Carnets de Campagne 14-18 (suite)

Commandant Jean Maurice ADDE

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Etat-Major du 142ème RTI.

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

A cheval sur « Rainette » JM.ADDE accompagne la colonne du 142ème RTI que l’on aperçoit en contrebas de la route.

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Louise LEBEGUE.

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

François DAMESTOY. Le 28 mars 1917 alors que les Coloniaux du Général MARCHAND seront à proximité il se fera «barboter» son portefeuille avec photos, papiers et 120 francs.

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Ballon de type Zeppelin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source Internet

 

Né à Bar Le Duc en 1860, décédé en 1934 il fut avocat, député de la Meuse, homme politique puis Président de la République de 1913 à 1920. Président du Conseil et ministre des Affaires Etrangères de 1922 à 1924. Membre de l’Académie Française.

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

 

Source : L’Illustration Keystone- ADenizot « Bataille de la Somme »

 

Général JOFFRE avec le Président Raymond POINCARE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : l’Illustration Keystone.

 

Citation de GAVINI.

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Capitaine RAMOND.

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Lieutenant GESTAS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Louise LEBEGUE en mai 1902 dans la propriété du Colombier.

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Docteur BROUDIE du CHR au 142ème RTI.

 

Source : l’Illustration Keystone.

 

Citation du Général BALFOURIER Chef du XX ème Corps d’Armée dont le régiment de JM.ADDE dépend.

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Gare de Pauillac

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Sergent Gaillard

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Témoignage du Caporal Emile SOURD à JM.ADDE le 26 juin 1915 suite à l’offensive de Bruay en Artois.

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Lieutenant OLIER portant la Médaille Militaire. Sera promu Capitaine en 1917.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis Camille Noël PAUL né en 1876

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Président Poincaré

 

 

 

 

 

 

 

Général Maurice Balfourier: chef de la 11 division (I), puis chef du 20 corps "corps de fer" (II), puis chef du 36 corps.

 

 

 

 

 

 

 

Colonel puis Général Maurice-César-Joseph Pellé: chef d'état-major du général Lyautey (I), puis deuxième aide major-général du théâtre des opérations du Nord et du Nord-Est (II), puis premier aide major-général du théâtre des opérations du Nord et du Nord-Est (II), puis major-général du théâtre des opérations du Nord et du Nord-Est (II), puis major-général pour le théâtre des opérations extérieures, puis major-général des armées françaises puis devient major-général des armées du Nord et du Nord-Est (I), puis chef de la 153 division (III), puis chef du 5 corps (V).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Lieutenant PAGE promu Capitaine le 21 mai 1916, confirmé le 17 juillet.

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Capitaine RAMOND.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Ballons d’observations surnommées « saucisses ».

 

 

 

 

 

 

Photo : collection personnelle François Darriet.

 

Gare de Pauillac.

 

Chapitre trois

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1916

 

 1er JANVIER

Visite au colo. Réception de mes officiers.

 

 2 JANVIER

Promenade à Mirecourt. J’écris à Louise (NDR : Louise LEBEGUE épouse de JM Adde) de venir.

 

 3 AU 30 JANVIER

Séjour à Diarville. Repos et bonheur. Louise vient pendant 17 jours. Excursion à Sion, Mirecourt. Déjeuners et dîners. Le 27 Louise repart ; je vais l’accompagner à Toul. En rentrant le soir j’apprends que nous déménageons le 30.

 

 30 JANVIER

Départ pour Saint Germain. Je commande la colonne ; le Colonel marche en auto sans s’occuper de son régiment. J’ai toutes les nuiseries possibles avec le PC. Installation rudimentaire à Saint Germain. Nos hôtes de la popote sont plutôt alcooliques.

 

 31 JANVIER

6 Heures du matin, départ de la colonne que je commande encore pour Domptail. Village ravagé par nos 75 lors de la reprise par les Français. Le soir, Neumeyer a une crise de folie. Expédition au poste.

 

 1er FEVRIER 1916

Je fais affecter Neumeyer à la 4ème Compagnie. Visite du patelin au Colonel et Général. Allemands ont été tués, bombes, maisons en dentelle.

 

 2 au 17 FEVRIER

Séjour à Domptail. Visite à Baccarat, Gerbevillers, ruines partout. Rambervillers pas abîmé ; vu les usines de grès flammés à Rambervillers et les cristalleries de Baccarat. Peu d’incidents pendant le séjour, la remise des Croix au colon à Lapeyre, Dulain, Dumont, grand déjeuner rasoir chez le colon. Départ demain pour Morivillers et Blainville.

 

 18 FEVRIER

Etape de Domptail à Morivilliers. Je commande la colonne, le colo est en voiture, très froid. Nous revoyons les champs parsemés de tombes et traversons les villages démolis. Arrivés à midi, cantonné face à la rue en bout de la côte. Joli point de vue.

 

 19 FEVRIER

Départ à 6 heures pour Blainville, vue sur Lunéville qui est à 10 kilomètres. Billet de logement, popote à côté : bien installé.

 

 20 FEVRIER

Dimanche, messes. Ordre d’aller reconnaître demain le camp de Saffais où je dois faire manoeuvrer le Bataillon mardi. A9 h1/2 du soir Maurel me porte le contr’ordre qui me laisse supposer un départ prochain.

 

 21 FEVRIER

Dès le matin Damestoy me demande si j’ai entendu les bombes dans la nuit. Je me rappelle avoir rêvé à un bombardement mais je n’ai pas dû me réveiller. A9 heures j’apprends que nous partons demain par la gare d’Einvaux. Le Corps d’Armée est alerté. La 153ème Division avec qui nous sommes est partie subitement  hier soir. A8 h1/2 pendant qu’on chante à la cuisine  une bombe éclate pas très loin. Nous sortons immédiatement et entendons 3 éclatements à une seconde d’intervalle. Zeppelin (NDR : cf photos). Plusieurs le voient, je n’y ai pas réussi ; on le canonne.

 

 

 

 22 FEVRIER

Au réveil neige formidable ; on se prépare pour l’embarquement. Départ à 2 heures, arrivée Einvaux à 5 heures. Mon train de combat n’a pas pu suivre, tout est gelé. J’envoie des attelages de renfort. A 7 heures en gare. Je commence l’embarquement par un froid terrible. Nous apprenons que le Zeppelin que nous avons vu la veille a été détruit. Pendant la nuit un froid terrible ; DR et moi en 1ère( ?) serons gelés, nos chaussures le matin cassent comme de la glace.

