Carnets de Campagne 14-18 (suite)Commandant Jean Maurice ADDE |
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Photo : collection personnelle François Darriet. Originale de la Citation
pour Givenchy. Source : collection
personnelle François Darriet et l’Illustration Keystone. Citation
d’époque dans « l’Illustration ». Photo : collection
personnelle François Darriet. René
LEBEGUE, beau frère de Jean Maurice. Photo : collection
personnelle François Darriet. Brigadier
Jacques MAUREL. Photo : collection
personnelle François Darriet. Docteur Vallée en
observation. Photo : collection
personnelle François Darriet. Sous-Lieutenants Périer
et Cazalis. Photo : collection
personnelle François Darriet. Sous-Lieutenant CAZALIS
après guerre. Photo : collection
personnelle François Darriet. Sous-Lieutenant
DUPONT portant la Médaille Militaire. Source :
l’Illustration Keystone. Citation d’époque dans
« l’Illustration ». Photo : collection personnelle
François Darriet. René
LEBEGUE en mai 1902 à Cantenac. Photo : collection
personnelle François Darriet. Photos
du rendez-vous de Béthune le 20 février. En haut de gauche à droite :
Vétérinaire VINCENT, Adjudant DRAUD, Fourrier CHARTROU, Auto OLIVIER, Caporal
René LEBEGUE, Procureur de la République LARIVRE et Sergent MOLLINE. En
bas de gauche à droite René LEBEGUE, (arrière plan en casquette inconnu),
JM.ADDE en veste claire au centre, Auto OLIVIER ou Médecin Paul RASCOL,
Sergent MOLLINE. Photo : collection
personnelle François Darriet. Photo : collection
personnelle François Darriet. Sergent MOLLINE à
Béthune le 20 février 1915. Photo : collection
personnelle François Darriet. Complexe
de Calonne. Photo : collection
personnelle François Darriet. Tour à Calonne. Photo : collection
personnelle François Darriet. Capitaine
OLIER avec sa Médaille Militaire et sa décoration anglaise Photo : collection
personnelle François Darriet. Capitaine PAGE. Photo : collection
personnelle François Darriet. JM.ADDE
sur la terrasse de son PC de combat à Calonne. Observation à la jumelle les
combats de mi mai sur Notre Dame de Lorette. Photo : collection
personnelle François Darriet. Source : l’Illustration Keystones Ambroise GAVINI avant le
conflit encore affecté au 49ème Régiment d’Infanterie de Réserve
dans le Sud Ouest. Alexandre MILLERAND (1859-1943), avocat, ministre dont celui de la Guerre de 1912 à 15 puis Président de la République de 1920 à 24. Source : l’Illustration Keystones Source Internet Le Président de la République
et le Roi des Belges. Source Internet Source Internet Avion de combat allemand
« Aviatik ». Source Internet Ravin de Marson. |
Chapitre
deux
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contained in this site 1915 27 DECEMBRE au 17 JANVIER Plus de bruit, si ce
n’est sur Annequin ; nous sommes à Labourse, je fais des tranchées de
repli en avant de Sailly. 18 JANVIER Maurel
viens me porter l’extrait de l’ordre sur lequel je suis cité, il est ainsi
conçu : « Le Général Commandant la X ème Armée cite à l’ordre de l ‘Armée le Capitaine ADDE du 142ème Rgt Tal d’Infanterie . A pris le commandement du bataillon dans des conditions difficiles (les officiers qui le commandaient ayant été blessés) l’a par son sang froid, son énergie et l’exemple qu’il a donné maintenu sur les positions qu’il occupait et a repoussé toutes les attaques ennemies jusqu’à l’arrivée des renforts. » 31 décembre 1914 le
Général Commandant la X ème Armée signé : de Maud’huy Je suis très fier de cette citation que je m’empresse de communiquer à la maison et à René (NDR : René Lebègue, frère de Louise, son beau frère). 19 au 21 JANVIER Je continue mes
tranchées de repli à Sailly. 22 JANVIER Je commence des nouveaux
travaux de replis entre Noyelles et Vermelles. 23 JANVIER Continuation des
travaux. 24 JANVIER Dimanche, quelle tuile
va t-il nous tomber dessus. Vers 5heures elle ne nous rate pas ; on
m’appelle au bureau du Colon. Je dois partir demain avec mon bataillon pour Grenay à la disposition du Général Gouget. 25 JANVIER Je pars à 8 heures à
cheval pour Grenay. Depuis 7h30 une canonnade effroyable retentit vers La
Bassée Cambrin ; à mesure que j’avance la canonnade et la fusillade
gagnent la ligne vers le Sud. A 9 heures, le Général Gouget m’envoit avec
mes Commandants de Compagnies et le Colonel de Castelnau reconnaître le
secteur de la 1 ère ligne de la fosse Calonne ( ?). A 11 heures quand la
reconnaissance est faite, Maurel m’apporte l’ordre de rentrer en hâte
à Labourse, mon bataillon qui ne devait partir qu’à 10h30 a été retenu, on
craint d’avoir besoin de nous en renfort des anglais. Nous rentrons
rapidement après midi en alerte et vers le soir, cela se calme et on nous
donne l’ordre de repartir le lendemain dans les mêmes conditions
qu’aujourd’hui. 26 JANVIER Départ à 5 heures,
nouvelle visite à Calonne. Déjeuner à Grenay avec le Colonel de Castelnau.
Rencontré Dumas qui est Capitaine depuis qu’il s’est distingué
à Vermelles ; puis Dufort Adjudant de Bataillon, Richard Capitaine,
tous au 144ème. Départ avec 3 Compagnies pour Calonne, 12ème
en réserve à Grenay. 27 JANVIER Installation pas trop
mauvaise, visite à la 1 ère ligne avec les Commandants de Compagnies. A
l’extrême gauche nous sommes repérés, un percutant nous éclate à 5 mètres sur
le bord de la tranchée, sommes couverts de terre. Rentrés un peu émus. 28 JANVIER Fusillade et canonnade.
Ce qui me rase ce sont les rapports à 4 heures du matin. J’ai un peu mal aux
dents. Après déjeuner, Dr Vallée m’extirpe
une dent de l’œil, soirée calme nuit bonne. 29 JANVIER Général Gouget
vient à 7h1/2, me dit que je commanderai le secteur en alternant avec le Commandant
Minvielle. Visite aux 1ères lignes depuis l’observatoire on
voit un cadavre « boche » qui est desséché. Vers 4 heures nous regardions
passer un avion boche, Périer et moi, un éclat d’obus tombe à nos
pieds devant la porte, on rentre. Soirée avec fusillade et mitrailleuse. 30 JANVIER Matinée très orageuse. Je vais à Grenay après déjeuner coucher chez des gens peu accueillants ; lit dans le salon, réception trop froide. Je ne resterai pas ici. 31 JANVIER Promenade aux Brebis. Déjeuner avec Albert Adoue ; j’ai du plaisir à le retrouver. Visite à l’hopital ; j’y retrouve Frémond. A 3 heures retour à Grenay pour monter à Calonne assurer la relève de mes Compagnies. Le Commandant Minvieille et Dufort me reçoivent fort aimablement. Je les quitte à 8 heures arrivée à Grenay vers 9 heures. Le boyau est rudement long. Coucher chez un nouveau propriétaire Mr de Bettigny, ingénieur de la mine ; très froid au début mais gentil ensuite. 1er FEVRIER 1915 Très froid. Visite au Général
Gouget et de Castelnau ; rentrée à la maison sans sortir de toute
l’après midi. Correspondance. 2 FEVRIER Temps affreux. Je vais
voir le Colonel de Castelnau et je passe le reste de ma journée dedans. Je
suis morose à l’idée de prendre le commandement du secteur demain. Visite du
colon le soir. 3 FEVRIER Je prends les
instructions et à 1 h je pars avec Cazalis pour Calonne. Toutes nos batteries de 75 marchent ;
je hâte le pas. Le matin, Cabos de la 12ème a eu un éclat
d’obus au bras, pendant qu’il était dans le boyau. Je m’attends à la réponse
des boches à Calonne ; dès notre arrivée arrosage sérieux, le boyau est
également soigné. Minvielle part, je suis Commandant
du secteur. Quelle responsabilité. Un front d’un kil. à
défendre comme grand chef. Le soir, la fusillade marche fort jusque vers 10h.
Je suis très perplexe. Enfin elle se calme. Je me couche sans me déshabiller
et m’endors dans mon poste de commandement qui a été déjà bombardé. 4 FEVRIER Matinée assez calme,
mais à partir de midi quel duel d’artillerie : c’est effrayant. Les
Boches me démolissent une partie du mur de Calonne. Le téléphone marche fort
avec le Général, le Colon, l’artillerie. Vers 4 h je donne ordre
de tirer sur les batteries qui nous esquintent. Les 75 doivent arrêter leur
77 ; nos batteries lourdes sur la leur à Liévin et je fais partir deux
avions. Le soir marmitade
formidable. Je fais marcher le 75 jusque vers 10 heures. Enfin vers 11 heures
je m’allonge mais très anxieux ; on a bombardé Grenay, aujourd’hui le
Général est énervé. 5 FEVRIER A 9 heures je me lève,
vais voir à mes travaux, on fusille pas mal. Revenu vers 7 heures. Rendu
compte au Général. A 8 heures un officier d’Etat Major vient avec un officier
du Génie. Visite à tout le secteur, à 10 heures rentrée. Rapport avec les
Commandants de sous secteurs. A 11 heures le Général m ‘annonce que
demain on remet la médaille militaire à Dupont et Minvielle ; je
commanderais les troupes à la revue. De 4 heures à 6 heures le bombardement
marche dur. 6 FEVRIER Vers 9 heures le
Colonel de Castelnau vient me remplacer à Calonne. A 10 heures je vais
chez le Général Gouget qui me
donne les consigne nouvelles ; nous arrêtons les détails de la revue.
