A ma grande honte, je dois bien
reconnaitre que je n'ai pas su trouver le temps d'aller voir Control,
le film d'Anton Corbijn sur l'histoire de Joy Division. Je m'étais pourtant
promis d'aller le voir, autant pour le réalisateur (qui a filmé la plupart
des vidéos des Depeche Mode, entre autres) que pour le sujet. Mais voilà,
je l'ai raté… J'en ai pas mal entendu parler, plutôt en bien, mais maintenant,
il faudra attendre le DVD.
Mais finalement, je n'ai pas tout
raté concernant Joy Division. Comme il était plus que tentant d'exploiter
le filon suite à la sortie du film, on a eu droit au même moment à la
réédition des albums du groupe dans des versions dites Collector. Et puisque
l'actualité musicale est plutôt du genre calme plat en début d'année,
j'en profite pour vous parler un peu de ces vieilleries. Ces nouvelles
versions contiennent l'album d'origine avec un son remasterisé remis au goût du jour,
un second CD avec tout un lot de raretés et un livret avec photos inédites
et commentaires qui ajoutent un éclairage particulier sur l'enregistrement.
Le même principe que ce qui avait déjà été fait pour les albums de Cure
il y a quelques années. En ce qui concerne The Cure, le résultat final
de ces albums remasterisés était franchement réussi. Et puisque que Joy
Division a presque autant d'importance que Cure dans mon parcours musical
et qu'il a déclenché au moins autant de petites fusées dans ma tête d'adolescent,
j'ai tenté aussi l'expérience. J'en profite d'ailleurs pour remercier
les généreux donateurs pour leurs étrennes qui m'ont bien aidé à financer
tout ça. Parce qu'il faut bien reconnaitre que la réédition de ces albums
n'est pas philanthropique et que le prix est quand même un peu gonflé,
à mon avis.
Ceci étant dit, les trois albums
en question sont de telles pierres angulaires de l'histoire du Rock qu'ils
sont de toute façon indispensables. Il faut au moins y avoir gouté une
fois pour savoir de quoi on parle et mieux comprendre le Rock de ces dernières
25 dernières années jusqu'à aujourd'hui. Je ne referai pas l'histoire
de Joy Division, ex groupe Punk nommé Warsaw, mais je me contenterai de
parler ce ces trois doubles CD. Discographiquement parlant, juste après
quelques singles qui mettent déjà tout le monde en alerte, tout commence
en 1979 par Unknown Pleasures, premier album qui glacera d'effroi
tous ceux qui l'ont écouté sans avoir été prévenus au préalable que cette
musique pouvait laisser des traces indélébiles dans la mémoire. A cette
époque où le Punk agonise et où la New Wave n'a pas encore de nom, Joy
Division déboule avec cet album qui semble réinventer le noir pour le
peindre avec des teintes encore plus sombres. Les rythmiques de Terry
Mason sont raides et sèches, les guitares de Bernard Sumner ont un son
métallique et lancinant, la basse de Peter Hook est étonnamment ronde
et mélodique, c'est elle qui mène la danse. Et puis il y a cette voix
incroyablement profonde et habitée de Ian Curtis qui semble venir du plus
profond de l'âme. Ce premier album contient son lot de chansons inoubliables
: Day Of The Lords, New Dawn Fades, She's Lost Control ou encore
Shadowplay. Unknown Pleasures semble avoir été enregistré
de façon totalement brute et instinctive, comme si le producteur n'avait
pas osé (ou pas pu) y apporter les nuances et les filtres habituels. On
se prend donc droit en pleine tête toute la complexité et le désespoir
de cette musique là. En dehors de la puissance d'évocation incroyable
des chansons, c'est aussi cette absence de fard qui rend ce disque si
unique et éblouissant. Instantanément, Joy Division fascine. Il fascine
comme l'au-delà peut fasciner, comme un gouffre sans fond peut être attirant.
Mais chaque écoute de Unknown Pleasures révèle aussi une incroyable
beauté, une incroyable fragilité. On est ici tout proche de la rupture.
On le sent déjà.
L'année suivante arrive Closer,
un deuxième album aux lignes à peine adoucies. La tension est toujours
aussi présente, mais on se méfie moins. C'est l'arrivée des premiers synthés,
les rythmes se font parfois moins raides, la production est un peu plus
enveloppante. Certains titres donnent déjà une idée de ce que sera New
Order quelques années plus tard (le presque dansant Isolation).
Joy Division a changé mais les chansons restent toujours aussi fortes.
Et aussi sombres. Le froid et distant Passover, Colony, chanson
qui semble presque tétanisée ou Means To An End qui reste toujours
une de mes préférées. Et que dire de The Eternal qui m'a toujours
semblé être un adieu définitif. Comme un testament. Un des plus beaux
que je connaisse. L'écoute de Closer donne même carrément une
sensation d'enfermement, comme si aucune issue n'existait. La suite de
l'histoire prouvera que ce qu'on éprouve en écoutant Closer est
finalement assez proche de ce que Ian Curtis pouvait ressentir à l'époque.
Le troisième album, Still,
est sorti après la mort de Ian Curtis. C'est une série d'inédits et de
faces B compilées par les membres survivants du groupe. A l'époque, il
n'était sorti que pour répondre aux besoins pressant d'argent qui ont
fait suite au suicide du chanteur. Mais des albums comme celui là, on
en redemande. J'aime assez la petite phrase qui dit que c'est en écoutant
les B sides et les inédits d'un groupe qu'on peut vraiment juger de son
talent. En ce qui concerne Joy Division, Still permet de mettre
en lumière des chansons toutes aussi fortes et indispensables que celles
qu'on connaissait déjà. Je pense notamment un The Sound Of Music
qui donne l'impression de ressentir physiquement la même tension électrique
que pendant un orage.
Quand aux second CD de chaque coffret,
il contient à chaque fois un concert. Le son est pourri, mal enregistré,
mais l'urgence des concerts de Joy Division est présente à chaque seconde.
Le genre de disque qui s'adresse exclusivement aux fans durs de durs.
Pour tous les autres qui voudraient découvrir la musique de ce groupe
hors norme, la version simple des CD suffira.
Dans ces années '00 déjà bien entamées,
à l'heure où de nombreux groupes s'inspirent du son et du style de Joy
Division, réécouter ces albums permet de se rendre compte à quel point
le groupe a été marquant et continue de l'être encore aujourd'hui. Il
permet aussi de se rendre compte que Joy Division fait partie des quelques
rares groupes cultes qui méritent réellement ce statut là. Le parallèle
avec Nirvana est d'ailleurs une évidence. Même carrière courte et intense
avant une fin brutale. Comme Kurt Cobain bien des années plus tard, Ian
Curtis n'était pas prêt pour ça. Trop jeune, trop inexpérimenté, trop
perméable à cette vie qui subitement s'ouvrait en grand devant eux avec
toutes ses tentations et ses dérives possibles. C'est la grande tradition
du Rock me direz vous. C'est aussi ce qui fait sa légende.
Pour plus d'nformations, un site français sur Joy Division :