Je ne sais pas si vous avez remarqué
comme tout a tendance à rentrer doucement dans la norme, genre " je ne
veux voir qu'une seule tête ". C'est 'ailleurs un peu la même chose dans
la musique et chez les humoristes. Dans toutes les formes d'art dites
populaires. Il fut un temps pas si lointain où ceux qui nous faisaient
rire disaient clairement ce qu'ils pensaient, n'hésitait pas à taper sur
les têtes qui ne leur plaisaient pas. Aujourd'hui, chez les humoristes
on rit de la banalité du quotidien ou on délire sur des détails, sans
risque. Comme ça, on est sûr de passer à la télé. Musicalement, c'est
exactement le même mouvement de fond. En ces temps de disette des ventes
de disques, quel label oserait aujourd'hui miser de l'argent sur des inconnus
qui osent taper sur les politiques ou qui disent tout simplement ce qu'ils
pensent. Personne, évidemment. Dans ce paysage là, des gens comme Tryo
ou Manu Chao font figures d'exceptions. Ils sont aujourd'hui là où ils
sont parce qu'ils ont grandis seuls, en dehors des majors. A l'origine,
c'est le bouche à oreilles qui les a fait grandir. Même si les majors
et la pub les ont aujourd'hui rattrapés, ils peuvent continuer à dire
ce qu'ils pensent. Ils gardent ce droit là parce qu'ils vendent encore
suffisamment. Profitons en bien, ça pourrait ne pas durer.
Pour toutes ces raisons, la sortie
d'un nouveau Manu Chao est forcément un évènement. Un évènement mondial
d'ailleurs, puisque le bonhomme s'exporte vraiment partout, en Amérique
du Sud en particulier. Et quand on écoute La Radiolina, on continue
à penser qu'à lui seul il pourrait être la bande son de tous les mouvements
alter mondialistes, même s'il refuse toute étiquette de leader ou de porte
parole, trop facile à discréditer ou à salir d'après lui. Comme les Clash
en leur temps, Manu Chao prend fait et cause pour un mouvement politique.
Au risque de se tromper, peut être, comme les Clash, allez savoir. Ce
qui est assez marrant quand on écoute les chansons de Manu Chao, c'est
cette impression de tout comprendre, même quand on ne parle pas la langue.
Je ne parle pas un mot d'espagnol et pourtant j'ai l'impression de comprendre
l'essentiel du message de chaque chanson. Il faut dire que le vocabulaire
est à chaque fois assez basique : phrases courtes, claires et percutantes,
comme sur Politik Kills qui en quatre phrases résume pourquoi
la politique fait le malheur des hommes. Musicalement, on n'attend plus
vraiment de révolution du côté de Manu Chao et pourtant sur le petit dernier,
on note une évolution. Comme les deux précédents opus, La Radiolina
est encore une fois une suite de chansons à l'aspect bricolo comme
on l'aime. Encore une fois, ce disque crée un pont entre toutes les musiques
d'Amérique du Sud et Centrale et le Rock. Mais cette fois, La Radiolina
marque un retour vers le Rock période Mano Negra. Le single Rainin
In Paradize, renouant avec la rage musicale d'antan tout en gardant
en étendard le message politique d'aujourd'hui, en est un exemple éclatant.
Même chose pour Panik Panik au rythme pogotant qui font brutalement
remonter plein de souvenirs à la surface.
Comme d'habitude, Manu Chao se fout
des frontières, il chante dans un maximum de langues, l'espagnol surtout,
en les mélangeant souvent au sein d'une même chanson. Pour lui, le monde
est un tout, notre héritage à tous quelle que soit notre origine. Pour
lui, le recyclage est une des clés du futur de l'humanité, alors il pousse
cette logique jusqu'à l'appliquer à ses propres chansons dans lesquelles
on retrouve souvent quelques phrases de guitare ou gimmicks identiques
dans plusieurs titres. Les sirènes de police résonnent dans de nombreuses
chansons et le petit solo de Rainin In Paradize fuse aussi dans
El Kitapena ou Siberia et Mama Cuchara ressemble
même carrément à un remix espagnol de Rainin In Paradize.
Le troisième album solo de Manu
Chao sonne comme une sorte de réconciliation entre sa jeunesse française
et son présent sans frontières. Du coup, il est aussi son album le plus
abouti et le plus attachant.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.manuchao.net
Et la vidéo de Rainin In Paradize
ICI
Fields : Everything Last Winter
Titres
Song For The Fields
Charming The Flames
You Don't Need This Song (To Fix Your Broken Heart)
Schoolbooks
The Death
You Brought This On Yourself
Skulls And Flesh And More
Feathers
If You Fail We All Fail
Parasite
Finalement, je me rends compte que
personne ne sait vraiment dans quel panier ranger la musique de Fields.
