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24 avril 2006


Grande semaine avec deux albums hors norme. Deux indispensables.




Grand Corps Malade : Midi 20


Titres

Le Jour Se Lève
Saint Denis
Je Dors Sur Mes 2 Oreilles
Midi 20
Ca Peut Chémar
6ème Sens
Je Connaissais Pas Paris Le Matin
Chercheur De Phases
Parole Du Bout Du Monde
Attentat Verbal
Les Voyages En Train
J'Ai Oublié
Vu De Ma Fenêtre
Rencontres
Ma Tête, Mon Coeur
Toucher L'Instant


Comme tous ceux qui ont eu l’occasion de l’entendre et de le voir, je suis resté totalement scotché devant la performance de Grand Corps Malade. Je l’ai vu la première fois en live sur Canal + et j’ai eu l’impression de vivre un moment rare. Un peu comme le jour où Jeff Buckley avait chanté en direct sur la même chaîne avec juste sa guitare et sa voix inoubliable. Un moment que je n’oublierai jamais, je crois, tellement il m’a paru unique, plus près de la magie que de la musique. Un de ces moments qui vous donnent la chair de poule et vous rappellent que la musique peut parfois donner des sensations vraiment fortes.

Pourtant, Grand Corps Malade ne fait pas de musique et il n’est pas chanteur. En tous cas, pas plus que les rappers dont il est un proche cousin. Il parle. Et c’est tout. Il fait ce qu’on appelle du Slam, version moderne et populaire de la poésie vivante, déclamée en live. Grand Corps Malade a choisi de poser ses mots sur quelques touches musicales, tantôt à base de bruits ambiants ou de musiques acoustiques à base de guitares, de pianos ou de cordes. Pourtant, à la première écoute, la musique passe ici au second plan. Mais au final, on s’aperçoit qu’elle est aussi importante que dans un bon film, en permettant de souligner ou de surligner l’action. Et ici, l’action est à base de mots. Et quels mots ! Parce que c’est juste avec ça que ce grand type à la voix profonde, posé sur sa canne, nous impressionne autant. Ce type là, victime d’un accident et handicapé depuis, écrit comme ceux dont l’esprit déborde, par manque de place. Il faut que ça sorte d’une façon ou d’une autre. Et dans son cas, ça jaillit sous forme de mots, de phrases, de textes d’une force qui coupe le souffle. Lui, sa solution, c’est la poésie.

Grand Corps Malade écrit bien. Il trouve les mots justes, ceux qui frappent l’esprit sans avoir besoin d’être forcément provocants ou agressifs. Lui, fait dans le style gant de boxe caché sous un gant de velours. Il nous parle de lui, de sa vie à Saint Denis, de sa vision des choses, de son énorme envie de vivre (ou de revivre semble-t-il), de s’en sortir par ses mots, justement. Et en nous parlant de lui, il nous parle de nous, parce qu’on est tous pareils, un peu lâches, du genre à ne pas regarder les choses en face quand elles nous dérangent. Mais lui, avec cette envie et cette passion qu’il dégage, il nous donne envie d’affronter la vie autrement, en face et droit dans les yeux. Ses mots nous donnent parfois des baffes,  mais ce sont celles d’un ami qui nous veut du bien. Il appuie là où ça fait mal, mais c’est pour nous aider à voir les choses autrement, à changer en profondeur. Et il l’écrit et le dit tellement bien qu’on le suit forcément.

En écoutant ce disque, vous passerez par tous les sentiments, par toutes les émotions, même les plus contradictoires, mais à chaque fois vous le vivrez intensément. Et tout ça avec juste des mots et quelques notes de musiques. Midi 20 est un concentré de vie qui vous fera sourire, vous agacera ou vous fera couler les larmes. En ce qui me concerne, il y a bien longtemps qu’un disque ne m’avait pas autant remué. Peut être justement parce qu’il se situe à la frontière de deux mondes qui se croisent trop rarement, entre la musique et la poésie. Un des disques indispensables de 2006 et la naissance en direct d’un grand, d’un énorme artiste.


