Qu’est ce qui nous est donne au juste dans la perception visuelle?

S’agit-il de données sensorielles, cognitives ou existentielles ?

 

  •    Influence de notre culture, de notre mode de vie sur la perception de certaines illusions.

C’est comme si l’on voulait voir ce que l’on a appris. L’apprentissage aurait un rôle à jouer dans le phénomène de l’illusion.

L’exemple de l’illusion ambiguë de la belle et de la sorcière dénote une aptitude du cerveau a reconnaître plus rapidement l’une ou l’autre des figures selon notre environnement quotidien. Cette influence de la culture se retrouverait aussi dans la perception des illusions qui mettent en oeuvre la faculté du cerveau à essayer de trouver des lignes droites et des angles droits.

Les Zoulous d’Afrique du Sud tout comme le faisaient nos ancêtres préhistoriques, évoluent dans un environnement dominé par des lignes courbes et ne se montrent pas sensibles aux illusions comme le triangle de Kanisza. Pour nous il suffit de nous présenter deux ou trois points qui pourraient former une ligne droite pour que nos neurones empruntent vite ce raccourci et aient tendance à imaginer des lignes droites même là ou il n’y en a pas.

De la même façon, si nous ne voyons qu’une petite partie d’un objet ou d’une personne nous pouvons deviner  les parties cachées et en donner la forme générale. Nous extrapolons par rapport à ce que nous avons déjà vu ou que la logique nous guide.

                                                                                                              

  •  sensation, expérience ou jugement :

La perception est-elle sensation, expérience ou jugement immédiat?

Avant d’être un mode de connaissance des choses, la perception est l’activité vitale de tout organisme en contact avec son milieu. Déjà Aristote considérait que la perception, acte de la sensation, était l’une des caractéristiques des organismes vivants.

Les origines de notre perception des choses sont d’abord utilitaires: “ C’est l’herbe qui attire l’herbivore” dit Bergson, l’homme ne saisit des choses que ce qui l’intéresse.

A côté de cette thèse de la perception comme activité vitale deux autres thèses se sont développées: la thèse intellectualiste et celle de la Gestalt-théorie.

La thèse intellectualiste est soutenue entre autre par Platon, Descartes, Malebranche et Alain. Ces derniers se demandent si la perception peut nous fournir une connaissance des objets qui soit vraiment fiable.

Platon établit que puisqu’un sens ne peut éprouver ce qu’éprouvent les autres sens, l’unité de l’objet ne peut être que l’oeuvre d’une faculté distincte de l’expérience sensible.

En analysant un morceau de cire, Descartes montre que ce ne sont pas les sens qui perçoivent mais l’entendement qui seul permet de donner à l’objet son unité. Il définit ainsi la perception non comme une vision mais comme une inspection de l’esprit:. “ si l’on peut dire que les sens ne trompent pas, ce n’est point parce qu’ils jugent toujours juste mais parce qu’ils ne jugent pas du tout”

Malebranche montre que l’âme estime la grandeur et la distance des objets par des jugements naturels conformes à la loi de l’optique: l’image diminue avec l’éloignement; la perception des figures et des mouvements combinent de tels jugements.

Ces conceptions intellectualistes privilégient le rôle de la pensée aux détriments du rôle du corps dans la perception et exagèrent la part du raisonnement. Il ne faut pas oublier le rôle du sujet dans la perception, du sujet affectif et vivant. Cette conception intellectualiste a conduit Kant à poser une distinction entre les jugements de la perception  qui n’ont de validité que subjective et le jugement d’expérience qui leur donne une validité d’universalité et donc plus objective.

La seconde théorie est développée par les psychologues de la forme. Issue du travail de psychologues allemands du début du XX s, cette théorie considère que les formes ou les structures sont des données premières et immédiates de la perception. La forme est inséparable de la matière, les objets se découpent d’eux mêmes, sans intervention de l’intelligence, simplement par leur structure propre sur un fond différencié.

Pour Hussel la perception est un acte de conscience qu’on ne saurait rendre intelligible. Seule la perception saisit la chose dans sa présence corporelle contrairement à l’imagination ou au souvenir qui rendent présent à la conscience quelque chose d’absent.

Merleau-Ponty définit aussi la perception comme un acte spécifique qui veut que le quelque chose perceptif est toujours au milieu d’autre chose. L’idée que la perception est un acte à envisager dans sa totalité et sa spécificité est aussi un des arguments majeurs de cette théorie.

Kohler, théoricien de la psychologie de la forme en fait l’aveu: le ciel bleu dans une rue étroite dessine au dessus des maisons un rectangle qui constitue une très belle forme, or ce n’est pas le ciel qui est vu comme figure, ni les lignes des toits, ce sont au contraire les maisons qui sont perçues comme figure, le ciel ne joue que le rôle de fond.

 

  • Perception et existence:

 

Freud explique l’illusion par le triomphe du principe de plaisir sur le principe de réalité. L’illusion remplit une fonction de défense contre la réalité frustrante.

Les illusions nous aident à vivre: pour Nietzsche, la vie a besoin d’illusions c’est à dire de non - vérités tenues pour des vérités. Mais l’illusion n’est pas une solution viable, ou bien le réel le dément ou bien elle peut nous conduire au délire. L’illusion pose un problème moral: elle soumet le monde et les autres à nos fantasmes! Elle peut modifier profondément notre rapport sensible à la réalité. .

L’illusion compromet notre accès à la vérité: elle est source d’erreur! Comment en neutraliser les effets trompeurs? Il  faut s’attaquer à la certitude qui fait que nous nous trompons: l’illusion majeure est en effet de croire que l’on sait. Il faut dégager une zone ou la certitude ne saurait être suspecte comme Descartes doutant de tout ce qu’il a appris et découvrant qu’il ne sait rien de façon certaine sinon qu’il pense et donc existe en tant que sujet pensant.

Enfin il faut maintenir l’illusion à distance en distinguant l’apparence de la réalité mais pour cela la condition est la libre disposition de l’usage de la raison.

L’illusion permet de critiquer la réalité telle qu’elle est à partir d’une représentation de la réalité telle qu’il serait désirable qu’elle soit et dans ce cas elle rend l’espoir
 
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