Offrande Nid de tulle renversé, lumière vacillant au dessus d’une couvée de mots gravés, lit de souffrance, linge-ombilic paré d’épines qui s’enroule en spirale autour d’une chaussure d’enfant, les installations de Naji Kamouche s ‘énoncent d’emblée comme des événements improbables. Ici, les mots sont des armes et l’apparente immobilité des choses cache mal l’urgence des désirs, l’irruption des larmes, l’incendie qui menace l’intégrité du " sujet ". Plus
je les regarde, plus ma conscience se trouble. Ce gyrophare fixé au coin
d’une table grillagée d’où tombe une multitude de chemises, dit bien l’inquiétude
étrange qui habite ces natures-tranquilles. Car si les objets et les matériaux
sortent tout droit d’univers familiers, leur combinaison relève au contraire
d’une alchimie subtile. Ces agencement patiemment calculés révèlent peu
à peu leur violence sourde, et un territoire où les corps se disputent
la lumière, où l’acte d’amour boit le sel des larmes et la couleur des
aveux. Ces scènes intimes disent bien la fragilité d’une existence marquée du sceau de l’ambivalence : érotisme et violence, intimité et voyeurisme, soumission et délivrance, pudeur et exhibitionnisme : brûlure de l’ivresse. Si les œuvres de Naji Kamouche dérangent, ce n’est pas parce qu’elles pourfendent les tabous et les clichés mais bien parce qu’elles mettent à nu cette relation qui unit le regardeur et le regardé dans une expérience fondamentale, éthique. Comme dans le sentiment de honte. Dans
la honte, le malaise ne provient pas de la conscience d’une imperfection
ni d’une insuffisance de notre être (E. Lévinas) : elle se fonde sur l’impossibilité
que nous avons à nous séparer de nous-même. Ce qu’elle dévoile, c’est
l’être qui se met à nu, et qui fait de notre intimité un bien précieux
mais impossible à assumer. Didier Montmasson, 26 septembre 2000 |