Texte
final
C'était il y a cinq ans.
Dans la chambre 1412 d'un
grand hôpital, Cloé est allongée dans un immense lit. Elle est
très malade. Elle n'est pas réveillée et ne dort pas vraiment non
plus. Elle est entourée de gens qu'elle connaît. Son père est
assis à côté d'elle et tient sa petite main ; sa mère tourne en
rond dans la chambre en se mordillant les doigts, les uns après les
autres. La sœur de Cloé est sous le choc, elle se remémore des
souvenirs d' elle.
Elles sont assises sur ce
banc, regardant les gens passer. Elles n'arrêtent pas de rire et de
trouver un défaut à chaque passant. A cet instant précis, elles
ont au même moment, les yeux rivés sur cette fleur d'une couleur
éblouissante, ce rose pur qui attire tous les regards. Plus elle
repense à ce souvenir, plus l'émotion grimpe, ses yeux se
remplissent d'eau. Puis, elle les ferme. Une larme coule doucement
sur sa joue, comme la mort coule doucement dans le corps de Cloé.
L'infirmière qui se trouve de l'autre côté du lit, examine Cloé
avec attention, lui fait une dernière piqûre et s'en va.
Quelques instants après,
Cloé se réveille. Elle sent une main qui tient la sienne, alors,
elle la serre très fort. Son père qui avait posé la tête sur le
lit, les yeux fermés, se lève alors en souriant à Cloé. Il
réveille sa femme endormie sur le fauteuil près de la fenêtre.
Tous se retrouvent autour du lit, sauf sa sœur qui est allée faire
un tour dans l'hôpital.
Son cas s'aggrave. Avant
de quitter ses parents, Cloé leur dit:
« Papa, maman, je vous
aime. Et je suis heureuse d'être votre fille.
- Nous aussi, on t'aime
ma chérie ! dit sa mère.
- Ma puce, je suis fier
de toi. Tu aurais fait une très belle danseuse ! renchérit son
père.
- Maman ?, demande Cloé,
où est ma sœur ?
- Elle est allée faire
un tour, mais elle va revenir, ne t'en fais pas ».
Cloé regarde ses parents
s'effondrer en larmes. Elle ne pleure pas et n'a jamais pleuré.
Sa sœur entre dans la
chambre. Elle s'approche du lit, s'assoit à la place de son père
et lui dit :
« Alors tu es
réveillée ?
- Oui, mais plus pour
longtemps!, répond Cloé.
-Tu sais, tu vas beaucoup
me manquer, ma puce !…Tu te souviens, quand on est allé chercher
la petite que maman gardait… comment s'appelait-elle déjà ?
- Raquel ! souffle Cloé.
- Oui, la petite Raquel !
On était allé avec maman et elle entrée dans cette boulangerie
d'un rose affreux. Elle a discuté avec une amie. On a failli être
en retard, heureusement grâce à toi, on est arrivé à temps à la
sortie de l'école. Tu te souviens de cette journée?
- C'était une belle
journée et… »
Cloé n'a pas le temps de
terminer sa phrase, elle se met à tousser, elle ferme les yeux,
puis les rouvre. En regardant le plafond blanc, Cloé se rappelle
son rêve, son rêve de petite fille: danser. Sa mère l'avait
toujours encouragée, son père n'était pas d'accord. Il disait
toujours que la danse ne représentait rien, que ce n'était pas un
métier et que Cloé était trop jeune pour en décider. Elle se
disait que c'était normal pour un père de réagir ainsi. Cloé se
souvient particulièrement de leur dialogue :
« Pourquoi évites-tu
mon regard ? demande son père.
- Tu me fais peur, papa.
- Pourquoi ?
- Parce que…dis-moi,
est-ce que tu m'aimes ?
- Cloé, bien sûr que
oui. Tu es ma fille et je t'aime de tout mon cœur.
- Non, tu ne m'aimes pas,
car si tu m'aimais, tu me laisserais faire ce que j'aime : la danse.
»
Depuis cette histoire,
Cloé a entretenu avec son père une relation plus éloignée et
aujourd'hui ils le regrettent tous les deux. Au plafond, Cloé voit
un ange qui lui fait signe de venir et lui dit:
« Il est temps, Cloé…
»
Son corps va être
transporté dans un autre monde. Elle suit l'ange qui l'a appelée.
...
Sa mère est en larmes,
plus rien ne peut la retenir. Son père essaie de se retenir mais il
ne peut cacher sa peine. Il prend sa femme dans ses bras, l'emmène
hors de la chambre. La sœur de Cloé n'a plus de forces. Elle
embrasse sa petite main, la repose sur son ventre, verse une larme
qui coule sur sa joue puis tombe sur celle de Cloé.
En repartant, elle se
retourne et dit:
« Tu vas nous manquer,
Cloé ! »
Elle referme la porte et
elle sait que cet instant sera pour toujours dans toutes les
mémoires. |