La transposition didactique

Marc GEMMERLÉ

  

  

On a coutume d'appeler transposition didactique le travail de transformation du savoir savant en savoir enseignable, d'un « objet à enseigner » en « objet d'enseignement » 1. Une distance s'institue nécessairement entre ces deux pôles, et cela d'autant plus que la transposition didactique s'opère souvent en plusieurs étapes, selon des processus plus ou moins opaques ; par exemple de la notion théorique aux instructions officielles, puis aux manuels scolaires, de là au professeur, et finalement à la classe... l'écart entre le savoir enseignable et le savoir enseigné se creuse, et le professeur ne contrôle plus, en dernier ressort, que les contenus déjà scolarisés ( des dérivés de dérivés ! ).

Toute transposition comporte donc des risques d'altération, de réduction, d'obsolescence, voire même de falsification. Michel TARDY 2 en cite les principaux.
 

Perte de substance sémantique : quand, par exemple les fonctions cardinales de R. BARTHES deviennent les actions principales du récit.

Simplification, affaiblissement, dévoiement, altération des concepts : un exemple significatif en est donné par J.-M. ADAM 3, concernant le célèbre - et toujours populaire - schéma de la communication de R. JAKOBSON.

Réduction, simplisme des modèles explicatifs : les niveaux de langue, par exemple, qui sont abusivement figés dans un système ternaire ( d'ailleurs variable, selon les sources ) enseigné comme une évidence scientifique.

Dépersonnalisation du savoir transposé par effacement du sujet d'énonciation, donc évacuation de la responsabilité du locuteur par rapport à son énoncé.

Présence abusive du « figuratif » ( exemples, illustrations, références... ) dans le savoir scolarisé, et survalorisation de l'apparat didactique.

Décontextualisation du savoir par rapport à ses conditions de production, d'où pertinence affaiblie.

 

La transposition didactique est une propriété intrinsèque de l'enseignement ; elle est donc légitime dans son principe, et ne peut être évitée. Toutefois, il faut être conscient que toute transposition prête le flanc à la critique, que les cultures scientifiques et scolaires sont deux configurations spécifiques.

Face à ces risques, les didacticiens recommandent l'exercice permanent de la « vigilance didactique » : doute systématique à l'égard des objets d'enseignement, prise de conscience des phénomènes de transposition, « dénaturalisation » des savoirs ( le savoir enseigné n'a pas l'évidence des choses naturelles ).

Cette vigilance devra particulièrement s'exercer à l'égard de ces « dérivés de dérivés », produits marchands de didactisation, que sont les manuels scolaires. Elle ne s'exercera efficacement que si le professeur se montre soucieux, tout au long de sa carrière, d'actualiser, dans le cadre d'une formation permanente réfléchie, ses compétences dans le domaine de la maîtrise des contenus.

  

  

NOTES  en construction

1

2 TARDY, M. :

3 ADAM, J.-M. :

 

 

A lire
Chevallard, Y. & Joshua, M.A. : (1985), La transposition didactique : du savoir savant au savoir enseigné, La Pensée Sauvage.
Astolfi, J.-P. & Develay, M. : (1989) : La didactique des sciences, PUF, Que sais-je ?