Les typologies génériques

les genres

  

On peut définir le genre comme une production orale ou écrite plus ou moins codifiée par l'usage social, ou une forme-type réglant une pratique socio-discursive : la lettre, l'écrit de presse, le roman, la comédie, la poésie lyrique, l'interview... sont des genres.

Les grands genres se diversifient en sous-genres qui, eux-mêmes, peuvent être sous-catégorisés. Par exemple, pour la presse écrite, on distingue 1 24 sous-genres, dont l'interview, qui a été elle-même sous-catégorisée en 12 formes.

Tout discours, oral ou écrit, s'inscrit dans un genre. « Les genres du discours organisent notre parole de la même façon que l'organisent les formes grammaticales... Si les genres n'existaient pas et si nous n'en avions pas la maîtrise... l'échange verbal serait quasiment impossible. » 2

Les genres préexistent donc aux discours, ils sont donnés, ce ne sont pas les locuteurs qui les créent. Ils constituent autant d'intertextes préalables à toute production langagière.

Les genres naissent, se développent, évoluent, se subdivisent, meurent... L'histoire de la dissertation, ce genre scolaire par excellence, en est l'illustration la plus évidente. Et que dire du roman, du théâtre, de la poésie ?...

Les typologies génériques sont naturellement multiples et variables, surtout lorsqu'il s'agit de sous-genres : en effet, comparés aux formes syntaxiques, les genres sont beaucoup plus changeants, plus souples, et leurs frontières souvent imprécises. Ils n'en sont pas moins, pour le sujet parlant, relativement aisés à reconnaître et à catégoriser.

une même production verbale peut relever de plusieurs genres. C'est ainsi que « Créature » de R. BELLETTO 3 tient à la fois du roman sentimental, du récit, d'horreur, du policier, de la science-fiction et du roman feuilleton; cette « incertitude » générique peut désorienter le lecteur, mais constitue probablement une étape de l'évolution du genre « roman », vers un genre nouveau.

  

Genres et types de textes

Un genre discursif peut correspondre à un seul type de texte, mais s'agence le plus souvent en plusieurs séquences textuelles. La fable « Le Loup et l'Agneau » comporte des séquences argumentatives, narratives, et conversationnelles. Réciproquement, un même type de texte peut s'inscrire dans des genres (et sous-genres) variés : le type narratif, par exemple, dans une fable,  un poème, un roman, une nouvelle, une brève de journal...

  

La réalité générique

Le fait de s'inscrire dans un genre surdétermine les productions verbales autant que la réalité typologique textuelle. D'après D. MAINGUENEAU 4, elle définit au moins cinq types de contraintes :

  

le statut respectif des co-énonciateurs ;
la situation d'énonciation ;
le support et les modes de diffusion ;
les thèmes qui peuvent être introduits ;
la structure compositionnelle, les agencements textuels (longueur, mode d'organisation...)

C'est cette surdétermination par le genre, ce caractère de « réalité première » de tout discours, qui a incité J.-M. ADAM 5 à « en finir avec les types de textes » et à privilégier l'approche par le genre, en gardant cependant la notion de séquences textuelles considérées comme « des unités de composition inférieures à l'ensemble texte » - mis à part le cas des textes monoséquentiels.

« Si l'on tient à parler de « types » au niveau global et complexe des organisations de haut niveau, il ne peut s'agir que de types de pratiques socio-discursives, c'est-à-dire de genres. » Cependant, un peu plus loin, il rappelle que M. DIMTER 6 dénombre quelque 1100 genres ! - alors que les typologies textuelles sont basées, en moyenne, sur quatre à dix types de séquences.

Dans ces conditions, il est évident que l'analyse/production de discours ne peut s'organiser, en didactique, autour des genres, dont la multiplicité découragerait toute tentative raisonnable de classement.

En revanche, nous proposons, dans l'état actuel de la recherche théorique, d'organiser l'enseignement sur l'alternance entre les genres, les séquences textuelles et les actes de discours.

Les genres, lorsqu'il s'agit de travailler sur des « organisations de haut niveau » comme par exemple le roman, la comédie, le récit de vie, le recueil poétique...

Les séquences textuelles, pour des « entailles » de textes, énoncés courts, mono ou pluriséquentiels, pour lesquels l'analyse séquentielle paraît plus pertinente : énoncés expressifs, textes professionnels, discours argumentatifs, courtes narrations, tracts, etc.

Les actes de discours, lorsqu'à l'évidence l'approche générique ou séquentielle est insuffisante pour rendre compte de la dominante pragmatique d'un discours : promesses, prévisions, engagements, mises en garde...

Ces trois types d'approches, textuelles et discursives, ne s'excluent pas ; simplement, l'une sera première pour déterminer l'articulation de la progression et des séquences d'apprentissage. Mais il va sans dire que l'étude d'une pièce de théâtre ne sera pas exclusivement générique, que types de séquences et actes de discours vont souvent de pair - et surtout, qu'en tout état de cause, l'appartenance générique constitue un paramètre de compréhension/production indispensable à toute approche discursive.

Corrélativement, toute construction didactique qui négligerait l'inscription du discours dans un genre serait trop réductrice et par conséquent peu pertinente.

  

  

NOTES  

1 AGNES, Y. & CROISSANDEAU, J.-M. : (s.d.), Lire le journal, F.P. Lobies, pp. 34-36    retour au texte

2 BAKHTINE, M. : (1984), Esthétique et théorie du roman, Gallimard, p. 285    retour au texte

3 BELLETTO, R. : (2001), Créature, Editions J'ai Lu     retour au texte

4 MAINGUENEAU, D. : (1966), Termes-clés de l'analyse du discours, p. 44    retour au texte

5 ADAM, J.-M. : (1999), Linguistique textuelle, Nathan Fac, chap. 3    retour au texte

6 DIMTER, M. : (1985), On text classification, in Discourse and Literature : New Approaches to the Analysis of Literary Genres, T.A. Van DIJK éd., John Benjamins     retour au texte