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         Au Bon Livre    

 

"Le destin miraculeux d' Edgar Mint" par Brady Udall

 

        

 

 

 Connaissez-vous la théorie du chaos ? Un papillon en Asie, par ses battements d' ailes, provoquerait des ouragans aux états-unis. Vous appliquez cet axiome à un jeune enfant, surnommé ici Edgar, mais l' ouragan qu' il engendrerait, il se le prendrait en plein visage, comme il se doit. Car ce jeune enfant n' est pas n' importe qui, nan nan nan, C' est monsieur poisse en personne. Je préfère avertir les dépressifs, ou les blondes fans de pretty woman, que ce roman n' est pas des plus rose. Pas pendant les 530 premières pages, sur les 545 qui en font l' ouvrage, en tout cas.

  

Pour preuve, la naissance d' Edgar, personnage central, débute avec une mère alcoolique, un père niais qui prend les jambes à son cou, et une grand-mère taciturne et peu enclin à l' affection. Tout cela dès les premières lignes. Pour rester dans le ton, histoire de vous maintenir dans cet univers optimiste, et que vous commenciez bien la journée du bon pied, le jeune héros se fait écraser la tête par un 4X4 dès l' âge de 7 ans. Ah oui, j' allais oublier que le veinard a le teint hâlé des indiens, sa mère étant une descendante de ces tribus séculaires.

 

Et encore, ce n' est que le début, je vous rassure. Les vicissitudes désopilantes de ce jeune homme sont alarmantes et terrifiantes, au point qu' au cours de son aventure nous ne serions pas davantage surpris en apprenant qu' il serait devenu aveugle en admirant le ciel et en recevant une déjection de pigeon en pleine face. Heureusement pour lui, quelques rencontres fortuites lui seront salvatrices, et pleines d' humour et de tendresse.

 

Formidablement mis en oeuvre, ce livre à l' écriture fine et subtile nous met en émoi devant le courage et la pugnacité de ce garçon perdu, abandonné, et terriblement attachant. Tragique pendant pratiquement tout le volume, le dénouement s' avère remplit d' espoir et de projets de vie. Mais ce, uniquement dans les 15 dernières lignes, ne recouvrant pas les difficultés inhérentes du quotidien d' Edgar.

 

Extrait tiré de la page 181, la rencontre d' Edgar et de Cecil, son nouvel ami :

 

"La cloche sonna et à la cafétéria, attablés dans un coin, tous les bizuts, abattus, misérables et couverts de bleus, enfournèrent la nourriture en jetant des coups d' oeils inquiets autour d' eux. J' avais envie de leur crier : Vous n' avez pas tout vu ! Si vous saviez ce qui vous attend ! , mais je m' abstins. J' aurai pu me joindre à eux et personne n' aurait protesté, et peut-être même m' aurait-on accueilli chaleureusement, mais j' avais ma fierté : je n' étais pas un bizut, j' avais de l' expérience, j' entrais en septième ! Je n' avais que dix ans, et bien que je n' aie pas rendu le moindre devoir ni prononcé le moindre mot en cours sinon pour demander la permission d' aller aux toilettes, j' étais admis dans la classe supérieure.

Au fond de la salle bondée, un garçon était assis tout seul à ma place sous le panneau de basket. C' était à n' en pas douter un nouveau : l' oeil au beurre noir, les vêtements maculés de terre, le nez couvert de sang séché. J' allai poser mon plateau en face de lui et je commençai à manger. Cloué sur sa chaise, il contemplait sa nourriture comme s' il ne savait pas ce que c' était. Il avait un visage rond et plat, comme balafré par une bouche mince, et des cheveux coupés au bol aussi noirs et brillants que du pétrole brut. N' étaient son épaisse chemise de flanelle et ses jeans, il aurait ressemblé à un Yanomani, un de ces Indiens d' Amazonie qui vivaient presque nus et sur lesquels j' avais lu des articles dans les National Geographic qu' Art m' avait donnés. Serait-il possible qu' il ait fait tout ce chemin pour atterrir à Willie Sherman ? Certes, quelques enfants venaient d' endroits très éloignés, mais l' Amazonie, c' était quand même une jungle !

J' accrochai son regard et demandai : "Yanomani ?"

Il ne répondit pas. (....)" 

 

Pour conclure :

Une leçon de vie formidablement décrite, mais à l' arrière goût indubitablement tragique, malgré un happy end en semi-teinte, à l' image de la couleur de peau du jeune personnage central. Si votre humeur est fragile ou chagrine, passez votre chemin, vous raterez cependant une oeuvre talentueuse.

 

Ma note : 9,5/10

Langage employé

9/10

Adapté aux personnages et finement choisi.

Originalité/qualité du thème/du récit

 9/10

La dure réalité vue par un enfant désorienté et délaissé, mais avec son oeil malicieux, perspicace et pragmatique. Raconté sur le ton auto-biographique narrative, du réfléchi.

Temps de lecture

 très long

Pour les fans de gros pavé bien épais. Peut quasiment faire office de pages jaunes dans les commissariats.

 

Nombre de pages // coût

 

545 pages pour un prix de 9,30 euros en format de poche.

 

Intérêt global

9/10

Passionnant, tout simplement. Tous les ingrédients sont présents pour en faire une réussite.

Sawashiay

 

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