30 aout 2004
Cette semaine, deux albums qui demandent bien plus d'une écoute pour être appréciés à leur juste valeur. Tout ça pour cause d'inventivité débridée et de sonorités nouvelles. Mais quel plaisir pour tous ceux qui franchiront l'étape de la première écoute. Ceux là découvriront deux groupes qui osent. L'un renait de ses cendres et l'autre vient de naitre.
Tuxedomoon : Cabin In The Sky
Titres
A Home Away
Baron Brown
Annuncialto
Diario Di Un Egoista
La Piu Bella
Gagu Five-O
Here 'til X-Mas
Chinese Mike
La Piu Bella (Reprise)
The Island
Misty Blue
Luther Blisset
Annuncialto Redux
Alors là, pour une bonne nouvelle, c‘est une bonne nouvelle ! Je ne sais
pas si c’est le label belge Crammed qui est à l’origine de la reformation de
Tuxedomoon où si ça vient directement du groupe lui-même, mais comme pour faire
suite à Minimal Compact il y a peu, les américains de Tuxedomoon sont de
retour. Et pas avec des séquelles de leur renommée passée, mais avec un nouvel
album flambant neuf. Enfin, quand je parle de renommée, je me comprends. Je ne
suis pas vraiment sûr que ce nom là évoque grand-chose pour la plupart d’entre
vous. Et pourtant, ce groupe là, à défaut d’avoir jamais eu un vrai grand
succès ou une vraie renommée populaire a fait partie des véritables précurseurs
et inventeurs de la musique de demain de cette époque là. C'est-à-dire celle
d’aujourd’hui. C’était il y a plus de 20 ans maintenant. Ce groupe là a
toujours été décalé, un peu bizarre et en avance sur son temps. Le côté
volontairement arty et plutôt intello de ces américains exilés volontaires chez
nos voisins belges n’a rien arrangé et ne les a jamais rapproché d’un public
plus vaste. Mais je suis sûr d’une chose : ça n’a jamais été leur but.
Leur but à eux, là où de toute évidence ils prennent leur pied, c’est dans l’invention
sans limites, les mélanges les plus inattendus, les métissages osés, l’art du
contre-pied permanent et du détail volontairement déstabilisant.
Et le retour de Steven Brown, Peter Principle et Blaine
Reininger, membres fondateurs du groupe est fidèle aux beaux souvenirs que j’en
avais gardé. Pourtant ça fait une éternité que je n’ai plus jeté une oreille
sur leurs vieux disques poussiéreux, mais à l’écoute de Cabin InThe Sky je me rend compte à quel point je devrais mieux
ranger mes vieux vinyles (rendez vous compte, à leurs débuts le CD n’existait
pas !). Ce nouveau disque permet de se rendre compte à quel point ce
groupe a pu avoir (et continue d’avoir) des idées cruciales.
S’il fallait résumer la musique de Tuxedomoon, il faudrait
avoir une imagination suffisamment fertile pour arriver à concevoir une musique
qui mêlerait une certaine idée du Rock, la Pop, la musique classique ou
contemporaine, le Jazz, voire même le Free Jazz et certaines musiques
traditionnelles comme le Tango par exemple. Vous n’arrivez pas à concevoir
ça ? C’est normal. Il faut l’écouter pour comprendre et s’apercevoir que
non seulement ça peut tenir la route, mais qu’en plus ça peut être passionnant.
Les trois membres de Tuxedomoon ont une culture musicale tellement vaste et une
telle intelligence musicale qu’ils semblent capables de pouvoir tout se
permettre et surtout de tout réussir.
Cabin In
The Sky est tout aussi inventif et surprenant que leurs productions
passées. Et c’est un voyage toujours aussi passionnant au cœur d’une musique
totalement contemporaine au sens le plus large possible. Je veux dire par là
que leur musique est à la fois musicalement très actuelle et en même temps en
avance sur son temps. Une musique unique et sans aucun équivalent. Tuxedomoon
fait une musique pour l’esprit, qui fait appel à tous nos sens mais aussi à
notre intelligence. Par leur subtil et fragile équilibre entre une Pop à priori
classique et une inventivité totalement débridée, ces trois là comptent sur une
réaction de notre part. Qu’on arrive à l’apprivoiser ou pas, leur musique ne
peut jamais laisser insensible. En gros, on adhère et on adore ou on n’arrive
pas à y entrer et on rejette. Pour savoir de quelle catégorie on fait partie,
il faut avant tout tenter l’expérience.