Déjeuner à 12 heures. A 2 heures revue par le Général Léré. Il est
très vieilli et me fait l’impression de ne plus être capable de tenir
longtemps. Pendant la revue, nous n’avons pas eu d’arrosage mais aussitôt
après notre départ du terrain les Boches se rattrapent. A 4 heures je remonte
à Calonne soirée bruyante mais sans grand mal pour nous ; nuit calme. 7 FEVRIER A 8 h 1/4 un cycliste de
la Division me porte un pli cacheté du Général Léré. Avant d’ouvrir,
je redoute une grosse tuile, puis en lisant je rayonne : le Général
m’annonce par un mot très aimable ma nomination
de chef de Bataillon à titre temporaire, comme toutes les
nominations durant la guerre, et il me félicite. Je reste à la tête du 3ème Bataillon du 142,
le Bataillon cité à l’ordre de l’Armée. Aussitôt le bruit se répand comme une
traînée de poudre dans tout Calonne, dans les tranchées c’est épatant. Puis
grande joie, décidément c’est la journée qui veut cela, le Colonel m’envoie
une petite Gironde qui a publié un article me couvrant de fleurs à l’occasion
de ma citation à l’ordre de l’Armée. Puis vient la cérémonie de la couture
des galons. Je vais faire ma tournée aux tranchées de 1ère ligne,
les simples soldats me félicitent, certains me disent gentiment combien ils
sont heureux de me voir promu à leur tête, d’autres, des Basques qui ne
savent pas s’exprimer en français sortent le fusil du créneau et face aux
Boches me présentent les armes. C’est touchant et je suis ému. Je pense que je pourrai dire que j’ai été nommé sur le champ de
bataille, j’ai pris le commandement du Bataillon au combat à Givenchy et ma
nomination me parvient en 1ère ligne. 8 FEVRIER Nous continuons notre service à Calonne jusqu’à 4h. Le Commandant Minvielle vient me relever, les félicitations pleuvent. Je rentre aux Brebis. 9 FEVRIER Visite au Colonel, au
Général Gouget, longue correspondance et repos sérieux. 10 FEVRIER Départ à cheval pour
Labourse avec Perié. Réception enthousiaste ; déjeuner superbe offert
par le Colonel Cantau. Visite à la charcuterie du Régiment ;
rentrée aux Brebis vers 9h ; en passant par Mazingarbe j’apprends que le
Général Léré est très malade. 11 FEVRIER Déjeuner avec le Colonel
de Castelnau, à 3 heures réception par tous les officiers du Bataillon.
Les lettres continuent à affluer de partout pour me féliciter. 12 FEVRIER Je reprends le service à
Calonne. Les Boches sont calmes mais vers le soir, ils continuent comme
d’habitude la grande musique. A mon tour je leur fait arroser le
ravitaillement par notre artillerie. 13 FEVRIER Toujours pareil.
J’apprends que le Général Léré est remplacé par le Général
MUTEAU ( ?). Je regrette beaucoup Léré, il avait du nerf. Il est
beaucoup critiqué et peu aimé en général par la Division parce qu’il est
cause que nous avons marché au feu mais il fallait bien que certains
marchent, nous avons été ceux là. C’était écrit. Nous avons fait notre
devoir, de notre mieux ; d’autres auraient peut être été plus habiles,
mais nous n’avons rien à nous reprocher. Nuit relativement calme. On m’avait
annoncé que le Génie allait nous faire sauter une Mine, mais ils n’ont pas
réussi. 14 FEVRIER Situation sans
changement, comme disent les communiqués officiels. J’ai Gaillard et
Maurel qui m’ont fait l’amitié de venir déjeuner pour arroser mes galons.
Nuit calme. Le Dr Reboul tombe dans la cave ; c’est préférable
que s’il avait une balle dans la peau comme le Lieutenant Castes qui a
été tué hier ; il laisse 3 (ou 5 ?) enfants dont le dernier à 15
jours. Quelle horrible chose que la guerre pour nos pauvres femmes. 15 FEVRIER Toujours pas de
changement. Léré est mort ce matin à 2 heures ; il est mort en
beauté, presque sur le champ de bataille. On doit l’enterrer demain ; je
regretterai beaucoup de ne pouvoir assister à son enterrement à Mazingarbe. 16 FEVRIER Continuation de la
fusillade. 17 FEVRIER Nuit mauvaise. Nous
sommes relevés par Minvielle qui est peu enthousiasmé revenir. 18 FEVRIER Bouet
va à Hazebrouk par un temps épouvantable. Il me revient avec un rendez vous
pour René (NDR : René
Lebègue beau frère de JMA et Caporal au 141ème RTI), vendredi à
Béthune. 19 FEVRIER Repos complet aux
Brebis. 20 FEVRIER Départ pour Béthune à 10h. A 11h 30 arrivent René, Rascol, Molliné, Bezombes. Déjeuner Hôtel de France. Départ en auto en passant par Labourse voir le Colonel puis visite aux Brebis et à Calonne. J’ai passé une journée délicieuse de grande joie, mais mélangée de l’appréhension de les quitter. Ils ont eu l’air péniblement impressionnés par la visite aux tranchées, et encore ils n’ont vu que le centre du secteur B. Que serait ce s’ils avaient vu le secteur A. J’ai tremblé tout le temps de leur visite par crainte qu’un obus ou une balle ne vienne à les atteindre. A 4 heures, ils repartent ; je les embrasse mais après je suis plus déprimé que je ne l’ai jamais été. En rentrant à mon logis, j’ai des larmes grosses comme le pouce qui coulent. Quelques hommes qui me rencontrent me regardent avec curiosité mais je m’en moque. Soirée bien triste. 21 FEVRIER Très triste journée.
Nous relevons le soir à Calonne mais j’y arrive avec une grande dépression
morale. 22 au 24 FEVRIER Comme d’habitude
fusillade, bombardement, quelques blessés, un tué. Nous l’avons enterré le 24
avec un prêtre brancardier. Je suis canardé le 23 par une mitrailleuse sur la
place de la mort ( ?) ; miracle d’en être sorti. 25 au 28 FEVRIER Bombardement aux Brebis.
Promenade chaque jour à cheval ; j’attrape mal à la gorge. 28 au 3
( ?). Nous revenons à Calonne. Les 2 premiers jours j’ai une angine très
sérieuse, je suis sur le point de demander à être relevé. Mais je tiens bon. 2 & 3 MARS 1915 A 6 heures du matin,
surprise allemande sur Aix Noulette et Notre Dame de Lorette. A 19 heures
contre attaque française, je n’ai jamais entendu bombardement pareil. Journée
émotionnante au possible. Le 3 on continue nos attaques. 4 au 7 MARS Séjour aux Brebis, calmes promenades, repos. 8 MARS Remonté à Calonne. 9 & 10 MARS Relativement calme, les
Anglais attaquent vers La Bassée. 11 MARS A 6 heures le Général
Gouget m’annonce que les Anglais ont gagné du terrain,
fait 600 prisonniers, nous faisons une démonstration. 12 MARS Service habituel.
Balles, obus, nuits blanches. Le Bataillon Minvielle va à Notre Dame
de Lorette faire des tranchées ; le service va donc être modifié. Je
reste à Calonne jusqu’au 13 au soir ce qui me font 5 jours et suis relevé par
le Colonel de Castelnau. 14 au 16 MARS Repos aux Brebis.
Promenades à cheval. 17 au 21 MARS Arrivé à Calonne hier
soir. Calonne est toujours pareil mais je suis déprimé. Cette idée de faire 5
jours m’a absolument aplati. Vers la fin je suis un peu remonté. 22 MARS Ballade à Labourse. 23 MARS Va à Noulette voir Eynaud de St Sauveur
et Coudy de
Pauillac que je ne rencontre pas. 24 MARS Retour à Calonne. Le secteur est bien aménagé. 25 & 26 MARS Assez calmes. Je cherche
à faire des prisonniers, j’envoi des proclamations aux Boches par des chiens après
avoir essayé des arbalètes et des frondes. Le 26 en regardant avec un
périscope pour repérer une mitrailleuse, elle me fait sauter l’instrument des
mains, la balle m’a effleuré sans me toucher 27 & 28 MARS Aucun incident notable. Je
redescends le 29. 30 & 31 MARS Promenades à cheval à Noulette Hersin. 1er AVRIL 1915 Blagues traditionnelles. Je fais manger le poisson à tout mon Etat-Major en leur annonçant la relève pour le soir même par les Anglais au lieu de cela nous revenons à Calonne pour 5 jours. 1er au 6 AVRIL Séjour semblable aux
précédents. Le 2 vendredi saint nous faisons maigre mais un menu parfait. Le
3 Adoue et Borda viennent me voir, déjeuner magnifique. Promenade de 2
heures dans les lignes. Adoue baisse bien souvent la tête, il n’a
guère envie de revenir ma faire visite ; et encore il est parti ¼ heure
trop tôt, sans cela il aurait eu l’impression désagréable d’entendre éclater
un obus dans notre grenier. 4 Pâques. Bombardement intensif de
210 sur Bully Brebis etc. Toute la journée les obus sifflent au dessus de
nous. 5 AVRIL Bombardement et
fusillade. 6 AVRIL Je redescends à Grenay avec un sensible plaisir. 7 AVRIL Conseil de guerre. Bedelle
un an de prison pour vol. J’ai appris par une carte de Ribaut qu’il est à
Béthune et Noeux ; le 7 ? en route. Je finis par rencontrer Ribaut
et éprouve un grand plaisir de causer un peu des affaires mais je suis
revenu perplexe sur la manière dont nous nous en sortirons après la paix
signée ; enfin sauvons nos têtes et nous verrons ensuite. 8 AVRIL Temps épouvantable au
lit et je vais passer des heures chez le Général Gouget à blaguer. 9 AVRIL On remonte à Calonne. Les Boches paraissent avoir reçu une ample
provision de projectiles car ils nous arrosent copieusement. 10 AVRIL Ils semblent avoir
installé des mortiers. Après midi je crois avoir découvert un «Minenwerfer»
(NDR : mortier allemand cf photo) mais les animaux de Boches m’ont
repéré et je suis obligé de quitter le créneau à cause des balles qui
sifflent autour. Soirée relativement calme. 11 AVRIL Vers 9 h ½ à ma rentrée
des secteurs causette avec les Commandants des secteurs ; 10 heures le
rapport vite expédié je suis un tantinet inquiet je ne sais pas pourquoi. A
10 h ½ quelques obus sifflent ; ce sont des arrivées dans le quartier.
Je sors et fait immédiatement rentrer des Hussards en criant lorsque
j’entends un sifflement venant sur moi. D’un bond je rentre sous le blockhaus
du poste de Commandement ; il était temps, l’obus éclate sur ma
maison où nous mangeons. Je suis tout étourdi. Visite d’Olié etc
compliments. Déjeuner, on cause et rit. A 4 heures juste Lalanne vient me
porter le rapport, une arrivée se fait entendre tout près. Je sors vite pour
crier aux gens de rentrer suivi de Lalanne et d’or à peine dehors
sifflement identique à ce matin. D’un bond nous sommes dedans l’obus éclate à
6 mètres de nous. Les vitres volent en éclats. Rude émotion. Je rends
compte ; le Général ordonne de changer de Poste de Commandement. 12 AVRIL Le poste est porté rue
du Temple. A 10h ½, nouveau bombardement sur l’escale ? c’est la maison
des dames Henry
ou devait loger Bonnel, qui est atteinte le plus sérieusement. Tous
les projectiles que nous recevons sont des 105, qui sont de fabrication très
récentes, se brisant en mille éclats. Ils font peu de dégâts dans une maison,
mais certainement en feraient beaucoup dans une troupe. A 4 heures du soir,
nouveau bombardement : un obus à 10 mètres devant mon nouveau poste. Une
vitre trouée. Nuit calme. 13 AVRIL Je suis décidé cette
fois ci à ne pas faire 5 jours mais j’hésite encore à demander au Colonel de
venir prendre son tour régulier. A 10 heures le bombardement recommence cette
fois ci un obus tombe devant mon nouveau poste sans dommage, mais un autre
tombe derrière nous sur la maison des plantons. Ils y sont une douzaine. Un
miracle a voulu qu’aucun ne soit touché mais 5 bicyclettes sont en miettes.