 

 23 FEVRIER

A 7 heures du matin en gare de Neufchâteau le thermomètre marque –11°. Arrivée en gare de Longeville à 11h 1/2 ; cantonnement à Tannois chez le curé, très gentil.

 

 24 FEVRIER

Excellente nuit, nous attendons des ordres ; les communiqués nous annoncent  qu’il y a eu une très grosse affaire sur Verdun ; c’est ce qui nous a fait alerter, certainement. Après midi promenade.

 

 25 FEVRIER

A 4 heures du matin je reçois l’ordre de tenir mon Bataillon prêt à partir à 10 heures. A 8 heures réunion au château où est le colo. Il nous donne l’itinéraire jusqu’à Lisle en Barrois 24 kilomètres. Etape très dure à cause du froid et du vent. A l’arrivée 3 lits dans le village ; je couche chez de bons propriétaires mais tous les autres officiers sont à la paille.

 

 26 FEVRIER

Nous partons à 11 heures pour Souhesmes la Grande 30 kilomètres. Encombrement des routes par les convois ; nous arrivons à la nuit. Mêmes conditions que la veille ; Lapeyre et moi avons une chambre à 2 lits ; les officiers subalternes tous à la paille.

 

 27 FEVRIER

Départ à midi pour Belleray à 1 kilomètre au Sud de Verdun. Encombrement des routes inimaginable. J’ai le cœur très gros de repartir aux marmites. Je pense à tous les miens que j’aime. Arrivée à 6 heures du soir ; mal installés mais j’ai un lit. Le bombardement fait rage autour et sur Verdun. Nous allons certainement attraper.

 

 28 FEVRIER

A 8 heures le colo nous fait appeler les 3 chefs de Bataillon ; il s’agit d’envoyer un Bataillon aux travaux , c’est le tour du 1er (NDR : 1er Bataillon) pour aller de l’avant mais le tour du 3ème (NDR : 3ème Bataillon) d’aller aux travaux d’arrière. Je pars à 10 heures pour Lemmes ; au moment du départ un taube ( ?) nous envoie deux bombes à 100 mètres ; nous filons rapidement. Je me sens tout autre depuis que je sais que je vais travailler aux doutes et en sécurité. Après une longue attente à Lemmes nous repartons en autos. 9ème à Lemmes, 10ème à Heippes, 11ème à Erize la Brulée. Je reste à Chaumont. (NDR : JMA doit donner là les lieux de cantonnements des trois compagnies du Bataillon)

 

 29 FEVRIER

Je m’occupe du ravitaillement du Bataillon puis vais à Lemmes en auto. C’est formidable ce qu’il passe d’auto sur la route Bar le Duc à Verdun.

 

 1er MARS 1916

Je vais à Erize voir la 12ème. Poincaré, Joffre etc viennent à Souilly ; après midi je vais à Heippes où je trouve Feur qui s’est fracturé le péroné la veille au soir.

 

 2 MARS

Je vais à Bar le Duc voir la DES (NDR : Direction des Etapes et Services) ; en rentrant un EM m’a délogé (NDR : un membre de l’Etat Major sûrement).

 

 3 MARS

Visite à Lemmes ; les Corps d’Armée s’accumulent dans la région. Je rencontre le Capitaine Bardet, ami de Berlier de Pauillac.

 

 4 MARS

Mal d’oreilles toutes la nuit ; à 6 heures l’abcès perce. Je reste dedans, le pus coule de mon oreille toute la journée. Le soir un médecin et un Lieutenant du 87 en panne viennent dîner avec nous (NDR : du 87ème Régiment).

 

 5 MARS au 12 MARS

Séjour à Chaumont ; navette par auto entre mes Compagnies. La bataille fait rage du côté de Verdun. J’apprends que d’Andurain est blessé mortellement par une bombe d’aéro. Tous les jours ce ne sont que va et vient de troupes et de munitions en auto.

 

 13 MARS

Nous sommes embarqués en auto pour Robert Espagne ; je vais avec le Capitaine chef de groupe voir à Lemmes et Heippes et nous arrivons à midi à Robert Espagne après avoir fait environ 100 kilomètres en auto.

 

 14 MARS

Installation à Robert Espagne. Le 1er Bataillon arrive à 16 heures ; il était en avant de Verdun où ils ont été très marmités mais n’ont eu que 4 morts et une vingtaine de blessés. Il paraît que les Boches sont tombés en masse compacte et que chez nous nos artilleurs ont eu des hécatombes de chevaux. Le 39ème en a perdu 400 et le 60ème 800 (NDR numéros de Régiments).

 

 1 5MARS

J’attends le Colonel aujourd’hui avec le 2ème Bataillon.

 

 16 au 27 MARS

Séjour à Robert Espagne . Promenade à Bar le Duc et à Saint Dizier. Rencontré Feur, Larabetie, Seignouret, etc. Assisté à une revue à Combles (en Barrois) passée par le Prince de Serbie, Poincaré, Joffre, etc. Visite à Jean d’Heurs avec Gaillard, vu Mme Fould, invitation à déjeuner à Jean d’Heurs. Propriété merveilleuse. Le 27 nous recevons ordre de partir le lendemain en auto.

 

 28 MARS

Départ de Robert Espagne à 6 heures en autobus. Arrivée à Dombasle en Argonne à 1 heure. Pluie battante ; à notre arrivée 4 marmites tombent à 200 mètres ; c’est le commencement. Départ pour la boue liquide à pied pour les bois de Bethelainville. Dès l’arrivée ordre de partir pour Montzéville. Les Compagnies viendront la nuit. Voyage plutôt rapide, marmites à droite et à gauche de la route. A 6 heures reconnaissance du secteur ; Capitaine Savatie du 70ème charmant ; PC en tôle. Canonnade terrible de part et d’autre ; nous sommes en face d’Esnes en Argonne. Compagnies arrivent vers 9 heures ; la relève finit à 10 heures. Toute la nuit canonnade épouvantable , nous sommes sur une ligne de batteries. Nuit blanche évidemment.

 

 29 MARS

A 5 heures canonnade redouble ; évidemment il y a attaque. Nous sommes bombardés par intermittence . Journée dans mon PC, réunion des Capitaines, je donne mes ordres et organise mon secteur. A 5 heures ½ le colo me fait appeler ; contr’ordre ; nous passons à la 11ème Division ; tout ce qui était réglé est démoli. Retour au PC pendant un bombardement terrible. Belly a été légèrement touché au menton. Maurel est évacué à cause de sa blessure à la figure par suite de sa chute de bécane.

