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La Libération de HAGUENAU
et de sa région

(Extraits des recherches de Mr André WAGNER)

 

LA DOUBLE LIBERATION DE HAGUENAU.

Haguenau a été libérée une première fois le 11 décembre 1944, 18 jours après Strasbourg, puis la moitié de la ville a été abandonnée à nouveau à l’occupant. Ce n’est que le 16 mars suivant qu’elle a été libérée définitivement.

Pourquoi cette libération si tardive et pourquoi deux libérations ?

La Libération de Haguenau est une séquence de cette terrible guerre qui a été la plus meurtrière de tous les temps. Elle a coûté plus de 40 millions de morts, alors que la «Grande Guerre» « seulement » 13 millions. De plus, les victimes étaient d’une autre nature car ce sont surtout les civils qui ont souffert. Les monuments aux morts en témoignent: on ne trouve que quelques noms de plus, ajoutés au bas de la longue liste de ceux de 14/18.

En principe cette guerre a commencé le 4 septembre 1939, le jour de sa déclaration, et s’est terminée avec l’Armistice du 8 mai 1945, mais certains la voient commencer au traité de Versailles le 28 juin 1919, et se terminer sur la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Il faut donc nécessairement délimiter le sujet dans le temps.

Novembre 1944 :

En Alsace encore occupée, la vie est « presque normale ». Quelque peu accoutumés aux bombardements et rompus à la débrouille pour le ravitaillement, les Haguenoviens voient le repli, assez désordonné, de l’armée allemande et les différents services de l’occupant s’affoler. L’incorporation de force des jeunes Alsaciens s’accentue. Les plus âgés sont appelés à creuser des tranchées d’autres partent au « Volkssturm ».

Dimanche 12 novembre. Quelque 200 incorporés de force à la Wehrmacht des environs de Haguenau sont embarqués au lieu dit « RAMPE » à la sortie de la gare. « Partis dans le brouillard de cette journée d'automne, ils furent jetés dans les plus terribles combats de cette guerre atroce. Un départ sans retour. Tout leur bataillon avait été enterré vivant par les chars russes. »
Vendredi 17 novembre. Bombardement par avion du Metzgerhof et de l'usine VINCENT. Un ouvrier y est tué.
Dimanche 19 novembre. L'armée française du général de Lattre de Tassigny arrive au RHIN à ROSENAU, près du barrage de KEMBS qui avait été détruit partiellement par un bombardement aérien.
Lundi 20 novembre. Le dernier convoi d'incorporés au RAD quitte Strasbourg.
A Haguenau, la Wehrmacht installe un dépôt de munitions au château WALK.
Le front approche !
Des éléments disparates de l’armée allemande qui portent les traces de combats traversent Haguenau et on sent l’issue proche.
Mardi 21 novembre. La ville entre en guerre, les magasins ferment.
Mercredi 22 novembre. Destruction de la station de pompage de l'eau potable de Haguenau, la Breymuhl, située à Rohrwiller. Il n’y a plus d’eau au robinet.


Jeudi 23 novembre : Libération de Strasbourg.


La ville de HAGUENAU est concernée directement par cet événement.
La libération de Strasbourg n’intéressait absolument pas les Américains, ils voulaient contourner la ville pour éviter les combats de rue et de se heurter sur la Forêt Noire. Leur 3° armée envisageait de franchir le Rhin au droit de Haguenau.
Le 10 novembre le Général LECLERC reçoit un ordre de l’état major prescrivant, après une attaque menée par deux divisions d'infanterie américaine, d'exploiter la brèche ainsi réalisée en direction de Haguenau et éventuellement de Strasbourg.
Il en a décidé autrement parce que Strasbourg représentait pour lui, comme pour toute la France, un capital moral et national. Aussi pour donner suite au serment de libérer l’Alsace fait à Koufra .
Ainsi le sort était scellé: après avoir été dans le glacis de la Ligne Maginot au début de la guerre, Haguenau sera jetée dans le feu pour la terminer. En revanche Strasbourg est sauvée. Le général allemand VATERRODT, commandant de la place, est fait prisonnier par l'armée de LECLERC. Il n'avait pas fait de dégâts, peut être par sympathie car il est né à Thionville, le 29/04/1890. Heureusement pour Strasbourg, l'Alsace-Lorraine avait donné à l’armée allemande un commandant peu violent.

Le bruit du front se rapproche. On entend le bruit de chars Route de Schweighouse. Les premiers coups de feu sont échangés au château WALK. A partir de 10 h 30 il n’y a plus de courant. Sans électricité, les Haguenoviens sont privés d'informations et les rumeurs circulent. Les habitants s'abritent dans les caves.
Les Américains s’approchent de la ville et le no man's land passe près de la maison Paulus (Weinumshof). Les Waffen-SS y installent leur commandement et des chars chargés de munitions y stationnent dans la cour. 3 officiers dirigent le feu vers les Américains d'après les ordres de leur quartier général situé du côté de Kaltenhouse.

Vendredi 24 novembre. Les jeunes de Haguenau sont convoqués à un ultime conseil de révision qui devait se tenir à 8 H du matin à l'école rue du puits. Heureusement il n’a pas lieu car le but de ce conseil était de recruter d’éventuels volontaires pour la Waffen SS.
Le terrain d'aviation brûle et il n’y a plus d'eau au robinet. L'artillerie américaine, guidée par un petit avion PIPER que l’on voit au loin à l'ouest, tire selon les manuels d'instructions : arroser le terrain à l'aveugle: les carrefours, les bosquets, les coins des bois.
Une déclaration du général LECLERC affichée sur les murs de Strasbourg se termine par la phrase suivante:
" Habitants de Strasbourg! La France et ses alliés ne recommenceront plus la faute d'hier, l'envahisseur ne reviendra pas."
Malheureusement, cette déclaration ne concerne que Strasbourg..………et à Haguenau, on s’installe dans les caves.

