permanence dans le discours institutionnel d'un langage béhavioriste d'autant plus rigide qu'il est parfois peu maîtrisé par ceux qui le tiennent. Ils n'ont retenu, en substance, de l'approche béhavioriste de l'apprentissage que ce qui, lorsqu'on l'y réduit, en constitue la caricature.
Même si constructivisme, cognitivisme  et béhaviorisme s'opposent radicalement, on peut cependant  retenir certains apports de ce dernier, surtout dans le domaine de la planification de l'enseignement. Pour une discussion de ce qui a été, fort improprement, appelé la « pédagogie par objectifs », voir Les objectifs en pédagogie.

  
Les approches constructivistes et cognitivistes ont mis en évidence les difficultés liées à l'acte d'apprendre, notamment qu'il implique conflits, ruptures et régressions. La séquence d'apprentissage doit donc veiller à laisser un temps suffisant pour que les apprentissages puissent se réaliser ; c'est pourquoi elle n'enchaîne pas les séances d'apprentissage et ménage des plages de travail qui permettent aux élèves de s'approprier les compétences nouvelles ou d'affermir celles qui le nécessitent. Les activités proposées à l'occasion de ces véritables séances d'application gagnent à être différenciées en fonction des besoins de chacun.

  

Modélisation d'une séquence d'apprentissage

Les objectifs intermédiaires de la séquence permettent la mise en place de situations d'apprentissage. Celles-ci se présentent comme des situations complexes à l'occasion desquelles les élèves réalisent une tâche qui fait appel à leurs connaissances antérieures mais qui doit également leur faire prendre conscience des compétences à acquérir pour résoudre le problème auquel ils sont confrontés. En ce sens, une séance d'apprentissage, organisée autour d'un objectif intermédiaire, est toujours une situation-problème.

  

La notion de séquence, telle qu'elle est appliquée en ce moment dans le système scolaire français, dominé par des objectifs de programme, implique une planification stricte, une prédétermination forte de l'enseignement. Elle accorde, par la force des choses, un intérêt limité au concept d'apprentissage ( il s'agit de juger des faits, non du discours et des énoncés d'intention ). Dans un environnement constructiviste, elle semble donc très peu pertinente.

En effet, dans cette perspective, l'élève devient par lui-même constructeur de connaissances et, par conséquent, l'enseignant ne peut plus planifier de façon précise ses interventions puisque celles-ci doivent suivre au plus près les activités et les démarches de l'élève en situation de résolution de problèmes.

Si l'enseignant planifie encore, cette activité vise essentiellement la recherche des situations et scénarios d'apprentissage, ou encore la recherche et la mise en oeuvre des activités authentiques ( projets d'action culturelle, par exemple ) qui favoriseront les apprentissages.

M. F. YOUNG, dans un article intitulé Instructional Design for Situated Learning ( disponible ici dans sa traduction française : Planification pédagogique pour un apprentissage contextualisé  ), a cependant jeté les bases sur lesquelles concevoir une planification des apprentissages dans un cadre constructiviste ( cf. également sur ce site l'apprentissage contextualisé ).

  

A lire

DESSUS, P. : (2000), La planification des séquences d'enseignement, objet de description ou de prescription ?, Revue Française de Pédagogie, n° 133, pp. 101 - 116.

   

NOTES

1 voir notamment à l'adresse http://www.cndp.fr/college/ dans « Textes officiels» les textes d'accompagnement des programmes de français    retour au texte