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         Au Bon Livre    

 

"cinq mouches bleues" par Carmen Posadas

 

        

 

 Les tam tam grondent à nouveau dans la jet set madrilaise. Un des leur est décédé dans d'atroces souffrances : en s'étouffant avec une amande grillée. Et, oh scandale , il était accompagné de sa maîtresse qui n'aurait rien fait pour le sauver. Au contraire, elle aurait pris ses jambes à son cou, évitant de justesse la légitime, venue rendre une visite inopinée à son cher mari. Et que même cette dernière, en apercevant son mari en situation moribonde, l'aurait également laissé agoniser et serait repartie en claquant la porte.

 

S'agirait-il là d'un meurtre par passivité ? D'un assassinat par lâcheté ou d'un simple banal accident domestique ? Carmen Posadas profite de ce "Vaudeville" à tendance satirique pour nous dévoiler le coté face de la jet set,que l'on découvre fort ennuyeuse et orgueuilleuse. Avant d'être un polar, cette oeuvre reste une étude sarcastique de cette fratrie nombriliste avec notamment l'appui d'un humour permanent, déjanté et suggéré. Vos neuronnes devront être activées pour débusquer chacun des sous-entendus à la finesse subtile.

 

 Avant chaque chapitre, divers extraits mondains, tirés de recueils de bienséance, affichent clairement les sentiments de l'auteur pour ce monde qui se voudrait particulier. A l'image de celui-ci :

"Pour écrire à ses amis, à ses connaissances, à ses fournisseurs, il n'est pas du tout indispensable d'avoir le talent de Fénelon ou celui de la marquise de Sévigné ; toutefois, il est bon de posséder sa langue et de connaître l'orthographe. Depuis peu, on trouve très "chic" de glisser un ou deux mots d'anglais ou d'une autre langue étrangère dans les lettres que l'on écrit à ses amis."

BARONNE STAFFE, d'après : Règles générales de la correspondance, 1890

 

Déja en ces temps lointains l'ostentation à la "fashion victim" ou à la "up to date" pointait son nez. J'ai bien l'impression que ce livre de la Baronne est encore actuellement le livre de chevet des parisiens. Tout pour le paraître, la futilité et le quand dira-t-on. Comme cet autre exemple, qui annihile toute sensibilité propre, tout moyen d'expression personnelle, pour une conformité du bon maintien au mépris de l'individu en tant que tel :

"Le deuil de veuve, le plus long de tous, dure deux ans. Le grand deuil austère toute une année (.....) Les derniers six mois admettent les division suivantes : la dentelle noire, la soie, les ruches, les broderies de jais pendant trois mois ; les étoffes blanches et noires, les dentelles blanches pendant six semaines ; puis jusqu'à complète expiration, le gris, le prime, la pensée, le lilas (.....) Le deuil terminé, il y aura encore une légère transition avant de s'habiller comme tout le monde : on commence par des nuances discrètes, neutres ou foncées ; les hyacunthes et les diamants sortent des écrins (.....)"

BARONNE STAFFE, Usages du monde. Règles du savoir-vivre dans la société moderne, 1890.

 

Mais il ne s'agit là que de préambules avant le roman lui même. Je veux simplement par là vous retransmettre l'ambiance générale de cette fiction ironique qui elle, reste contemporaine.

 

Malheureusement, tenir 284 pages sur la superficialité de personnes aisées finit par lasser. Cela devient long, trop long. Heureusement que le style léger et vivace nous maintiens alerte, à l'image de cette diatribe contre la mondialisation et l'uniformisation (la scène se passe au Maroc) :

"Même le couscous y est préparé avec de la semoule made in USA, le thé n'est plus naturel mais est constitué d'un "concentré" de plantes très savamment dosées, et l'agneau dégraissé de façon "light".

Un peu de politique ne fait pas de mal.....

 

Malheureusement, ce n'est qu'au delà de la page 284 que le roman prend son essort et devient enfin plus vivace. Le puzzle meurtrier se dévoile parallèlement au magnifique dénouement d'une originalité et d'un comique exceptionnels. Je suis béa d'admiration devant ce brio de fantaisie, d'imagination et de créativité. Bravo à l'auteur. Dommage que l'on ne puisse en profiter que sur les 95 pages restantes. 

  

Pour conclure :

 

A se vouloir trop hétéroclite et à insister trop lourdement sur l'ennui de possédants incultes et narcissiques, la lassitude nous guette. Agréable comme lecture oïsive, sans plus.

 

Ma note : 7/10

Langage employé

9/10

Somptueusement et délicatement choisi, voici une oeuvre d'art linguistique qui se consomme sans modération et avec fluidité. 

Originalité/qualité du thème/du récit

9/10

Ce titre me fait penser à un règlement de compte de l'auteur avec "la haute" bien pensante (sic), La structure du scénario a dû lui demander un travail acharné, mais en voilà l'excellent résultat.

Temps de lecture

 moyen

Classique pour un format de poche moyen, sa durée de vie se voit augmentée par son intérêt relatif, mais baissée par sa finesse délicate d'écriture.

Nombre de pages // coût

 

375 pages (en poche) pour un prix de 6,95 euros.

 

Intérêt global

5/10

Entre un simili polar et une satire de la jet set, le lecteur perd ses repères et s'ennuie malgré les multiples aphorismes prêtant à réflexion. La sauce met trop de temps à prendre. A lire sans en attendre une transcendance.

Sawashiay

                

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