8 mars 2004
Ce début d'année est toujours aussi enthousiasmant, il n'y a que l'embarras du choix entre une nuée de très bons albums, à commencer par le troisième opus de Vast qui confirme encore une fois un talent immense. Ajoutez à ça un groupe à découvrir au plus vite : Girls In Hawaii. C'est le premier album pour ces jeunes belges déjà complètement convainquants.
Vast : Nude
Titres
Turquoise
Thrown Away
Don’t Take Your Love Away
Be With Me
Lost
Winter In My Heart
I Need To Say Goodbye
Japanese Fantasy
Ecstacy
Candle
I Can’t Say No (To You)
Desert Garden
Voilà encore un album que j’attendais avec une vraie impatience. En effet, quatre années séparent Nude de son prédécesseur, le brillant (et inusable) Music For People. Quatre ans à attendre une suite, c’est fort long. Mais l’attente a été meublée par des visites régulières sur le site de Vast, où j’ai appris que Jon Crosby, l’homme qui se cache derrière ce pseudo nom de groupe, allait mettre en ligne sur son site les résultats de son travail, au fur et à mesure de l’avancement de la création de l’album. Un processus de création en quasi direct, c’est rare et surtout passionnant. Jon Crosby est un fou d’internet qui communique régulièrement en direct avec les fans sur son site web. L’idée de faire entendre des versions demo de ses futurs morceaux est finalement une bonne idée pour tout le monde puisqu'elle nous permet de suivre l’avancement de l’album, mais elle permet aussi à Jon Crosby d’avoir un ressenti immédiat sur les morceaux. Les fans aiment ou pas, c’est direct mais forcément instructif pour lui.
Vingt morceaux ont ainsi été disponibles au téléchargement en format mp3 pour un prix modique (ils le sont toujours d’ailleurs), via son site web, certains étant retenus sur le futur album, d’autres étant forcément mis de côté. L’écoute de ses chansons m’a permis de patienter durant l’année dernière et m’a surtout mis l’eau à la bouche, tellement ces demos étaient déjà pour la plupart excellentes et déjà suffisamment bien produites. L’inconvénient avec ce genre de formule, c’est que lorsque le véritable album sort, l’effet de surprise n’est plus là. Je connaissais déjà la plupart des chansons, mais elles apparaissent aujourd’hui évidemment mieux produites. Et quand on connaît le côté perfectionniste de Jon Crosby, on peut deviner qu’il les aura polies, lustrées jusqu’à leur donner un éclat parfait. C’est bien sûr le cas ici. Les maquettes portant bien produites paraissent d’un seul coup presque ternes. Alors il n’y a peut être pas d’effet de surprise, mais quel album ! Les chansons étaient déjà très bonnes, elles sont maintenant superbes. Le fond était déjà là, ne manquait plus que la forme. C’est maintenant chose faite avec Nude.
On retrouve ici 11 des maquettes précédemment entendues. Japanese Fantasy est le seul morceau jamais entendu auparavant. Alors bien sûr, puisque je les ai déjà aimées à l’état de brouillons, ici je les adore. Ca commence avec Turquoise, sorte de chanson type de Vast, avec ce mélange de noirceur, de puissance contenue et cet aspect brillant, facile et presque Pop. La musique de Vast ressemble à un fauve prêt à bondir. Quand elle est calme, elle ressemble à un bon gros chat tranquille, mais attention quand elle se réveille. Thrown Away est un bijou de cette sorte de Pop-Rock qui lui est propre, entre Gothique et Pop, entre ombre et lumière. Un régal et le meilleur single possible à ressortir de cet album. La musique de Jon Crosby est du genre à rentrer par une oreille pour ne plus jamais en sortir. Ce type est aussi bon chanteur que musicien. Il fait d’ailleurs tout lui même, paroles, musique, instruments, et même une partie de la production. C’est vraiment un surdoué. Il n’y a qu’à écouter Don’t Take Your Love Away et son subtil équilibre entre cordes et pianos pour s’apercevoir qu’on est ici bien loin des tentatives orchestrales de certains lourdauds du Rock pourtant mieux cotés au niveau des ventes d’albums. Ici, c’est de la dentelle, superbe. C’est d’ailleurs toujours aussi agaçant de constater que des gens comme Jon Crosby vendent aussi peu et sont aussi peu connus. Il faut quand même dire qu’il le cherche un peu, puisque depuis le début de sa carrière, ses trois albums sont sortis sur un petit label indépendant, sans promotion d’aucune sorte. Mais c’est sa volonté, le moyen d’être totalement libre d’écrire et d’enregistrer sa musique comme il l’entend. Et pourtant, je rêve qu’un jour cette musique soit enfin connue du grand public. Elle le mérite et elle est suffisamment facile d’accès pour ça. Dans l’esprit, pas dans la forme, je comparerais d’ailleurs assez la musique de Vast à celle de Depeche Mode, à la fois sombre, dépressive et pourtant belle et facile à écouter. Le genre de musique qui laisse des traces dans l’esprit lorsqu’on l’écoute. Dans le genre là, Lost est un petit chef d’œuvre symphonico-depressif sur fond de Rock éthéré, tout comme Winter In My Heart que je considère comme un des grands morceaux de cet album. L’ensemble de l’album est fait de cette sorte de Rock capable de décoller à la verticale sans crier gare, de partir en vrille au détour d’un refrain ou d’une cassure instrumentale. C’est vraiment du grand art. Le côté Gothique présent dans le premier album a aujourd’hui presque complètement disparu pour être remplacé par cette sorte de mélancolie douce-amère qui donnerait presque au très beau Candle des faux airs de Cure période Disintegration.