Samedi 25 novembre. Des obus tombent toute la nuit. Route de Weitbruch deux personnes sont tuées et on compte 16 civils blessés. Le château WALK est sérieusement endommagé.
Un train chargé de 50 chars allemands "Tigre" arrive en gare de Haguenau. Trois divisions allemandes, soit 20.000 hommes, sont en route pour reprendre Strasbourg par le nord de l'Alsace.
Les tirs de l’artillerie américaine sur Haguenau commencent le soir à 18 H 45.
Les Américains sont à Brumath et à Schweighouse, ils avancent vers Haguenau. Tout le quartier de la Musau est devenu un no man's land. Gries et Weitbruch sont libérés.

Les personnes se regroupent dans les abris qui leur paraissent les plus surs : un exemple parmi d’autres : SCHEFFELS Willy, directeur le l'école St Georges et futur adjoint au maire, va de maison en maison dans le quartier de la Musau pour rassembler les gens et les installer à la Cave à Champagne de la rue du Foulon. Pratiquement tout le quartier s'y réfugie, 600 à 700 personnes. On y installe un autel et l'abbé KAUTZMANN, vicaire à St Georges, dit la messe. Il donne l'absolution générale et tous communient.
La monotonie de la vie des gens dans leurs caves est rompue par le bruit d’un canon allemand autotracté. Il change souvent de position et tire chaque fois une salve de cinq obus, après quoi il repart vite pour échapper aux représailles des Américains. La riposte ne manque jamais : une salve massive d'obus qui cause d'importants dégâts aux immeubles, mais ratent à chaque fois leur objectif. Comme celui-ci revient souvent aux même endroits, le cinquième jour les Américains réussissent à l'écraser au lieu-dit " Kleine Baïmle ".

Dimanche 26 novembre. Les pistes du terrain d'aviation sont dynamitées. On ne signale pas d’événements particuliers à Haguenau mais une forte activité de l'aviation allemande. Des villages environnants sont bombardés à partir de la Forêt Noire. Les premiers Américains approchent et s’aventurent dans Bischwiller et les faubourgs de Haguenau.

Lundi 27 novembre.
Le pont de Wissembourg est miné avec trois grosses bombes. Le couvre-feu pour la population, à 5 heures le soir, est confirmé par affiches et la nuit on voit des incendies, ce serait Weitbruch en flammes.

Mardi 28 novembre. Libération de Batzendorf. Quelques Haguenoviens vont vers les Américains et signalent un grand nombre de chars près de la piscine. De l’autre côté de la ville, l'état major allemand s'installe dans la propriété Pickering au Schloessel

Mercredi 29 novembre. Le matin, libération de Wintershouse et de Niederschaeffolsheim, (où il y a 17 victimes) L'après-midi d’Ohlungen et de Harthouse.
La ligne de front s'établit entre Niederschaeffolsheim et Wintershouse en passant par Harthouse. Tir d'artillerie sur la ville toute la journée.

Plus de 400 malades et de blessés ont trouvé refuge dans la cave de l'hôpital dans des conditions précaires. Souvent on y opère. Le personnel et de nombreux voisins y séjournent également. A l'époque un bras de la Moder longe ce bâtiment aujourd'hui disparu et le pont au bout de la place d'Armes est prêt à être dynamité. Huit grosses bombes de 500 Kg, reliées par une mèche sont enfouies à l'entrée de la rue de Château. L'écroulement de ce pont aurait fait monter le niveau de la Moder et inévitablement la cave en question aurait été inondée, et des tours de pompage sont organisés pour évacuer l'eau d'infiltration.
Pour éviter ce risque, le Dr KESSLER envoie le « Fac Totum » de l'hôpital Oscar PILOT qui occupe la fonction de « Betriebsluftschutsleiter » chez le « Standortoffizier » le Hauptmann KRAEMER afin de le prier de ne pas procéder à cette destruction. Mais d'après les déclarations du Hauptmann, la défense de la ville n'est pas dans les mains de la « Platzkommandantur » mais de la « Feldwache » auprès de laquelle la démarche n’aboutit pas.
Il ne reste donc plus qu'une solution, celle de détourner les flots de la Moder par le canal de dérivation. Oscar Pilot, muni d'un laissez-passer établi par le Hauptmann KRAEMER se rend, malgré les tirs d'artillerie, au Moulin Neuf, en passant par le pont de chemin de fer, lequel est chargé de bombes d'avions prêtes à le faire sauter. Le passage sous le "Pont Noir" (près de la gare) est barricadé et le parc semé de mines. Grâce à la clé de l'écluse confiée par le propriétaire du Moulin Neuf, H. AMANN qui s'était abrité dans sa cave, l'eau a pu être déviée en évitant ainsi l'inondation du sous-sol de l'ancien hôpital.

Jeudi 30 novembre. Intense duel d'artillerie la nuit, jusqu'à 6 heures du matin. Dans les caves on entend une grosse explosion vers les 8 heures du matin sans savoir de quoi il s’agit.
Des commandos de dynamitage, installés dans la caserne AYME, sont chargés de détruire tous les ponts, les installations et les services ayant un caractère stratégique. Il s'agit de troupes SS fanatiques qui mettent à leur actif la destruction de la gare de Haguenau, six grands ponts ferroviaires, quatre ponts à l'intérieur et trois à l'extérieur de la ville, l'usine à gaz, la station d'électricité, la chaufferie de l'abattoir, les escaliers d'accès au clocher de St Georges, et encore diverses autres constructions.
Schweighouse est libérée au crépuscule.

