3 février 2003
Que de la gueule
Trois façons de vivre la musique : à la façon novatrice de Death In Vegas, avec l'oeil dans le rétro, comme Hooverphonic ou façon grande gueule, comme Richard Ashcroft. A vous de choisir...
Death In Vegas : Scorpio Rising
Titres
Leather
Girls
Hands Around My Throat
23 Lies
Scorpio Rising
Killing Smile
Nalja
If You Say You Lost Your Baby
Diving Horses
Help Yourself
J'ai fait connaissance avec Death In Vegas en 1997, par l'intermédiaire du bien nommé "Dirt " (saleté), morceau au son volontairement sale, agressif et primaire. La première chose qui m'a surpris et immédiatement séduit chez eux, en dehors de leur nom, qui a franchement de l'allure, c'était le côté novateur de leur musique. Si vous êtes familiarisés avec les musiques électroniques ou la techno, les sons répétitifs, vous connaissez. Ces séquences musicales passés en boucle servent de trame sonore à la plupart des morceaux Electro actuels. Par contre, dans le monde du Rock, ce genre de technique est presque totalement inconnu. Death In Vegas a osé assembler les deux. Ce qui donne une musique immédiatement identifiable, faite de boucles sonores, comme dans le monde Electro, mais avec les ingrédients Rocks, comme la guitare, la basse et la batterie. Pas de boite à rythme chez eux, juste l'arsenal habituel du groupe de Rock avec tout de même, pour faire bonne mesure, des synthés et divers artifices Electro.
" Drt " et le 1er album " Dead Elvis " avait déjà permis à Death In Vegas de marquer son territoire, fait de morceaux pour la plupart instrumentaux, zébrés de séquences vocales piquées ici et là, notamment dans des films. Le 2ème album, " The Contino Sessions " n'a fait que confirmer. Dans cet album apparaissaient déjà quelques chanteurs invités (Iggy Pop et Jim Reid pour citer les plus connus) pour donner des couleurs à leur musique par ailleurs totalement instrumentale. " Scorpio Rising " continue sur la même brillance lancée. Les techniques sont identiques et l'effet produit est toujours aussi dévastateur et convainquant. Les boucles musicales vous captent, et vous hypnotisent à la manière Electro. Les harmonies et les sons, franchement Rock, vous font garder les pieds sur terre. Chaque morceau a sa propre ambiance, subtil mélange de ces deux ingrédients. On commence avec un curieux morceau bicéphale : " Leather " et " Girls ", deux morceaux enchaînés et opposés dans leur forme qui ne forment au final qu'une seule chanson. Vient ensuite une alternance de morceaux soit rugueux et carrément Rock (" Hands Around My Throat ", le très réussi "Scorpio Rising " chanté par Liam Gallagher de Oasis ou " So You Say You Lost Your Baby ") ou plus caressants et électroniques (" 23 Lies ", " Killing Smile " ou " Diving Horses "). La fin de l'album est tout aussi surprenante que le début : " Help Yourself " est un long morceau qui commence de façon très atmosphérique et synthétique (juste des nappes de claviers et une voix féminine lisse et calme), puis prend doucement de l'ampleur, pour partir ensuite dans des élans totalement libres, à grandes envolés de violons et de sitar (vous savez, cet instrument à cordes d'origine indienne tellement à la mode dans les années '70). C'est pour moi le sommet de cet album, le métissage des genres le plus parfait.
Une fin en apothéose pour un disque des plus réussis. Pas un temps mort dans " Scorpio Rising ", Death In Vegas possède une technique imparable pour vous capturer et ne plus vous lâcher. Leur autre grande qualité, c'est cet art de mélanger les ingrédients sans faute de goût, de telle sorte que ce disque pourra plaire autant aux habitués de musique Electro qu'aux fans de Rock purs et durs. Ce troisième opus est une confirmation nette et sans bavures du talent de Richard Fearless et Tim Holmes, les deux personnages qui se cachent derrière Death In Vegas.
