14 mars 2005
Une semaine française avec le duo Thomas Winter et Bogue, héritier de gens comme Daniel Darc ou Jean Louis Murat et le M83 de Anthony Gonzales, qui explore pour nous de nouveaux horizons.
Thomas Winter et Bogue : Sur La Colline
Titres
Partir
L'Amant D'un Jour
French Lover
Je Suis
L'Océan
Sur La Colline
Libre
Dans La Zone Industrielle
Mon Beau Souci
Mal Pour Toi
L'Amour Ma Haine
Dans un duo, l’équilibre est l’ingrédient principal. Il
faut d’abord savoir s’entendre pour pouvoir communiquer et cumuler les qualités
de chacun. Dans le cas de Thomas Winter et Bogue, les choses sont claires et les
périmètres clairement définis. Autant chez certains, il y a forcément des
concessions puisque les qualités de l’un et de l’autre se recoupent plus ou
moins, autant ici il n’y pas photo. Thomas Winter, c’est les mots, Bogue, c’est
la musique. Personne ne marche sur les plates bandes de l’autre et les choses
sont claires. Et quand je parle de plate bande, ce n’est même pas pour faire
référence au premier métier de Thomas Winter, jardinier de son état.
Ici, il n’y a aucune concurrence ni aucune friction entre
les deux membres du duo. Au contraire, comme dans les meilleurs des duos, il y
a une vraie complémentarité. Je ne suis pas sûr que Thomas Winter sans Bogue,
ou l’inverse, soit vraiment passionnant, mais quand ces deux là mettent leurs
talents en commun ça ressemble vraiment à quelque chose. Quand les textes
désabusés de Thomas Winter croisent les musiques simples et discrètes de Bogue,
il se passe cette alchimie qui fait les chansons réussies. On a parfois
l’impression d’écouter des morceaux issues d’autres duos complémentaires, comme
Bashung / Bergman par exemple. Tout ça pour vous donner une idée de la
complicité qui semble unir les deux membres de ce duo. Pour l’atmosphère
générale, comme je l’ai déjà évoqué plus haut, on ne baigne pas franchement dans
la gaieté et la joie de vivre. Thomas Winter est plutôt du genre à voir le
verre à moitié vide là où les autres le voit à moitié plein. Mais à mon avis,
c’est toujours cet état d’esprit là qui donne les plus belles chansons. Celles
qui vous prennent aux tripes et vous suivent toute la vie. On dit toujours que
les gens heureux n’ont pas d’histoire. Thomas Winter en a des dizaines à
raconter et Sur La Colline en
contient déjà une bonne dizaine. Des chansons d’amour, toujours. Des amours
déçus, déchirés, décalés, paumés, éperdus, perdus. Des histoires d’amour qui
finissent mal ou ne commencent pas vraiment mieux. Si c’est du vécu, la vie
sentimentale de Thomas Winter ressemble plus à un champ de ruines qu’à un champ
de fleurs.
En fait, la musique de ce duo me fait fortement penser à celle d’autres
grands désabusés, comme Jean Louis Murat ou Daniel Darc. On retrouve ici le
même phrasé, ni vraiment chanté, ni franchement parlé, mais juste entre les
deux. On retrouve ces mêmes ambiances tristes et cotonneuses, adossées à des
mélodies simples qui ont le bon goût de laisser toute la place aux textes. Des
textes toujours sombres, toujours désabusés. A croire que le soleil ne peut côtoyer
l’amour, qu’il ne peut vivre que sous un ciel bas et nuageux. Et pourtant, à défaut
de vous mettre le sourire aux lèvres, la musique de Winter et Bogue est belle. En
tout cas, ces chansons qui ressemblent quand même à des condensés de désillusions
ne sont jamais pénibles à écouter. Au final, c’est beau comme un paysage de fin
d’automne aux couleurs si vivaces, au moment où tout semble se terminer et être
définitivement sans lendemain. C’est sans espoir, mais il faut le vivre à fond,
faute de temps et de solution de replis. Partir
est une belle chanson simple, au piano, qui navigue entre espoir et crainte, les
cordes de Sur La Colline vous serrent
le cœur, Libre, une des belles
chansons du disque, ressemble enfin à
un rayon de soleil et à une issue de secours (« Je suis libre comme le
vent, Suis moi, Allons droit devant »). Mon Beau Souci est un bilan doux amer et L’amour Ma Haine, dans sa simplicité nue, me rappelle Les Objets,
un autre duo français passé bien trop inaperçu. Et c’est à la fin de ce dernier
morceau qu’un beau rayon de soleil traverse la grisaille, à travers la voix d’un
enfant (le fils de Thomas Winter ?). C’est simple et beau. Comme ce
disque.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.winteretbogue.com
M83 : Before The Dawn Heals Us
Moonchild
Don't Save Us From The Flames
In The Cold I'm Standing
Farewell/Goodbye
Fields, Shorelines and Hunters
*
I Guess I'm Floating
Teen Angst
Can't Stop
Safe
Let Men Burn Stars
Car Chase Terror!
