31 mars 2003
Un vrai grand évènement cette semaine avec la sortie du dernier Placebo, largement à la hauteur de nos attentes, puis Ed Harcourt, songwriter anglais aux talents multiples, à découvrir d'urgence et enfin les américains d'Everclear, trio presque inconnu chez nous qui a pourtant pas mal à offrir.
Placebo : Sleeping With Ghosts
Titres
Bulletproof Cupid
English Summer Rain
This Picture
Sleeping with Ghosts
The Bitter End
Something Rotten
Plasticine
Special Needs
I'll Be Yours
Second Sight
Protect Me from What I Want
Centrefolds
En l'espace de seulement trois albums, Placebo a su s'imposer comme un des groupes majeurs de la nouvelle scène Rock. Chaque nouvel album devient donc un événement, et l'événement est sorti cette semaine. Le quatrième album de Placebo a pour titre " Sleeping With Ghosts " (Dormir avec les fantômes). Mais dès le premier morceau, on a déjà compris qu'il n'était absolument pas question de dormir : l'instrumental " Bulletproof Cupid " est un vrai déluge de guitares comme le groupe ne nous en avait plus livré depuis longtemps. Depuis le premier album, en fait. Et si on avait éventuellement quelques doutes sur la direction qu'allait suivre le groupe, on est d'emblée rassuré. Ils ne se sont ni dispersés, ni égarés. " Sleeping With Ghosts " est bien le quatrième album d'un groupe qui a trouvé sa vitesse de croisière. Une vitesse de croisière qui met tout le monde d'accord et laisse tous les poursuivants bien loin derrière. Encore une fois, Placebo est très loin au dessus du lot.
En fait, " Sleeping With Ghosts " se présente comme une sorte de synthèse parfaite entre la magie mélodique de " Without You I'm Nothing " et l'ambiance plus tendue de " Black Market Music ". On peut prendre pour exemple le morceau " English Summer Rain ", qui démarre doucement sur une rythmique solide pour ensuite doucement monter en puissance autour de la guitare de Brian Molko. " This Picture " est un classique du style Placebo et un futur single en puissance. C'est l'alliance entre la puissance du son et la finesse des mélodies. A l'écoute de ce disque, la première chose qui ressort, c'est l'impression de puissance et d'assurance qui se dégage du groupe. On a l'impression que rien ne peut plus les arrêter, les morceaux défilent, et on est sûr à chaque fin de chanson que la suivante sera elle aussi parfaite. Et c'est ce qui se produit. Ou presque. Oui, il faut bien quand même chercher la petite bête et essayer de trouver des défauts. Personnellement, je trouve le morceau " Something Rotten " un peu trop expérimental à mon goût, mais encore une fois, c'est juste pour ne pas dire que l'ensemble est parfait. " The Bitter End " est un single bien choisi, tandis que " Plasticine " a tout les atouts pour devenir un vrai classique sur scène. " Special Needs ", ma préférée sur cet album, est probablement le morceau le plus romantique avec ses échos de piano. Il me fait fortement penser à certains morceaux du dernier Cure. " I'll Be Yours " est dans une veine plus hypnotique et répétitive. Le genre de morceau qui se love autour de vous comme pourrait le faire un boa constrictor. Tout en douceur, discrètement, mais implacablement. " Second Sight " peut être comparé à " This Picture ", dans le genre brûlot Rock, classique du groupe.
La fin de l'album nous prend à contre-pied. " Protect Me From What I Want " est un morceau torturé, aussi bien au niveau du texte que de la musique. Pour clore l'album, " Centrefolds ", est un superbe morceau au piano, terriblement triste et intimiste. Deux des belles réussites du disque.
Ces deux derniers morceaux nous laissent sur l'impression que " Sleeping With Ghosts " est un album d'humeur plutôt triste et introspective. C'est faux. En fait, ce quatrième album est probablement ce qu'ils ont fait de plus varié. Ils ont réussi à expérimenter et à explorer de nouvelles directions musicales sans pour autant nous donner l'impression de changer, c'est à dire en gardant leur style propre et immédiatement identifiable. Ils réussissent à faire évoluer leur musique par petites touches. L'utilisation de l'électronique, omniprésente mais relativement discrète sur " Sleeping With Ghosts ", ainsi que la présence de plus en plus fréquente du piano sont là pour en témoigner. Placebo évolue, doucement, à son rythme, sans nous heurter et sans se renier.
