ECCHYMOSES
                 
à N.K.

    Griffer les tabous au moyen de matériaux qui inventent chaque fois une recette inédite, évoquer doucement les sentiments détruits, ne pas accepter les empreintes féroces après l’humiliation, tu entends porter au sang l’hypocrisie des relations amoureuses. Tu ne t’armes ni d’un couteau, ni de rancœur. Tu accuses, tendrement. Puis tu nous laisses, seuls.

    Qu’ont-ils fait à tes doigts, à ton cœur ?

   Tu ne dois pas craindre la crudité d’un aveu.

   Les mots ici ne sont jamais des titres. Ce sont des paupières insolentes qui s’ouvrent sur le silence. Ils arrachent aux non-dits leur tourmente insomniaque.

   Les mots, la nuit. Et les gestes maladroits, boudeurs, mais tout aussi bien agiles, téméraires, précis. Et le danger, anonyme toujours. La nuit et ton reliquaire inépuisable.

   Qu’ont-ils fait à ta peau, à ton sexe d’adolescent heurté ?

   Des bosquets de gamins tremblent dans le jardin d’Orient. Qui t’empêche de dormir ? D’enlacer ? L’urgence pornographique a fait place à d’autres protagonistes, de ceux qui diffusent la douleur. Et le désir. L’ambivalence des corps qui brûlent et se baignent, dans des fleuves qu’on disait « barbares ». Car il y a aussi des rires qu’il te faudra apprivoiser, des rires libres, qui corrigent des larmes. Il le faut.

Pierre Giquel .