Ceci m’enlève toute hésitation. Je demande à être relevé ; j’ai fini mes
4 jours et j’estime que je n’ai pas le droit de m’exposer de mon propre chef
pour faire plaisir au Colonel ; pendant 24 heures de rabiot mon
existence et celle des 15 hommes qui gravitent autour de moi et de par
leurs fonctions suivent le chef de Bataillon commandant le secteur. A 4h30 le
Colonel arrive, quelques obus tombent assez loin. Le Colonel est très gentil
mais Luquet son lieutenant semble plutôt nerveux et ennuyé. A 7 heures
retour aux Brebis.
Chacun me croit malade, c’est très amusant mais au fond je ne suis pas fâché. 14 AVRIL Visite au Général
Gouget. Ballade à pied à la Division, à la place etc. Il paraît que
Calonne est au calme plat depuis mon départ. 15 AVRIL Promenade le matin avec Adoue.
Après déjeuner ballade à cheval. Il y a une attaque sur Notre Dame de
Lorette. Le soir vers 9 heures la canonnade recommence, quelques obus
sifflent vers Grenay
à 4/500 mètres de ma maison. Je me couche et passe une nuit délicieuse. 16 AVRIL Promenade à cheval à
Nœud. 17 AVRIL Revenu à Calonne, le Colonel à l’air enchanté d’en partir
et Luquet aussi. 18 AVRIL Bombardement le matin et
le soir. ; mon ancien poste de commandement est atteint je le fais
réparer. 19 AVRIL Journée plus calme
quoique quelques 105 nous saluent sans grand mal. 20 AVRIL Minvielle
est entré à Bouvigny c’est lui qui me remplacera je n’aurai donc plus que 4
jours à faire. D’ailleurs je reçois une convocation pour le conseil de
guerre. 21 AVRIL Minvielle arrive à midi
½. Conseil de guerre. 2 accusés ; un obtient 2 mois pour un coq, l’autre
1 an pour injures à un sergent. En rentrant le Capitaine Garnier du
144 a gardé mon cantonnement. Vive engueulade pour lui et Salin. 22 AVRIL Visite au Général,
ordres aux commandants de compagnies ; à 19 heures chez le Général on
nous apprend que le Capitaine Richard vient d’être tué secteur C. J’en
suis très affecté et commence à demander la mise au repos. J’ai crainte. 23 AVRIL Visite à la Bourse. Page nous annonce que les
Anglais m’ont adressé 500.000 cigarettes. J’en prends ½ pour mon
Bataillon et l’autre moitié sera distribuée aux 1er et 2ème Bataillon. 24 AVRIL Ballade à Béthune avec Reboul. Excellente après midi. 25 AVRIL Revenu à Calonne. Minvielle a eu hier un obus dans notre
salle à manger. On fait un blindage sérieux. 26 AVRIL Visite aux secteurs.
Léger bombardement. 27 AVRIL Journée calme. 28 AVRIL Plusieurs descentes
obligatoires à la cave. Je suis convoqué pour le conseil de guerre. 29 AVRIL Minvielle
arrive à midi ½. Conseil de guerre ; un ivrogne attrape 45 jours de
prison pour menaces à un gendarme. 30 AVRIL Visite au Général
Gouget. Conférence sur l’offensive générale et prescription du Général
Joffre. 1er MAI 1915 Déjeuner à la Bourse ave
le Colonel et Lapeyre etc. Lapeyre me raccompagne aux Brebis. 2 MAI Messe superbe à Grenay.
Requiem pour le 144. Duclos baryton de l’opéra chante
merveilleusement. Gaillard et Maurel viennent déjeuner. A 2 heures
départ pour Béthune à cheval Rainette et moi nous culbutons ; belle
émotion. 3 MAI Visite Général
Gaillot pour d’Orx ?. Instructions du Général Gouget. Retour
Calonne à 4h1/2 au soir. 4 MAI Bombardement sérieux sur
Calonne, sans grand mal aux individus mais beaucoup aux maisons. 5 MAI Visite du Colonel de
Castelnau préparatoire à une attaque sur Lorette. Très ému par la menace
de ce gros danger. Nuit sur le qui vive. Secteur resserré. 6 MAI Anniversaire
de mon mariage. Spahis ; chasseurs, génie, infanterie
défilent dans Calonne ; 11 heures déjeuner sans appétit. Midi au PC en 1ère
ligne dans un abri. Bombardement formidable annoncé n’a pas lieu. A 5 heures
on reprend son poste. La majeure partie du jour a été d’un silence
impressionnant de ceux qui précèdent la tempête. 7 MAI Les opérations annoncées
pour hier vont être faites aujourd’hui ; nous voyons revenir les mêmes
braves qu’hier. Le bombardement commence mais subitement tout est arrêté. Il
y a un pépin ; lequel on oublie de nous le dire. 8 MAI Pour la troisième fois
on se prépare mais cette fois ci ce n’est pas en vain. Quel
bombardement ! c’est effrayant ; quelqu’un qui ne serait pas
entraîné à ce bruit deviendrait certainement fou. A 4 heures cinq mines
sautent en avant de notre ligne, les Boches avec ; c’est tout simplement
magnifique. Les spahis s’élancent en tête puis viennent les chasseurs ;
ils vont jusqu’à la 3ème ligne Boche. Malheureusement tous les
officiers sont tués et on se replie pour ne garder que 3 entonnoirs sur 5.
Puis devant nous à Calonne commence le défilé des blessés ; 220
malheureux passent à notre poste de secours ; combien y en a t il qui y
seront restés sur le terrain. Le Lieutenant Cauchois des Spahis
se trouve parmi les morts et combien d’autres. Soirée et nuit terrible pour
nous qui attendons les contres attaques. 9 MAI Une fusillade toute la
nuit, il ne faut pas parler de dormir ces nuits là. A 4h15 on me porte une
note secrète disant que dans la journée on commencera l’offensive de l’armée
et que l’heure nous sera fixée par H=x heure. A 10 heures précises tout se
déclenche ; le bombardement qui a commencé à 5 heures sur Notre Dame de
Lorette redouble puis le tir s’allonge et à la jumelle nous voyons nos hommes
se porter à l’attaque parmi les éclatements Boches ; quels héros que ces
gens là ! Il enlèvent trois lignes de tranchées mais aux contre attaques
ils en reperdent ; enfin on en conserve deux. 10 MAI Encore une nuit
blanche ; on nous bombarde si terriblement que je décide de me faire
faire un abri sérieux et qu’à midi j’y embauche les 30 hommes du génie. Les
attaques redoublent sur Lorette. 11 MAI Nous apprenons la prise
de Carency au Sud de Lorette
2000 prisonniers matériel etc. La nuit a été terrible une fois de plus j’ai
bien failli y passer. Je regarde dans l’obscurité par dessus un mûr, une
fusée boche part, vite je redescends une marche il était temps, une balle
explosive éclate à l’emplacement où 1/10é de seconde plus tôt était ma tête.
La journée est assez calme sur mon secteur, mais de mon observatoire je
regarde les mouvements sur Lorette, c’est merveilleux (NDR : cf photo). 12 MAI Un peu plus calme je
vais me coucher à mon PC de la rue du Temple ; mais ne puis y dormir, je
suis tracassé, je crains quelque bêtise sur mon front. Je me sens
fatigué mais tiendrai jusqu’au bout.
Le Général Gouget parle de relever mon Bataillon mais pas moi ; il veut
que je prenne le commandement du Bataillon Minvielle. Enfin la
Division a refusé, tant mieux car je préfère le mien. 13 MAI Grande pluie le matin.
Un peu de repos, mais cela n’empêche pas les boches de nous bombarder copieusement ;
c’est infernal. 14 MAI Violente attaque sur
Lorette ; on a pris le plateau et la chapelle. Ablain est pris, Souchez
est investi. 15 MAI Matinée relativement calme. Le 204 viendra à 2 heures pour tâcher de reprendre les 2 entonnoirs (NDR : cf photo). L’attaque échoue, ils perdent 80 hommes au moins. Dans le bombardement j’ai des tués et des blessés, une vingtaine. Je l’échappe belle en plusieurs circonstances. Un de mes sergents de la 12 ème (Compagnie) devient fou ; j’en profite pour demander la relève du Bataillon. 16 MAI Le Commandant Belot
vient visiter le secteur. Son bataillon arrive le soir, lui mène une relève à
8h1/2 du soir. Je suis éreinté en arrivant aux Brebis ; coucher
« corou s29 ? » courroussé ?. 17 MAI On nous annonce une modification du secteur ; tout
d’abord nous devons passer au 9 ème Corps d’Armée puis c’est au 21 ème Corps
d’Armée. Visite aux Généraux Gouget,
Gaillot, etc. 18 MAI Adieux au Général
Gouget qui me remercie et va féliciter le Bataillon par un ordre de sa
brigade. Visite à Noeux ; je trouve le Colon et tous altérés, il vient
de tomber quelques obus aux environs ; on voit qu’ils n’y sont pas habitués.
Nous devons partir demain pour Aix Noulette. Belle perspective en guise de
relève. 19 MAI Visite aux Brigades 183
et 184, à la 92ème
Division. Le Général Ruault demande des renseignements sur
les mitrailleuses des Cornailles. Visite à Aix Noulette à cheval ; peu
engageant comme aspect. Départ à 7 heures du soir. 20 MAI Dormi dans une pièce de la brasserie Brasme ; fenêtre bourrée de paille. Je fais nettoyer le petit salon en face qui devait être une pure merveille ; aménagement de fortune très chic. Organisation. Après midi visite au secteur des Bois ; c’est ravissant comme installation ces abris en feuillages. A 6 heures du soir bombardement soudain ; terrible, ma maison attrape 5 gros obus. J’ai 13 blessés y compris Vallée, mon brave petit docteur. Je le regrette beaucoup. Le soir 400 hommes de corvée qui travaillent toute la nuit. 21 MAI Calme. Corvées, c’est un
vrai repos pour moi de ne plus avoir la responsabilité du secteur. Au rapport
paraissent les félicitations qui me sont adressées par le Général Gouget. 22 MAI A minuit un bombardement
formidable dans la direction de Calonne dure 1 heure. Vers la fin de grosses
marmites nous obligent à aller à la cave. On se recouche à 1 h1/2. Vers 3
heures je suis réveillé en sursaut par de grosses marmites devant mes
fenêtres, vite à la cave. Coucher à nouveau. Journée passée à commander des
corvées et aller de temps en temps à la cave. 23 MAI Je vais faire une
tournée aux tranchées de réserve que je construit à 9h. A 7h1/2 décorations
de Ribes et Benoit (NDR : cf photos). Je vais avec Ramond
reconnaître les PC de la 11ème Brigade. En arrivant à la fosse
aux loups nous trouvons environ 150 hommes du 158ème ;
Colonel entête, képi à la main, écoutant la messe à 100 mètres des Boches.