 

 30 MARS

Nuit calme. Matinée relativement calme mais à partir de 11 heure marmitage effroyable sur toute notre ligne ; 3 morts et 2 blessés à la 10ème Compagnie. Mon PC est arrosé tout autour par de 130 ; un obus devant la porte à 2 mètres. Je vais reconnaître des boyaux avec le Génie pendant le marmitage ; miracle d’en sortir.

 

 31 MARS

Nuit bonne. A 6 heures je pars avec le Génie reconnaître la ligne à Esnes-Avocourt qui va être mon secteur.

Schrapnells, marmites et asphyxiants nous saluent. Rentré au PC du colo je me trouve mal et m’évanoui à moitié. A 15 heures j’envoi mes Capitaines de Compagnies reconnaître ce même secteur ; je ne puis les accompagner étant trop fatigué. Gavini et Olier ont pu faire leur reconnaissance mais ont manqué d’y laisser la peau ; Vesseron et Page ont arrêté en chemin et feront leur reconnaissance demain matin.

 

 1er AVRIL 1916

Bombardement intensif vers minuit sur nous sans casse. La 11ème Compagnie va prendre le secteur avoiné. Matinée de bombardement avec 210 sur la batterie qui est à 50 mètre à droite, 150 marmites finissent par en avoir raison après nouveau bombardement. Si cela continue nous finirons par y rester. Rencontre le Capitaine de Vesins qui commande les batteries autour de mon PC.

 

 2 AVRIL

Nuit bombardée sans interruption. Vers 9 heures je vais le colo en rentrant à mon PC ; une grosse marmite éclate à 20 mètres ; j’ai juste le temps de m’allonger, ensuite je saute dans le boyau et j’attends que la rafale finisse. Il en tombe une dizaine tout autour de moi. Après déjeuner bombardement sur toute la ligne, autour de mon PC ; un obus tombe sur la butte de mes plantons ; pas de couac.

 

 3 AVRIL

Nuit très mauvaise. Levé à 3 h 1/2 pour aller aux lignes en avant de Esnes en Argonne, mais le bombardement nous empêche de partir. Esnes est en flammes, un dépôt de munition saute. A 7 h 1/2 je pars avec Ramond ; nous suivons toutes les lignes avancées et rentrons vers midi morts de fatigue et un peu de l’émotion subie par les différents marmitages. Je reste couché l’après midi mais vers 4 heures commence le marmitage. Je décide de me faire faire une sape contigüe à mon PC qui est de trop grande dimensions, par suite trop vulnérable malgré son blindage.

 

 5 AVRIL

Nos batteries qui nous entourent n’ont pas cessé de tirer toute la nuit. La matinée les Boches ne tirent pas trop, je vais voir le Colonel. En rentrant j’arrive à temps pour m’abriter, la grêle commence mais ne dure pas. A 4 h 1/4 commence le plus violent marmitage avec obus de gros calibre qui se puisse voir, tout tombe dans un rayon de 150 mètres autour de mon PC. Je me réfugie dans ma sape en construction bien qu’elle ne soit pas encore fini d’étayer. Jamais je n’avais subi un bombardement pareil. Enfin à 6 h 1/2 cela se calme je suis rompu. Nous dînons avec des conserves, notre cuisine est en l’air, les obus en sont tombés à 5 mètres. A 8 heures je me couche et m’endors quant à 10 heures on me réveille, il y a alerte, je fais prendre les positions de combat à mon Bataillon et moi même me porte aux tranchées avancées de H à IK à l’Ouest de Esnes. Mon Bataillon est sur le plateau ; j’arrive à H à 1 h 1/2 du matin trempé comme une soupe ; nous avons marché dans l’eau jusqu’au genou pendant ½ heure.

 

 6 AVRIL

Nuit blanche. Nous sommes gelés. Matinée relativement calme. Vers 4 heures les bombardements réciproques redoublent de violence. Il paraît qu’hier soir les Boches ont refoulé les nôtres hors de Haucourt et que c’est pour cela qu’on nous a alertés.

 

 7 AVRIL

Les batteries n’ont pas arrêté toute la nuit, malgré cela j’ai dormi. Matinée relativement calme mais à partir de midi on prend quelque chose ; cela va crescendo jusqu’à 6 heures du soir , c’est terrifiant, schrapnells, marmites, asphyxiants, lacrymogènes : le grand jeu. A 7 heures c’est calme et ce n’est pas trop tôt, je suis abruti. A 9 heures du soir je vais m’endormir quand on me porte l’ordre d’alerte pour être prêt à toute éventualité. A partir de 3 heures du matin nos 1 ères lignes vont reprendre l’ouvrage Palavas à Haucourt.

 

 8 AVRIL

Depuis 3 h 1/2 la canonnade marche à répétition il est impossible que le coup de main n’ait pas réussi après un assaisonnage pareil. A partir de 9 heures calme presque toute la journée.

 

 9 AVRIL

A 5 h 1/2 je pars avec le Capitaine Beaumont visiter mes lignes, quelque peu de marmitage mais vers 9 heures cela commence à gronder et nous refilons vite à travers champs pour faire 1500 mètres au lieu de 4 heures de boyaux ; quelle trotte, j’ai cru que nous y restions dans ce sacré champ.

A partir de 9 heures les Boches commencent un marmitage sur toute la ligne mais quel marmitage ; c’est effroyable rien que de l’artillerie lourde. A 1 heure ils commencent leur attaque puis ce sont les nôtres et après les Boches ainsi 4 fois dans la journée sans arrêt. C’est horrible. Je n’ai eu qu’un tué, 12 blessés y compris le Lieutenant Gestas. Mes tranchées sont comblées en partie.

 

 10 AVRIL

Nuit très orageuse, on répare les dégâts  du bombardement. Nous sommes encore sérieusement marmités ; mon ancien PC a été comblé aux deux extrémités, ma cuisine démolie et mon cuistot Lartigue ½ HS sans parole. Heureusement tout s’est bien terminé, pas de casse sauf dans la vaisselle. A 10 heures du soir les nôtres commencent à bombarder sans doute quelque nouvelle attaque qui est en marche.

 

 11 AVRIL

Matinée assez calme. Pluie à partir de midi. Je reçois l’ordre d’envoyer mes 4 Capitaines de Compagnie à 6 heures au Moulin d’Esnes pour qu’ils aillent reconnaître avec le génie les travaux à faire à la cote 304. Je me dispose à y aller moi même mais le mauvais temps et les marmites m’entraînent à y rester. A 7 heures du soir le Lieutenant Levy vient me voir très gai et il part avec sa section.

