26 juillet 2004
Un seul album chroniqué cette semaine, mais c'est une sorte de bouquet final avant les vacances. Un nouveau Cure vaut bien deux "autre choses", surtout quand il est aussi réussi que celui là. Bonnes vacances. A+.
The Cure : The Cure
Titres
Lost
Labyrinth
Before Three
The End Of The World
Anniversary
Us or Them
alt.end
(I Don't Know What's Going) On
Taking Off
Never
The Promise
Going Nowhere
« Si vous n’aimez pas cet album, c’est que vous n’aimez
pas The Cure ». Quand Robert Smith balance une phrase aussi péremptoire
que celle là, on se demande vraiment à quoi peut bien ressembler ce nouvel
album. Car si vous avez suivi la carrière de ce groupe, même de façon assez distante,
vous savez comme moi que le groupe a changé de nombreuses fois de personnel et
encore plus souvent de direction musicale. Quel point commun entre l’album Faith
et le single Let’s Go To Bed ? Quel rapport entre Wish et Wild Mood Swing? Alors,
aimer The Cure, c’est quoi?
Je suis persuadé qu’à peu près tout le monde a un jour ou
l’autre aimé une chanson de ce groupe-là. Etant donné la diversité de leur
parcours musical, ils ont réussi à toucher un public bien plus vaste que la
plupart de leurs contemporains. Mais ceux qui ont pris la peine de suivre ce
groupe depuis le début sont beaucoup plus rares. Je pense que c’est à ceux là
que Robert Smith s’adresse à travers cette petite phrase. Il s’adresse à tous
ceux qui ont aimé passionnément ce groupe, qui ont eu avec lui des hauts et des
bas, des sautes d’humeur, des ruptures douloureuses, comme dans toute histoire
passionnelle. En fait, l’écoute de cet album sans titre ressemble en tous
points à un survol et un résumé de l’ensemble de leur œuvre passée. Si on est
pessimiste, on peut prendre ça comme une sorte de testament discographique. Si
on est optimiste, ça peut ressembler à une sorte de point final à une première
partie de carrière qui préfigure d’autres lendemains qui chanteront
différemment.
Je crois pouvoir dire que dans mon parcours musical, ce
groupe est pour moi un des plus importants, probablement même le plus
important. Peut être pas celui que je préfère aujourd’hui (quoi que…) mais
celui qui a été une pierre de base dans ma vie. The Cure m’a fait découvrir
qu’on pouvait ressentir des émotions incroyablement fortes et complexes grâce
à la musique. Robert Smith a été le
premier à me donner l’impression de ne parler qu’à moi, d’être le seul à me comprendre
puisqu’il disait et chantait exactement ce que je ressentais au plus profond de
moi. Une sorte de frère siamois, inconnu mais tellement proche. Son spleen
était le mien. Ses doutes et ses angoisses aussi. The Cure est arrivé dans ma
vie en pleine adolescence, période charnière où tout est possible, pour
chambouler totalement ma vision de la musique et d’une certaine façon, ma
vision de la vie. Si vous avez vous aussi connu des moments de communion comme
ceux là avec la musique de quelqu’un, ce que je vous souhaite sincèrement, vous
comprendrez facilement ce que je veux dire. Tout ça pour vous faire comprendre
que cette petite phrase de Robert Smith est lourde de sens en ce qui me
concerne.
Pour commencer, à mon avis, ce qui ressort le plus sur ce
disque, la différence la plus nette par rapport à l’album précédent, c’est que
le joli vernis a craqué pour laisser voir la chair et les nerfs à vifs du
groupe. Bloodflowers était un album beau et élégant où presque toute
sensation dérangeante était gommée, digérée. Ce nouvel opus voit ressurgir tous
les vieux démons de Robert Smith, tous ceux qu’il avait semble-t-il réussi à
apprivoiser. La vraie vie est de retour, avec cette impression d’être en
permanence à la frontière avec autre chose, à la limite du dérapage et du
chaos. Pour comprendre, écoutez-le hurler ses « I can’t find myself »
sans fin dans le morceau d’ouverture halluciné de cet album. En ce sens, cet
album est sans doute un des moins évidents à appréhender depuis longtemps. Un
des moins commerciaux au premier abord. Un des plus variés aussi. On est parfois
ici assez loin des chansons Pop d’antan et des longues œuvres mélancoliques
récentes. On est par moments beaucoup plus proche de la noirceur vénéneuse de
la période Pornography. Le son lui même a été traité de façon totalement
différente de leurs dernières productions, pour devenir plus brut, incisif,
abrasif et coupant. Le producteur Ross Robinson, habitué des groupes Nu Metal (Korn, Slipknot),
y est sûrement un peu pour quelque chose.