Personnellement, je trouve le résultat plus que convaincant. Le risque qu'on sentait poindre dans " Black Market Music ", celui d'un groupe qui tourne un peu en rond et finit par s'autoparodier est maintenant derrière nous. Ce trio a suffisamment d'intelligence musicale et d'imagination pour ne pas tomber dans le piège de la caricature.
" Sleeping With Ghosts " est vraiment l'événement annoncé et un des grands albums de ce début d'année. L'album d'un groupe capable de rester en permanence lui même tout en étant en perpétuelle évolution, ce qui est la caractéristique principale des grands groupes. De ceux qui durent longtemps et façonnent l'histoire du Rock.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.placeboworld.co.uk
Ed Harcourt : From Every Sphere
Titres
Bittersweetheart
All Of Your Days Will Be Blessed
Ghost Writer
The Birds Will Sing For Us
Sister Renee
Undertaker Strut
Bleed A River Deep
Jetsetter
Watching The Sun Come Up
Fireflies Take Flight
Metaphorically Yours
From Every Sphere
Ed Harcourt est anglais et encore peu connu chez nous. Et c'est bien dommage compte tenu du talent qui illumine " From Every Sphere ". Si on fait abstraction du mini album " Mapplewood ", ce disque est son deuxième véritable album, après " Here Be Monsters " sorti en 2001, dans lequel on avait déjà pu découvrir ses talents de compositeur. " From Every Sphere " est dans la même lignée, empli de chansons toutes plus réussis les unes que les autres.
Ce qui impressionne d'emblée dans ce disque, c'est la diversité des chansons proposées, qui réussissent pourtant à former un tout parfaitement cohérent. Ed Harcourt joue de plusieurs instruments, ce qui lui permet d'écrire des morceaux tantôt composés au piano ou à la guitare, ce qui donne des atmosphères assez différentes. Prenez par exemple " Bittersweetheart", douce mélodie de piano et "Ghostwriter ", morceau à l'atmosphère inquiète qui rappelle fortement The The. Aucun point commun entre ces deux mélodies, ni entre le style de ces deux morceaux. Et pourtant, ça ne donne pas une seconde l'impression d'être un simple collage de chansons, ce qui prouve que l'univers d'Ed Harcourt, pourtant assez jeune, est déjà riche et bien établi. Un univers fait de pop-songs précieuses aux arrangements précis et délicats. Rien de Rock and Roll là dedans, mais que de belles mélodies. Ce qui frappe le plus, c'est l'apparente facilité qui se dégage de son écriture. Tout à l'air simple et évident. Chaque son, chaque mélodie a l'air parfaitement à sa place. On sent également dans ses chansons une assurance certaine et un panache prêt à vous sauter aux oreilles à la première occasion. " All Your Days Will Be Bless ", ma préférée, sonne comme un petit miracle pop, " Sister Renee " et son piano nous touche directement à l'âme, comme sait le faire un Tom Waits dans ses meilleurs moments.
Mais Ed Harcourt est un musicien à l'esprit suffisamment ouvert et imaginatif pour ne pas se laisser emprisonner dans le carcan d'un style musical plutôt qu'un autre. A l'évidence, ses sources d'influences sont nombreuses et variées. " Undertaker Strut " flirte avec le jazz, " Bleed A River Deep " côtoie les ambiances du dernier Coldplay et " Watching The Sun Come Up " tutoie David Bowie. A cet égard, la flexibilité de la voix d'Ed Harcourt est assez impressionnante. Il est capable d'une chanson à l'autre de changer totalement de timbre de voix, tantôt caressant, tantôt rauque ou enjoué. Un vrai caméléon.
Mais ce qui fait le lien entre tous ces morceaux, se sont les arrangements princiers, délicats mais jamais pesants. C'est simplement beau sans être dégoulinant, si vous voyez ce que je veux dire. Et à ce niveau, la frontière entre le délicat et le surchargé est souvent bien mince. Juste une affaire de savants dosages.