 

 12 AVRIL

Nuit bombardée à 5 heures du matin ; j’apprends que le Lieutenant Levy a été tué, j’ai eu plusieurs sergents caporaux et hommes tués et blessées à la cote 304. Je suis navré de la mort de Levy qui était très courageux et charmant. C’est une perte pour le Bataillon. Vers 5 heures du soir on me donne ordre de faire revenir mes Compagnies dans les réduits.

 

 13 AVRIL

Nuit mauvaise. L’eau monte dans ma cagna ; nous en partons à 6 heures du matin pour revenir au PC de RG. Page m’a tout chambardé, impossible d’y faire ce que je voulais. Matinée calme mais bombardement très près du PC après déjeuner. Je fais continuer ma sape car tous les trous de marmites se touchent ici depuis mon départ en alerte.

 

 14 AVRIL

Nuit calme. D’ailleurs dans ce PC blindé on n’entend que les marmites qui tombent très près de nous. Après midi très bombardée ainsi que sur Montzéville. J’ai un tué à la 9ème (Compagnie) à côté de mon PC.

 

 15 AVRIL

Nuit agitée ; tirs de barrage par nos artilleurs. Matinée calme. Après midi une quinzaine d’obus de gros calibres tombent dans les environs de mon PC. Vers 9 heures du soir une grosse attaque doit se faire vers Dommartin, tout l’horizon est en feu, c’est superbe.

 

 16 AVRIL

Nuit agitée ; à 3 heures du matin réveil par des grosses marmites tombant près de nous. Un hommes de la 9ème  (Compagnie) est tué dans son abri. C’est Dimanche des Rameaux aussi recevons nous la ration d’obus d’un jour de fête. A 19 heures au départ à l’ouvrage 3 marmites éclatent sur la 11ème (Compagnie) tuant 3 hommes et en blessant seize autres. Vers 20h30 une grosse marmite tombe à toucher mon PC sans éclater ; c’est miraculeux que Etchegaray qui était dehors s’en soit sauvé ; elle est tombée à moins d’un mètre de lui. Tout notre PC a tremblé et elle n’a pas éclaté, qu’eut ce été si elle avait fonctionné.

 

 17 AVRIL

Nous sommes bombardés toute la journée maos nous apprenons que les artilleurs sont relevés ; cela nous donne espoir que bientôt notre tour arrivera.

 

 18 AVRIL

A partir de 5 h 1/2 du matin bombardement jusqu’à 6 heures du soir. C’est à devenir fou. Lent le matin, et crescendo jusqu’au feu rapide le soir. Le matin j’ai manquer hériter.

 

 19 AVRIL

Matinée calme. Bombardement  dur après déjeuner. Nous apprenons qu’on nous relève demain.

 

 20 AVRIL

A 9 heures du matin le Commandant de Chaumont Quitry du 141ème Territorial vient me relever ; il passe la journée entière avec moi. Le soir à 10 heures départ à cheval ; au moment du départ un 105 tombe à côté de nous sans éclater c’est une vraie (veu ?). Arrivée à 1 heure du matin à Brocourt (NDR : en Argonne).

 

 21 AVRIL

Départ à 4 heures pour Blercourt. Attendu les autos jusqu’à 7 heures du soir ; eng. avec le colo (NDR : engueulade ?). Abri dans Blercourt, coucher sur le carreau de la cuisine. A minuit lever.

 

 22 AVRIL

Départ en autos à 3 heures du matin pour arriver à Raucourt à 9 heures du matin. Installation et repas.

 

 23 AVRIL

Pâques. Repos. Messe. Remise de Croix de Guerre. On repartira après demain.

 

 24 AVRIL 1916

Promenade en auto à Bar le Duc avec Lapeyre ; après déjeuner retourné à Bar avec le Dr Puig.

 

 25 AVRIL

Nous devons partir la nuit prochaine, je vais dans la matinée reconnaître les voies d’accès à la gare de Revigny. Retour par Sermaize les Bains. Beau travail de la Kultur, mais pas cependant aussi impressionnant que Gerbevillers. Après midi on se prépare au déménagement.

 

 26 AVRIL

 

Dormi de 9 heures à 11 h 1/2 du soir. Départ à minuit pour la gare de Revigny. Pendant le trajet tous les projecteurs sont en marche : j’apprends en arrivant que les Zeppelins sont signalés. Nous commençons à embarquer à 3 h 1/2 du matin, départ 6 h 1/2 pour la 1ère gare Pantin où je recevrais des ordres. Tous les tuyaux sont pour le camp retranché de Paris ou environs de Chantilly. En traversant Nogent c’est l‘enthousiasme des populations qui nous réconforte. A Pantin j’apprends que nous débarquerons à Breteuil (Oise) vers 4 heures du matin. C’est la désillusion chez tous, adieu les beaux rêves.

 

 27 AVRIL

Arrivés à Breteuil à 3 h 1/2. Nous prenons la route de Hardivillers à 5 heures. C’est la vraie purée comme cantonnement : on s’installe tant bien que mal.

 

 28 AVRIL

J’écris à Louise de se tenir prête à venir me rejoindre ; on parle aussi beaucoup de la reprise des permissions. Promenade à cheval à Froissy.

 

 29 AVRIL

L’ordre est donné de reprendre les permissions mais le colo n’a pas l’intention de faire commencer le 3ème tour des officiers. J’écris à Louise d’attendre un télégramme et de venir aussitôt qu’elle le recevra. Je suis tout joyeux à l’idée de la revoir bientôt.

 

 30 AVRIL

Messe superbe avec grand discours de Monseigneur Ruch aumonier du 20ème Coprs d’Armée ; à l’entrée à la messe je vois défiler Mme Ramond, Mme Cantau, Mme Broudie. Après déjeuner je vais à cheval à Crêvecoeur (NDR : à priori Crêvecoeur le Grand p21D2) et me décide à télégraphier à Louise de venir de suite ; bureau fermé, mon télégramme partira seulement demain.

 

 1er MAI 1916

Le télégramme est parti avec pas mal de difficultés ; je pense aller chercher Louise mercredi à Beauvais. Reconnaissance en voiture de Fontaine Bonneleau avec Lapeyre et le Dr Broudie. Après midi visite du Général Balfourier qui sur notre demande autorise le colo à faire partir le 3ème tour des officiers.

 

 2 MAI

Je vais avec le Bataillon aux douches à Fontaine Bonneleau, en rentrant je reçois un télégramme qui me parvient grâce à l’obligeance du Maire de Crêvecoeur, Louise télégraphie de Margaux qu’elle ne peut arriver mercredi sans autre détail.