Vendredi 1° décembre. Les Américains venant de Harthouse attaquent Haguenau à travers bois et non par la route nationale, car ils sont informés de la présence de deux pièces antichars dans le secteur.
Prise de Meyershofen et du Château Walk. La gare brûle. Les Allemands dynamitent la Poste avec des grenades à main.

Samedi 2 décembre. Une contre-attaque allemande sur le Château Walk est repoussée. Plusieurs soldats allemands y sont tués.
La nuit entend des avions en permanence et tirs d'artillerie tombent sur la ville.
Des chars Américains, en position au Chemin des Friches, tirent sur tout ce qu’ils voient bouger.

Dimanche 3 décembre.
Les premiers Américains venant de Brumath et de Harthouse avancent jusqu'au pont de chemin de fer de Haguenau où ils tombent sur la résistance des Allemands. La route de Strasbourg est fortement défendue. Les combats y dureront jusqu'au 11.

Le château d'eau est dynamité. Le clocher de St Georges devait subir le même sort, mais il a pu être sauvé grâce à trois démarches successives faites par diverses personnes influentes de la ville, parmi lesquelles on peut citer le curé BANDT de St Georges, l'abbé GROMER conservateur du musée, le professeur HOUTMANN et l'armurier Gaston MOSSER.
C'est plus par vengeance que pour des raisons militaires que le commandant SCHUTZE, responsable des destructions systématiques, veut faire sauter ce clocher, car la cathédrale de Cologne n'avait pas été ménagée. Il s'était publiquement déclaré ennemi des Catholiques. Finalement il se contente de détruire les deux escaliers d'accès à la tour de St Georges.

Mardi 5 décembre. La Luftwaffe survole le secteur. On construit des barricades au centre ville qui continue à être bombardé par l’artillerie.

Mercredi 6 décembre. Le pont de Strasbourg saute. Déjà habituée au bruit, une Haguenovienne qui n’habite qu’à quelques centaines de mètres ne le mentionne pas dans son journal, pourtant tenu méticuleusement. La population dans les caves était fort mal renseignée sur ce qui se passait en ville.


Jeudi 7 décembre.
Les autorités affichent l’avis d'évacuer la population de la ville vers l'Allemagne. Cet ordre est donné par le Kreisleiter HAUSS retiré à Rastatt.

Vendredi 8 décembre. Le pont sur la Moder près de l’hôtel National saute.
Les bombardements continuent.

Samedi 9 décembre. Les Américains lancent une grande offensive à 6 H 45.
Libération de Marienthal dès l'aube puis Kaltenhouse, Bischwiller, Mertzwiller, Laubach, Eschbach, Griesbach, Forstheim et Hegeney.
Ils traversent la Moder entre Kaltenhouse et Oberhoffen qui est pris vers midi.

Entre 14 et 18 heures, des combats commencent à Haguenau dans la forêt au sud du château Walk, puis au carrefour route de Strasbourg et du Chemin des Paysans.
16 H 30, les Allemands fuient..……
17 H 30 les premières patrouilles américaines passent par les jardins le long de la route de Strasbourg (200 hommes). Les gens du quartier assistent aux combats dans leurs caves du 23/11 au 9/12.
Les Américains qui déplorent 7 blessés font deux cents prisonniers ce jour là et détruisirent deux chars ennemis. Ils recherchent, avec l'aide de la population, d’éventuels soldats allemands cachés.

Près de Schweighouse, les Allemands se retranchent des deux côtés de la voie ferrée.
Dans la nuit du 10 au 11, le 314° américain approche de Haguenau par le Clausenhof et la route de Bitche.
Quelques hommes civils courageux vont à la rencontre des Américains que l'on voit en bordure de la forêt depuis la Musau, pour leur dire d’avancer.
Une patrouille se bat pour entrer en ville et avance sous la protection de chars. Elle y pénètre et revient avec une bouteille de cognac donnée par des civils.

Les premiers combats de rues commencent au Metzgerhof Une place forte est établie dans une sablière entre Schweighouse ( l’Etang LEHMANN ). Elle est abandonnée dans la nuit.

Du fait de l'encerclement de la ville, la police allemande qui est restée le plus longtemps possible, se sauve avec les derniers de l’administration civile. Ils se dirigent vers la porte de Wissembourg avec des carrioles et des charrettes à bras bien chargées. En passant le pont certains crient à la population qui se réjouit de les voir partir:

« Wir kommen wieder ! » « Nous reviendrons ! »

Le centre ville et les routes de Soufflenheim et de Strasbourg sont à nouveau sous les tirs de l'artillerie allemande.

Dimanche 10 décembre. Les soldats allemands se sauvent, ils tentent en vain de faire partir un train mais la locomotive est détruite par l'artillerie. Dans un wagon criblé de balles on compte 28 cadavres.

Pratiquement tous les ponts sont détruits en forêt de Haguenau, y compris ceux du petit train de la Ligne Maginot en pleine forêt. Dans la nuit ceux de la porte de Wissembourg du Crocodile sautent, mais en partie seulement.
Des seize ponts et passerelles de l'espace urbain et de son proche environnement douze sont détruits. Six d'entre eux disparaîtront pour toujours lors de la reconstruction de la ville, par le recouvrement de la Moder.

Les derniers combattants allemands installent une pièce de 88 FLAK en pleine ville, au croisement de la rue de Maréchal Foch, elle tire 4 à 5 coups en direction de la Musau en plein jour.
Un autre barrage est monté, rue St Georges, au coin de la rue du Grenier ce qui arrêtera les Américains dans leur progression durant une dizaine d'heures au niveau du parc de la gare.

Enfin, la libération !