J’apprends à ce moment que c’est dimanche et même Pentecôte. Où sont nos
journées de régates. Cette messe était vraiment belle et je n’ai jamais tant
regretté mon Kodak que je n’ai pas emporté. Après déjeuner nous devions aller
reconnaître le PC de gauche, mais le
bombardement nous arrête et je reviens. Bombardement terrible toute la
journée ; je suis obligé de sortir quand même mais ce n’est pas rigolo.
Je suis un peu déprimé d’avoir appris par le Colonel Cantau qu’il ne
proposera pour la croix que ceux qui ont de nombreuses annuités de service.
Je suis donc rasé de ce fait et j’avoue que cela m’enlève beaucoup de mon
courage. 24 MAI Nous préparons tout pour
une grosse attaque demain ; j’organise les postes de liaison, le matin
visite du secteur avec Olier. Assez calme. Après déjeuner, visite du
secteur S avec Gavini, Dupont et Crouzet. Par trois fois les obus nous
empêchent d’arriver à la fosse aux loups. Gavini est un peu touché à la main.
Nous rebroussons chemin, passons des tranchées, une route à découvert et
arrivons à Noulette. Rue Zéfé ( ?) c’est épouvantable, nous arrivons
quand même au PC et en retour nous organisons notre service. Il est minuit.
L’artillerie va commencer vers 2 heures. Que nous réserve cette attaque.
Attendons et souhaitons nous bonne chance. 25 MAI L’artillerie a été
formidable jusqu’à 11 heures mais de 1 heures à midi c’est effrayant, à devenir
fou à Aix Noulette ; que ce doit être en 1ère ligne. A partir
de 1 heure le défilé des blessés devant chez moi à la brasserie est
épouvantable. Il continue toute la journée et toute la nuit. Ce sont surtout
des zouaves et des tirailleurs algériens. Les résultats qu’ils nous
donnent sont tous contradictoires.
Nous sommes sur place et pour savoir quelque chose de certain il faut
attendre les communiqués. 26 MAI Les attaques et le
bombardement continuent. Ce sont les 24ème et 28ème
qui y prennent part le plus et naturellement c’est le défilé des leurs
à jet continu vers l’ambulance. Pour commencer je vois Miard qui a eu
une blessure heureuse à la main gauche. A Aix
Noulette nous avons eu bombardement. Le Général me fait
dire que mon service a admirablement fonctionné. 27 MAI Journée presque calme.
Les attaques se font sous un « patin » ? infernal comme les
jours précédents. Le Colonel et tout
son entourage ont eu une veine extraordinaire : un obus de 130 mm et de
0,66 mètres de long traverse leur immeuble et n’éclate pas ; c’est
miraculeux. 28 MAI Quelque peu de calme la
matinée mais après midi bombardement terrible sur Aix Noulette ; des obus en
excellent acier nous font des ravages terribles, dans la brasserie où je loge
un obus à traversé trois murs, fait une brèche de 10 mètres à la partie
supérieure de mur et un trou de 2 mètres dans le pavé de la cour au pied de
ce même mur. Des demi-muids qui étaient dans la cour ont été projetés, l’un
par dessus la maison qui a 2 étages et un grenier et est venu tomber dans la
rue en façade avec des poutrelles en fer. Un autre demi-muid est resté sur
une toiture. Au moment du bombardement un médecin à 5 galons
(NDR : un colonel ou Lieutenant-Colonel) et un aumonier vont voir
le Colonel. Ils sortent de chez lui et à quelques pas devant la porte
l’aumonier est tué net, le médecin blessé à la tête et à l’épaule. Le
Colonel Cantau a une égratignure à la joue. Dans la soirée des petits
chasseurs font un vacarme infernal ; je suis obligé d’y mettre bon
ordre. 29 MAI Vers 9 heures je vis
faire une ouverture à la cave, donnant sur la route, afin de pouvoir nous
dégager en cas de nécessité. Je suis devant la porte avec Ribes
lorsqu’un gros obus tombe sur la brasserie ; nous sommes enveloppés dans
la poussière et la fumée ; je n’ai pas de mal mais dans la cour un
malheureux vient d’être coupé en 4 morceaux, et la 5ème qui est
sous mes ordres mais ne veut pas suivre mes instructions en restait dans les
caves à 22 blessés. Je file dans ma cave et décide d’y rester, un moment
après un nouvel obus tombe devant chez nous, défonce complètement la maison
en face, tue encore un homme devant ma porte ; dans la cave je reçois
une pierre dans le dos. Quand je reviens voir mon joli salon tout est sans
dessus dessous. Je cherche un autre local mais ne trouve rien de mieux que la
cave de la brasserie ; nous y vivrons et coucherons. Le soir,
installation. La gardienne
dans un lit, moi dans un autre, son frère
dito et enfin Cazalis et Périé chacun un matelas par terre. 30 MAI Bombardement le matin,
mais surtout pendant notre déjeuner où nous sommes obligés de descendre 2
fois à la cave. On démolit entièrement la ferme à côté de la notre, mur
mitoyen ; 7 vaches y sont tuées. 31 MAI Bombardement un peu
moins violent peut être mais néanmoins quelques maisons éventrées ; les
obus de marine font des cuvettes extraordinaires. Mon Bataillon va être
chargé de faire des abris près de Marqueffles.
Reconnaissance du terrain, etc, corvées. 1er JUIN 1915 Nous vivons à la cave,
on nous bombarde encore violemment mais les Boches ont adopté le système de
tirer très différemment de ce qu’ils faisaient précédemment ; leur tir
est intermittent et à intervalles irréguliers ; on ne peut plus sortir
sans risquer la mort à chaque pas. Encore des animaux tués ; mais des cuisiniers
de la 9ème y passent aussi : un tué et 2 blessés. 2 JUIN Matinée assez calme mais
bombardement effroyable après déjeuner. Un grand bâtiment de la brasserie est
complètement démoli ; fait curieux dans une ferme près de l’église une
charrette est soulevée par l’explosion, passe au dessus un mur de 2 mètres et
retombe sur ses roues de l’autre côté du mur. Le cheval qui est dans l’écurie
à côté n’est pas touché. Je fais visiter les dégâts à Gaillard et Maurel
dans la soirée mais on ne s’attarde guère. 3 JUIN J’ai admirablement dormi
dans ma cave ; il paraît qu’il y a eu une grosse attaque vers Noulette, je n’ai rien entendu. Bombardement dans
la matinée, vers 4 heures un gros obus vient encore dans la brasserie. 4 JUIN Visite aux boyaux et
tranchées de repli que je dois faire nettoyer et approfondir. Le Général me
fait donner l’ordre de faire 2 nouvelles lignes de boyaux pour le 6 au
matin ; travail de nuit. Pendant que je trace la dernière ligne au Lieutenant
Crouzat deux balles passent exactement entre nous. Miracle qu’aucun ne
soit touché. 5 JUIN A 6 heures je vais faire
un tour aux travaux qui marchent bien. Après midi bombardement habituel. J’ai
des hommes blessées et un tué. 6 JUIN Très violente canonnade
et fusillade pendant la nuit. Vers 9 heures je vais avec Bladier au PO
( NDR : Poste d’Observation) du Général de Division en sortant du boyau
des corons, à 100 mètres derrière l’artillerie un 105 nous oblige à nous
coucher sur la route ; les éclats tombent violemment tout autour de
nous. Puis une grosse marmite au sud de la savonnerie nous couvre d’éclats et
de terre ; pas de mal. Je reste 2 heures chez le colon sans pouvoir
repartir à cause du bombardement. Après midi dans la cave. 7 JUIN Violent
bombardement ; je vais voir 4 pièces de 220 dans le bois. Rentrée au pas
gym à cause des obus. Après midi entière à la cave. A 8 h ½ après dîner,
juste comme nous venons de passer sur la route, tombe un obus à la place que
nous occupions cinq minutes plus tôt. Descente rapide à la cave. Nous étions
sur le pas de la porte quand l’obus éclatait à 20 mètres de nous. Vers 9
heures un 105 tombe en plein sur notre maison. Rien à signaler. 8 JUIN Journée calme par
extraordinaire mais on nous amène une artillerie formidable. 9 JUIN Journée calme ; je
vais voir des 270 à côté de nos abris ; on monte des quantités de 120
long à 500 mètres derrière nous. Il paraît que sur un front de 6 à 7
kilomètres il y a 1400 pièces de canon. Quel chambard cela va être quand ils
marcheront tous à la fois. 10 JUIN Quelques marmites. Le
soir pendant le dîner le colon
me fait appeler ; il vient de recevoir les Croix de
Guerre et me remet la mienne sans aucune cérémonie.
Gavini reçoit également la sienne. Celle de mon 3ème
Bataillon va être envoyée à la salle d’honneur du Régiment. Rentrée à la
popote. Félicitations. 11 JUIN Félicitations sur toute la ligne, chacun veut voir la Croix, personne ne l’a encore vue. Critiques pleuvent, personne n’est du même avis. Moi seul suis satisfait de l’avoir et c’est le principal. 12 JUIN A la Division chacun
veut la voir ; je suis appelé par le Général. Après midi bombardement
sérieux. 13 JUIN On prépare une
attaque ; les ordres pleuvent. 14 JUIN Corvées sur corvées pour
approvisionner les 1ères lignes en explosif. Obus
quotidiens ; je passe 2 heures prisonnier chez le colon par les
marmites. 15 JUIN Je suis avisé d’avoir
tout mon service organisé qu’il y aura attaque demain. Réunion des
Commandants de Compagnies. Tout est prêt à 3 heures du matin, chacun sera à
sa place. 16 JUIN A 4 heures je suis à la
Division. Brouillard intense, matinée relativement calme. A midi 15 la
musique commence. Par les blessés nous apprenons qu’on a progressé. Nous
n’aurons des détails que plus tard. Tous les tuyaux qu’on nous donne sont
plus contradictoires les uns que les autres ; attendons. A minuit je
suis réveillé par un marmitage formidable sur Aix Noulette. Les obus tombent
partout mais nous n’attrapons rien ; notre cave est solde heureusement. 17 JUIN La matinée a été calme
mais à partir de midi on recommence les attaques ; c’est un grondement
formidable autour de nous. Le Général Gouget me fait demander de lui
procurer des nouvelles de son neveu qui est au 10ème
Chasseurs à Pied. Il est en toute première ligne au Bois carré. J’en
aurai ce soir. 18 JUIN Je tiens le Général
Gouget au courant des nouvelles de son neveu. A 11 heures nous sommes
bombardés très sérieusement, je descends à la cave. Une marmite nous fait l’impression
d’être tombée sur notre cuisine. C’est exact, quelques minutes après Neumeyer
mon cuisinier nous crie au soupirail qu’Aguerre l’aide-gargouillat
est grièvement blessé. Malgré le bombardement j’y vais ; le pauvre
diable à la jambe gauche coupée en plusieurs endroits ; on devra
l’amputer, bien heureux s’il survit. Nous sommes très péniblement
impressionnés par cet évènement de notre popote. Damestoy et le Docteur
Reboul l’ont échappé belle. Le soir, recrudescence de marmitage. Corvées. 19 JUIN La bataille fait
rage ; on prend le « fond de Buval »
et la tranchée en V ; je vois défiler 277 prisonniers
devant chez moi. Le soir relève par le 119ème.