Pour plus d'nformations, leur site officiel. On peut y voir "" Hands Around My Throat ", leur dernier clip et y écouter pas mal de choses :
continorooms.com
Hooverphonic : Presents Jackie Cane
Titres
Sometimes
One
Human Interest
Nirvana Blue
The World Is Mine
Jackie's Delirium
Sad Song
Day After Day
Shampoo
Opium
The Last Supper
The Kiss
Hooverphonic est apparu il y a six ans, sous le nom de Hoover. Ont ils eu des problèmes avec la marque homonyme ? Je ne sais pas, mais toujours est il que dès leur deuxième album, ils avaient changé leur nom en y ajoutant un Phonic supplémentaire. Le groupe et sa musique par contre n'ont pas changé depuis leurs débuts. Ils font toujours une musique qui s'apparente au Trip Hop, mais du côté enjoué et léger. Contrairement à des gens comme Portishead ou Massive Attack qui font une musique assez dépressive et inquiète, Hooverphonic respire la joie de vivre, un peu à la manière de Morcheeba. Mais contrairement aux groupes cités précédemment, ils n'ont pas rencontré le même succès, loin s'en faut. Ils l'ont pourtant frôlé de prêt avec leur précédent album et le single " Mad About You ", devenu musique d'une publicité à succès.
Je pense donc qu'une petite présentation s'impose. Ces trois là (2 musiciens et une chanteuse) sont belges et " Presents Jackie Cane " est leur quatrième album. Une sorte de concept-album comme dans les années '70, qui raconte la vie de Jackie Cane, chanteuse (imaginaire ?) des années '50. La pochette du disque met d'ailleurs bien dans l'ambiance du disque : rétro. Mais là où Hooverphonic impressionne, c'est dans sa capacité à intégrer l'esprit et les sonorités des années '50 ou '60 tout en livrant un album au son très actuel. A la manière de beaucoup de groupes de la vaque Electro, comme Air par exemple, ils savent tirer la substance de la musique passée pour en faire quelque chose de neuf. " The World Is Mine " et ses tics sonores très datés est à cet égard, une réussite exemplaire. Jamais on ne se pose la question de savoir quand cela a été enregistré. C'est clair, c'est aujourd'hui, mais pourtant, c'est le plein de souvenirs qui afflue à l'écoute de ces sonorités.
Mais cet album n'est pas qu'une collection de cartes postales jaunies, c'est avant tout une belle série de chansons portées par la voix expressive de Geike Arnaert qui, en adaptant son timbre à chaque ambiance musicale, réussi l'exploit de donner une couleur différente à chaque morceau. Contrairement à leurs albums précédents, très conformes à l'idée qu'on peut se faire d'un album de Trip Hop (nappes de claviers, rythmes Hip Hop ralentis et voix à l'avenant), celui ci tranche sur de nombreux points et rend l'ensemble plus charnel et moins impersonnel que la plupart des productions du genre. Encore une fois, c'est le timbre de voix de Geike qui fait la différence, sa capacité à changer la texture de sa voix. Tantôt elle rappelle Skye Edwards de Morcheeba ou Beth Gibbons de Portishead. C'est vraiment étonnant. Et tout ça sans jamais perdre son identité et nous faire oublier qu'on a bien affaire ici à un album de Hooverphonic.
Ce disque contient d'incontestables réussites. Les quatre morceaux qui ouvrent l'album sont réellement excellents, à l'image de " Sometimes ", tout à fait dans le style rétro que j'évoquais précédemment, " Human Interest ", mon préféré ou encore " Nirvana Blue " et ses violons envoûtants. Et pour finir, l'histoire de Jackie Cane s'achève sur deux superbes morceaux intimistes à l'ambiance piano, violons et voix. Idéal pour donner envie d'appuyer à nouveau sur la touche " Play ".
