17 janvier 2005


Deux visions totalement différentes de la musique. Embrace, c'est la Pop à l'anglaise née des cendres de la Brit Pop. Isis, c'est un nouveau monde qui s'ouvre.

Isis : Panopticon

Titres

So did We
Backlit
In Fiction
Wills Dissolve
Syndic Calls
Altered Course
Grinning Mouth

Isis est un groupe que je découvre par l’intermédiaire de ce disque. Le première chose que j’ai à en dire, c’est que ça donne une énorme envie de partir à la recherche de leurs précédents albums. Juste pour voir si on est au même niveau ou si ce Panopticon (je sais, ça sonne très mal pour nous les francophones, mais ça veut dire quelque chose comme « l’endroit où toute chose est visible ») est un miracle isolé.
Ce groupe là, apparenté Metal, est pourtant bien loin au dessus de ces trop simples classifications qui permettent juste de ranger les CD dans le bon bac chez le disquaire. Isis crée une musique indéniablement issue du Metal, mais sa musique trouve tout autant ses origines dans un Post-Rock aux ambiances éthérées. Comme un alchimiste, Isis a réussi à créer une sorte de Metal plus pur que la moyenne, inconnu jusque là. Sa musique en devient inclassable et totalement neuve. Elle s’adresse tout autant au fan de Queens Of The Stone Age qu’au fan de Godspeed You Black Emperor. Un grand écart culturel difficile à imaginer et qui pourtant arrive à prendre vie sur ce disque hors norme.
Autant le dire tout de suite : ce disque a toutes les caractéristiques d’un monument. Le son est à la fois énorme et délicat, les ambiances pesantes ou aériennes, les tempos speedés ou planants. Et surtout, chaque morceau (ils sont tous autour ou au dessus des 7 minutes) est une merveille d’équilibre et de force. Ce groupe la sait créer mieux que personne des atmosphères lourdes de menaces qui savent se terminer dans la plus parfaite harmonie. Ou encore des passages d’une mélancolie à couper le souffle qui finissent dans le chaos. Tous les morceaux sont presque exclusivement instrumentaux. Seuls quelques passages chantés ou hurlés nous rappellent qu’il y a ici présence humaine. Parce que pour le reste, la musique de Isis est tellement génératrice de sensations fortes et de sentiments tout aussi forts, que l’immersion en devient totale. Il suffit de se laisser tenter par cette musique pour se retrouver totalement captif.
Comme toujours avec ce genre de musique où les morceaux sont très longs, il faut laisser le temps au temps. Il faut se laisser imprégner par les ambiances. Il faut aussi écouter chaque morceau dans son intégralité pour en ressentir toutes les nuances et les ruptures de ton. L’ouverture du grandiose So Did We est dantesque, pour se couler au fil des minutes en des ambiances lourdes comme un ciel d’orage, puis apaisées comme lorsque le soleil est revenu. In Fiction est moins direct, plus insidieux, il avance lentement, presque aérien, puis sa vitesse s’accélère et il devient ensuite impossible à arrêter avec en son milieu un riff de guitare d’une puissance et d’une beauté incroyable. Des paysages à la beauté à couper le souffle s’ouvrent devant nos yeux. Syndic Calls est beaucoup plus aérien et encore plus proche de l’univers de Godspeed. Et dans ce genre là, leur aisance est tout aussi incroyable. Cette fois c’est un ciel bleu apaisé qui se dévoile enfin devant nous. Altered Course est dans le même esprit, et donne l’impression que chaque titre surpasse encore le précédent. Une lente et hypnotique montée vers un paradis musical, entre batterie dans le genre Pornography de Cure et guitares diaphanes. Le final lourd de menaces de Grinning Mouths nous laisse totalement terrassés mais heureux. Avec l’impression d’avoir vécu quelque chose de fort et d’inhabituel.
Chaque morceau est un vrai voyage intime qu’il faut faire en entier, sous peine de rater le principal : l’émotion. Les lentes montées en puissance, les soubresauts et explosions autant que les longs épilogues, tout est là pour inciter l’auditeur à plonger en lui même pour ressentir tout ça de l’intérieur. Et c’est totalement magique. Peu importe votre style musical de prédilection, vos goûts ou vos couleurs, ce Panopticon dépasse tellement les conventions et les codes habituels qu’il en devient accessible à tous et totalement ouvert. En ce concentrant sur le fond de sa musique et pas sur sa forme, Isis touche à l’essentiel, à l’émotion brute et aux sensations « animales ». Il s’adresse à notre intimité, à nos sens, sans artifices marketing ou filtres déformants des modes en tous genres. Il en devient intemporel et inclassable.
Isis fait juste de la musique. Et ça n’a pas de prix.