Je préviens le Colonel de ce Régiment que nous somme très marmité qu’il faut
prendre des précautions. Il a l’air de faire fi de mes remarques. La foule de
ses hommes augmente. Je le préviens à nouveau ; même résultat. Un
Colonel de l’Active peut il croire un Commandant de Territoriale. A 10h1/2,
prévoyant une catastrophe, je vais me coucher. A 10h40 on vient me prévenir
que dans la rue il y a 60 hommes au moins d’amochés. 20 JUIN J’ai le résultat de
cette bêtise : 9 tués 52 blessés plus ou moins grièvement. Le Général
fait appeler, je lui répète ce qui s’est passé après midi dans la cave. Corvées. 21 JUIN Très violente attaque dans la nuit. Nous avons beaucoup progressé. Matinée calme relativement mais à 2 heures bombardement avec obus incendiaires. La brasserie est en flammes ; malgré le bombardement je fait faire la part du feu. Il y a des coïncidences curieuses, le petit ruisseau qui passe devant la maison a coulé abondamment tous les jours depuis 31 jours que je suis ici ; au moment de l’incendie il ne coulait plus ou presque plus ; c’est un peu troublant. J’ai réussi à arrêter le feu mais l’alcool a alimenté sérieusement l’incendie. 22 JUIN Mon ruisseau a repris
son cours normal ; je recommence mes abris de Noulette. Vers 4h30 le
bombardement recommence pour ne s’arrêter qu’à 6h30. 23 JUIN Journée relativement
calme. Vers 7heures du soir un homme de la 11ème
(Compagnie) me porte un bouquet, puis à 8 heures j’apprends que c’est la
Saint Jean. Je suis pris de nostalgie. 24 JUIN Matinée calme, je fais faire des abris pour le colon. A 11 heures les obus pleuvent. A midi ½ je décide de mander à la cave, il suffit que je m’approche de la table pour que cale tombe presque sur nous ; sont atteints le poste de police, le poste de secours, et le poste des brancardiers. Pas de blessés. Vers 7 heures le bombardement recommence avec intensité pendant ½ heure. Visite à la cave. 25 JUIN Visite aux Brebis. Pluie. Vers 3 heures orage de pluie
épouvantable ; tout est presque inondé. Pendant la pluie les Boches nous
bombardent et essaient une attaque qui est repoussée avec perte et fracas. 26 JUIN Matinée relativement
calme mais je suis un peu déprimé par tout un tas de nouvelles plus ou moins
fausses ou vraies mais déprimantes. Les Anglais auraient laissé crever
leur ligne sur Festubert, puis Ypres
serait aux Allemands. Le 159 et 149 (Régiments) partent en auto, enfin
Caillaux et ses amis travaillent à débarquer Millerand et Joffre.
Il n’y a probablement rien dans tout cela mais n’empêche que cela nous
déprime. La chute de Limberg la dessus c’est complet. Mais ce qui nous
achève c’est le bombardement de 1h1/2 à 3 heures ; il nous est envoyé
une cinquantaine de 210 qui ont fait des ravages terribles. J’ai à la 12ème
(Compagnie) 1 mort et 6 blessés dont 4 grièvement. Plusieurs marmites ont
éclaté autour de chez nous ; il y a de quoi beaucoup craindre. Je suis
très déprimé ce soir. 27 JUIN Les journaux ne nous
confirment aucune des nouvelles répandues hier. Journée de bombardement
soigné avec du 210 sérieux. Madame Adeline
se décide à quitter Aix-Noulette. Il y a longtemps que je n’y serais plus à
sa place. 28 JUIN Matinée calme. Départ
d’Adeline à 10 heures. Je vais voir le Général Olleris au PC de la
route d’Arras. Visite à notre ancienne 1ère ligne ; marmitage
sévère, émotion terrible ; je marche sur des cadavres, je vois des mains
crispées, des jambes et des pieds qui ressortent, c’est affreux, odeur
infecte. Je suis bouleversé et en attrape la colique. Le soir à 10 heures,
pendant que je suis au WC un obus siffle juste au dessus de moi et tombe à 20
mètres en avant sans éclater ; c’est de la veine. Mais il me coupe la
colique et je ne suis pas long à plier bagages sans fermer la porte derrière
moi. 29 JUIN Matinée à reconnaître
des abris avec Gavini. Puis chasse aux embusqués. J’ai besoin d’hommes
pour mes travaux. A midi ½ départ pour les tranchées avec mes commandants de
compagnies. Marmitage et repassé sur les mêmes terrains qu’hier. Le soir de 6
à 7 heures bombardement copieux sur Aix Noulette. Beaucoup d’obus n’éclatent
pas. 30 JUIN Visite aux tranchées.
Bombardement violent, cave. A midi ½ les obus éclatent autour de nous ;
un d’entr’eux est entré dans notre ancienne salle à manger ; tout est en
l’air. Veine de ne pas y être resté. 1er JUILLET 1915 Visite aux abris de Noulette. Obligé d’attendre que la grêle d’obus s’arrête pour rentrer. J’a i2 tués et une dizaine de blessés. L’attaque de nuit est extrêmement violente. 2 JUILLET Bombardement quotidien,
quelques blessés. Convocation pour témoigner au Conseil de Guerre contre Labeyrie
qui a abandonné son poste. 3 JUILLET Visite au secteur très
marmités. Après midi on nous annonce que le Colonel reçoit demain l’ordre
de Saint Michel et Saint Georges que les Anglais avaient donné pour
l’officier supérieur qui avait commandé à Givenchy. Il a cru bon de mettre
son nom à la place qui me revenait. J’en suis profondément vexé ;
il n’a jamais approché de Givenchy à moins de 4 kilomètres, n’a rien risqué,
et c’est lui qui est récompensé. C’est la justice ; une crasse de
plus … 4 JUILLET Marmitage sérieux.
Pendant qu’ils sont allés à Saint Pol recevoir leurs décorations anglaises
le colon, Olier (qui n’était pas à Givenchy), Cazalis, qui
avait servi d’agent de liaison entre le colon et le Général, Blavec qui
assurait le ravitaillement depuis Le Préol, enfin Dothard qui était
dans le secteur voisin. En un mot aucun de ceux qui ont fait partie de la
grosse affaire n’est récompensé ; ce sont tous ceux de l’arrière ou
d’à côté qui touchent. 5 JUILLET Départ à 7 heures pour Noeux.
Déposition au Conseil de Guerre pour faire passer Labeyrie comme
simple d’esprit et obtenir un non lieu. A 10 heures départ pour Villers au
Bois voir Rascol ; à 11 heures surprise de Rascol , déjeuner,
grande joie de le revoir. A 2 heures séparation ; 3 heures arrivée à Aix
Noulette. Marmitage immédiat : 13 blessés de mon Bataillon. 6 JUILLET Visite aux tranchées
avec Commandants de Compagnie. Général Olleris. Le soir arrivée de 2
Compagnies du 141ème. Capitaine Aubry et Duchêne. A 10 heures
du soir corvée pour Duchêne qui fait un peu la forte tête mais que j’ai vite
maté. 7 JUILLET Visite du secteur avec
Aubry et Duchêne. Marmitage. Le soir, le 1er Bataillon rentre à
Aix Noulette. 8 JUILLET Visite au Général avec Dulau
qui commande le 1er Bataillon. La 12ème Compagnie
a 2 tués et 2 blessés pendant la corvée. A mon arrivée au PC je croise 2
téléphonistes deux minutes ; un avait la tête enlevée l’autre un bras.
On nous marmite sérieusement. 9 JUILLET Le Général Olleris
quitte le secteur, est remplacé par le Général Guillemot qui va aux
abris du ravin. Cazalis est nommé Sous-Lieutenant.
Je vais voir Lapeyre pour qu’il me cède un de ses Adjudants pour Adjudant de
Bataillon. Vers 5 heures visite au Général Guillemot. A 9 heures du soir chez
le colon j’apprends que nous allons pouvoir bénéficier de permissions. J’en
rêve et j’en suis ravi à cette idée. 10 JUILLET La nouvelle se répand
rapidement tous les hommes sont radieux. Nous établissons les tours de départ
et les durées : 8 jours aux officiers
supérieurs et Commandants de Compagnies, 6 jours aux Lieutenants
et Sous-Lieutenants, 4 Jours aux
Sous-Officiers et hommes. Bombardement dans la
journée. Les premiers permissionnaires partent le soir. Le colon a fait sa
demande ; je partirai dès qu’il sera rentré. 11 JUILLET Visite aux cantonnements
avec le médecin principal de la 43ème (Compagnie Brigade ou
Division ?). Le colon s ‘énerve de ne pas voir arriver sa
permission. Bombardement le soir ; par miracle il ne tue personne. Un
obus éclate dans le local ou couchait
un cuisinier ; heureux pour lui. 12 JUILLET Le Colonel ne reçoit
toujours pas sa permission. Nous subissons un bombardement assez violent. Un
homme est tué presque devant ma porte. Il était debout pendant que deux de
ses camarades qui étaient assis sur une marche à côté de lui ne sont pas
tombés. 13 JUILLET Dès 6 heures du matin le
bombardement commence et ne s’arrête pas. Nous n’avons pas de touchés. Vers
10 heures le Colonel arrive m’avise qu’à partir du
14 nous n’appartenons plus au 21ème Corps d’Armée
et que nous allons être relevés. 14 JUILLET Le matin on nous avise
que le 144 (144ème Régiment) vient à notre place. Visite du
secteur avec les Capitaines Dufourcq et Cantau. Départ du régiment le
soir à 9 heures. Je pars avec le Docteur Reboul vers 11 heures sous
une pluie battante pour Hersin Coupigny ; arrivés vers minuit ; couchés dans un coron. 15 JUILLET A 7 heures on m’informe
que nous partons en auto à11 heures du matin pour Oneux qui est à 10 kilomètres d’Abbeville. C’est
le repos ou …. L’inconnu. En attendant prenons ce qui se présente. 16 JUILLET La ballade en auto,
parfaite. Je suis avec le Capitaine commandant le groupe d’auto dans une
superbe limousine. Arrivée à Oneux à 4 heures du soir. Cantonnement
convenable. On respire à pleins poumons, les hommes ne se lassent pas de se
mettre au milieu de la route. On sent qu’ils revivent. Je vais visiter la cathédrale de Saint Riquiers ; fort
belle pièce du temps de Dagobert. 17 JUILLET Promenade défilé de
troupes du 20ème Corps d’Armée ;
nous partons demain par le train. 18 JUILLET Départ à 11 heures pour Pont Rémy. Embarquement en chemin de fer de 4 à 6
heures. Départ à 6 heures 1/2. 19 JUILLET Arrivée à Noisy le Sec à 1 heure ½ le matin. Je suis commandant
de détachement ; il faut que je fasse viser mes documents la nuit. Reboul
et moi sommes seuls dans notre compartiment de 1ère. Vers 5 heures
halte repas à Nangis.