Lundi 11 décembre. Retraite spontanée et totale des dernières troupes allemandes de la ville peu après minuit. Un civil va trouver les Américains dans la forêt de la Musau pour les avertir que les Allemands sont partis.
La 256° Panzergrenadier Divizion avait ordre de résister jusqu'au 12, mais manquant de renforts et de matériel, elle se replie jusqu'au nord de la forêt de Haguenau, sur la ligne Surbourg / Seltz.
Les Américains prennent Haguenau sans résistance. C’est aussi la fin, toute provisoire, des tirs d’artillerie sur la ville.

A 8 heures du matin les premières troupes arrivent en colonne par le chemin des Paysans par la route de Weitbruch puis vont vers la ville.
Le parc avait été miné, mais les Allemands n'ont pas enlevé les panneaux « Achtung Minen », ni les bandes indiquant les chemins de passage libre. De ce fait les Américains, guidés par la population, peuvent passer sans mal.
A 9 heures, les premiers descendent la Grand-Rue et avancent vers le centre, en colonnes de part et d'autre de la rue, le long des murs.
Comme Il n'y a plus rien à craindre les Haguenoviens, curieux, sortent de leurs abris et les accompagnent. Très méfiants et irrités par la présence de ces badauds qui avancent avec eux au milieu de la rue, quelques soldats, passablement éméchés, tirent avec leur mitraillette dans les caves par les soupiraux, bien que les gens cherchent de leur expliquer qu'il n'y reste que des civils alsaciens.
A 10 heures, les premiers chars traversent la ville.

Le drapeau tricolore flotte sur l'hôtel de ville et ordre est donné à la population civile d'aider à enlever les barricades.
Après midi le Sous-préfet OSTER et le député Michel WALTER arrivent accompagnés des industriels Auguste et de Robert VINCENT.

Les militaires américains, toujours à la chasse aux souvenirs, vident le stock de drapeaux allemands du MAGMOD. Ils emportent même un drapeau tricolore soigneusement caché pendant la guerre et fièrement déployé devant eux par les gens.

Les Forces françaises de l’intérieur (FFI ) créent une section locale. On recrute des civils en âge de se battre pour assister l’armée dans des tâches diverses, en particulier le maintien de l’ordre.

Mardi 12 décembre. Les Américains procèdent à un déminage sommaire du parc de la gare à l'aide de détecteurs magnétiques. Les mines en bois ne sont pas détectées et l'un d'entre eux saute. Suite à cet accident, un déminage sérieux est fait par des prisonniers allemands. On fait exploser ces mines sur place.

Le journal américain " Philadelphia Enquirer " des 11 et 12 décembre relate les combats à Haguenau.
" En s'emparant de cette ville, la 7° Armée réussit un exploit hautement louable car Haguenau était, pour les ennemis, un centre d'importance capitale tant au point de vue des communications et en même temps leur dernière grande base en France."
La 7° Armée américaine fait son entrée solennelle en ville avec le maire D. BRUMBT qui est de retour accompagné du sous-préfet Oster.

Mercredi 13 décembre. La population qui vient de passer 15 à 18 jours abritée dans les caves déménage vers les appartements. Pour la première fois on couche à nouveau déshabillé dans un vrai lit. Presque tous les carreaux sont cassés et de nombreux murs éventrés. Le grand nettoyage dans les maisons commence.
Les Américains distribuent des cigarettes et du chocolat.

Jeudi 14 décembre. Les FFI sont chargés d'enterrer les morts allemands trouvés dans le Pfaffenwald, situé entre Weitbruch et Haguenau. On enlève 20 soldats allemands déchiquetés par des obus et 9 américains tués par des balles de fusil. Ils sont enterrés au cimetière St Georges

Vendredi 15 décembre.
Le château Walk est à nouveau pris sous le feu des Allemands. En forêt au sud de la ville, il reste des soldats tués et des animaux morts ou divagants.

L’aviation allemande est toujours active. A plusieurs reprises des avions à réaction passent au-dessus de Haguenau libéré. La défense antiaérienne américaine installée au Bildstoeckel ne peut les suivre avec les radars car leur matériel n’est pas prévu pour les vitesses de ces nouveaux avions.
Deux d'entre eux attaquent des avions d’observation PIPER basés au Langensand. Un autre lance une bombe qui tombe le soir route de Weitbruch en arrachant le toit de la maison N° 13.

Dimanche 17 décembre. L’église St Georges étant en triste état, une messe est dite au lycée à 9 heures. Le terrain d'aviation est bombardé à midi et plus tard, trois obus tombent rue du Foulon.

Lundi 18 décembre. Les pompiers se chargent du ravitaillement des boucheries, épiceries et boulangeries. Ils s'occupent aussi du service d'ordre pour éviter le pillage et évacuent les cadavres d'animaux tués dans les rues.
Les Américains distribuent du chewing-gum et du chocolat, ils sont toujours à la recherche de schnaps et de souvenirs, en particulier d’insignes nazis.
Le terrain d’aviation est déjà utilisé par les avions américains. Il a été mis en état par des collaborateurs encadrés par des FFI. Parmi eux il y a des personnes, dénoncées par vengeance.

Mercredi 20 décembre. L'éclairage électrique est rétabli dans quelques quartiers. Le courant est fourni par le dépôt de la brasserie Hattermann.
Les Américains n'avancent plus et on se demande pourquoi. Pour économiser de vies humaines ? Ils disent avoir le temps. On explique l'arrêt de la progression en Alsace du Nord par des difficultés de ravitaillement.
Les Allemands auraient eu 200 morts à Schweighouse, les Américains deux seulement. Lors de l’enterrement de 20 soldats américains à Drusenheim un officier déclare « Cela ne doit plus se reproduire, nous gagnerons la guerre avec notre matériel » On voit circuler une voiture américaine marquée Chapelain. L'église de campagne compte beaucoup pour l’armée américaine.
L’état major américain qui est peu entreprenant n'a pas compris la raison de la reprise de l’activité aérienne allemande durant la semaine du 10 au 16 décembre et ne s'attend absolument pas à la contre-offensive de Rundstedt qui va avoir lieu.

