Ca me démangeait de faire une critique croisée de ces deux albums là. Bienvenue Au Club est sorti depuis déjà un petit moment et j’aurai déjà du le chroniquer, mais j’attendais la sortie du nouvel album de Nano pour grouper les deux. Et comme en plus c’est mon anniversaire, c’est mon cadeau !
Pour ceux qui connaissent la carrière déjà fort longue et très variée de Kent (chanteur, écrivain, dessinateur,…), peut être se souviennent ils de sa période que je qualifierais de « chanson française » ou plutôt de « chansons à la française » comme le dit si bien Arno. C’était l’époque des albums Tous les Hommes ou D’un Autre Occident, période ou Kent réinventait une sorte de chanson en français qui n’avait pas honte de ses racines. Ca donnait des morceaux jouant à saute-mouton entre Rock, Java et chanson. Personnellement, c’est pour moi la meilleure période de Kent. C’est en tout cas, celle qui m’a le plus rapproché de ce bonhomme là. Parce que d’abord, pour ceux qui ne sauraient pas de qui je parle, Kent est un chanteur, mais c’est avant tout un parolier incroyable qui avec quelques mots simples et des phrases tout aussi évidentes semble être le seul à savoir traduire la vie et le temps qui passe. Du genre qui vous donne en permanence l’impression de ne parler qu’à vous avec vos mots à vous. Ses textes sont tellement brillants et proches de nous qu’ils nous parlent à tous directement au cœur. C’est rare et c’est beau. Et bien que Kent ait beaucoup changé de style musical durant sa carrière, ça reste vrai quelque soit l’album dont on parle. Je vous conseille d’ailleurs de lire les quelques romans qu’il a écrits. Ils sont tout aussi brillants. Bref, à cette époque, Kent s’était entouré du guitariste Jacques Bastello pour composer les musique (il faudra d’ailleurs que j’essaye de savoir ce qu’il est devenu celui là ?) et d’un accordéoniste nommé Arnaud Méthivier, aussi appelé Nano. Ca y est, on y arrive et vous voyez enfin le lien entre les deux. J’avais eu la chance de les voir sur scène aux Francofolies de La Rochelle. Un pur moment de bonheur live, entre un chanteur vibrant au même rythme que ces musiciens et un public aux anges. Un de mes tous meilleurs souvenirs de concerts.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Kent s’est un peu égaré dans des projets musicaux à mon goût nettement moins passionnants. Après quelques albums qui n’avaient pas réussi à me séduire (sauf par les textes, toujours), le voilà qui revient avec ce Bienvenue Au Club dont je n’espérait vraiment pas tant. Bonne nouvelle ! Kent est de retour avec un disque digne de A Nos Amours ou de Tous les Hommes, qui sont mes préférés. Cette fois, la musique est au diapason des textes, c'est-à-dire excellente. Musicalement, ce disque est assez proche de A Nos Amours, c'est-à-dire plutôt Rock mâtiné de chanson.
En ce qui concerne le surnommé Nano, suite à l’aventure Kent, il a cherché son chemin propre à travers son instrument à lui, l’accordéon. Pas forcément l’instrument le plus sexy de la terre, ni le plus Rock’n’Roll, mais encore une fois, tout dépend comment on l’utilise. Après pas mal d’albums restés assez confidentiels, voici L’autre Côté Du Vent (joli titre, non ?). Arnaud Méthivier et son accordéon se sont entourés d’un guitariste et d’un batteur, ce qui donne un tout ça un format de groupe Rock à priori assez classique. A priori seulement, parce que ce que cherche Arnaud Méthivier, c’est à réinventer son instrument ou en tous cas à l’utiliser comme personne de l’avait fait avant lui. Et pour ça, il utilise une base instrumentale classique qui lui permet d’expérimenter et de nous surprendre. Parce que vraiment, à l’écoute de L’autre Côté Du Vent, on ne sait vraiment pas où  on se trouve, ni quel genre de musique on écoute. On se raccroche à quelques réminiscences connues (notamment Yann Tiersen sur Monsieur Astor et Icare, Kat Onoma sur Rien Ne Sera Comme Avant), pour le reste, Nano invente et suit son instinct. Ce qui donne une musique qui se