Pas mal d'eau à coulé sous les ponts depuis ces albums des Cocteau Twins devenus cultes et forcément les règles du jeu ont un peu changées. Ce qui fait de School Of Seven Bells un disciple revendiqué des écossais, mais jamais un plagiaire. Le trio réinvente cette musique là, en la rendant peut être encore plus belle, encore plus magnétique. Soyons clair tout de suite, Alpinisms est mon premier gros coup de cœur de l'année. Cet album est somptueux. Benjamin Curtis et les jumelles Alejandra et Claudia Deheza créent une musique totalement envoûtante en associant des rythmiques Trip Hop avec des boucles Electro vaporeuses ou Noisy qui font aussi parfois penser à My Bloody Valentine. Mais ce qui rend cette musique si particulière, c'est surtout les voix mêlées et croisées des jumelles Deheza. Des voix aussi mystérieuses et aussi élégiaques que Liz fraser elle-même. Quand on découvre Iamundernodisguise pour la première fois, on est forcément happé par beaucoup de souvenirs, mais on découvre aussi une musique totalement nouvelle et sans aucun équivalent.

Comme avec les Cocteau Twins, si on ferme les yeux et qu'on se laisse gagner par cette musique, c'est le grand voyage assuré, entre le Paradis et la terre ferme. Et comme le titre et la pochette de l'album l'indiquent plutôt bien, cet album nous embarque dans des contrées où les versants abrupts côtoient les plus hauts sommets. Comme les montagnes de la pochette, chaque chanson de ce disque a sa propre forme, ces propres dimensions, sa propre identité. Jamais on a l'impression de tourner en rond, d'écouter deux titres qui se ressemblent. Ici, chaque morceau est unique et nous emmène dans un univers particulier. Et le plus beau, c'est que chaque écoute nous fait redécouvrir les chansons sous un jour nouveau, comme quand on découvre une montagne sous un autre angle et qu'on a du mal à la reconnaître. Il y a sur Alpinisms de vrais moments de grâce, comme le paradisiaque Face to Face on High Places ou le sublime Half Asleep dont la vidéo est juste en dessous. Sans oublier My Cabal, qui semble tomber directement d'un improbable paradis. Le genre de chanson qui donne autant envie de danser que de fermer les yeux pour mieux s'y engloutir.

School Of Seven Bells est en train d'inventer une musique qui puise sa source à la fin du siècle dernier, mais qui appartient totalement à ce nouveau siècle qui commence. Elle est presque totalement Electro et se projette vers l'avenir avec un appétit plutôt rare. Wired For Light arrive à entremêler les chœurs délicieux des sœurs Deheza avec un tempo Trip Hop quasi oriental du meilleur effet. Tout se mélange, les souvenirs et le présent, on ne sait plus trop ce qu'on écoute. C'est juste délicieux et c'est tout ce qui compte. Et puis il y a aussi des titres nettement plus planants comme For Kalaja Mari qui me rappelle fortement les albums de This Mortal Coil du label 4AD, ce projet musical collectif qui réussissait si brillamment à associer l'expérimentation instrumentale et le travail des voix. Sur Alpinisms, on atteint carrément ce niveau d'exigence et c'est un pur bonheur de redécouvrir ça aujourd'hui.

Je pense qu'il n'est pas forcément indispensable d'en rajouter. Alpinisms est un bijou ultrasensible, un album qui se redécouvre à chaque nouvelle écoute. Un petit chef d'œuvre qui ouvre une multitude de portes vers un futur musical qui reste à inventer.

The Prodigy : Invaders Must Die