Vendredi 22 décembre. Une patrouille allemande, capturée près de Gambsheim, sonde le système défensif américain afin de préparer une attaque dans le secteur.
La station de pompage d’eau de la ville située à Rohrwiller est dynamitée, ce qui ne change rien à l’alimentation car elle ne fonctionnait pas, faute de courant. La population va chercher l'eau où elle en trouve, en particulier à la fontaine place d'Armes, réputée non potable.

Dimanche 24 décembre. Comme les églises sont inutilisables, les offices de Noël se tiennent à la salle de la Douane et dans les chapelles de l’hôpital et du lycée.
Les sentinelles françaises et américaines étaient si sûres de la victoire et si inconscientes que l'ennemi a pu maintenir des patrouilles sur la rive gauche du Rhin. Elles sont envoyées chaque soir loin derrière les lignes des Alliées. Quelques-unes y restent même plusieurs jours et avancent jusqu'à Haguenau.
Les Américains se rendent compte de la présence de ces patrouilles, sans en saisir l'importance. Leur insouciance est telle que des soldats allemands, déguisés en Américains, se mélangent aux danseurs qui fêtent la victoire au restaurant du Cygne à Offendorf.

Lundi 25 décembre. Du lundi 25/12/44 au mardi 2/01/45 la chasse française sera présente sur le terrain d’aviation de Haguenau. Durant une huitaine de jours, les groupes PROVENCE et CORSE vont stationner sur ce terrain avancé pour pouvoir intervenir le plus vite possible sur tout mouvement ennemi.

Mardi 26 décembre. 13 h 40. Neuf Spitfire du PROVENCE décollent pour une reconnaissance sur l’axe Germersheim-Stuttgart-Gagenau.

Mercredi 27 décembre. 11h 50. Quatre Spitfire décollent sur alerte, ils se posent à 12 h 40, sans être intervenus.

Jeudi 28 décembre. 10 h 45. Seize Spitfire décollent pour une reconnaissance sur l’Allemagne. Retour à 12 h 05.

Vendredi 29 décembre. Les départs des avions, sur alerte, sont nombreux.
Les Américains déposent des bombes afin de pouvoir les faire sauter au besoin.

Samedi 30 décembre. Les Spitfire assurent la défense du terrain sur lequel de nombreux P47 américains en soutien avancé côtoient les appareils français.

L’opération Nordwind, le tout dernier sursaut

L’offensive de Rundstedt a échoué et A.Hitler tente sa dernière chance. Il ramasse toutes les troupes qu’il peut trouver en dégarnissant même d’autres secteurs.
Le plan définitif d’une nouvelle offensive, appelée NORDWIND, est exposé le 28 décembre à la conférence au Adlerhorst près de Giessen. A.Hitler espère, dans un dernier sursaut, pouvoir reconquérir Strasbourg, ville symbole, et encercler la 7° armée américaine ainsi que la 1° armée française. Il sait que son plan ne lui donne plus la possibilité de gagner la guerre, mais de la retarder des quelques mois nécessaires à l'ultime mise au point de ses armes secrètes.
A.Hitler, qui ne fait plus confiance à ses généraux, donne le commandement du groupe d'armées Oberrhein au Reichsführer SS Himmler qui rend les généraux responsables de tout échec, ordonnant la résistance sur place. Il faut combattre jusqu'à la dernière cartouche et jusqu'au dernier homme. Toute éventualité de repli sur la rive droite du Rhin est exclue.
Les opérations sont confiées au Maréchal von Rundstedt dont le discours est plus nuancé, mais son attachement au Führer ne semble pas ébranlé. Il parait que, lorsque ce général apprit que cette opération devait porter son nom, il éclata de rire.
La propagande nazie parle toujours du surhomme allemand, et Himmler fanatise les unités SS, composées principalement de très jeunes éléments.
Pour remotiver les combattants allemands sont récompensés d'une multitude de décorations: Ritterkreuz avec toute une hiérarchie de variantes allant jusqu'aux diamants, Verwundetenabzeichen en argent ou en or, Nahkampfspange, Panzerknackerabzeichen etc...Ces médailles sont décernées massivement sur place, jusque derrière la ligne de front.
Pendant ce temps, la Deutsche Wochenschau montre au peuple les combats héroïques des troupes allemandes « qui opposent aux Alliés un mur de feu et d'acier ».

Les Américains ont deviné le scénario, mais ne sont pas prêts.

Dimanche 31 décembre 1944. L’attaque allemande commence à 23 heures, alors que sur les bords du Rhin on célèbre la nouvelle année. Elle est lancée sans préparation d'artillerie pour ménager l'effet de surprise, ce explique les nombreuses pertes allemandes. Pour la seule opération NORDWIND, elles se chiffrent à près de 25.000 hommes mis hors de combat.

La situation matérielle sur le terrain d’aviation de Haguenau devient critique, de plus, le groupe manque de carburant. A 10 h 15 douze Spitfire décollent, des avions suspects ayant été signalés. Aucun contact n’ayant été établi, ils se posent à 12 h 00.

Lundi 1° janvier 1945. Devant la poussée allemande, l’échelon roulant du CORSE quitte le terrain dans la nuit. Ses appareils décollent à l’aube le lendemain. Les avions indisponibles sont incendiés.
A 11 h 30, douze Spitfire de PROVENCE décollent vers Wissembourg à la recherche de chars ennemis, mais ceux-ci restent invisibles. Des chasseurs-bombardiers couvrent alors le front sur un axe Sarrebourg Sarreguemines, et vont se poser en fin de mission à Toul Orchey, leur nouveau terrain à 13 h 15.

