7 juin 2004
Cette semaine, c'est une première : chroniques 100 % françaises sur Why Not. C'est aussi la semaine des deuxièmes albums avec le magnifique No Time Between d'Overhead (et je pèse mes mots), ainsi qu'une découverte (pour moi en tous cas) qui s'appelle Prohom.
Overhead : No Time Between
Titres
Talk Real
The Handsome Machine
In A Hundred Years
Slow Dive
Uprising
Second Thought
Tight And Turned
Here It Comes Again
Head On
Lifestyle Radio Star
I Don't Want You
Out Of Your Sleep
From Flesh To Purple Sky
L’année dernière, j’avais totalement craqué pour Silent Witness, premier album des débutants français d’Overhead. Il y avait dans ce disque beaucoup de choses qui manquent habituellement cruellement au Rock de chez nous : un chanteur à la voix digne de ce nom, de l’inventivité et de l’originalité, agrémenté de ce soupçon de classe qui fait toute la différence entre un groupe honnête et un grand groupe. Silent Witness avait tout ça et je continue aujourd’hui à l’écouter avec le même plaisir qu’au premier jour. Je vous parle de groupe de Rock, mais Overhead ne faisait pas de Rock. Leur musique était un savant et subtil mélange entre Pop et Jazz, style musical qui habituellement me laisse plutôt froid. Mais là, ça a été le coup de foudre immédiat.
J’attendais donc No Time Between avec l’impatience qui lui était due. La magie allait elle à nouveau opérer ? Et dès les premières notes de ce disque, c’est avec un plaisir immense que j’ai redécouvert les mêmes notes, les mêmes harmonies découvertes sur Silent Witness. Un régal à savourer les yeux fermés. Comme avant. Talk Real reproduisait ce que j’avais aimé il y a un an. Mais voilà, en plein milieu du morceau, les guitares sont arrivées. Acérées et noisy. Déstabilisant, mais en même temps excellent. Plus que ça même : une vraie réussite. A l’évidence, Overhead a changé. En creusant un peu, j’ai vite constaté que du groupe d’origine, seul Nicolas Leroux était encore présent. Nicolas est, et reste donc, l’âme et la voix du groupe. Mais voulant changer de direction musicale, il s’est associé à deux nouveaux musiciens. Et le résultat est là aujourd’hui. Comme il est dit sur le site web du groupe : « Oubliez tout ce que vous saviez sur Overhead ». Et en effet, Overhead est transfiguré. Pas totalement méconnaissable, (il reste toujours cette patte unique et cette voix magnifique) mais complètement différent. Aujourd’hui Overhead a pris un virage à 180° vers le Rock. Et c’est encore plus beau que sur leur premier album. No Time Between atteint un niveau rarement atteint par un groupe de chez nous. Et si c’est comme d’habitude, je suis persuadé qu’ils vendront plus de disques à l’étranger que chez nous. Et qu’ils seront superbement ignorés par les medias. J’aimerais tellement me tromper à ce sujet…
Overhead était déjà brillant. Overhead est maintenant devenu énorme. Musicalement, No Time Between lorgne du côté de Radiohead ou de Jeff Buckley (toujours cette même superbe voix funambule), voire même des Smiths. Mais il ne fait pas que regarder de ce côté, il fait jeu égal et soutient parfaitement la comparaison avec tous ces gens là. Enorme je vous dis. Et en même temps, pour ceux qui connaissent le premier album, le son et le style Overhead sont immédiatement identifiables. Cà n’en est que plus fort encore.
Nicolas Leroux a vécu plusieurs années à Londres. Il en a ramené un goût immodéré pour la musique de ce côté de la Manche et sa pratique parfaite de l’anglais qui lui ouvre aujourd’hui les portes du monde. In A Hundred Years a un incontestable air de famille avec Radiohead période OK Computer, mais pas une seule seconde on ne pense à une quelconque copie. Un morceau magnifique, ample et profond. Slow Dive est le titre le mieux choisi pour ce morceau qui semble flotter entre deux eaux. Des eaux pures et cristallines. Uprising est le morceau qui personnifie à lui seul la nouvelle orientation du groupe (c’est la chanson qui vous accueillera si vous avez la curiosité d’aller visiter leur site), teintée de lumières douces et zébrée d’éclats brillants. Un bien beau single qui sonne juste comme du Overhead. Tout simplement. Ce qui reste le plus identifiable et fait le lien entre les deux albums reste bien sûr la voix de Nicolas Leroux et cette façon qu’il a d’envelopper les mélodies comme on envelopperait doucement quelqu’un pour le réchauffer. Ca aussi, ça reste unique. Comme dans le sublime Out Of Your Sleep qui rappelle immanquablement Jeff Buckley. Sans avoir à en rougir.
La belle surprise de cette fin de printemps et l’un des tout meilleurs albums du moment s’appelle No Time Between. La belle surprise est aussi et surtout que Overhead ait confirmé tout le bien qu’on en pensait après un très beau premier album. Et tout ça en prenant le risque de casser le moule initial, pour renaître à une nouvelle vie qui donne l’impression d’être encore plus belle.
Pour plus d'nformations, le site officiel où des extraits de tous les morceaux de l'album sont en écoute :
www.overhead-music.com
Prohom : Peu Importe
Titres
Des millions de forêts
Départ
De Face
D'accord
Amer
Restons Les Mêmes
Humain
Né A La Place D'un Autre
Compte Pas Sur Moi
Prouvez Le Moi
Tu Es Tuée
Les Gens Font Des Gamins
Prohom est un groupe. Philippe Prohom est le fondateur et chanteur de ce groupe. Peu importe est son deuxième album.