Assurément, Ed Harcourt fait déjà partie de la famille des grands songwriters. Au delà de leur apparente facilité d'accès, ses chansons sont beaucoup plus complexes et inventives qu'il n'y paraît. " From Every Sphere ", le très atmosphérique dernier morceau du disque peut même nous évoquer Pink Floyd. C'est vous dire si les directions prises dans cet album sont nombreuses et variées. Mais là non plus, ces références ne sont jamais que des lignes directrices, elles ne sont jamais pesantes, jamais trop encombrantes. Elles servent de canevas, d'ossature aux chansons d'Ed Harcourt, sana plus. Et surtout, elles ne parviennent jamais à cacher le talent évident qui transparaît au travers des douze chansons de ce disque. Je suis persuadé que très bientôt, Ed Harcourt jouera dans la cours des grands. Raison de plus pour le découvrir maintenant.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.edharcourt.com
Everclear : Slow Motion Daydream
Titres
How to win friends and influence people
Blackjack
I want to die a beautiful death
Volvo driving soccer mom
Science fiction
New blue champion
TV show
Chrysanthemum
Sunshine (That acid Summer)
Beautiful life
New York times
Déjà dix ans d'existence et six albums pour ce trio américain quasiment inconnu en France. Encore un de ces groupes dont la musique a bien du mal à franchir l'atlantique pour venir chatouiller nos oreilles. Et pourtant, Everclear vaut largement bien d'autre groupe américains du même genre, mais nettement plus médiatisés.
Everclear fait une musique qu'on pourrait qualifier d'archétype du Rock américain de ce début de troisième millénaire. Une musique que la presse américaine appelle Punk-Rock bien qu'elle n'ait absolument rien à voir avec le Punk (réécoutez " Never Mind The Bollocks " des Sex Pistols pour définitivement vous en convaincre). Une musique qui pourrait se situer approximativement entre Nada Surf et Offspring. En fait, une sorte de Rock un rien viril, mais certainement pas dérangeant. Politiquement correct en quelque sorte.
Cet album est donc le sixième de ce groupe fort recommandable par rapport aux quantités de produits préfabriqués du même genre que le marché américain nous propose régulièrement. En tout cas, les trois d'Everclear ont, pour plaider en leur faveur, une discographie suffisamment conséquente et fréquentable. " So Much for the Afterglow " ou les deux parties de " Songs from an American Movie " sorties en 2000 étaient déjà des albums tout à fait recommandables.
Ce disque est dans la lignée des précédents ce qui veut dire que si vous avez aimé les précédents, vous serez tout aussi séduit par celui ci. Comme d'habitude, vous aurez votre dose de Rock carré et efficace. Le terme qui caractérise peut être le mieux Everclear est peut être bien l'efficacité. A l'évidence, toutes les chansons de ce disque n'ont qu'un seul et unique but : nous séduire d'emblée, nous flatter l'oreille et si possible y rester incrustées. Mission accomplie, c'est exactement l'effet produit par " Slow Motion Daydream ". Vous pouvez prendre au hasard n'importe quel morceau de ce disque en étant sûr de ne pas être déçu. De " How To Win Friends And Influence People " en passant par le single " Volvo Driving Soccer Mom " ou les très réussi " New Blue Champion ", " TV Show " ou " A Beautiful Life ", aucun soucis, vous avez autant de tubes potentiels que de morceaux.
Mais fort heureusement, Everclear n'est pas qu'un groupe de Punk-Rock de plus. Ils n'ont pas grand chose de commun avec les nuées de nouveaux groupes de gamins qui passent en quelques mois des répétitions dans le garage de leurs parents aux studios d'enregistrement. Le Rock efficace, ils savent faire et c'est la moindre des choses. Mais fort heureusement, ils ont aussi une autre facette, plus intime, qu'on peut découvrir au travers de morceaux tels que " Science Fiction ", le très beau " Chrysanthemum " ou " The New York Times ". Ce versant d'Everclear est beaucoup plus calme et apaisé, beaucoup plus mélodique. Et d'après moi, c'est justement cette partie d'eux même qui fait leur spécificité et leur permet de sortir du lot. Ce sont ces morceaux là qui permettent à " Slow Motion Daydream " d'avoir une envergure que d'autres n'ont pas. Il est probable que si vous êtes amateurs de Rock pur et dur, vous ne soyez absolument pas d'accord avec moi et reprochiez justement à Everclear d'avoir fait ces chansons là. Mais à mon sens, un bon disque doit être comme la vie, fait de hauts et de bas, de rires et de larmes, à défaut de quoi on s'ennuie ferme. Alors tant pis pour les puristes, mais Everclear vient de sortir un bon sixième album, Rock d'abord, mais aussi ouvert sur l'extérieur. Et c'est tant mieux.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.everclearonline.com
© Copyright 2003 Why Not ?