Pour plus d'nformations, le site officiel : www.grandcorpsmalade.com




I Love You But I've Chosen Darkness : Fear Is On Our Side

Titres

The Ghost
According To Plan
Lights
The Owl
Today
We Choose Faces
Last Ride Together
At Last Is All
Long Walk
-
Fear Is On Our Side
If It Was Me


Il y a des albums qui vous donnent un vrai choc. Qui laissent sans voix après leur écoute. Fear Is On Our Side est de cette race là. A condition d’aimer le romantisme noir, les échappées brumeuses et tous les groupes du genre depuis les 30 dernières années (The Cure pour le spleen, Dance Society pour les rythmes aussi monolithiques que dansants, New Order pour les basses souveraines, Sisters Of Mercy pour les guitares entre pointes de cristal et stalactites de glace). Si c’est votre cas, I Love You But I’ve Chosen Darkness va proprement vous enthousiasmer.

Parce qu’en dehors d’avoir trouvé le nom de groupe le plus génial depuis longtemps, les quatre acolytes réinventent tout un pan de la musique de la fin du siècle dernier. Un peu à la manière d’Interpol ou de Editors, pour ne citer que les deux meilleurs, ils reprennent les choses où leurs illustres prédécesseurs les ont laissés. Sans repomper et perpétuer le passé, ils inventent un avenir différent à une musique du passé. Et ils le font d’une façon tellement brillante et sincère qu’on en reste ébahis. En tous cas, c’est mon cas. Ma culture musicale est quasiment née avec tous les groupes cités plus hauts, alors forcément, la naissance de groupes comme I Love You But I’ve Chosen Darkness est une belle et bonne nouvelle. Parce que cette musique me ramène une vingtaine d’années en arrière et me remet en face de mes premiers vrais chocs musicaux. Et si ce groupe là en aurait fait partie s’il était né vingt ans plus tôt.

Mais I Love You But I’ve Chosen Darkness est bien un groupe du XXI ème siècle. Bien que ses références soient évidentes, le son du groupe est résolument moderne, et tourné vers demain. Les trois premiers morceaux de l‘album ont toutes les qualités pour impressionner l’auditeur. Le groupe a un talent certain pour tricoter des atmosphères pesantes et pourtant chantantes. The Ghost est un monument de cette sorte de Pop stressée et aérienne. According To Plan et sa basse implacable rappelle les climats des premiers Simple Minds, Lights a le parfum musical des vieux Sisters Of Mercy,  avec toujours ce côté chantant qui permet aux chansons de prendre de la hauteur. Un peu plus loin, on trouve la chanson que je considère comme la plus belle de ce disque. We Choose Faces joue à fond sur la complémentarité d’un climat brumeux basé sur de lointaines nappes de guitares noisy et d’un thème répétitif. Le genre de chanson qui est proche de l’hypnose et où la moindre nuance et le plus petit détail ont leur importance. Là, le groupe touche carrément au génial et atteint le niveau de ses références musicales. Bel exploit.

On pourra chercher autant qu’on voudra pour trouver la moindre faiblesse dans le premier album de ces texans, ce sera en pure perte. Fear Is On Our Side est l’exemple parfait de ce que peut être un disque qui perpétue le travail de gens qu’on a aimé dans le passé. A titre de comparaison, si Archive, sur ses plus récents albums, a repris les choses là où Pink Floyd les a abandonnées, on peut aussi dire que I Love You But I’ve Chosen Darkness continue à explorer des sonorités que des gens comme The Cure ou Joy Division ont approchées dans le passé. Et tout porte à croire qu’il restait encore des choses à inventer dans ce style tout en clair obscur, tellement la musique de I Love You But I’ve Chosen Darkness est belle et passionnante. Et tellement elle parait moderne aujourd’hui et autrement plus classe que ce que font la plupart des autres jeunes pilleurs actuels.

Fear Is On Our Side est superbe de bout en bout et fait déjà parti des indispensables de 2006. Un album que je suis sûr de voir figurer dans mon best of annuel.


Pour plus d'nformations, le site officiel : www.chosendarkness.com


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