 

 3 MAI

Je visite mon cantonnement et remplis mes fonctions de Major de cantonnement quand Landouard me porte de Crêvecoeur un nouveau télégramme, de Pauillac celui ci me demandant des explications sur ma date de permission etc. C’est là je crois ma plus grosse contrariété de la Campagne. Louise hésite à venir parce que ce ne serait que pour quelques jours et cependant parmi ces jours là se trouve le 6 mai (NDR : c’est l’anniversaire de mariage de Jean Maurice et Louise le 6 mai ; union célébrée en 1905 à Cantenac, Gironde). Je souffre beaucoup de cette affaire. Evidemment les conseils ne lui ont pas été ménagés à Margaux (NDR : la belle famille de Jean Maurice est à Margaux, la famille de Jean Maurice demeure à Pauillac) et pour lui faire économiser 100 fr. de voyage, on me prive de 8 jours de joie. Je ne méritais certainement pas cela après toutes les souffrances endurées depuis 6 mois. Je me dispense de commentaires. Le colo m’annonce que je partirai le 1er pour le 3ème tour càd vers mercredi prochain. Je télégraphie à Louise qu’elle n’a pas besoin de se déranger.

 

 4 au 29 MAI

Après explications reçues j’ai eu bien tort de ma fâcher au sujet du retard de Louise mais j’étais si contrarié. Depuis j’ai eu ma permission 8 jours à Pauillac. Pendant mon séjour Gaillard m’a télégraphié qu’on changeait de place. Louise ne pourra donc venir me raccompagner mais pourra sans doute me rejoindre. Je repars le 17 mai de Pauillac ; le rapide a 5 heures de retard par suite d’un déraillement  à Angoulême. Le soir je vais coucher à Rouen. Arrivée le lendemain à 9h1/2 à Abancourt où je trouve le colo qui part. Je prends le commandement du Régiment. Nous sommes cantonnés à Carroix près de Romescamps (Oise). Comme nous croyons partir d’un instant à l’autre j’attends 3 jours pour télégraphier à Louise de venir, et juste elle se trouve d’avoir la rougeole. C’est la guigne complète. Je suis inquiet ; télégrammes. Enfin le 29 nous recevons ordre de partir le 30 au matin pour Croixrault Nde Poix (NDR : Picardie, Somme 80).

 

 30 MAI

Parti à 5 h 30 de Carroix, je commande la colonne ; arrivés à 10 heures à Croixrault. Nous repartons demain matin à 5 heures pour Pont de Metz au Sud d’Amiens.

 

 31 MAI

Départ 5 heures, arrivés Pont de Metz 10h30. Cantonnement de luxe. Promenade à Amiens après déjeuner. Dîner et soirée épatants avec Gaillard.

 

 1er JUIN 1916

Départ 5h30 arrivée Aubigny à 11 h 1/2 ; attendu entrée au cantonnement jusqu’à 4 heures.

 

 2 JUIN

Départ 5 heures arrivée à Froissy à midi. Bivouac le long du canal jusqu’à 10 heures du soir. Puis logement en baraques.

 

 3 JUIN

Très pris pour mettre bon ordre dans le cantonnement dont je suis Major, secteur tranquille jusqu’au soir. Soirée bombardement à quelques kilomètres sur les Anglais.

 

 4 JUIN

Toujours organisation du cantonnement ; on fait de très gros préparatifs en vue de l’offensive ; grosse bataille navale entre Anglais et Boches le 3 mai qui nous fait beaucoup causer. Le Génie construit un pont en face de ma baraque, je décide de changer de baraque.

 

 5 JUIN au 23 JUIN

Séjour à Froissy baraque n°6 aménagement assez confortable. Rencontré Sourd, qui est fourrier à la 4ème Compagnie du 140ème Territorial avec comme Capitaine Poyanne de Bordeaux et Sergent Major Braquessac d’Avensan. Sourd me rend le service d’aller porter des lettres à la maison en allant en permission et en rentrant me porte les réponses. Puis vu Pinon, téléphoniste d’artillerie au 118ème avec de Bethemann qui est son Caporal. Secteur calme, promenades le matin, après déjeuner bridge avec Belly et les Docteurs. Cafard terrible le 22, jour de la 1ère communion de Néné (NDR : son fils René). Vu Chauveau et Clémenceau de Lesparre à Laneuville les Bray.

 

 23 JUIN

Le Corps d’Armée demande des officiers connaissant l’anglais, je me propose mais le Colonel ne transmet pas et remet un état néant.

 

 24JUIN

Mon Bataillon est désigné pour être affecté à la 11ème Division pendant la Grande offensive. Visite au QG à Méricourt (NDR : Méricourt sur Somme ou l’Abbé aussi à proximité ?). Organisation du service.

 

 25 JUIN

Bombardement lent mais intensif. Visite au QG à Méricourt. Je reçois une lettre de ma mère me donnant tous les détails de la 1ère communion et une lettre de Néné et d’Isabelle. (NDR : Isabelle Contal peintre et amie de la famille). Le très gros cafard me prend ; je ne suis pas à prendre avec des pincettes ; attrapade avec Olier. Le soir je vais voir Sourd et Braquessac.

 

 26 JUIN

Départ à 5 heures pour Suzanne, bivouac au Sud du canal ; à 7 heures à midi parcouru les boyaux, le bombardement est effrayant. Visite au QG de la Division. Après midi installation ; le soir je vais à bord d’une canonnière causer avec le Commandant Challet et assister au tir sur Péronne 15 kilomètres.

 

 27 JUIN

Je vais reconnaître une ligne de tranchées pour la police pendant la bataille. Visite au QG de la Division. Bombardement de plus en plus intense ; rentré au bivouac à midi éreinté.

 

 28 JUIN

Reconnaissance de tout le secteur avec mes officiers. Visite à la Division ; monté à l’observatoire du Bois de Vaux. Vue merveilleuse sur Curlu et Péronne dans le lointain. Installation de tous mes postes ; à la Division on m’annonce que l’attaque doit se faire le lendemain matin. Il y pleut à torrent.

 

 29 JUIN

L’attaque a été renvoyée pour 48 heures certainement à cause de l’état du terrain ; tous mes postes restent en place. Le bombardement marche plus fort que jamais. Je viens de m’installer à Suzanne.

 

 30 JUIN

La Division me fixe l’heure de l’attaque pour 7h30 demain. Je vais revoir tout mon monde.