Le seul regret sur cet album concerne les chansons qui justement ne sont pas dessus. Pour une fois, on connaît les morceaux abandonnées et on n’est pas forcément d’accord avec les choix de Jon Crosby. Je pense notamment à I Woke Up LA qui pour moi était tout simplement la meilleure maquette du lot. Un Rock à la fois retenu et enflammé comme on en entend peu. Un vrai hymne. Ou encore That’s My Boy, ou on retrouve les collages et samples musicaux qu’utilisait Vast sur son premier album (ici une voix qui ressemble fort à celle de Lisa Gerrard en échos lointains). Mais Nude est bel et bien un des tout meilleurs albums de ce début d’année. Un sans faute.
Reste à savoir que ce dernier album de Vast est pour l'instant disponible uniquement en import et donc difficile à trouver en France. Alors en attendant de trouver l’album, si vous voulez connaître toutes les chansons, y compris celles qui ne sont pas sur Nude, allez sur le site dont le lien se trouve ci-dessous et chargez les deux albums de demos (le dénommé Turquoise étant le plus Rock et Crimson le plus calme des deux). Ca ne coûte que 2,99 $ (même pas 2,5 € l’album au cours actuel). Et je suis sûr qu’après avoir entendu ça, vous vous précipiterez sur les albums de Vast.
Pour plus d'nformations, le très beau site officiel de ce passionné du web :
www.realvast.com
Girls In Hawaii : From Here To There
Titres
9.00 AM
Short Song For A Short Mind
Time To Forgive The Winter
Casper
Found In The Ground
The Ship On The Sea
The Fog
Fontanelle
Flavor
Organeum
Bees And Butterflies
Catwalk
La Belgique est en train de nous offrir quelques beaux groupes de Pop voyageuse et exploratrice. On connaissait déjà Arid, dEUS ou encore Venus, arrive ces jours ci les petits nouveaux Girls In Hawaii. La différence est que ceux ci sont Wallons, c’est à dire francophones. On connaît beaucoup de groupe, pour la plupart Flamands, les groupes Wallons sont nettement plus rares. Question de culture sans doute. Géographiquement rien a voir avec Hawaii donc, aucune fille non plus dans ce groupe de garçons. Nom de groupe tout en trompe l’œil, mais photo de pochette de ce CD conforme a son contenu, une musique toute en harmonie et courbes douces. Pas plate comme leur pays d’origine, mais plutôt doucement vallonnée.
A la première écoute rapide de ce disque, on a un peu l’impression d’entendre une version européenne de Grandaddy (Found In The Ground surtout), même tendance à la mélodie royale et contemplative. Mais les pieds un peu plus ancrés dans la terre que l’original grand père américain. Et surtout plus varié et exploratoire. Le ton et le rythme ne sont ici pas aussi monocordes. Ici, on ne contente pas de planer, très loin au dessus du sol, histoire de voir le monde en miniature. Girls In Hawaii est plutôt du genre à explorer chaque pouce de terrain, à rentrer dans le détail. Forcément, à ce rythme l’exploration prend plus de temps, mais par contre on est sûr d’avoir fait le tour de la question. Et en ayant tout visité « d’ici à là », comme ils le disent à travers le titre de leur album, ces jeunes belges savent de quoi ils parlent. Et ils sont capables aujourd’hui de tout revisiter à leur manière. De nous raconter leur vision de ce bout du monde. Et ils le font bien.
On trouvera donc dans ce disque des sonorités familières, des atmosphères connues (pèle mêle des gens comme REM, Radiohead et Grandaddy surtout), mais réécrites et réinventés par ces 6 belges au potentiel certain. Et si chaque début de chanson nous rappelle un peu quelque chose ou quelqu’un de différent à chaque fois, dès que le morceau entame sa vitesse de croisière, dès que la magie des mélodies fait son œuvre, on a vraiment plus envie de mes comparer à qui que ce soit. Le bonheur d’écouter un album aussi bien construit et aussi plein de bonnes chansons suffit amplement. Ces débutants n’ont peut être pas encore coupé le cordon ombilical avec leurs principales influences musicales, mais ils ont déjà assez de maturité pour ne plus avoir à en rougir. Après un 9.00 AM qui rappelle dEUS et un lumineux Short Song For A Short Mind, proche de l’univers Pop de REM, on change totalement de registre avec Casper, sorte d’exercice de style à base d’un soupçon de Grandaddy et de beaucoup de Girls In Hawaii à l’intérieur. Magnifique.
Chaque morceau est subtilement différent du précédent. On ne s’ennuie donc pas une seconde et on ne risque pas la routine. Et on en arrive à Flavor, diamant de cet album, à l’atmosphère à la fois légère et tendue comme un arc, avec sa basse toute en avant et ses guitares tranchantes qui arrivent à la rescousse. Là, on en arrive même à ne plus essayer de les comparer à personne. Peut être par ce c’est du Girls In Hawaii tout simplement. Et si c’est ça, ça me plaît, comme Organeum ou Catwalk, autres merveilles mélodiques, douces et si facilement accessibles.
Ce qui frappe peut être le plus dans ce disque, c’est la qualité et la justesse des mélodies, la fluidité des arrangements, qui rendent l’ensemble irrésistible. Girls In Hawaii fait la Pop comme on là rêve, simple, belle et évidente. Et tout ça sans effort apparent. From Here To There est un album qui vous ouvre l’esprit, mais aussi les yeux, tellement le moindre paysage, aussi plat soit il, vous paraîtra ensuite plus beau, plus lumineux.
Pour plus d'nformations, le site officiel :
www.girlsinhawaii.be
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