Collège Paul-Emile Victor

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Le courage des Iraniennes

 

En Iran, chaque jour, des femmes subissent la violence et la haine. Certaines pourtant trouvent encore la force de lutter. Akram MIRHOSSEINI, en exil a Paris , accepte de témoigner .

Marie Claire : depuis l'été 1992, les pressions sur les femmes se sont aggravées...

Akram MIRHOSSEINI : depuis le 13 juillet 1992, très exactement. C'est alors qu'Ali KHAMENEI, nouveau guide de la Révolution islamique, a prononcé un discours dans lequel il demandait que l'on veille au strict respect du Code islamique par la population féminine. Cela a donné lieu à une vague de brimade sans précédent. Des centaines de femmes ont été arrêtées, brutalisées, humiliées par les Bassiji, qui sont une force paramilitaire aux mains des durs du régime. Les Bassiji, sont de très jeunes gens, des garçons bien lavés...

M.C. : Que voulez-vous dire ?

A.M. : Ce sont des garçons de familles pauvres, facilement manipulables, et auxquels on fait subir de véritable lavage de cerveau. Puis, on leur met un fusil entre les mains pour qu'ils luttent contre " l'implantation de la culture occidentale ". Et ce sont les femmes qu'ils persécutent le plus . Pourquoi ? Parce que pour attaquer d'autres catégories de la population, il faudrait qu'ils puissent entrer dans les maisons, qu'ils voient ce qui s'y passe, et c'est évidemment très difficile. Alors que, dans la rue, ils peuvent s'attaquer à l'apparence, et se livrer à n'importe quelle sauvagerie contre les femmes. Ils les insultent, ils utilisent des mots très effrayants que je ne peux même pas répéter. Et puis, ils commettent des meurtres. Pendant l'été, 1992, à Téhéran, une fille de treize ans s'est enfuie lorsqu'elle a vu les Bassiji qui se préparaient à l'attaquer. Elle s'est réfugiée dans un immeuble de cinq étages, elle a grimpé jusqu'à la terrasse, au dernier étage. Quand elle a vu qu'ils la rattrapaient, elle a eu tellement peur qu'elle s'est jetée dans le vide, et elle est morte sur le coup. Un autre cas encore : celui de deux étudiantes de Téhéran. Elles sortaient de l'école, quand les Bassiji les ont attaquées, car elles étaient mal voilées.

M.C. : Ils sont nombreux lorsqu'ils attaquent ?

A.M. : Oui, deux ou trois grosses voitures pleines d'hommes. Dans ce cas-là, ils étaient à moto. Ils ont frappé les jeunes filles avec des câbles métalliques. Des passants qui regardaient se sont interposés, mais c'était trop tard plusieurs jeunes filles Étaient déjà mortes.

M.C. : Les femmes sont-elles tentées de fuir l'Iran ?

A.M. : Beaucoup voudraient le faire, mais cela est difficile du fait de la législation qui interdit, par exemple, aux femmes de quitter le pays. Certaines se réfugient dans la dépression, et nous entendons parler de suicides sans que nous puissions avancer des chiffres précis. Quant à la dépression , je la vois chez des jeunes filles qui viennent passer leurs vacances en Europe pendant l'été, et qui veulent rester. J'en ai connu une l'été dernier qui s'appelait Roxane. Elle voulait se marier ici, pour ne pas être obligée de rentrer en Iran. Elle avait trouvé un garçon de trente ans qu'elle avait essayé de convaincre, mais sans succès. après cela, elle pleurait tout le temps. Je lui ai promis que dès qu'elle aurait son diplôme, je ferai quelque chose pour qu'elle obtienne le statut de réfugiée politique . Elle est rentrée en Iran, la mort dans l'âme, pour finir ses études.

M.C. : Une femme peut-elle obtenir le statut de réfugiée politique* lorsqu'elle subit la misogynie* d'État comme en Iran ?

A.M. : En Europe, non. Mais dernièrement, au Canada, le gouvernement a accepté le cas d'une femme qui s'était sauvé d'Arabie Saoudite. Ce statut est accordé quand la femme peut prouver qu'elle a été victime d'un mariage forcé.