 

 1er JUILLET 1916

A 4 heures du matin je vais sur un pont culminant tâcher de voir les opérations. Il fait un temps superbe mais avec le soleil arrive une brume intense. Nous restons quand même à notre poste d’observation jusqu’à 8 heures sans rien voir. Je pars de là voir tous mes postes, j’organise le service des prisonniers ; la Division a très bien marché mais elle a échoué devant Curlu ; nous avons 400 prisonniers environ. Vers 4 heures on lance sur Curlu 800 obus de gros calibre et 4000 de 75  en 1/2 heure. A 5 heures on rentre dans le village la canne à la main et l’arme à la bretelle.

 

 2 JUILLET

Les communiqués sont parfais. Les Anglais et les Coloniaux ont également bien marché. Le marmitage continue quand même sur les 2èmes positions ; je fais ma tournée comme chaque jour.

 

 3 JUILLET

Ce matin en allant à Maricourt j’ai eu juste le temps de sauter dans un boyau pour laisser éclater un 105 sur la route à 5 mètres de moi. Tournée fatigante.

 

 4 au 10 JUILLET

Le canon ne cesse pas de tonner furieusement ; on se bat ferme ; la 11ème Division enlève Hem, la 39ème Division enlève Hardecourt ; on déplore que les Anglais ne puissent pas avancer comme nous, qui par suite sommes obligés de marquer le pas. Le 10 juillet je suis avisé que nous serons relevés 2 compagnies le 11 et 2 compagnies le 13. Ce même jour le Général Vuillemot remet la médaille militaire à des militaires du 37 (NDR : 37ème Régiment) dans la cour de la maison où j’habite. La musique et le canon autour de nous rendent la cérémonie plus imposante que d’habitude.

 

 11 JUILLET

9ème et 10ème partent pour bivouaquer à Froissy. Je vais visiter Curlu repris aux Boches ; on marmite dur.

 

 12 JUILLET

Séjour à Suzanne à faire la partie de bridge.

 

 13 JUILLET

Départ à mon tour, visite à la Division. Rentrée par Laneuville avec Le Gall en auto, chez Lapeyre je trouve le Lieutenant Bourely de Toulon, cousin de Noël (NDR : beau frère de JMA). Le soir les journaux donnent la liste des Croix mais pas celles de Chevalier ; y suis je ? je suis très perplexe.

 

 14 JUILLET

Cagna dans le marais de Froissy ; mauvais temps. Il me tarde de voir les journaux de ce soir pour savoir si je suis dans les décorés. Déjeuner à Laneuville avec Lapeyre, Bourely, La Gall etc ; rentré à Froissy ; le soir promenade le long du canal ; au moment où je rentre à 9h1/2 un cycliste vient me chercher pour parler au colo de suite. J’y vais avec la conviction que c’est pour m’annoncer ma décoration quand patatras ! c’est l’ordre de partir le lendemain matin pour Suzanne et les marmites. Je reviens bien déprimé.

 

 15 JUILLET

Installation à Suzanne avec 5ème, 6ème, 11ème et 12ème (Bataillons) ; nous allons travailler à la voie ferrée pour relier les batteries lourdes.

 

 16 JUILLET

Reconnaissance des travaux puis arrivent 9 et 10 (Compagnies?). Toujours rien dans les journaux.

 

 17 JUILLET

9 et 10 (Bataillons) sont à la disposition de la 153ème Division. On doit faire une grande attaque demain. Rien dans les journaux si ce n’est les décorations de la marine. Vers 6 heures pendant que nous jouons au bridge j’ai une émotion que je n’ai laissée paraître à personne mais qui a été vive ; j’entends lire au téléphone un message du colo au Commandant Adde disant que par décret du Président de la République … le Capitaine Page est Capitaine à titre définitif. J’ai eu un certain frisson au début de la phrase mais à la fin j’avoue que j’ai été désillusionné.

 

 18 JUILLET

L’attaque est ajournée certainement c’est à cause du mauvais temps. Toujours rien.

 

 19 JUILLET

Nuit assez agitée ; je me lève en sursaut pour courir à la sape. Journée assez calme.

 

 20 JUILLET

Nuit excellente, oui j’ai dormi comme un loir, à mon réveil j’apprends qu’on a marmité toute la nuit et très près ; je n’ai rien entendu. Journée calme.

 

 21 JUILLET

A 9 heures Ramond m’annonce que nous allons déloger de Suzanne, le 7ème Corps d’Armée venant à notre place et nous obliquant à gauche. Nous allons à Bois Billon entre Suzanne et Maricourt. Nous déterminons les secteurs.

 

 22 JUILLET

L’ordre de s’en venir au bois est arrivé hier soir ; à 7 heures je pars pour le bois après avoir fait mes adieux au Commandant de Panafieu, homme charmant. Installation dans le bois, j’ai un abris blindé, on n’a pas l’air de trop marmiter par ici, mais on n’entend sérieusement le canon.

 

 23 JUILLET

Ribes vient s’installer, on se case tant bien que mal. Le colo viendra demain. Les grosses pièces qui sont derrière nous tirent à nous casser la tête et les oreilles.

 

 24 JUILLET

Je vais avec Bouchau et Aygueparne voir les pièces anglaises ; ce sont des 305 et un 380 ; c’est formidable. Les obus sont des monstres. A 15 heures arrive le colo, il me fait appeler : je me rends et rencontre le Commandant de Les Cazes du Corps d’Armée ; à ce moment quelques belles marmites tombent dans le bois, nous pouvons nous abriter des éclats mais tout juste. Le colo m’a l’air bien fatigué moralement.

 25 JUILLET

Nuit épouvantable, nous avons eu un marmitage très sérieux toute la nuit sur le bois ; j’ai eu des tués et des blessés : 34 chevaux ou mulets atteints dans le TC du Régiment (?) ; Rainette (NDR : nom du cheval de JMA depuis sa mobilisation) est toute sur nerf et me paraît le matin fatiguée, arquée comme si elle avait fait 100 kilomètres. Le matin c’est un peu l’affolement, enfin on se retasse (?), on réorganise le bivouac. La 9ème a eu 4 tués par asphyxie et une dizaine d’évacués ; 10ème à Maricourt perd Lescarret son cycliste coupé en quatre par une marmite

 

 26 JUILLET

La nuit a été moins tourmentées mais j’ai eu la migraine, enfin cela a l’air de se calmer un peu. Nous attendons toujours les attaques qui sont retardées pour des raisons que j’ignore. J’ai encore des asphyxiées à ma 9ème (Cie). Quelle sale invention que ces gaz.

 

 27 JUILLET

Des marmites éclatent pendant la nuit tout près de mon abri ; on se prépare pour une attaque. Il y a bombardement réciproque.