A midi à Bar sur Aube
puis on roule pour arriver enfin à Charmes. 20 JUILLET Arrivée à 4 heures du
matin. Rencontré à Romilly les chaussettes des R.a.t ( ?) du 142 ;
un adjudant nous souhaite de nous distinguer il en sera très fier. IL est
bien reçu. A Charmes
je retrouve Maurel rentrant de permission ; il vient avec nous jusqu’à Jarville. 20 JUILLET Enfin nous débarquons à
6 heures du matin à la gare de marchandise de Nancy. Puis en route vers Flavigny sur Moselle. Pays merveilleux, pas
de canon ni de marmites, sites superbes. Le colon a redemandé sa permission. 21 JUILLET La permission du colon
est revenue signée. Il partira demain. Nous installons une baignade dans la
Moselle. 22 JUILLET Le colon me fait dire
qu’il ne partira que le soir, le Général Balfourier venant nous voir à
4 heures du soir. La visite se passe bien ; le colon part en voiture à 6
heures pour Nancy ; il arrivera le 24 à Bordeaux. Je prends le commandement du Régiment à 6 heures du soir le 22
juillet. 23 JUILLET Je dépouille le courrier
du Régiment. Nous recevons en même temps nos lettres en panne. J’en ai pour
ma part 26 en une seule distribution. Le pays est idéalement calme ; on
ne pouvait mieux choisir pour nous donner du repos ; nos hommes pèchent
à la ligne dans la Moselle avec un entrain charmant. Je vais faire un
promenade à cheval sur les bords de
la Moselle. A 9 heures du matin la 9ème Compagnie viens
prendre chez le Colonel le drapeau du Régiment et le porte chez moi à la
Presbyterie. Le curé de Flavigny
est ravi. Une sentinelle veille à ma porte. 24 JUILLET Promenade le matin.
Expédition des paperasses ; Dieu sait s’il y en a. Reprise de
permissions aux officiers et aux hommes ; tout marche bien. 25 JUILLET A 11 heures messe
superbe ; l’église contient environ 1000 hommes qui chantent la messe d’une
façon merveilleuse. Le curé prononce une allocution patriotique touchante. Je
préside la cérémonie et avant de sortir devant tous je vais remercier le curé
des bonnes paroles à nos troupes. 26JUILLET Je vais avec Lapeyre à
Ferrières voir le 418ème ; je voulais y voir Cazes
mais n’ai pas la chance de le rencontrer ; d’autant plus il part le soir
en permission. Je suis surpris d’apprendre qu’il est officier
d’approvisionnement au 418 ; pour quelqu’un de si dévoué en temps de
paix il est resté au dépôt jusqu’en février ou mars et quand il faut marcher
il est officier d’approvisionnement ; cela ne fait que confirmer la
règle ; voir les Vallet, Pontien etc… 27 JUILLET Je suis pris depuis hier
soir par un mal aux reins terrible à ne savoir ou me mettre ni comment me
retourner. Je souffre le martyr. Reçu la visite du Sous Intendant à 5
galons (NDR : Colonel ou Lieutenant-Colonel). Tout marche à peu
près. Je suis obligé de faire une enquête pour une bêtise faite par
Damestoy et Etchegaray mon aide cuisinier. Je tache de les blanchir et
j’envoie Damestoy en permission. 28 JUILLET Voici 4 jours que je
n’ai pas de lettres. Je me fait vieux, je souffre de plus en plus. Rigolos,
aspirines, rien n’y fait ; aussi je décide d’aller en voiture à Nancy prendre un bain de vapeur et me faire
masser. Etablissement merveilleux, moderne ; je sors transformé et je
peux marcher presque droit, alors que j’y étais rentré tout crochu. 29 JUILLET Je me sens beaucoup
mieux. Au courrier le C.A. me donne ordre de faire arrêter Damestoy et
Etchegarray. Ce dernier est mis à la boîte illico mais il faudra attendre
Damestoy qui ne rentrera que dans 3 ou 4 jours. Il aura eu quelques jours de
bonheur pour sa famille et pour lui avant d’avoir de gros ennuis pour une
belle bêtise. 30 JUILLET Mon lumbago disparaît.
Expédition des affaires courantes. Promenade le soir avec Gaillard. 31 JUILLET Mme Maurel
arrive à 5 heures. Je pense la voir demain mais à 10 heures du soir le colon
arrive. Il me signe ma permission et le 1er août à 5h30 je pars à
cheval pour Nancy. 1 AOUT 1915 Arrivée à Paris à 3h 30. Visite Gonfreville. Départ à 9h50
de Paris 2 AOUT Arrivée à 7 heures à Bordeaux. Louise m’attend à la gare. ….. 11 AOUT Arrivée à Nancy à 2h35.
Auto, rentrée à Flavigny
à 4 heures. Rien de changé mais mon brave Damestoy a été arrêté dès sa
rentrée. 12 AOUT Rien de nouveau. Je pars
pour Laneuvevillle
tacher de voir Damestoy. 13 au 20 AOUT Rien de particulier.
Promenade à cheval. Le 18 remise solennelle des Crois de Guerre. Le discours
du colon est remarquable et fort remarqué. Promenade à Saint Nicolas du Port. 20 août purgation. 20 22 et 23 AOUT Promenades, rien de
particulier. Calme plat. 24 AOUT A 6h30 départ pour
assister à la grande revue du XX ème Corps d’Armée
par le Président de la République, le Roi des Belges, le Ministre de la
Guerre et le Général Joffre. Spectacle merveilleux : a azelat ( ?) 2 Divisions d’infanterie
1 Brigade mixte zouaves
et marocains 4 Régiments d’Artillerie 4 Régiments de Cavalerie Remise de drapeaux aux
zouaves et marocains. Spectacle inoubliable à 15 kilomètres des Boches. En rentrant j’apprends
que nous partons demain faire des travaux dans la forêt de Mondon près Luneville 25 AOUT Départ des officiers du
Bataillon avec un camion automobile à 5 heures du matin. Le Bataillon
s ‘embarque à 8 heures dans un convoi automobile. A 7 h1/2 arrivée à Saint Clément après avoir passé par Luneville. Visite aux travaux avec Lapeyre puis
déjeuner ; départ du Bataillon Lapeyre à 13h30. Vers 15 le Général commandant la 39ème Division
me fait appeler pour savoir dans combien de temps nous aurons achevé nos
travaux, etc. 26 AOUT A 6 heures je pars
visiter en détail toute la ligne des travaux ; passe devant Manonvilliers qui s’est rendu sans combat après
seulement 52 heures de siège avec 6 mois de vivres et munitions, 800 hommes
valides et 4 tués. Je fais environ 20 kilomètres puis à 11 heures en rentrant
un pli secret m’informe que nous partons demain en chemin de fer. Secret
absolu sur la destination. 27 AOUT Départ de Saint Clément
à 6h30 pour Luneville. Grand halte dans les bosquets face au champs de
manœuvre. Visite au Corps d’Armée à 11 heures. Nous embarquons à 14 heures.
Départ à 17 heures, ordre de transport pour Neufchateau ;
puis jusqu’à Revigny ;
enfin pour Blesme avec ordre de
rester cacher dans les bois et de nous rendre au cantonnement de Changy après
la nuit venue. Départ du bois à 8h1/2 après un orage effrayant ; arrivée
à Changy à minuit ½ .
Coucher à la boulangerie. 28 AOUT Dimanche visite au
Colonel ; correspondance ; messe à 11 heures puis déjeuner et
sieste. A 3 heures le Colonel fait appeler ses chefs de Bataillons et en
grand secret nous informe qu’à la nuit nous partons pour Le Fresne. Personne ne doit le savoir avant d’être
en route. J’accompagne le campement jusqu’à 2 kilomètres et leur donne la
destination ; à ma rentrée au village tout le monde sait que nous allons
à Le Fresne. Voyage très pénible sous pluie battante ; arrivée à 2
heures le matin. Très très mal logé. 29 AOUT Nous sommes avisés qu’on
part en auto le soir pour bivouaquer aux environs de Somme-Bionne. Voyage superbe comme coup d’œil
d’illuminations par les phares de 300 camions. Arrivée au bivouac, je déniche
une cagna ; mauvaise nuit relativement. 30 AOUT Installations. Je choisis une nouvelle cagna meilleure que la première ; mon Etat Major autour de moi. Reconnaissance en auto des travaux à faire ; je vais avec un Commandant du génie de l’Etat Major du XX ème Corps d’Armée. 31 AOUT Matin, visite aux
travaux avec tous mes officiers ; comme la veille les marmites nous
saluent face à Beauséjour.
Il y a longtemps que cela ne nous était arrivé. Après midi 2 compagnies vont
aux travaux puis rentrent la nuit. 1er SEPTEMBRE 1915 Je vais visiter les
travaux et on continue dans les mêmes conditions. Le soir je vais à Somme-Tourbe à l’Etat Major
du XI ème Corps d’Armée voir Lombard ;
épaté de ma visite, il me raccompagne. Je suis ravi de l’avoir retrouvé. 2 SEPTEMBRE Visite aux travaux,
service continue ; rien de sensationnel, quelques obus sur mon passage. 3 SEPTEMBRE Visite aux travaux. Le
soir dîner avec Lombard de l’Etat Major du XI ème Corps d’Armée. Le soir
rentrée mouvementée en auto ; on se perd 3 fois pour n’aboutir à
rien ; je reviens à pied. 4 SEPTEMBRE Mes 4 compagnies
travaillent de nuit. 9ème et 10ème (Compagnies)
ont marché 24 heures d’affilé ; ces hommes sont merveilleux. 5 SEPTEMBRE Dimanche, visite aux
travaux avec Reboul. En rentrant messe très émouvante en plein air. A 1h1/2
le colon m’avise qu’on change de bivouac. A 6 heures le mouvement s’effectue. 6 SEPTEMBRE Installation dans ma
nouvelle cagna. Doyhamboure m’offre de superbes broderies chinoises
qui ornent ma chambre. Reconnaissance des travaux. 7 SEPTEMBRE Toujours travaux de
nuit ; quelques blessés ; on installe activement des voies ferrées
pour ravitailler les pièces d’artillerie. La ligne est formidable. 8 SEPTEMBRE Visite au bivouac de Ribes
qui est très mal installé. Les obus tombent tout près. Il me raconte la chute
d’un avion français, la veille, après un combat avec un
« Aviatick »(NDR : cf photos). 9 SEPTEMBRE On déménage. Le matin
grande randonnée au ravin de Marsan
et la ferme Beauséjour.
Après déjeuner visite à Damestoy. Le soir travaux de nuit ; je
rentre au nouveau bivouac à minuit éreinté. J’ai dû faire à pied plus de 30
kilomètres dans ma journée. 10 SEPTEMBRE Travaux presque
terminés ; je passe une compagnie à Ribes.