Mardi 2 janvier. Le terrain d’aviation est évacué d’urgence devant l’avance de la contre-offensive allemande. Deux Spitfire qui ne sont pas en état de vol sont incendiés par les troupes américaines chargées de la destruction du matériel ne pouvant être emporté.

Mercredi 3 janvier et jeudi 4 janvier. Durant des jours et des nuits entières, un flux continu de véhicules les plus divers de l'armée américaine chargée d’un matériel impressionnant ( Chars, bateaux, éléments de ponts, etc ) avait traversé la ville, par la Place d'Armes, en direction du front qui s’était déplacé jusqu’à Wissembourg.
Subitement le flux s’est inversé au grand étonnement de la population. Les Américains quittent le nord de l'Alsace et établissent une ligne de front sur la Moder, en plein Haguenau. Les FFI s'engagent à leur côté. Les gens, absolument pas renseignés sur ce qui se passe, sont affolés et fuient.
Le Général SCHWARTZ et le député NAEGLEN interviennent au près du Général De GAULLE pour arrêter le repli: le danger est écarté. La population s'apaise et certains rentrent chez eux après quelques jours.

Ils reviennent !

Vendredi 5 janvier 1945. Plusieurs bataillons ennemis traversent le Rhin devant Gambsheim dans la nuit du 4 au 5 janvier. Ils établissent une tête de pont composée d'élément hétéroclites et mal nourris. Ils attaquent avec acharnement mais beaucoup de soldats allemands étaient prêts à déserter
Il fait particulièrement froid, l'eau gèle dans les gourdes et le temps est défavorable à l'intervention de l'aviation.

Lundi 8 janvier. Les Allemands amènent des forces considérables en Alsace en traversant le Rhin en quinze endroits, en particulier entre Freistett et Gambsheim et Fort-Louis et Soelingen.

Pendant ce temps de violents combats ont lieu autour de la station de pompage de la BREYMUHL près de Rohrwiller. Durant plusieurs jours, du 8 au 11, elle est la scène de combats acharnés, d'homme à homme.

Mercredi 10 janvier. Une longue file de réfugiés venant par la route de Wissembourg se déplace le long du canal de dérivation de la Moder. Au mois un quart de ces gens sont en chemise de nuit alors que le thermomètre indique -10°. Ils racontent que les Américains ont tout anéanti devant eux avec des canons à tir rapide, pour arrêter l’attaque allemande.

Mardi 16 janvier. Le bruit court qu’un Stosstrup allemand a été vu à l’entrée de la ville.

Mercredi 17 janvier. Des obus tombent sur la ville jour et nuit, de part et d’autre de la Moder.

Vendredi 19 janvier. La neige vient de tomber, un épais brouillard couvre la ville.
Un réfugié de Drusenheim parle des négligences des Américains. Les Allemands ont traversé le Rhin car il n'y avait pas de surveillance. Il dit aussi que les Américains se comportent comme des sauvages dans les maisons abandonnées.

Samedi 20 janvier. Le front est stabilisé sur la Moder dans la nuit du 20 au 21.

La dernière offensive sur Haguenau.

Dimanche 21 janvier. Le temps est radieux et la neige abondante. Les routes sont verglacées et encombrées. Les Américains disent aux gens de Marxenhouse qu'ils vont se retirer sur le canal de la Moder.
Les forces allemandes se réorganisent le long du canal et portent l'effort principal sur le secteur de Haguenau. Des chars sont vus à l'est de la ville.

La population fuit à nouveau. Les gens pris de panique se sauvent à vélo. La neige vient de tomber. Elle atteint 30 centimètres.
A Mommenheim, un train a charge environ 3.000 personnes pour les transporter à Saverne puis Vezoul. Le voyage dure deux jours et deux nuits.


Avant guerre, les stratèges avaient imaginé que Haguenau, derrière la Ligne Maginot, allait subir la première attaque en cas de conflit.
Un plan d'évacuation de la population avait été préparé et, dès les premiers obus au début de la guerre, la ville a été évacuée. En fait, elle n'a pas souffert.
A la fin de la guerre la réalité allait être tout autre. Haguenau a été un des enjeux de l'une, sinon de la dernière offensive allemande, et aucun plan d'évacuation n'avait prévu cette éventualité.
Bien au contraire. Les Américains ne voulaient pas d'exode massif qui aurait encombré les routes en mauvais état et enneigées et gêné leurs déplacements.

Mardi 23 janvier. Les premiers avions à réaction allemands " Vergeltungswaffen " lâchent des bombes sur Gries, Weitbruch et Kaltenhouse.

Le reflux des américains est terminé. Les troupes allemandes sont concentrées au nord de la forêt de Haguenau. Des chars allemands sont au Hundshof à Marxenhouse et à Schweighouse.

Le pont de la porte de Wissembourg est miné et il ne reste qu'une sentinelle américaine et un FFI français pour le garder. Une patrouille de cyclistes allemands en tenue de camouflage blanche arrive en face, accompagnée d'un chien loup. Ils déposent leur bicyclette, passent entre les mines et installent une mitrailleuse sur le pont. Le FFI riposte et les Allemands se replient quelque peu. Des fantassins américains accourent au secours.
Un char américain est détruit au canal à côté de la maison BENTZINGER, un autre près de l’église St Nicolas. Par la suite, les ponts de la Porte de Wissembourg et des Juifs sont dynamités.

Mercredi 24 janvier. Conscients de leur faiblesse, les Allemands n'envisagent pas d'opération directe sur la ville mais tentent de l'encercler afin de faire fuir les Américains. L’attaque est lancée dans le secteur du Château FIAT et sur Kaltenhouse. ainsi que sur Schweighouse et Ohlungen. De violents combats au corps à corps ont lieu même dans les maisons et la papeterie de Schweighouse
La population de la ville fuit de façon désordonnée, même à travers la forêt lorsque le les routes sont trop encombrées.

