Collège Paul-Emile Victor

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Le Travail des enfants autrefois

 

Les enfants et les machines

"Les industries n'exigent guère, il est vrai, de la part des enfants, qu' une simple surveillance. Mais ils restent seize à dix-sept heures debout, chaque jours, dont treize au moins dans une pièce fermée, sans presque changer de place. Ce n'est plus là un travail , c'est une torture ; et on l'inflige à des enfants de six à huit ans, mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir, dès cinq heures du matin, la longue distance qui les sépare de leurs ateliers, et qu'achève d'épuiser, le soir, leur retour de ces mêmes ateliers. C'est ce long supplice de tous les jours qui ruine principalement leur santé."

Dr. L.-R. Villermé, Discours sur la durée trop longue du travail des enfants, 2 mai 1837.


La situation des enfants en Alsace

"Quelque triste que soit la condition de ceux-ci, celle des enfants employés dans un très grand nombre de nos manufactures doit surtout nous émouvoir ; car, trop souvent victimes des débauches et de l'imprévoyance des parens, ils ne méritent jamais leur malheur.

En Alsace, beaucoup de ces jeunes infortunés appartiennent à des familles suisses ou allemandes entièrement ruinées, que l'espoir d'un sort meilleur y attire, et qui viennent faire concurrence aux habitans du pays. Leur premier soin, après s'être procuré du travail, est de chercher un logement ; mais on a vue que le taux élevé des loyers, dans les villes où sont les manufactures et dans les villages les plus voisins, les force souvent d'aller s'établir à une lieue de distance, et même jusqu'à une lieue et demie.

Il faut donc que les enfants, dont beaucoup ont à peine sept ans, quelques-uns moins encore, abrègent leur sommeil et leur repos, de tout le temps qu'ils doivent employer à parcourir deux fois par jour cette longue et fatigante route, le matin pour gagner l'atelier, le soir pour retourner chez leurs parens.

Plus que partout ailleurs cette dernière cause de souffrance s'observe à Mulhouse, ville qui, malgré son rapide accroissement, ne peut loger tous ceux qu'appellent sans cesse ses manufactures. Aussi, est-ce un spectacle bien affligeant que celui des ouvriers qui, chaque matin, y arrivent de tous côtés. Il faut voir cette multitude d'enfants maigres, hâves, couverts de haillons, qui s'y rendent pieds nus par la pluie et la boue, portant à la main, et quand il pleut, sous leur vêtement devenu imperméable par l'huile des métiers tombés sur eux, le morceau de pain qui doit les nourrir jusqu'à leur retour.

Les enfants employés dans les autres filatures et tissages de coton du Haut-Rhin et dans les établissements de même nature du reste de la France, ne sont pas, en général, il est vrai, aussi malheureux ; mais partout pâles, énervés, lents dans leurs mouvemens, tranquilles dans leurs jeux, ils offrent un extérieur de misère, de souffrance, d'abattement, qui contraste avec le teint fleuri, l'embonpoint, la pétulance et tous les signes d'une brillante santé, qu'on remarque chez les enfants du même âge, chaque fois que l'on quitte un lieu de manufactures pour entrer dans un canton agricole.

Ces maux sont d'autant plus à déplorer, que les machines si admirables des manufactures actuelles, en permettant de remplacer avec avantage une grande partie des adultes par les enfants, augmentent nécessairement le nombre de ceux-ci dans les ateliers en même temps qu'elles retirent de plus en plus la fabrication des mains des agriculteurs. Mais, on l'a déjà dit, l'industrie, ainsi concentrée dans les villes, y crée une nouvelle classe dont le sort, plus instable que celui des ouvriers de l'agriculture, parce qu'il est soumis à toutes les vicissitudes, à toutes les crises du commerce, serait cependant plus heureux, dans les temps ordinaires que le sort des ces derniers, s'ils en avaient toujours les moyens, l'ordre et l'esprit de prévoyance.

Afin de mieux faire sentir combien est trop long la journée des enfants dans les ateliers, rappellerai-je ici que l'usage et les réglemens fixent pour tous les travaux, même pour ceux des forçats, la journée de présence à douze heures, réduite à dix par le temps des repas ; tandis que pour les ouvriers qui nous occupent, sa durée est de quinze à quinze heures et demie, sur lesquelles il y en a treize à treize et demie de travail effectif. Quelle différence !".

Dr. L.-R. Villermé "Le travail des enfants" (Tome II, pp.86-89) tiré du livre Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, 1840, 2Vol. Enquêtes de juin-juillet 1835 et septembre 1836.


Descente des enfants au fond de la mine (gravure anglaise, 1842.)

Honoré Daumier (1808-1879), La Soupe. (Gravure, musée du Louvre.)


FRISE CHRONOLOGIQUE

 

1841: loi interdisant le travail des enfants de moins de 8 ans.

1848: loi proclamant le droit au travail, donc le droit d'être secouru en cas de chômage.

1852: loi autorisant la création d'association de secours mutuel.

1864: loi supprimant le livret ouvrier. Loi supprimant le caractère illégal de la grève; la loi ne punit plus que la violence.

1874: loi interdisant le travail des enfants de moins de 13 ans. Loi créant l'inspection du travail.

1881: loi instaurant la liberté de la presse.

1884: loi accordant la liberté syndicale sauf au fonctionnaires.

1892: loi limitant le travail des adolescents (13-18 ans) à 10 heures par jours, le travail des femmes à 11 heures.

1898: loi établissant le principe de la responsabilité du patron en cas d'accident du travail.

1900: loi limitant à 10 heures la journée de travail dans les ateliers mixtes.

1905: loi limitant le travail dans les mines à 8 heures par jours.

1907: loi imposant les repos hebdomadaire.

1910: loi sur les retraites ouvrières financées par le patronat, l'État et les cotisations ouvrières.

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