Pour moi c'est forcément un bon point. Mieux que ça, c'est bien souvent
un signe qui ne trompe pas. Ce sont tous ces groupes qu'on n'arrive pas
à enfermer dans une boite, qui surprennent ou étonnent, qui font finalement
avancer la musique à petits pas. Tous ces groupes avancent masqués, en
mélangeant des choses du passé qui ne l'avaient pas encore été jusque
là où les assemblant d'une façon nouvelle qui change notre perception.
Ils n'inventent jamais vraiment, ils font évoluer l'existant. C'est exactement
le cas de Fields, ce groupe anglais assez inclassable.
D'ailleurs Nick Peill, le chanteur
et principal compositeur, qualifie en rigolant le style de sa musique
comme étant du " beige metal ". Ce qui éclaire beaucoup mieux notre lanterne,
on en conviendra. En fait, ça fait déjà plusieurs mois que j'ai eu l'occasion
d'entendre ce premier album de Fields, lors de sa sortie en Angleterre.
A l'époque, j'avais été vraiment impressionné et j'attendais avec impatience
la sortie française pour en parler. Je vais quand même tenter de vous
faire une synthèse de ce qu'est leur musique. Au premier abord, j'aurai
presque tendance à la comparer à The Twilight Sad, autre groupe débutant
dont j'ai adoré le premier album. Comme eux, ils savent faire cohabiter
dans une même chanson des sons acoustiques et Folk qui longent des murs
du son pleins de guitares noisy. On retrouve aussi un chant triste et
détaché de Nick Peill, mais avec en plus la voix de l'islandaise Thorunn
Antonia, clavier et aussi chanteuse du groupe. L'association des deux
timbres fait des merveilles, en donnant des accents à la fois brumeux
(lui) et gracieux (elle). Tout le charme de Fields (à ne surtout pas confondre
avec The Field, groupe Electro auteur d'un album lui aussi excellent)
réside dans ces dualités, dans ces contrastes permanents. La production
au cordeau de Michael Beinhorn, plutôt habitué aux groupes Metal, permet
de faire ressortir les moindres nuances de la musique de Fields, de rendre
audibles les guitares Folks au milieu du bruit électrique. Bel exploit.
Voilà d'ailleurs un album à n'écouter qu'en version CD. Pour avoir essayé
de le compresser sur mon iPod, je peux vous dire que cette musique n'accepte
pas la compression, elle en devient vite inaudible. Ce qui donne encore
plus de poids au travail superbe de Michael Beinhorn.
Les chansons de Fields profitent
donc bien de cette clarté sonore mais elles sont déjà suffisamment impressionnantes
en elles même. On n'a jamais franchement l'impression d'écouter un premier
album tellement l'équilibre entre harmonies et moments bruitistes est
réussi. Souvent au début d'un morceau, on a l'impression d'écouter un
album de Folk au format assez classique, comme sur le délicat Schoolbooks,
juste avant que le ciel se couvre de nuages et que le ton change doucement
pour aller vers un Rock exploratoire à la My Bloody Valentine. Mais toujours,
quelle que soit la hauteur des murs de guitares, le duo de voix reste
toujours en harmonie au dessus de la mêlée. C'est ce qui donne une grande
partie de son charme à Everything Last Winter. The Death
est un superbe exercice de style dans ce genre là, comme ce moment précis
où un dernier rayon de soleil brillant arrive encore à percer les nuages
d'un ciel d'orage. C'est vraiment magnifique. Parallèlement à ça, Fields
arrive à être aussi à l'aise qu'un Grandaddy dans des mélodies de haut
vol comme ce You Brought This On Yourself qui s'imprimera longtemps
dans la mémoire. Tout comme Skulls And Flesh And More qui ne
semble être là que pour enfoncer définitivement le clou et nous convaincre
que ce groupe là sort vraiment du lot. Jusqu'au livret du disque qui vous
donne l'impression d'ouvrir à nouveau un vieux livre de Jules Vernes,
tout dans ce disque respire la classe et le talent.
Le premier album de Fields est pour
moi une des plus belles surprises de l'année. Le genre d'album qui donne
l'impression que le Rock a encore pas mal de territoires à découvrir et
qu'il lui reste encore de beaux jours devant lui.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.fieldsband.com
Et la vidéo de Song For The Fields
ICI
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