Le secteur de Haguenau, tout spécialement exposé, est défendu par les FFI qui resteront sur la ligne jusqu'au 15 mars pour soutenir les Américains avec un armement léger.
Les Allemands tirent 13 coups sur le clocher de l'église St Georges dont 11 touchent leur cible. Il est abattu.
Une patrouille américaine avance jusqu'au Kestlerhof. Ils y perdent un homme.

Le front en plein ville.

Jeudi 25 janvier. Les Allemands lancent une ultime contre-attaque, appuyée de trois chars, à partir du Kestlerhof et réussissent à franchir la Moder à mi-chemin entre Kaltenhouse et Haguenau et à investir l'usine PICKERING. Les combats les plus durs se déroulent dans la soirée, en particulier dans les premières maisons des Quatre-Vents. A la Libération, les prés du Schloessel sont parsemés de cadavres dessèches vêtus d’uniformes de camouflage blanc. Ce lui d’un sous-officier parachutiste allemand gît dans la cuisine de la maison Pickering.

La guerre de position s’installe en plein Haguenau, de part et d’autre du canal de la Moder.
Les Allemands prennent position derrière le mur du cimetière St. Nicolas, dans les caves des maisons et de l’usine Vincent. Leur poste de commandement est dans la maison BADINA, juste derrière.
Les Américains s’embusquent derrière les murs de la caserne AYME et dans les maisons le long du canal. Ils demandent aux gens qui y habitent de quitter leur maison, trop près du front. Ils creusent des tranchées sur la haute berge de la Moder au Schloessel et installent un poste de commandement rue Steingebiss.
Le soir, ordre donné par A.Hitler d'abandonner l'opération NORDWIND, y compris la tête de pont sur la Moder. Mais les combats ne cessent pas pour autant.

Vendredi 26 janvier. Reprise de l'usine PICKERING par les Américains, dès le matin. La contre-attaque allemande sur Ohlungen est également repoussée

Un car transportant des FFI revenant probablement du front où ils avaient retenu l'offensive allemande lancée sur Strasbourg est mitraillé près de la porte de Wissembourg par des Allemands embusqués derrière le mur du cimetière St Nicolas. Ce car, dans lequel il y a eu des victimes, est resté sur place jusqu’après la Libération. On y voyait encore les traces de sang.


Samedi 27 janvier. Arrêt de l'Opération NORDWIND.
Elle aura coûté en tout:
2.774 tués, 6.286 blessés et 5.199 disparus à l'armée allemande,
et 682 tués, 2.391 blessés et 1600 disparus aux Américains.
Un prisonnier allemand estime les pertes des troupes engagées à 15% de morts et 60 à 70% de blessés ou prisonniers.
Dans le secteur de Haguenau seul, l'attaque du 25 janvier aura coûtée 958 morts ou blessés, 304 prisonniers, soit 1 262 victimes.
La plupart des prisonniers allemands faits lors des combats à Haguenau furent pris par les FFI.

On commence à échanger l’argent : Cours: 1 Dollar =10 RM = 150 F.

Mardi 30 janvier. Bombardement de la ville à raison de un coup par minute par des canons de 150 mm. En ville on entend souvent des tirs de mitrailleuses la nuit.
Quelques Yankees forcent des portes des magasins, soi-disant pour s'assurer qu'il n'y a pas de vandales à l'intérieur.

Vendredi 2 février. Libération de COLMAR. Pour la France entière l’Alsace est libérée, mais le nord du département reste aux mains de l’occupant.

VIVRE SOUS LES OBUS.

Les habitants vivent au jour le jour dans les abris sans être renseignés sur le déroulement des opérations.

Le ravitaillement des 7.000 personnes restées en ville pose d’énormes difficultés.
Il faut faire la queue devant les quelques magasins ouverts, sous le tir de l'artillerie allemande et, comme rien n’est organisé, il faut deviner où trouver de quoi manger.
Les boulangeries HEITZ, GRASS, LEITERER et LOGEL fonctionnent et le responsable de la corporation A.HEITZ a le grand mérite d'avoir trouvé la farine nécessaire. Le pain est produit sans éclairage ni machines. Comme les adultes sont occupés à pétrir à la main, parfois ce sont des gamins de 12 ans qui vont chercher l'eau, malgré le danger.

Un des grands problèmes de la population dans les caves est l'éclairage. Tous les moyens classiques et imaginables sont mis en œuvre. D'abord les lampes à pétrole qui existaient encore dans les greniers ou les remises ( lampes de tempête ou d'appartement ), les lampes à carbure de calcium, des bougies et les cierges préparés pour les processions ou un éventuel décès, des lampes à huile bricolées etc...
Le haut de gamme est naturellement l'éclairage électrique installé avec des piles négociées avec les militaires américains ou des accus trouvés encore chargés. On se sert même de vélos pour faire du courant en pédalant.
Tous ces moyens étant épuisés, on fabrique soi-même des bougies avec toutes sortes de graisses, du suif par exemple.

Jeudi 8 février. Le matin, sur la place du théâtre, le commandant des FFI, Georges HOERDT, est grièvement blessé par un obus, ainsi que son secrétaire Arthur BURGER qui décède l'après-midi à Strasbourg.
Le Général PATCH vient sur place et rend visite aux soldats implantés au Château WALK.

11 février. La 6° Compagnie US américaine attaque et établit une tête de pont sur la Moder à Oberhoffen.

Vendredi 23 février. Nouveau tir sur St Georges. Le mur du chœur est déchiqueté par un obus allemand de 280 qui provoque de graves dommages. (Maître autel, les stalles du chœur et l’autel du jugement dernier).