Prohom est à peu près l’antithèse des produits Star Ac’ et autres Pop Truc ou Nouvelle Star Bidule. Prohom est quelqu’un qui a pas mal galéré et cherché sa voie, son style, avant d’en arriver à ce disque. Quelqu’un qui écrit ses textes et ses musiques et qui, pour finir, les chante et tourne dans toute la France pour les faire connaître. Ca se fait rare de nos jours. Et tout ça, sans beaucoup d’aide ou de support des grands médias. Je ne connais pas son premier disque (plus Rock paraît il), mais celui ci me plait beaucoup.
Philippe Prohom définit son style musical comme étant de la chanson avant tout, sur fond de musique Pop-Rock-Electro. Pour lui, l’important c’est le texte et la mélodie. Peu importe (coïncidence…) sur quelle musique ils seront ensuite posés. Il ne souhaite surtout pas être étiqueté chanteur de Rock ou de Pop ou Electro. Surtout pas. Lui ce qu’il veut, c’est pouvoir sauter de l’un à l’autre en toute liberté. Pour ça, l’étiquette autorise beaucoup plus de liberté de mouvement et de style. Sur Peu Importe, il profite à fond de toute l’étendue de cet espace.
Peu Importe commence par Des Millions De Forêts, morceau plutôt planant à la longue intro, basé sur des nappes de claviers rappelant un peu la période Cold Wave de Cure. Et dès cette première chanson, on comprend que Prohom a des choses à dire. Ses textes sont à tendance sombre et désabusée. C’est pas avec ce disque qu’on aura des fous rires, c’est certain. Mais par contre, quel plaisir d’entendre des textes aussi bien construits et au style aussi «rentre dedans». Depuis que Miossec a limé ses crocs (l’age sans doute), les français qui savent déranger notre petite vie avec leurs mots sont une denrée rare. Lui, quand quelque chose le remue de l’intérieur, quand quelque chose le révolte ou le pousse à réfléchir, il écrit, il noircit des pages et des pages. Et parfois, au milieu de ce flot de mots se trouve l’embryon une chanson. Une somme de mots à mettre en musique. C’est sa façon de faire. Ses textes sont donc tous le résultat de ses frustrations ou de ses révoltes intimes, tous écrits sous le coup d’une émotion forte. Départ fait référence à des moments qu’on a tous connus et qu’on n’aime pas forcément, ces moments de cassure ou de séparation obligés. Le single De Face, belle chanson Pop qui reste en mémoire, ressemble au bilan qu’on peut tous être amené à faire sur soi à certains moments de la vie.
Pour résumer, le terreau musical de Prohom est vraiment basé sur le Rock. Ajoutez y une touche Electro pour les rythmiques et les canevas sonores et vous aurez une petite idée de ce qu’est Prohom. Qu’il ait peur d’être enfermé dans un style musical en particulier, c’est son problème, mais qu’il le veuille ou non Philippe Prohom est un enfant du Rock. Amer ou Humain, morceaux aussi tendus que rugueux en est une preuve vraiment éclatante. On est là vraiment loin de ce qu’on a coutume d’appeler la «chanson». Une chanson comme Né A La Place D’un Autre correspond peut être plus à ce que Prohom revendique et essaye vraiment de faire. Ce n’est pas du Rock, pas de l’Electro, pas de la chanson. C’est un peu tout ça à la fois et en même temps radicalement différent de tout ça. C’est un des plus beaux moment du disques, avec des paroles dans lesquels beaucoup d’ados pourraient se reconnaître : «Je suis né à la place d’un autre / Jamais content de moi-même / Jaloux des autres / Je suis né à la place d’un autre / Pas question que je m’aime / J’en aime un autre ». Dans un genre différent, beaucoup plus brut, Compte Pas sur Moi et Prouvez Le Moi, sont aussi très personnels, autant dans le fond que dans la forme. Et là encore les paroles sont ultra directes et font mouche à chaque fois, peut être justement parce qu’elles touchent au cœur de nos problèmes : «Allez y les gars racontez moi / Des histoires de parents / Qui ne divorcent pas / Et des histoires d’enfants sans blessures / Que d’la joie / Dites moi qu’ça existe / Et prouvez le moi ». Dans le genre paroles qui tuent, je vous conseille vivement Les Gens Font Des Gamins, qui parle de ceux qui font des gamins sans les assumer par la suite (on en connaît tous), vous m’en direz des nouvelles : « Les gens font des gamins / Comme s’ils achetaient un chien ».
Ce disque existe en deux versions : une normale et une digipack qui contient en plus un DVD. C’est cette version que j’ai choisie. Elle permet de mieux découvrir Prohom (le chanteur et le groupe) au travers d’un court métrage très sympa (Philippe Prohom est aussi acteur à ses heures), du clip de la chanson De Face et de petits documentaires qui tournent autour de la vie du groupe en tournée. Pas réellement indispensable, mais agréable. En tout cas, avec ou sans ce DVD, Prohom est vraiment un artiste français à découvrir. Pour son univers musical assez personnel d’abord, et pour ses mots qui savent vous toucher (vous percuter plutôt) comme peu savent le faire par ici.
Pour plus d'informations et pour écouter des extraits de toutes les chansons du disque, le site officiel :
www.prohom.com
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