Les avions volent en foule. On installe de gros canons de marine près de
notre bivouac. Nouvelle installation. 11 SEPTEMBRE Mes 4 compagnies passent
aux 2 autres Bataillons. J’ai fini bon premier mes travaux. Témoignage du
Conseil de Guerre, Damestoy et Etchegaray ont un jour de prison, Doyarcabal
acquitté. 12 SEPTEMBRE Visite aux travaux. Tout
est à peu près fini ; on m’augmente le secteur : 2 compagnies
travaillent après midi mais personne la nuit. C’est la première nuit de repos
pour ces braves gens. 13 SEPTEMBRE Grand meeting d’aviation
ce matin. J’attends des ordres pour les travaux. 14 au 17 SEPTEMBRE Travaux divers dans les
boyaux. Visite au Balcon, PC du Général
Balfourrier. On active tout en vue de la grande offensive. Le 17 nous
revenons au bivouac de la cote 192. Lapeyre a cherché à plusieurs reprises à
ne pas changer mais inutile ; je ne veux pas qu’il soit le dit que j’ai
modifié un tour de service. Nous devons suivre notre chance. 18 SEPTEMBRE Vers 15 heures, je vais
voir Lombard ; j’y passe un moment bien agréable. A 17h30 le
colon nous indique approximativement les places que nous aurons pour
l’attaque. 1er et 2ème
Bataillon qui sont en bivouac avancé auront chacun une compagnie en 1ère
ligne pour relier la ligne française avec la ligne allemande dès le mouvement
en avant de nos troupes que vont prendre ces compagnies ; 2 autres
occuperont notre 1ère ligne et enfin la 4ème compagnie
fera des corvées de morts, blessés, en un mot nettoyage des boyaux d’accès.
Le 3ème Bataillon (NDR : celui que commande Jean Maurice)
sera mis à la disposition du Corps d’Armée. Si j’avais accédé au
désir de Lapeyre c’eut été notre tour d’aller de l’avant. Peur être
notre sort sera t il pire que le leur, quand même je préfère avoir mon tour
normal. Le soir dîner avec Lombard à l’Etat Major du XI ème Corps d’Armée ;
bonne soirée qui me remonte encore. 19 SEPTEMBRE Ordre de faire des
travaux pour l’artillerie ; 2 compagnies partent à 2 heures du matin, 1
peloton à 3 heures. Ils rentrent à 6 heures du soir, les hommes restant vont
travailler toute la nuit. Nous venons bivouaquer à flan de coteau dans la
craie à l’Ouest de Wargemoulin. 20 SEPTEMBRE Notre cagna n’est pas
extra ; sommes 5 à coucher. Visite au colon qui est dans des trous
creusés dans la craie sur un autre ravin face à l’ennemi. A 8 heures une
marmite tombe près du PC du colon pendant que je courais avec lui. J’aime
mieux mon coin. Je lis la proclamation de Joffre ; ayons
confiance en lui, si le mouvement réussit comme il le prévoit ce sera merveilleux. 21 SEPTEMBRE Visite au ravin de Marson. C’est colossal me
travail qui a été fait dans cet endroit là. Les pièces de tous calibres sont
les unes par dessus les autres et sur
des kilomètres. Je reviens très rapidement à cause de le grêle qui commence à
tomber dans le voisinage ; quelques marmites près de notre voisinage. 22 SEPTEMBRE Visite au colon ; j’apprends que mon Bataillon va être chargé du service des
prisonniers. Les 2 autres Bataillons seront vers l’avant. Le
bombardement commence ce matin à 6h45 et va crescendo. 23 SEPTEMBRE Le canon n’a pas arrêté
depuis hier matin. Je vais au Corps d’Armée prendre
les ordres de détail pour la question des prisonniers.
Après déjeuner je vais voir tirer la pièce de 164.7 de marine et je vois les
obus du 370. C’est monstrueux ; pénètre à 8 mètres dans le sol et éclate
ensuite. A les voir cela ne m’étonne pas, c’est effrayant. 24 SEPTEMBRE Je viens m’installer à Laval sur Tourbe. Organisation du camp
de concentration des prisonniers. Monté au calvaire voir le panorama et le
bombardement. A 4 heures Maurel vient
m’annoncer ma nomination à titre définitif. Visite au colon qui
est cité à l’Ordre de l’Armée pour Givenchy !!! 25 SEPTEMBRE Jour de grosse attaque.
Vers 10 heures je monte au calvaire d’où je vois l’assaut de la croupe de
Massèges. Puis à midi commence à arrivée les prisonniers. A 7 heures du soir
j’en ai déjà envoyé 2102 pour notre Corps d’Armée. Je suis éreinté le soir.
Il pleut depuis ce matin ; terrain glissant au possible. 26 SEPTEMBRE Dans la nuit encore 616
sont arrivés, expédition après interrogatoires. J’ai un casque de Commandant
en échange de nourriture. Il sont en piètre état et habits très usés. Nos
succès ont continué. 27 SEPTEMBRE Quelques prisonniers
seulement. Des Divisions avancent et viennent à Laval : la 53ème
et la 22ème. 28 SEPTEMBRE J’ai expédié
actuellement 52 officiers et 2994 sous officiers et hommes. Mais ma clientèle
ayant considérablement diminué on m’expédie au ravin de Marson ; je m’installe à
la ferme Beauséjour
qui est désormais historique par tous les combats qui s ‘y sont livrés.
Ma cagna est à flanc de coteau le long de la route mais les obus qui ratent
la crête éclatent sur la route devant chez moi ; c’est charmant. J’au eu
2 tués ce matin ; un à la 9ème et un à la 11ème
(compagnies). 29 SEPTEMBRE Visite au colon ;
puis au Général commandant la 39ème
Division me fait appeler ; pluie battante, boue terrible, on
passe entre les obus. Ils n’ont pas pitié pour la vie des gens. Après midi
dans mon trou. Les journaux nous donnent de bonnes nouvelles. 30 SEPTEMBRE L’artillerie fait rage
sur la butte du Mesnil qui est le seul point qui nous accroche au 20ème
Corps d’Armée. Les autres à droite et à gauche ont pu aller de l’avant ;
nous aurons encore une attaque demain paraît-il. 1er OCTOBRE 1915 L’attaque annoncée hier
n’a pas eu lieu par contre nous sommes arrosés dans le ravin de Marson. Vers 4 heures 2
batteries de 75 font un feu roulant terrible et vers 9 heures du soir ce sont
les batteries lourdes qui crachent de la mitraille. Il paraît que c’est pour
expérimenter des obus spéciaux. 2 OCTOBRE Matinée relativement
calme ; nous avons l’impression que notre offensive est arrêtée. Vers 4
heures nous avons un arrosage terrible de gaz lacrymogènes qui nous fait
horriblement souffrir. 3 OCTOBRE Duel d’artillerie. Le grand sujet de conversation est la question des gaz d’hier que nous redoutons pour aujourd’hui. 4 OCTOBRE Notre artillerie semble
avoir plus d’activité ; l’après midi on dirait une véritable préparation
d’attaque. 5 OCTOBRE L’artillerie a continué
toute la nuit et aujourd’hui elle redouble d’intensité. Le soir j’apprends
qu’il doit y avoir attaque demain matin. 6 OCTOBRE A 5 heures du matin feu d’artillerie
terrible ; il faut que les Boches aient la tête bien dure pour ne pas
être tous fous après un bombardement pareil. L’attaque a lieu le matin à
5h20, elle est repoussée par les Boches sur la
Butte du Mesnil mais à l’ouvrage de la défaite les Bicots
l’ont pris ; ils l’ont reperdu, repris et enfin le soir grâce aux gaz
asphyxiants les Boches le reprennent. 7 OCTOBRE Matinée calme mais vers
1 heure de l’après midi nous sommes
bombardés par des 210 sur notre petit coin. C’est à jurer que le PC du
Général est repéré. La 3ème marmite qui éclate tombe devant chez
nous sur le bord de la route ;
j’au juste eu e temps de rentré : 2 hommes sont tués devant mon abri à 3
mètres de moi. Je n’ai rien eu mais c’est miracle ; si j’avais suivi ma
1ère inspiration qui était de partir chez le colon pour sortir de
la zone de tir je devais être infailliblement écrasé. 8 OCTOBRE La Division à côté de
moi se fait faire une véritable forteresse ; moi même sur l’insistance
de tous je fais consolider ma cagna mais je sais fort bien que ce ne sera
qu’un abri illusoire contre les grosses marmites de 210. La nuit nous
recevons une dégelée formidable de 77 et de 105 qui ne nous font aucun mal. 9 OCTOBRE Journée calme, je
retrouve Faure, Chef de Bataillon au 79 (NDR : 79ème
Régiment) ; il a la Croix de Guerre avec 3 palmes et attend la 4ème
palme à la suite des attaques du 25. C’est un vrai poilu mais il faut
qu’il ait eu une rude veine pour ne pas y rester. 10 OCTOBRE Il est question de
changement dans le service que nous faisons. Nous avons notre marmitage
quotidien. 11 OCTOBRE Je suis avisé que demain ma 11ème Compagnie va relever la 3ème
en 1ère ligne qui a eu 52 tués ou blessés depuis une
quinzaine et que je vais rester à la disposition de la Division tandis que le
colon va à Wargemoulin. Je ne suis pas fâché de quitter ce coin sans savoir
ce que va me réserver mon prochain bivouac. Le soir gros marmitage vers les cuisines
marocaines. 12 OCTOBRE Je viens visiter mon
nouveau secteur d’une saleté repoussante ; j’y choisis une cagna que je
fais nettoyer. A peine installé le marmitage commence à notre droite mais du
gros et nous sommes complètement entourés de batteries. Vers 6 heures à peine
la 11ème (Compagnie) est elle en place qu’un malheureux en
montrant un détonateur d’obus à ses camarades le fait éclater, se tue ainsi
que son voisin et en blesse 3 autres. Le détonateur me frôle la figure
il était à 5 mètres de moi c’est de la veine de ne pas avoir été atteint. 13 OCTOBRE Les grosses marmites
pleuvent dru, le matin à 9 heures notamment, à 50 mètres derrière notre cagna
et dans la journée surtout à notre droite. 14 OCTOBRE Marmitage sérieux sur les batteries en avant et en arrière de nous. Il finit par s ‘en arrêter quelqu’unes sur nous. Mais par contre si les Boches nous en envoie qu’est ce qu’on leur passe ; on leur remet leurs cadeaux avec large usure. 15 OCTOBRE Aujourd’hui grande joie : je vois descendre un avion Boche par un français ; depuis 25 mois j’ai bien vu plus de 100 combats d’avions sans résultats et tirer contre eux plus de 50.000 obus ; enfin on en a descendu un , c’est une vraie joie pour tous. Par exemple quelles marmites on nous envoie ce soir en représailles je suppose. 16 au 24 OCTOBRE Séjour plus ou moins mouvementé
dans le ravin de Marson.