Pour plus d'nformations, leur site officiel :
www.hooverphonic.com
Richard Ashcroft : Human Conditions
Titres
Check The Meaning
Buy It In Bottles
Bright Lights
Paradise
God In The Numbers
Science Of Silence
Man On A Mission
Running Away
Lord I've Been Trying
Nature Is The Law
Richard Ashcroft, c'est avant tout une voix. Et une gueule. Et pour paraphraser un journaliste qui écrivait un article sur lui, Richard Ashcroft c'est une voix qui a de la gueule. Expression parfaite pour décrire ce chanteur. Souvenez vous de The Verve, groupe brillant trop tôt dissout, lorsque Richard Ashcroft décida de voler de ses propres ailes. Rappelez vous " Bittersweet Symphony ", impérial single mêlant avec un rare bonheur une pop intelligente et les violons. Il y avait aussi le clip associé, où Richard, en parfaite tête à claque, passait toute la durée du morceau à marcher dans les rues en bousculant tout le monde. L'image que je garde de lui, c'est celle là. L'image d'un type arrogant et plein de morgue, mais tellement pourri de talent qu'on oublie tout ça dès la fin du premier morceau.
Son premier album solo, " Alone With Everybody " n'avait fait que confirmer qu'il était The Verve à lui tout seul et n'avait besoin de personne pour nous éblouir de ses chansons à l'équilibre parfait. Richard Ashcroft est un songwriter, au sens noble du terme. Un artisan de l'écriture et de la composition, qui travaille en solitaire pour nous faire partager un peu de son univers. Ses chansons sont toujours aussi intimistes, composées pour la plupart avec une simple guitare, puis habillée " à la Richard Ashcroft ". C'est à dire enrobées de cordes en tous genres, avec une nette prédilection pour les violons. Le risque dans ce genre d'opération, c'est de très vite toucher à l'indigeste, au pompeux ou à la guimauve sonore. Lui, arrive à passer entre les gouttes et à éviter tous ces écueils. Sa musique a toujours eu ce côté symphonique, y compris à l'époque de The Verve. Ca fait partie du style du personnage. Cet album ne déroge donc pas aux règles établies sur les disques précédents, les habitués ne seront pas surpris. On pourrait même lui reprocher de faire du surplace, de ne prendre aucun risque et de refaire toujours le même album et de rentabiliser ainsi le filon au maximum. Oui, peut être. Mais Richard Ashcroft nous livre à chaque fois une musique unique, qui n'appartient qu'à lui. Alors, si tous ses disques ont un air de famille évident, je ne pense pas que ce soit une recette, mais bien son style propre.
Et un chanteur capable de nous délivrer à chaque fois des albums de ce niveau, on en redemande. Prenez par exemple " Buy It In Bottles ", subtile mélodie agrémentée de ses sonorités symphonique, et dites moi ce que vous en pensez. Si ce morceau ne parvient pas à vous convaincre que Richard Ashcroft est un vraiment un grand songwriter, laissez tomber. Passez à autre chose. Alors, compte tenu de la qualité des morceaux présents sur ce disque, le débat sur son relatif immobilisme musical tombe de lui même. Il peut refaire 10 fois un clone de cet album, je reste preneur.
Une autre constante dans les chansons de Richard Ashcroft, c'est évidemment sa voix. Une grande voix du monde du Rock. Une voix qui a réellement de la gueule et de l'envergure, qui capte votre attention, comme dans " Paradise ", encore un morceau assez doux et calme. Je trouve d'ailleurs que c'est dans ce genre de tempo qu'on trouve ses plus belles réussites. Ecoutez "Man On A Mission" ou "Running Away" et surtout l'immense "Lord I've Been Trying" pour vous en convaincre. Mais rien de trop romantique ou sirupeux dans ses morceaux, même dans les plus calmes ou symphoniques. Ici, on reste toujours en contact avec la réalité, grâce à cette voix, modèle d'humanité. Le terme humanité est à prendre dans son sens le plus large. Je veux dire par là qu'il est capable d'explorer toutes les facettes de l'être humain, toutes ses qualités et ses défauts. Sa voix sait nous toucher, nous émouvoir ou nous agacer, c'est selon, sans esbroufe, sans jamais en rajouter. Finalement, Richard Ashcroft c'est ça : un parfait reflet musical de nous même.
Pour plus d'nformations, son site officiel :
www.richardashcroft.com
Et le site d'un fan, plutôt bien documenté :
hem.fyristorg.com/endymion/ashcroft
© Copyright 2003 Why Not ?