Samedi 3 mars. Une patrouille américaine traverse la Moder au Dreispitz à l'aide et des canots pneumatiques et établit la première tête de pont avec une passerelle située à peu près à l’emplacement du pont actuel de la route du Rhin.

Lundi 5 mars. Les Allemands qui tentent de retraverser la Moder en crue près de Kaltenhouse, sont repoussés.

Mardi 6 mars. Une patrouille américaine explore la ferme du Taubenhof qui est abandonnée et en ruines.

Mercredi 7 mars. Un autre commando américain de 6 hommes traverse le canal de la Moder, rue du Triangle.

Jeudi 8 mars. Pratiquement toutes les maisons de la rue du Triangle sont prises par la compagnie américaine C-143, après un long combat de maison à maison.

Dimanche 11 mars. Les FFI rapportent qu'environ 1000 allemands se trouvent rassemblés au quartier Marxenhouse. Le 3° bataillon français aide à repousser une attaque au camp d'Oberhoffen.
On voit des incendies rive gauche pratiquement toutes les nuits. On ne sait si c'est le Taubenhof ou le Kesslerhof qui brûle.

Lundi 12 mars. Vers 23 heures deux FFI haguenoviens accompagnent des officiers américains jusqu'aux avant-postes près du Dreispitz. Des patrouilles traversent la Moder la nuit et explorent le Taubenhof et le Kestlerhof où elles rencontrent des Allemands.
Des chars légers américains se concentrent dans la cour de la caserne Aimé où on assemble un pont mobile du type Balley derrière le porche qui donne sur le canal..


La dernière bataille se prépare.

Mardi 13 mars. Deux volontaires FFI se rendent en civil derrière les lignes allemandes pour espionner le quartier Marxenhouse.
A l'aube les Américains attaquent pour agrandir la tête de pont du Dreispitz.

Jeudi 15 mars.
A 3 heures, les américains attaquent à 1 Km à l'est de la ville et traversent la Moder.
A 6H 45 ils attaquent Oberhoffen .
A 7 heures, c’est l’attaque générale.
A 9 heures le premier pont Bailley est lancé sur la Moder entre Kaltenhouse et Oberhoffen d’où des patrouilles vont vers Marxenhouse.

Libération définitive de « Haguenau la sanglante »
C’est ainsi qu’un journal américain a nommé la ville.

Vendredi 16 mars à l’aube.


A 4 heures, durant 1 heure le centre ville et le château WALK souffrent de tirs d'artillerie allemande.
A 9 heures, on a l'impression que les tirs s'éloignent.
Le pont Bailley, monté à l'abri du porche de la caserne Aimé, est poussé pardessus le canal de la Moder en crue et l’infanterie traverse derrière les chars.
Attaque massive de Marxenhouse à l'abri d'un nuage artificiel. Rapidement les troupes allemandes battent en retraite par la route de Forstheim vers la forêt et de là vers le nord est, en direction du Rhin.

Les soldats américains avancent, rue par rue, des photos aériennes à la main. Elles sont prises au fur et à mesure de l ‘avance par un petit avion qui survole la ville en permanence. Comme il atterrit n’importe où dans les champs, il est surnommé le « KLEEHOLER »
L'après midi, court combat et prise de l'ancien dépôt de munitions au Langensand et progression le long du bois du Burgbann.
Le soir, combats entre le cimetière St Nicolas et la voie ferrée, puis nettoyage du quartier Nord de la ville du Metzgerhof et du Hundshof.
Au loin, attaque aérienne américaine sur les arrières allemands et les voies de communications. Bombardement d'Eschbach, Hegeney, Forstheim, Morsbronn, Walbourg, Goersdorf et de Surbourg.

On ne saura pas quelles étaient les pertes allemandes sur le front au nord de Haguenau à ce moment. Il y eut plus de 50 allemands enterrés en fosse commune ou en tombes individuelles au cimetière de Walbourg, et longtemps encore on a trouvé des tombes sommaires en forêt.

Libérés définitivement les Haguenoviens sortent de leurs abris mais ce n’est pas encore la fête :

- Ils sont abasourdis par les semaines passées dans les caves où ils avaient un sentiment d’abandon.
- Il y a eu de nombreux morts parmi les civils et les incorporés de force n’étaient pas encore rentrés,
- Les tirs d’artillerie allemande sur la ville continuaient, encore durant quelques jours.
- Leur ville était dans un piteux état, les maisons sinistrées inhabitables, toitures arrachées les murs éventrés, les vitres brisées, les meubles abîmés, certains logements avaient été pillés et les meubles forcés ce qui était traumatisant
- Après les Allemands, certains Américains ont abusé de l’alcool. C’est un point commun à toutes les armées au combat.

La grande joie de la Libération ne s’est manifestée qu’au premier anniversaire, un an plus tard.

- Les incorporés étaient rentrés pour une bonne part,
- Les logements redevenus habitables
- Le rationnement allégé.
- Les réseaux d’eau et l’électricité rétablis.

Le bilan macabre..

« HAGUENAU LA SANGLANTE - Haguenau, ville oubliée » libérée, ses clochers abattus, est dans un triste état. Les cinq années de guerre ont coûté cher à ses habitants, le bilan des pertes humaines et des bâtiments détruits est significatif:

 

112 victimes dans les rangs de l’armée française.
11 parmi les FFI lors de la Libération.
423 Incorporés de force ne sont plus rentrés.
109 victimes civiles (dont environ 30 lors de la première Libération et 40 à la seconde, les autres sont décédées à la suite de blessures ou ont sauté sur des mines).
10 personnes sont mortes en déportation.
65 victimes civiles juives, fusillées ou déportées.
2 000 maisons sinistrées dont 480 totalement détruites.
10 000 mines restaient en ville ou en forêt.