Titres
1.000.000 Died To Make This Sound
13 Blues For Thirteen Moons
Black Waters Blowed / Engine Broke Blues
Blindblindblind
Godspeed You! Black Emperor est
bel et bien mort. C'est Efrim Menuck, qui le dit. Devenu une trop grosse
machine qui à elle seule personnifiait presque le Post Rock, Godspeed
était devenu trop encombrant, trop codifié aussi pour continuer à exister.
Il était devenu une référence, ce que détestent par-dessus tout les membres
de ce collectif. Eux, ce qu'ils souhaitent, c'est la liberté. Silver Mt
Zion (de son nom complet Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La
Band) a progressivement pris sa place. Avec ce nouveau groupe, le but
d'Efrim Menuck et ses acolytes a toujours été de repousser encore les
limites, de laisser libre cours à ses émotions et de ne jamais se laisser
enfermer dans un genre. Jusqu'à maintenant, Silver Mt Zion a toujours
respecté cette règle d'or. Parfois au risque d'être inécoutable ou trop
cérébral pour convaincre. Tout le contraire de ce 13 Blues For Thirteen
Moons.
Un des précédents opus de Silver
Mt. Zion s'intitule This Is Our Punk Rock. Dommage que le titre
soit déjà pris parce qu'il irait comme un gant à ce nouvel album. Jusqu'ici,
jamais le groupe n'était allé si loin dans l'exploration des tréfonds
de sa propre musique. Jamais il n'était allé fouiller aussi profondément
dans l'âme de ses chansons. En ce sens, cet album mérite bien son titre.
En mettant son âme à nu, Silver Mt Zion est proche de l'esprit originel
du Blues. Je parle bien d'esprit, parce qu'évidemment, on est ici bien
loin du Blues classique sur 12 mesures. Et si je faisais allusion au Punk
un peu plus haut, c'est parce que ce disque me fait beaucoup penser aux
premiers essais du Public Image Limited de John Lydon. On y retrouve cette même recherche
de l'accord ou de la note suprême. On y retrouve aussi un étonnant mimétisme
vocal avec ce chant plaintif et déchirant. Efrim Menuck a réussi sur cet
album à faire la synthèse de tout ce que John Lydon a désespérément cherché
pendant des années sans jamais l'atteindre : une musique nue et vitale.
Puisqu'il est dit que ce groupe
là ne fera jamais rien comme les autres, la première particularité de
l'album est qu'il ne contient que quatre vraies chansons, qui démarrent
à la treizième. Les douze premières plages ne durent en fait que quelques
secondes et l'album ne démarre vraiment que par 1.000.000 Died To
Make This Sound. Et puisqu'il n'y a pas de barrières pour restreindre
l'espace, chaque chanson dure environ 15 minutes, juste le temps suffisant
pour installer un climat, de le développer, d'en explorer toutes les possibilités
et tous les recoins. Quand le morceau s'achève, c'est qu'il n'a plus rien
à donner, qu'il a déjà livré toute sa substance.
Une fois encore, cette recherche
de l'émotion vitale accouche d'éclairs d'une beauté rare, comme ce 1.000.000
Died To Make This Sound qui vous ballotte entre griffures de guitares
mal dégrossies et chants entrecroisés. Comme d'habitude, la première écoute
est toujours un peu déstabilisante. Il faut prendre le temps d'entrer
et de s'installer, même si l'intérieur des Silver Mt Zion n'est pas des
plus chaleureux. Ici, pas de canapé douillet, pas de fauteuil accueillant.
Chez eux, on reste debout ou au mieux on se voit offrir un vieux tabouret
bancal pour se reposer les guiboles. C'est rude, c'est spartiate, certes.
Mais je ne connais aucun autre groupe capable de donner d'aussi belles
décharges d'énergie, d'aussi courageux coups de pieds au cul du ron-ron
du Rock business. Les quatre chansons de cet album sont toutes de lentes
et inexorables montées en puissance. Les instruments d'abord bien tenus
en laisse finissent toujours par rompre les amarres et à se déchainer.
Quand le tempo s'accélère et que les guitares et violons sont malmenés,
on ne peut s'empêcher de penser à Led Zeppelin et à toute cette liberté
de ton des 70's. On est là dans le même esprit, même si les temps ont
bien changés et que le propos aujourd'hui est nettement moins optimiste
et coloré. Le deuxième morceau, 13 Blues For Thirteen Moons,
est celui qui me rappelle le plus les élucubrations de Public Image Limited.
Le ton est encore une fois acide et tranchant, passant tour à tour de
l'apaisement à de brutales montés d'adrénaline furieuses. L'émotion est
partout, écorchée et à fleur de peau. Jusqu'à cette conclusion où la voix
solitaire et désespérée d'Efrim Menuck vous colle le frisson. Black
Waters Blowed est un morceau nettement plus déconstruit et chaotique
où on se raccroche à cette voix qui surnage, juste avant que la mélancolie
des violons de Engine Broke Blues viennent apporter un peu de
réconfort. Quant à Blindblindblind, c'est le titre le plus classique
dans sa forme, presque tranquille. C'est surtout une magnifique progression
mélodique qui nous entraine du murmure de départ vers un final inoubliable
où tout s'entremêle, juste avant un dernier contrepied en forme de chorale
a capella qu'on n'a pas envie de voir s'éteindre.
13 Blues For Thirteen
Moons est une démonstration éclatante de ce que pourrait être le
Rock s'il arrêtait de se regarder le nombril et de copier plus ou moins
discrètement sur le voisin. La liberté, ça se paye forcément, mais ça
peut surtout permettre d'avancer, d'oser, d'inventer autre chose. Ca peut
même être passionnant à écouter. Ca peut même faire naitre l'émotion là
où on ne l'attend pas. Ca pourrait même vous plaire au delà de tout ce
que vous imaginez.
Pour plus d'nformations, le site officiel (aussi hors norme que le reste...) :