Pour plus d'nformations, le site officiel : www.sgnl05.com

Embrace a tout du groupe anglais type. D’abord, il fait de la Pop « à l’anglaise ». Il s’apparente en ça à tous les groupes qu’on a vu fleurir ces dernières années et à tout un long historique, à commencer par The Verve, Coldplay, Starsailor ou encore Oasis à leurs débuts. Ensuite, ils vendent tellement de disques chez eux et tellement peu chez nous que pour le moment, leur dernier album n’est même pas distribué ici. Encore une fois, il faut faire marcher la filière import…
Pour la petite histoire, ce Out Of Nothing a atteint la première place des charts albums en Angleterre. Comme chez nous, c’est rarement un gage de qualité, mais dans ce cas précis, c’est pourtant mérité. Tout comme ce disque là mériterait une bien plus large diffusion internationale. Parce que franchement, si on s’en tient strictement à la qualité de leurs chansons, Embrace n’a pas grand-chose à envier à tous ces autres groupes qui vendent leurs albums comme des petits pains. Et ils ont l’expérience en plus puisque qu’ils ont déjà derrière eux un solide passé. Ils ont même en plus d’un don certain pour l’écriture, un petit truc qui pour moi fait la différence : une sorte de petite flamme en plus, une sorte de lyrisme qui donne des chansons qu’on rêve d’entendre à fond dans un stade, rien que pour avoir le plaisir de les entendre chantées en chœur par quelques milliers de gorges. L’exemple le plus parfait de ce que j’avance ouvre l’album. Ashes est un petit chef d’œuvre de cette sorte de Pop à l’anglaise, acidulée comme un bonbon de la même origine, mais avec en plus ce refrain qui vous fait décoller de plaisir. Pour preuve de leur filiation avec les gros bras de la Pop actuelle, le miraculeusement beau Gravity a été écrit pour eux par Chris Martin de Coldplay. Décidément, Chris Martin arrive à nous tirer des larmes quand il veut, à force de morceaux gracieux et jamais trop racoleurs. Mais à côté de ça, les propres compositions de Embrace ne font pas pale figure, puisque Someday reprend brillamment le flambeau de cette Pop fière et altière. La musique d’Embrace bombe le torse et avance la tête haute. Et les pépites Pop se succèdent presque sans faille sur ce disque. Wish ‘Em All Away ou Keeping ont le même charme que les premiers albums d’Oasis, emplis à raz bord de guitares et de cordes, mais avec un énorme plus : un vrai chanteur qu'on a plaisir à entendre. D’accord, ça n’a rien de neuf, ce groupe là n'a pas inventé la Pop, mais il la perpétue tellement bien que c'est un vrai plaisir. J’avais presque oublié à quel point ce genre de musique peut avoir un charme contagieux quand elle est bien faite.
La musique d’Embrace est facile et légère. Un peu trop par moments (le très guimauve A glorious Day, digne d’un boys band standard ou le faiblard Near Life), comme l’était la musique des frères Gallagher la plupart du temps. Mais Embrace possède encore cette fraîcheur et ce truc qui ressemble à de l’enthousiasme, qui fait que chez eux, l’alchimie fonctionne encore. En fait, c’est un peu comme au téléphone : quand on souris, même si ça ne se voit pas, ça s’entend. En musique c’est un peu la même chose : quand la joie de jouer est là, même si ça ne se voit pas, ça s’entend toujours. Et il y a sur cet album là suffisamment de beaux moments de bravoure et de charme, comme sur le beau et assez ambitieux Out Of Nothing qui clôture l’album, pour rendre ce disque fort recommandable. Quand on voit ce que l’Angleterre est parfois capable de nous exporter comme soupes musicales, il serait fort dommage que ce disque là ne soit pas distribué chez nous. Dans un monde parfait, il le serait. On peut rêver, non ?


Pour plus d'nformations, le site officiel : www.embrace.co.uk