Slight Night Shivern
A Guitar and a Heart
Lower Your Eyelids to Die With The Sun
Il arrive que des albums vous clouent sur place. Il arrive
aussi que votre enthousiasme ne soit pas forcément partagé par votre entourage.
Le dernier album de M83 me parait être de ceux là, de ceux qui divisent les
auditeurs. Ce n’est pas que ce disque soit spécialement difficile ou que la
musique de M83 soit particulièrement hors norme. Pas du tout, ce serait même
plutôt l’inverse, la musique de M83 est vraiment consensuelle. Ceux qui
connaissent déjà les deux précédents albums du duo Antibois savent déjà que
cette musique là peut être captivante. Qu’ils se rassurent, elle l’est
toujours. Le changement majeur est que le duo est aujourd’hui devenu solo, Anthony
Gonzales restant seul maître à bord après le départ de Nicolas Fromageau vers
d’autres aventures musicales.
Et Anthony Gonzales s’en est donné à cœur joie. La patte
M83 est toujours bien présente. Ces boucles mélodiques qui se superposent et se
répètent à l’infini, créant ces atmosphères parfois proches de l’hypnose, ce
volume sonore qui vous emplit tout l’horizon, tout ça est toujours là, mais
encore plus beau et efficace aujourd’hui. Mais pourtant, il arrive que certains
restent insensibles à cette magie là. Plus qu’une musique, M83 crée des
atmosphères, des impressions, des images. Si on n’y entre pas, je suppose qu’on
peut facilement s’ennuyer. Moi, j’y vois de grands espaces et des paysages beaux
à couper le souffle. Et surtout des paysages encore plus variés que par le
passé. L’exploration musicale de M83 continue et devient de plus en plus personnelle,
à force de visiter ou de revisiter les territoires défrichés par d’autres avant
eux. Certains donnent même l’impression de remonter aux premiers émois de la
musique électronique, à l’époque des Kraftwerk et autres pionniers allemands. En
fait, cet album révèle trois facettes bien distinctes qui s’entrecroisent au
fil des morceaux. L’une nous fait penser notamment à Boards Of Canada (In The Cold I’m Standing) et aussi à
Godspeed You Black Emperor (sur Fields,
Shorelines and Hunters et * surtout),
mais avec toujours ce côté très noisy. Une deuxième penche plus vers des
climats planants et sereins que ne renieraient pas leurs collègues de Air (I Guess I’m Floating, Can’t Stop ou Farewell - Goodbye ). La troisième est
une sorte de mélange des deux autres, qui se voudrait peut être plus ambitieux
ou grandiose, mais qui au final est un peu pompeux, la faute à des chœurs biens
trop envahissants. Le morceau d’ouverture, Moonchild,
est de ceux là. Surtout, si vous n’accrochez pas à ce premier titre, ne faite
pas l’erreur de rester sur cette première impression. La suite vaut le détour. Dès
Don’t Save Us From The Flames vous
comprendrez que ce disque là vaut infiniment mieux que ça. Avec ce titre, vous
entrez de plein pied dans l’univers musical de M83, savant mélange des genres
entre Electronica, Post Rock et Noisy Pop.
Le reste n’est qu’un voyage enivrant et spectaculaire, pour peu qu’on se
laisse aller. Anthony Gonzales a su créer des climats impressionnants.
Impressionnants de plénitude dans In The
Cold I’m Standing, inquiétants dans Fields,
Shorelines and Hunters, hallucinés dans Car
Chase Terror, puissants dans l’énorme A
Guitar And A Heart. Bref, avec ce disque, vous passerez en permanence d’un
état à l’autre, de l’extase à la plénitude, de l’excitation à l’abattement, de
l’émerveillement à l’inquiétude, de la beauté à la noirceur. Peu de disques
presque exclusivement musicaux sont capables de dégager autant de vie, autant
de vibrations charnelles. On savait déjà depuis longtemps que la musique
électronique pouvait ne pas être aussi froide que les machines dont elle est
issue. On sait maintenant qu’elle peut être aussi belle et diverse que la vie
elle-même.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.ilovem83.com
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