M.C. : Est - il exact que le gouvernement iranien a récemment abaissé l'âge légal du mariage pour les filles ?

A.M. : L'âge légal est treize ans mais un père peut marier sa fille à neuf ans s'il peut obtenir une attestation médicale, une démarche qui est en fait une simple formalité. Vous connaissez peut- Être cette phrase de l'ayatollah* Khomeini : " un des bonheur de l'homme est que sa fille n'ait pas ses premières règles dans la maison de son père mais dans celle de son mari. "

On m'a récemment raconté l'histoire suivante : un homme amène à l'hôpital de sa ville sa femme qui est sur le point d'accoucher. Cet homme est très religieux , et constatant qu'il ne se trouve que des hommes dans la maternité de cet hôpital, refuse à sa femme l'autorisation d'accoucher. Ils repartent, elle se tord de douleur, il l'amène dans un autre hôpital et, là non plus, pas de femme gynécologue . Finalement, contraint et forcé, cet homme accepte que sa femme accouche. Résultat : l'enfant est mort-né, parce que cette naissance avait trop attendu. On ne parle évidemment pas des souffrances endurées par la mère...


LA LAPIDATION UNE AUTRE FORME DE DESTRUCTION SANS PITIE

Comme le pèlerin qui, lorsqu'il se rend à la Mecque, jette des pierres sur les trois colonnes qui représentent Satan, au sommet du mont, Arafat les habitants des villages les plus reculés d'Iran continuent de lapider à mort les femmes supposées adultères telles des "chiennes diaboliques".

Dans la "femme lapidée", Freidoune Sahebjam, journaliste et écrivain iranien en exil, raconte l'histoire bouleversante d'une femme faussement accusée par son mari et son voisin d'avoir commis un adultère. Ce châtiment est soumis à des règles précises. Tout d'abord, deux hommes sont chargés de faire un trou cylindrique dans lequel la victime est placée, la tète hors de la terre. Autour d'elle, un cercle de cinq mètres de diamètre, que les participants ne devront pas franchir. Tous les habitants du village sont présents mais seuls les hommes ont le droit de lancer des pierres. Des pierres qui ne doivent Être ni trop grosses - elles tueraient trop rapidement - , ni trop petites - elles ne feraient que blesser - . Le but est d'infliger à la victime une douleur atroce avant sa mort. Le père est le premier à lancer la pierre. Ensuite, c'est au tour du mari, puis des fils du mollah et des personnalités locales. Cette barbarie dure entre trente et quarante - cinq minutes . Pour s'assurer que la victime est bien morte , sa tète est ensuite écrasée avec une plus grosse pierre. Ce sont les femmes, restées à l'écart, qui emmènent le corps intact jusqu'au épaules. La victime n'a pas le droit d'être ensevelie, car elle souillerait la terre. Son corps est laissé sous des branchages, à deux ou trois kilomètres à l'écart du village.

Mille deux cents femmes auraient été lapidées en Iran entre 1979 et 1990. Depuis, le rythme s'est ralenti, mais il y aurait encore plusieurs cas de lapidation chaque année...

Des femmes condamnées au silence ?

Comme les femmes des pays occidentaux, les Iraniennes avaient conquis, depuis une centaine d'années, tous les droit fondamentaux :

1875 : elles obtiennent le droit d'aller à l'école.

1925 : elles entrent pour la première fois au lycée de Téhéran.

1936 : Reza Shah proclame l'abolition du voile.

1936 : à la suite du référendum de la révolution blanche, les femmes obtiennent le droit de vote.

1968 : la loi pour la protection de la famille permet aux Iraniennes de bénéficier des mêmes droits civiques que les

hommes. La polygamie est abolie. En cas de divorce, elles peuvent avoir la garde de leurs enfants. Elles peuvent

choisir leur profession, devenir députés, sénateurs ou ministres, ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de

leur mari, voyager à leur gré, etc. La mixité est officiellement admise dans les écoles, les universités, les associations

culturelle et sportive.

1979 : le régime islamique abolit tous ces droits. Seul le droit de vote a été conservé.

 

Textes extraits de Marie-Claire

 

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