Chaque jour bombardement à droite et à gauche. Je me fais construire un
nouvel abri dans le secteur de la 11ème Division. La 12ème
construit de grands abris pour hiverner au moins un Bataillon. 23 OCTOBRE Je reçois les notes
avisant que le XI ème Corps d’Armée va faire une
attaque à notre gauche après déjeuner. Je vais avec Reboul
sur la crête en arrière du ravin voir le bombardement. Chaque jour nous
faisons une ballade de ce genre, mais ce n’est pas sans danger. D’ailleurs
les PO d’art (NDR : Les Postes d’Observation de l’Artillerie) sont par
là et les officiers d’artillerie ne se soucient guère de voir des gens
promener dans leurs parages ; si nous devions être aussi froussards
qu’eux, il y a longtemps que nous serions battus. 24 à midi Doy est avec nous, nous
recevons sur le ravin un marmitage colossal, très près de notre cagna, c’est
à en frémir. A 2h1/2 nous montons sur notre crête voir le bombardement et
l’attaque du XI ème CA. A 3h30 notre artillerie envoie les 6.000 obus
asphyxiants qui étaient prévus. Nous apercevons très nettement à l’horizon
des hommes courir au milieu des éclatement, c’est horrible à voir. Nous
rentrons après avoir passé près d’une heure dans un abri. Les Boches ayant
jugé bon de nous arroser copieusement en signe de représailles. Personne n’a
été touché au Bataillon mais au 2ème (Bataillon) il y a eu
3 morts et 2 blessés. 25 OCTOBRE Nuit assez calme mais ce
matin on recommence à nous bombarder. Vers 11 heures les Boches nous envoient
juste sur le petit carré où je perche une centaine d’obus de 105 asphyxiants.
Le vent est très violent heureusement pour nous. Nous ne souffrons pas du gaz
mais pendant une heure nous sommes plutôt anxieux sur notre sort. Après
l’averse on constate les dégâts. Plusieurs abris autour de nous ont été
crevés, un seul a eu des accidents, deux hommes du génie sont tués, ils sont
en bouillie. Après midi je fais hâter la construction de mon nouvel abri. 26 OCTOBRE Comme chaque matin à 6
heures 4 obus tombent autour de nous ; c’est le réveil après
déjeuner ; encore bombardement sur nous sans mal. Mon abri continue à se
couvrir ; il sera solide je crois. 27 OCTOBRE Gros bombardement dans
notre quartier, il me tarde d’en sortir pour avoir un abri plus solide.
J’apprends que la batterie de 120 long qui est au sud de la ferme de
Beauséjour veut se placer sur le coteau occupé par la 9ème et 12ème (Compagnies). Elle
va être cause que tout ce quartier deviendra inhabitable. Puis elle obligera de
déménager le parc de la Division, les PS (NDR : Postes de
Secours ?) et enfin c’est la perte de tous nos grands travaux depuis un
mois. Je le signale à la Division ; on réclame au Corps d’Armée. 28 OCTOBRE La décision est
maintenue, l’artillerie vient sur lez coteau. Mon nouvel abri se trouve dans
son prolongement ; c’est la mort certaine si j’y reste. Vers 4 heures un
imbécile en dévissant un obus fait sauter un dépôt de munitions ; j’en
étais à 10 mètres à la 1ère explosion ; j’ai pu me sauver à
temps ; quelques blessés ; l’auteur de l’accident est sous les
décombres. Dupart légèrement touché à la tempe. J’emménage dans mon
nouvel abri. 29 OCTOBRE Les obus continuent à
tomber autour du 120 ; c’est toujours du gros calibre. A partir de 8h1/2
les Boches nous bombardent terriblement ; je vais à la Division pour
étudier des dates de relève pour les compagnies. Je mets 1 heure pour y aller
(700 mètres)et autant pour revenir. J’arrive vers midi à ma cagna. Les obus
asphyxiants et lacrymogènes pleuvent autour de nous ; c’est horrible
jusqu’à 6 heures du soir. Les attaques Boches ont été repoussées et on leur a
fait des prisonniers. La nuit a été mauvaise à cause du gaz emmagasiné dans
notre abri. 30 OCTOBRE Le bombardement
recommence vers 9h1/2 et continue tout le jour ; c’est à se demander si
nous en sortirons vivants. Nous souffrons horriblement des yeux et la nuit
est bonne. Je vis avec l’espoir de partir le 2 au repos à Valmy pour 6
jours ; après 33 ou 34 jours du ravin de
Beauséjour on peut bien se reposer quelques journées. 1er NOVEMBRE 1915 Le ravin est encore très
bombardé, n’arrose carrément le tour de ma cagna. Je suis très fatigué
moralement par cette anxiété d’être entre la vie et la mort. Enfin vers 9
heures ils se calment. Je pars demain pour Valmy. 2 NOVEMBRE Départ à 8 heures avec Banlier
à pied jusqu’à Wargemoulin où je vais voir le colo. Déjeuner à la cuisine.
Départ à 1 heure en voiture pour Valmy ; que c’est bon de voir un autre
pays que le ravin. Arrivée à Valmy
vers 3 heures. Un lit, des draps, il me tarde de me coucher. A 7h1/2 je viens
me déshabiller ; rien que de me voir en chemise de nuit et jambes nues
j’ai l’impression que c’est presque un attentat à la pudeur. 3 NOVEMBRE J’ai dormi 11 heures.
Visite au monument de Kellerman et au ravitaillement. Vu les trous des
marmites du zeppelin. Je décide d’aller le lendemain à Chalons. 4 NOVEMBRE Je remets à 9 heures du
matin une Croix de Guerre à Soccaroz, discours, à ce brave qui a été
chercher un camarade blessé et abandonné depuis 3 jours en terrain découvert.
A 10 heures départ en voiture pour Châlons.
Ballade toute l’après midi, voir du monde, des pekins, des femmes en jupe
courte ; je regarde tout cela ébahi. Il y a 3 mois que je n’en ai vu
autant. Rentré à Valmy
à 8 heures. Très froid après 35 kilomètres en voiture découverte. 5 NOVEMBRE Nuit délicieuse. Lever à
10 heures. Depuis 8 heures ce ne sont qu’allées et venues pour me dire que
les permissions recommencent. A 10 heures Maurel m’annonce le départ
du colo et qu’il me faut prendre le commandement du
Régiment ; zut pour mon repos perdu mais veine pour
la permission en perspective. Déjeuner et à 1 heure en route pour Wargemoulin. Arrivée à 3 heures. A
partir de ce moment là je deviens la machine à donner les signatures. Coucher
dans la cagna du colo à 4 mètres sous terre, c’est curieux que plus on
s’éloigne de la ligne de feu, plus les abris sont solides. Mauvaise nuit, il
me semble que j’étouffe dans ce trou. 6 NOVEMBRE Visite au bivouac que je
commande. Rencontré Blanchard. 7 NOVEMBRE Promenade à cheval à Hans et Somme-Bionne. Rencontré le neveu
de Cazes. 8 NOVEMBRE Marc Mortagne
vient me voir. 9 au 12 NOVEMBRE Rien de sensationnel. J’attends
avec impatience la rentrée du colo pour filer moi même. C’est tout. 13 au 21 NOVEMBRE Permission. Bonheur. 22 NOVEMBRE Rentrée à Valmy à 7 heures du soir. 23 NOVEMBRE Départ pour le
ravin ; en route j’apprends que je dois loger à Wargemoulin.
Ravissement. Visite au ravin. Marmites. Je vois qu’en mon absence les Boches
n’ont pas perdu leurs bonnes habitudes. Retour à Valmy à 8 heures du soir.
Rencontre sur la route Lombard qui est dans une section automobile ; il
a enfin pu s’embusquer. 24 au 30 NOVEMBRE Vie calme et paisible à
Valmy. Visites intermittentes au colo. Ma cagna ne se construit pas vite et
je ne presse pas les mouvements. Je suis allé une fois au ravin mais j’y ai
reçu des marmites ; cela m’a dégoûté, je suis parti. Vraiment il suffit
que j’arrive pour qu’on recommence. Nous avons eu très froid pendant cette
période : -5° pendant plusieurs journées. Charmant. 1er au 4 DECEMBRE 1915 Je suis indisposé.
Tournements de tête, malaises ; je me purge le 4. Espérons que cela me
retapera. 4 au 19 DECEMBRE Je continue à séjourner à Valmy ; mon
Bataillon effectuant son service dans le ravin, la Compagnie de repos restant
à Wargemoulin. Fréquentes visites au ravin, quelques marmites chaque fois. Je
suis assez sérieusement indisposé pendant les derniers jours. Je garde le
lit. 20 DECEMBRE On commence à nous
relever, nous partirons le 23. Rassemblement
du Bataillon à Hans
les 20, 21 et 22. 21 DECEMBRE Je reste encore dans ma
chambre. 12 officiers du Régiment sont désignés pour partir dans
l’Active ; 4 sont de mon Bataillon (NDR : le 3ème) :
Oyhamboure, Darrabehèrie, de Lambray et Fourment. Aucun des anciens
militaires n’est désigné. Critiques au Cercle. 22 DECEMBRE Je vais à Hans et fais
remise du fournier ( ?) du Bataillon à l’occasion de l’anniversaire de
Givenchy. 23 DECEMBRE Pluie battante. Départ
de Hans à 8 heures pour Dommartin sur Yèvre.
Etape éreintante à cause du mauvais temps et surtout des convois et troupes
que nous rencontrons sur la route 24 DECEMBRE Bien reçu à Dommartin par un ancien combattant de 70 (NDR :
conflit franco-germanique de 1870-71. Il devait au moins avoir 65-70 ans en
1915) qui nous a raconté pas mal d’anecdotes sur le passage des Boches en
allant sur Paris et leur retour après la Marne. Départ en autobus de Epense, temps affreux ; arrivé à Ponthion
vers 4 heures du soir. 25 DECEMBRE Messe. Je trouve Gourgues,
ami de René qui est au 138ème Territorial et qui n’a
pas vu le feu (NDR : 138ème Régiment Territorial d’Infanterie
ou RTI. René est René Lebègue beau frère de Jean Maurice et Médocain comme
lui). 26 DECEMBRE Messe pour les morts du
Bataillon à Beauséjour. Visite au colo à Bignicourt.
Il nous annonce le départ pour le 30. 27 DECEMBRE Promenade à Blesmes pour reconnaître les chemins allant à la
gare ; retour par Bignicourt. 28 DECEMBRE Promenade à Vitry le François avec Docteur Reboul
et Périé. 29 DECEMBRE Dispositions pour le
départ en chemin de fer. 30 DECEMBRE Réveil à 1heure ½ du matin. Départ à 3 heures pour la gare de Blesmes. Le train nous emporte à 9 heures. De gare régulatrice à gare régulatrice nous finissons par arriver à 23 heures à Diarville. Logement chez Madame Trévillot. 31 DECEMBRE Visite du pays.
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