Comme dans leurs albums passés, on a droit à notre lot
d’étrangetés et de bizarreries en tous genres. C’est ce qui fait le charme
inimitable de ce groupe. Mais au milieu de ce vaste fourre tout, on trouve
quelques chansons qui sortent vraiment du lot, comme le très classique (au sens
Tuxedomoon du terme tout de même) A Home
Away, les très joueurs Baron Brown et Misty Blue, le déchirant Fiorello Reprise et surtout le superbe Luther Blisset qui fait le lien entre
leur son des 80’s et les apports de l’électronique d’aujourd’hui. La magie
Tuxedomoon est de retour. Maintenant, à vous de voir de ce que vous allez en faire.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.tuxedomoon.com
TV On The Radio : Desperate Youth, Blood Thirsty Babes
Titres
Wrong Way
Staring at the Sun
Dreams
King Eternal
Ambulance
Poppy
Don't Love You
Bomb Yourself
Wear You Out
Les TV On The Radio pourraient presque être des sortes de
fils spirituels de Tuxedomoon chroniqués ci-dessus. Pas au niveau du genre
musical, radicalement différent, mais au niveau de l’inventivité et de
l’obsession du décalage contrôlé. Et aussi pour cette faculté à ne ressembler à
personne d’autre et à se créer un style qui leur est propre. Et tout ça dès
leur premier album. En soit, c’est déjà très fort. Ca fait un bon moment que
j’écoute Desperate Youth, Blood Thirsty Babes sans me décider à le chroniquer. J’attendais d’en
avoir fait le tour, d’avoir vraiment réussi à apprivoiser leur musique avant
d’en parler.
Après une première écoute rapide, la première impression est
qu’on a déjà entendu ça quelque part, il y a longtemps, mais pas vraiment comme
ça, pas sous cette forme là. Ensuite, avec un peu plus d’attention, on n’arrive
plus du tout à mettre une étiquette précise sur la musique de ce groupe. Bien
sûr, leur musique est basée sur la Soul, sur la musique noire des années ’50 ou
’60. Mais TV On The Radio ne fait pas de la Soul. Ou alors une Soul comme on
n’en a jamais entendu avant. Ressuscitée. Réinventée.
La musique de TV On The Radio donne l’impression d’être en
permanence maltraitée, malaxée et cassée de façon à ne surtout jamais sonner
proprement ou tout au moins pour ne jamais sonner comme on pourrait s’y attendre.
La Soul était une musique facile et agréable. La musique de TV On The Radio est
volontairement déroutante et pas forcément toujours évidente à la première
écoute. Pour accrocher tout de suite l’auditeur, on trouve heureusement
quelques morceaux qui ont tout pour plaire dès les premières notes, comme les
magiques Staring At The Sun et Dreams. Mais dans l’ensemble, le groupe
donne clairement l’impression de démembrer, de déstructurer ses chansons. C’est
d’abord évident au niveau au niveau du chant, où les voix des deux chanteurs
cohabitent et se chevauchent sans jamais vraiment être synchrones. C’est assez
difficile à expliquer, mais leurs deux voix, qui ont pourtant tout pour
produire un bel ensemble, ne sont jamais vraiment raccords, ni dans le tempo,
ni dans le timbre. Que ce soit au niveau musical ou vocal, il y a toujours un infime
décalage qui crée cette impression d’être vaguement hors du temps, dans un
univers juste parallèle à celui qu’on pratique d’habitude. Tout ça génère au
final quelque chose de totalement nouveau. Raconté comme ça, j’imagine bien que
ça doit avoir l’air un peu difficile. Et pourtant, malgré tout ça, le résultat
est absolument génial. Ce groupe là manie à la perfection l’art du décalage et
du petit truc en plus qui fait la différence.
Pour une fois, le battage médiatique autour de ce nouveau
groupe est pleinement justifié. TV On The Radio est probablement l’un des
groupes les plus originaux du moment. J’aurais même tendance à les considérer
comme le groupe le plus original de l’année. Leur mélange de Soul et
d’électronique expérimentale est un vrai régal pour toute oreille un tant soit
peu curieuse et ouverte aux sonorités nouvelles. Et malgré les racines
anciennes et clairement identifiées de leur musique, tous ceux d’entre vous qui
cherchent le frisson de la nouveauté y trouveront forcément leur compte.
Desperate
Youth, Blood Thirsty Babes est une belle pierre jetée au milieu de l’eau
stagnante de la production musicale actuelle. Là où la plupart des majors
ressassent les mêmes recettes et recyclent à l’infini les best of et autres
compils bas de gamme, d’autres osent encore prendre des risques et créer du
neuf. Avec du vieux certes, mais en lui donnant un éclat qu’on avait perdu de
vue depuis longtemps. Ce n’est forcément pas un hasard si leur label s’appelle
4AD, grand découvreur de talents depuis une vingtaine d’années (Dead Can Dance,
Pixies, Cocteau Twins, Breeders, Blonde Redhead et j’en passe). Si seulement ça
pouvait pousser certains à repartir enfin à la recherche des pépites musicales
et des nouveaux talents qui existent forcément quelque part et qui n’attendent
qu’un petit coup de pouce pour arriver jusqu’à nous.
Précipitez vous sur ce disque simplement pour ce
qu’il représente : le grand premier album d’un groupe totalement original
et magnifiquement vivant.
Pour plus d'informations, le site officiel :
www.tvontheradio.com
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