Pour bien nous faire comprendre que cet album est
différent et ressemble aussi à une
sorte de retour aux sources, Labyrinth vient en remettre une couche dans
le genre hypnotique et enivrant, façon Figurehead de l’album Pornography.
Ce morceau est tout simplement un des sommets du groupe, tous albums confondus. Une basse aussi
énorme qu’imposante (merci Simon) et des guitares répétitives et tournoyantes à
l’infini. Grand. C’est sur ce genre de morceau qu’on se rend compte à quel
point la basse de Simon Gallup est primordiale dans le son du groupe. C’est
elle qui donne à la fois cette tension et cette ampleur qui restent uniques.
Tantôt lourde et inquiétante, tantôt claquante et joueuse, elle est la trame
sur laquelle les guitares peuvent tisser leurs toiles. Non vraiment, The Cure
n’est pas mort. Robert Smith et son groupe ont encore des choses à dire. Mais il
n’y pas que le son des instruments qui a changé depuis Bloodflowers,
la façon de chanter de l’ami Robert s’est mise au
diapason. Il ose de nouveau utiliser toute l’étendue de ses possibilités
vocales. Son chant est à la fois plus aigu, plus ample et plus puissant. On
avait presque oublié qu’il savait chanter comme ça. Before Three, sorte de
Pop song débordante de spleen est un bon exemple de ce changement,
au même titre que le single The End Of The World
Avec le magnifique et nostalgique
Anniversary, autre morceau majeur de ce disque, on continue le voyage à travers l’univers de
The Cure. On est cette fois à cheval entre Faith
et Disintegration, l’un pour l’ambiance,
l’autre pour les harmonies. Us Or Them
ouvre une porte encore jamais vraiment explorée par le groupe. Cette fois le
son est encore plus âpre et bruitiste. Le groupe joue cette fois sur les
discordances et le chaos. Alt.End est
une autre de ces Pop songs à priori presque classiques mais qui finissent
toujours par partir en vrille. Elles n’en sont que plus indispensables. La
vraie chanson Pop made in Cure est juste derrière. (I Don’t Know What’s Going) On
est presque dans la veine d’un Friday I’m In Love, avec son petit air presque joyeux.
Taking Off vient tout droit du même moule Pop, mais cette fois plus
proche de la période In Between Days.
Dans un genre plus ambitieux, Never
est une belle réussite qui donne presque l’impression d’avoir été jouée
totalement live, tellement on peut y sentir la cohésion et le
plaisir de jouer ensemble.
L’album se poursuit avec un inoubliable
The Promise, un véritable cadeau de plus de
10 minutes pour tout fan qui se respecte, sorte de chanson idéale de The Cure.
On y retrouve tout les ingrédients qu’on a toujours aimé : le canevas de
guitares à la fois caressantes et complexes, empli d’échos et de reverb, la
basse qui utilise tout l’espace et crée cette tension unique, la batterie
hypnotique et touffue et puis surtout cette lente montée en puissance qui se
termine dans une apothéose sonique où le chant de Robert Smith semble
totalement halluciné. Un final grandiose. Et pour finir, Going
Nowhere chanson aussi simple que belle, est là pour nous faire redescendre
en douceur sur la terre ferme.
Ce disque, tout en ressemblant à une
sorte de survol de leur carrière, est aussi
et surtout un nouveau départ. Quand on arrive à dégager dans un seul album
autant d’inventivité et d’énergie, quand on arrive encore à expulser par
moments autant de rage après plus de 25 ans de carrière, quand on arrive à
réinventer aussi brillamment sa propre musique, comme The Cure le fait ici, il
a y forcément un avenir et forcément de nouveaux horizons.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.thecure.com
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