La transposition didactique On a coutume d'appeler transposition didactique le travail de transformation du savoir savant en savoir enseignable, d'un « objet à enseigner en objet d'enseignement » 1. Une distance s'institue nécessairement entre ces deux pôles, et cela d'autant plus que la transposition didactique s'opère souvent en plusieurs étapes, selon des processus plus ou moins opaques ; par exemple de la notion théorique aux instructions officielles, puis aux manuels scolaires, de là au professeur, et finalement à la classe... l'écart entre le savoir enseignable et le savoir enseigné se creuse, et le professeur ne contrôle plus, en dernier ressort, que les contenus déjà scolarisés ( des dérivés de dérivés ! ). Toute transposition comporte donc des risques d'altération, de
réduction, d'obsolescence, voire même de falsification. Michel
TARDY 2 en cite les
principaux.
La transposition didactique est une propriété intrinsèque de l'enseignement ; elle est donc légitime dans son principe, et ne peut être évitée. Toutefois, il faut être conscient que toute transposition prête le flanc à la critique, que les cultures scientifiques et scolaires sont deux configurations spécifiques. Face à ces risques, les didacticiens recommandent l'exercice permanent de la « vigilance didactique » : doute systématique à l'égard des objets d'enseignement, prise de conscience des phénomènes de transposition, « dénaturalisation » des savoirs ( le savoir enseigné n'a pas l'évidence des choses naturelles ). Cette vigilance devra particulièrement s'exercer à l'égard de ces « dérivés de dérivés », produits marchands de didactisation, que sont les manuels scolaires. Elle ne s'exercera efficacement que si le professeur se montre soucieux, tout au long de sa carrière, d'actualiser, dans le cadre d'une formation permanente réfléchie, ses compétences dans le domaine de la maîtrise des contenus.
L'application didactique On parle d'application didactique lorsque les savoirs du champ scientifique sont directement appliqués au champ de l'enseignement, sans modification notoire. Apprendre la langue maternelle, dans cette hypothèse, consisterait à s'approprier le savoir du linguiste, du psycholinguiste, du sémioticien, etc. ; dans cette perspective, l'apprenant n'est qu'un sujet cognitif, et l'enseignant un transmetteur de savoirs. De ce qu'un savoir est légitimé par une théorie de référence - par exemple la notion de carré sémiotique - la demande applicationniste infère qu'il est d'emblée ajusté au système scolaire dans lequel il doit s'insérer, et à tous coups plus performant qu'un autre type de savoir. Si le modèle applicationniste est dominant à l'Université, il est incontestable qu'au lycée, au CFA ou au collège, une telle démarche ne peut être qu'exceptionnelle. Elle présente en particulier le grave inconvénient de conformer le problème à la solution proposée, de sous-estimer les effets des variables liées à l'appropriation des savoirs et de négliger les objectifs propres des matières. L'implication didactique J.-L. MARTINAND 4 invite à la construction de « sciences pour l'enseignement, pour le maître ». En effet, ce n'est pas tant l'altération du savoir qui lui paraît le pire des risques de la transposition didactique que le « caractère peu scientifique de l'enseignement ». A l'objectif de connaissance immédiate, il substitue un objectif dominant de formation à l'attitude scientifique dont la poursuite doit permettre l'accès aux savoirs. Par exemple, pour l'enseignement de la physique, il projette d'établir « une physique pour le maître », systématique et rigoureuse, indépendante de la physique scientifique, au point de rencontre des capacités des apprenants et des modalités méthodologiques du travail en physique. Une physique délibérément impliquée dans la problématique didactique, qui prend en charge d'emblée, dans sa définition programmatique, au moyen de recherches didactiques rigoureuses, les impératifs du fonctionnement didactique. Pour le français, une didactique impliquée ( de construction, d'élaboration scientifique ) se prêterait davantage à la formation des compétences langagières, savoir-faire empiriques propres à la didactique de la langue - tout en dépassant les limites que nous avons fixées, pour la clarté de la présentation, à la notion de didactique, puisqu'une didactique impliquée prend nécessairement en compte la démarche d'apprentissage. « L'élève et la production d'écrits » de C. GARCIA-DEBANC 5 illustre cette démarche d'élaboration didactique, ou de didactique impliquée.
NOTES
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