 

 28 JUILLET

Les ordres arrivent pour l’attaque qui aura lieu demain matin.

 

 29 JUILLET

Je me lève vers 3 heures, il y a un brouillard à couper au couteau ; sera ce un bon ou un mauvais pour l’attaque ? l’expérience a prouvé que c’était mauvais, on a avancé mais pas comme on aurait dû. Les mitrailleuses Boches ont fait de la besogne et ont arrêté en bien des points.

 

 30 JUILLET

Nous avons été marmité encore cette nuit ; mais la 9ème a encore souffert en revenant du travail : 2 morts et une dizaine de blessés. Le Sergent Sallaberry, cité au Corps d’Armée il y a 3 jours a disparu, on le recherche. Ce n’est vers 10 heures qu’on le retrouve déchiqueté à 30 mètres de l’endroit où il s’était couché. Les journaux annoncent la promotion de la Légion d’Honneur de la Réserve et de la Territoriale ; le journal donne les officiers mais pas les chevaliers, y suis je ? il me tarde d’être à demain pour savoir. A 7 heures du soir arrive Maurel ; je le fais coucher dans ma cagna ; tant mieux je vais avoir un ami avec moi, cela me changera un peu.

 

 1er AOUT 1916

Nuit calme. Matinée à attendre impatiemment les nouvelles. Vers 2 h 1/2 je suis dans ma cagna, les journaux arrivent mais ne donnent aucune liste de Chevaliers ; vers 3 heures un cycliste du colo descend l’escalier, je crois qu’il vient me chercher, c’est tout simplement une lettre pour Maurel. Le courrier est donc arrivé et on ne me fait pas appeler ; je commence à craindre un échec. Vers 4 heures je fais demander à Gaillard si l’officiel est arrivé. Il n’a pas pu le voir. A 5 heures Dubourg revient du bureau du colo et Gaillard me fait dire qu’il n’y a aucune Croix pour le Régiment. Quelle déception ! j’en suis abruti comme si on m’avait assommé. J’y comptais trop.

 

 2 AOUT

Tous les camarades ont l’air navrés de mon échec. Tant pis, je vois l’officiel ; il n’y a que quelques Territoriaux et tous les autres font partie de Régiments de Réserve ou d’Active.

 

 3 au 8 AOUT

Période de bombardement intermittents mais je ne peux me remettre de ma déception. Enfin j’arrive à me remonter, mais c’est dur.

 

 9 AOUT

Aujourd’hui 43 ans (NDR : Jean Maurice est né à Pauillac-Gironde le 9 août 1873), calme relatif sur nous.

 

 10 au 19 AOUT

Période rasoir au Bois Billon. Parties interminables de bridge chaque après midi. Promenade plutôt courtes et dangereuses le matin. Visite à Maricourt et aux Compagnies. Enfin le 18 on apprend qu’on va être relevé par le 86ème (Régiment). Le 19 au lieu d’arriver à midi, ils arrivent à 6 heures du soir ; quels veinards ces gens là, ils ne savent vraiment pas encore ce que c’est que la guerre. Ils n’ont jamais vues de « saucisses » , ils en sont encore au sphérique. Dire que depuis 8bre 1914 je n’ai plus vu de sphériques ; ils vont trouver du changement. Je quitte le bois Billon le 19 heures à 7 heures du soir, arrive aux autos à Bray à 8 heures ; nous embarquons et nous démarrons enfin à ….. 5 heures du matin le 20. Charmante soirée !

 

 20AOUT

Arrivés à 10 heures à Neuville sous Loeuilly . Logement au château. Bien.

 

 21 AOUT

Visite au colo à Plachy-Buyon, ensuite promenade à Pont de Metz et Amiens. Rentré à 7 heures.

 

 22 AOUT

Départ pour la gare de Conty à 10 heures. Vu Marc Mortagne à Loeuilly ; arrivée à Conty à midi. Embarquement en chemin de fer. Départ à 4 heures. En cours de route un homme tombe du train. Arrivée à Dieppe à 10 heures du soir.

 

 23 AOUT

Marche jusqu’à Vassonville près de Saint Martin en campagne, arrivée à 4 heures matin vanné, éreinté. Installation et dispositions pour recevoir Louise dans 3–4 jours.

 

 24 AOUT

Installation au cantonnement, promenade à pied à Berneval.

 

 25 AOUT

Après déjeuner nous attelons Rainette avec beaucoup de peine. Orage avec pluie diluvienne.

 

 26 AOUT

Nous allons en voiture à Eu et au Tréport ; rentrée le soir à 10 heures par pluie battante.

 

 27 AOUT

Dimanche. Grand messe ; je pars à 11 heures pour Dieppe chercher Mme Maurel et Louise qui n’arrivent pas. Nous attendons le train de 4 heures du soir ; à 5 heures passent à Saint Martin Poincaré, Briand les Généraux Joffre, Roques, Pellé etc. Compliments au Régiment.

 

 28 AOUT

A 10 heures je suis au bureau du colo quand arrive le Colonel Hallier, puis le Général Balfourier ; retour en vitesse au cantonnement pour recevoir Balfourier, puis départ à 11 h 1/4 pour Dieppe : 12 kilomètres en 33 minutes arrivée juste à temps, Mme Maurel n’a pas pu venir, accident de voiture. J’en suis navré pour Maurel, mais je suis ravi d’avoir Louise. Enfin cela va me changer un peu et avoir un peu de rose après avoir tant broyé de noir.

 

 29 AOUT au 7 OCTOBRE 1916

Mois de bonheur complet. Séjour de Louise à Vassonville et à Arques la Bataille. Permission à Pauillac. Bonheur sur toute la ligne.

 

 

 7 OCTOBRE

Je suis rentré depuis quelques jours et je profite de l’occasion pour aller passer 24 heures à Paris. Parti le vendredi soir. Dimanche je reçois un télégramme me rappelant sans délai.

 

 8 OCTOBRE

Départ par le train omnibus de Paris à Dieppe ; arrivée à Arques à 5h30 le soir. Le Bataillon est parti depuis le matin. Je pars à cheval pour Etrimant, hameau de Bailly en rivière ; arrivée à 8 heures du soir assez fatigué par 7 heures de train et 20 kilomètres à cheval.

 

 9 OCTOBRE

Départ à 5 h30 pour Saint Pierre des Jonquères à 15 kilomètres environ. Le colo est à Smermesnil.