situe aux frontières de beaucoup de choses familières sans jamais rentrer totalement dans le moule. De la même façon, les musiques de nano paraissent toujours d’un abord simple, mais c’est pour mieux cacher une profondeur de champ qui autorise à écouter ce disque sans jamais risquer la lassitude. Nano n’est pas vraiment un chanteur, pas plus que les musiciens dont il s’est entouré ici. Les voix sont donc souvent étranges ou en tous cas utilisées de façon incongrue, sous forme de cris, de gémissements, chuchotées ou bizarrement fêlées, ce qui ajoute encore au côté inhabituel et décalé de l’ensemble. Et pourtant, tout ça reste aussi assez familier, un peu comme quand on regarde le monde au travers d’un verre dépoli. On reconnaît tout, mais tout est un peu différent. Ca donne parfois des instants de pure magie, comme sur Icare, Rien Ne Sera Comme Avant et son chant parlé assez envoûtant, le clostrophobique J’étouffais qui rappelle même un peu l’univers de Bashung ou le très contemplatif Les Larmes De Gorecki. Mais tout ça ne sert finalement qu’à valoriser une seule et unique chose : l’accordéon d’Arnaud Méthivier. Parce qu’il est partout, même s’il est assez souvent discret ou même parfois tellement trituré et torturé qu’on a du mal à le reconnaître, sur Orlin’s notamment. Ce disque là est assez déstabilisant, parce que la musique de Nano est unique. Mais il a pensé à nous. Pour retomber sur terre, il a enregistré 3 bonnes minutes de vent, qui clôturent l’album. Comme pour toute chose nouvelle, il faut un petit temps d’adaptation. Ensuite, c’est l’accoutumance garantie.
A l’inverse, Kent ne cherche pas à nous surprendre, mais plutôt à nous séduire. On le retrouve tel qu’on l’a aimé il y a un bon moment déjà. Et c’est évident dès le premier morceau, Bienvenue Au club, qui démarre en fanfare. Et dès le départ, on sait que c’est le retour du Rock. Je n’avais encore jamais entendu une chanson résumer aussi bien la vie en mois de 4 minutes et aussi peu de mots. Brillant exercice de style. Et une nouvelle fois, Kent se rapproche de nous. Ils redevient proche parce qu’il parle à nouveau de nous. De la même façon, Les Vraies Gens est de ces chansons qui vous scotchent un sourire béat aux lèvres en vous mettant le moral au beau fixe. Un tube en puissance, peut être… Finalement, quand elle est racontée par Kent, elle est belle la France d’en bas. Et digne surtout. Nous-mêmes nous met face à nos illusions et aux faux semblants. Un autre morceau qui renoue avec le Rock et un autre tube possible. Sa plume est plus précise et lumineuse que jamais. La Vie Te Va bien, chanson sur le thème plus que délicat du suicide est simplement magnifique tellement elle tape juste : « même si tu n’attends plus rien / Mourir te va mal / La vie te va bien ».
Sur ce disque, Kent a aussi su très bien s’entourer, puisqu’on trouve des collaborations avec M, qui a écrit la musique de Beautés Fatales, Laurent Voulzy qui lui a composé Tangue, La Grande Sophie sur le joyeux et sautillant Le Bonheur Ne Me rend Pas Heureux et Mickael Furnon (de Mickey 3D) venu poser sa guitare et ses idées de production sur quelques morceaux (c’est particulièrement évident sur Va Dire A Charlie). Mais au-delà de ça, la grande et belle nouveauté, c’est que Kent s’est remis au boulot et a aussi écrit la plupart des musiques, ce qui donne un tendre Mégalopolis ou un bijou noir et désabusé comme Va Dire A Charlie, un des morceaux les plus forts et marquants du disque.
Bienvenue Au Club est de ces albums qui font chaud au cœur. Parce qu’il nous parle d’égal à égal, d’homme à homme en nous regardant dans les yeux. Contrairement à beaucoup d’autres, Kent ne passe pas son temps à nous parler de lui, il nous parle, tout simplement. Et ça fait une sacrée différence. Kent m’a manqué. Pas grave, il est de retour. Bienvenue au club.


Pour plus d'nformations, leurs sites officiels : kent.artistes.universalmusic.fr et www.nanomusic.fr

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