 10 OCTOBRE

Départ à 6 heures du matin pour Portmort, hameau de Flanets-Frétils, le colo est à Ronchois. Vraie ferme où nous logeons au milieu des porcs et de tout le bétail.

 

 11 OCTOBRE

Repos à Portmort ; le colo m’annonce qu’il me propose pour la 3ème fois pour la Légion d’Honneur mais je crains encore de ne pas réussir, il n’y a que 4 croix pour la Réserve et Territoriale dans le Corps d’Armée.

 

 12 OCTOBRE

Lever à 2 h 1/2, départ à 3 h 1/2 pour Carroix ; étape dure-27 kilomètres- arrivés à Carroix à midi ; nous reprenons notre ancien cantonnement d’il y a 4 mois.

 

 13 OCTOBRE

Départ à 7h30 pour Equennes ; cantonnement définitif … ?? Revue du Général Claret de la Touche Commandant le 20ème CA (Corps d’Armée) à l’entrée d’Equennes qui félicite le 3ème Bataillon et son brave Commandant pour la citation à l’ordre de l’Armée.

 

 14 OCTOBRE au 14 NOVEMBRE

Séjour à Equennes sans incidents si ce n’est le retour de ma proposition pour la Croix, 3ème échec pour manque d’annuités.

 

 14 NOVEMBRE 1916

13 heures le colo nous avise de nous tenir prêts à partir le lendemain en autos. A 23h30 les ordres arrivent, on partira à 7 heures ; destination Bray. Nuit blanche.

 

 15 NOVEMBRE

Voyage en auto jusqu’au camp 16 près du Bois Billon. Installation très sommaire, impossible de fermer l’œil de la nuit tellement il fait froid.

 

 16 NOVEMBRE

A 7 heures nous recevons ordre de partir pour la halte de Maurepas. Nous passons en plein pays reconquis. Hardecourt et Maurepas ont complètement disparus il n’y a plus une seule pierre, tout à été employé aux routes. C’est impressionnant en nous rendant près de Hardecourt un de nos beaux avions bi-moteur descend puis à 15 mètres pique du nez et s’écrase sur le sol. Le pilote avait été blessé grièvement par balle. Il a lutté pour atterrir mais au but les forces ont dû lui manquer. C’est pénible à voir ; l’observateur semble n’avoir eu que la commotion. Je m’installe dans une cagna assez bien faite en tôle ondulée.

 

 16 NOVEMBRE

Reconnaissance des secteurs, nous travaillerons entre Combles et Sailly- Salissel. Journée très froide. Nous attendons avec impatience nos bagages et nos vivres.

 

 17 NOVEMBRE

Temps affreusement froid. Ballade au ravin pour voir Lapeyre et le Capitaine Thierry de la 20/3. Notre quartier a l’air assez calme comme obus.

 

 18 NOVEMBRE

Brouillard intense, impossible de sortir.

 

 19 NOVEMBRE

Idem.

 

 20 NOVEMBRE

Temps assez beau. Je vais voir Clermontel dans le ravin à côté du mien. En route trous d’obus à se toucher, pas mal de cadavres à demi enterrés, notamment un Boche dont on ne voit que les du bras sortant de sa capote, la main est partie.

 

 

 21 NOVEMBRE

Quelques marmites autour de notre bivouac.

 

 22 NOVEMBRE

Ballade rapide au ravin.

 

 23 OCTOBRE

Temps superbe, meeting d’aviation ; 52 saucisses en vue de mon PC. Les éclats des schrapnelles contre avions me font courir avec Dubourg.

 

 24 NOVEMBRE au 1er DECEMBRE 1916

Toujours calme dans notre secteur. Visites au 141 (141ème Rgt), déjeuners, dîners, bridges avec les voisins Clermontel, Dupouy etc.

 

 2 DECEMBRE

une grosse marmite a éclaté dans la nuit à 100 mètres de ma cagna … je ne l’ai pas entendue. J’ai dû rêver que c’était un départ. Dernier bridge avec le 141 qui part demain.

 

 3 DECEMBRE

Achat … au prix du front de mobilier au 141, y compris le fauteuil du Maire de Combles. Ce soir m’arrive la note annonçant notre travail du 10 au 15 et la relève pour le 15.

 

 4 DECEMBRE

Conférence avec le Colonel du 209 à Maricourt pour organiser le nettoyage du secteur que nous allons quitter.

 

 5 au 10 DECEMBRE

Pluie, vent froid, quelques blessés au Bataillon. Je retourne à Maricourt une fois. Visite à Lapeyre au ravin ; quelques vagues obus tombent proche de notre bivouac mais il y en a bigrement de gros qui nous passent par dessus. La nuit des avions s’amusent à nous survoler très bas et font marcher la mitrailleuse en tirant sur nos cagnas sans résultat d’ailleurs.

 

.16 DECEMBRE

Les Anglais prennent notre secteur, nous partons pour Bray où nous couchons le soir. Le colo m’offre de partir en perm en même temps que lui ; Les Compagnies se rendent pour embarquer en auto le lendemain.

 

 17 DECEMBRE

Embarquement en autos pour Tilloy les Conty ; arrivée à 2 heures ; je loge dans un château plutôt dèche. Je prends la suite de Mgr Rouch.

 

 18 DECEMBRE

Embarquement en chemin de fer à Conty à 11 heures du soir. Départ le 19 décembre à 2 heures du matin ; il fait froid ; le matin à 7 h 1/2 au lieu de me trouver à Pantin je me réveille à Creil ; on nous a changés d’itinéraire ; nous repassons par Verberie, Bethisy et tous les pays que nous avions parcourus en septembre 1914. Voyage sans autre incident notable à Toul on me donne comme gare de débarquement Diarville mais avec cantonnement à Chaouilley.

 

 20 DECEMBRE

Arrivée à Chaouilley à midi, installation bonne. Visite au colo qui est à Praye puis à Diarville à Mme Trévillot et à la vieille Clémence.

 

 21 DECEMBRE

Le colo me signera la permission demain.

 

 22 DECEMBRE

J’ai ma permission à 3 heures du soir, rentrée en vitesse et à 5 h 1/2 départ pour la gare. Le cheval de la 9ème tombe, je fais seller Rainette. Voyage avec Belly ; archi complet.

 

 23 DECEMBRE

Arrivée Paris à 10 h 1/2 ; télégramme Pauillac ; courses dans Paris ; départ à 6 heures du soir.

 

 24 DECEMBRE

Arrivée Bordeaux, Louise m’attend, rencontré Colonel quai gare Saint Jean.

 

 25 DECEMBRE au 4 JANVIER

Permission avec toutes ses joies.

 

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