Construction de l'église Saint Jean-Baptiste

Dès son installation dans ses fonctions de curé, l'abbé André Bangratz reprit l'idée de la construction d'une église. Le 5 août 1896, le Conseil de Fabrique acheta aux Hospices Civils un terrain de 14,35 ares pour 1722 marks et, le 23 octobre 1896, un terrain de 19,85 ares pour 1722 marks, terrain appartenant à George Freyss, "Lammwirt", aubergiste de l'Agneau d'or (actuellement 96-98 rue du Maréchal Foch).

Ces deux terrains contigus étaient situés en bordure de la rue principale. La construction de l'église fut entreprise le 12 octobre 1899 sous la direction du maître d'œuvre Joseph Heilig de Strasbourg et de l'entrepreneur Florent Rudloff d'Obernai. Le 4 mars 1900, le curé de Boersch, Aloyse Buntz, posa la première pierre, et le 30 septembre de la même année, l'évêque auxiliaire de Strasbourg, Charles Marbarch, procéda à la bénédiction. Quinze jours auparavant, le 16 septembre, avait eu lieu la bénédiction de trois cloches coulées dans les ateliers Causard de Colmar et dédiées à Marie Immaculée (1790kg), St Joseph (860 kg) et St Jean-Baptiste (554 kg).

Le coût de la construction s'éleva à 90560 marks dont près des deux tiers furent produits par des subventions et des dons: 20000 marks de subvention de l'Etat (Deutsches Kaiserreich Wilhelm 1), 19800 marks de l'œuvre des églises mixtes d'Alsace, 12600 marks de Monseigneur l'Evêque Adolphe Fritzen, évêque de Strasbourg, 1 800 marks des héritiers de Mgr Raess, ancien évêque de Strasbourg, 1800 marks de la commune de Lingolsheim pour la levée du simultaneum. Il resta donc à la population catholique, forte de 692 membres, à trouver 2160 marks et le coût des installations et agencements intérieurs (vitraux, bancs, statues, autels, bancs de communion) de plus de 30 000 marks, ce qui représentait une somme énorme pour les membres de la communauté composée de familles modestes, comme en témoigne cette remarque figurant sur la liste de souscription faite par les familles: "Je suis trop pauvre pour donner de l'argent, mais tous les soirs, pendant 6 mois, je ferai deux heures de travail de terrassier". C'est avec les fonds mis à disposition par les autorités, et le travail fourni par les paroissiens jeunes et moins jeunes, qu'a pu se réaliser l'édification de l'église catholique.

Le cimetière de Lingolsheim

Jadis le cimetière entourait l'ancienne église de la rue du Château. Le 13 mai 1832, le conseil presbytéral refusa le transfert du cimetière en dehors du village, comme le demandait l'autorité préfectorale, argumentant que le cimetière n'était pas à l'intérieur du village mais à côté, qu'il y avait un intervalle de 16 ans entre le renouvellement des fosses et que celles-ci avaient une profondeur de 7 à 8 pieds.

En 1890, le cimetière s'étant révélé trop petit, on aménagea un nouveau cimetière "en dehors" du village, rue de Graffenstaden, non loin de l'ancien presbytère catholique. Ce cimetière était confessionnel. Sur la partie côté gauche, réservée aux défunts catholiques, on érigea, dès 1890 une croix en pierre.

Une deuxième croix marqua l'emplacement où furent mis les restes des ossements des catholiques qui avaient été enterrés dans l'ancien cimetière autour de l'église. Cette croix provenait du premier cimetière et fut transférée, grâce aux largesses de la famille WirtzKreitwill, apparentée à la famille Galler qui avait fait ériger la croix au croisement de la rue de Graffenstaden et la rue de Geispolsheim. La tombe de ces familles est située près du mur d'enceinte, à l'avant du cimetière. En 1923 il fallut agrandir le cimetière de 20 ares supplémentaires. De la même année date aussi la croix en pierre placée en face de la tombe de l'abbé Arthur Duffner, curé de la paroisse, décédé en mars 1931.

Construction d'une école catholique
(l'actuelle "Ecole du Centre", 4 rue de l'Ecole)
Le 4 août 1903, le conseil municipal vota un crédit de 20000 marks pour la construction d'un "Schulhaus", l'école catholique, située derrière l'église, avec 3 classes et un logement de service. Les habitants catholiques offrirent de fournir un terrain de 1 0 ares pour le prix symbolique de 10 marks, et de renoncer à la part qui leur reviendrait de l'école interconfessionnelle si toutes les classes catholiques étaient réunies dans l'école à construire sur ce terrain. Le 7 septembre 1903, le curé demanda la séparation garçons-filles de la grande classe.
Un nouveau presbytère
2 rue de l'Ecole

Un nouveau presbytère fut construit entre le bâtiment de l'école catholique et l'église. A partir de 1905 les curés y habitèrent. Cette même année, l'abbé Emile Schmitt devint curé de Lingolsheim. C'est sous son ministère que le Conseil de Fabrique vendit le presbytère de la rue de Graffenstaden, ainsi que le terrain attenant, à un géomètre dde a

'origine polonaise, Ludwig Robert Szepanscky. Celui-ci revendit la propriété en 1914 à Eugène Haegel, un enfant du pays. Cette maison existe toujours au n° 21. En 1944, lors du bombardement américain du 25 septembre, une bombe tombée dans le champ d'en face a détruit le haut mur percé d'ouvertures en forme de croix et soufflé le balcon en bois où grimpait une vigne; mais c'est toujours le même tilleul, datant de 1854, qui monte la garde. On peut encore voir, sur la porte arrière de la maison, les initiales de l'abbé Heinrich Urscheller : "H. U 188O" gravées dans un cadre en forme de blason.

En 1909 la paroisse eut recours à l'Evêché pour couvrir ses dettes (construction de l'église, du presbytère). Grâce aux quêtes "impérées" de l'ensemble des paroisses du diocèse, il donna une suite favorable à la requête. En 1910 fut créé le "katholische Mannerverein" l'association des hommes catholiques, pour défendre les intérêts matériels et spirituels des familles catholiques de la localité.

L'aménagement de l'église

Jusque vers 1950, l'église garda son mobilier et sa décoration originelle. Trois beaux vitraux ornaient le chœur: celui du milieu, provenant de l'église de la rue du Château, représentait Saint Jean-Baptiste, celui de gauche l'apparition du Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie-Alacoque à Paray-le-Monial, et celui de droite l'apparition de Notre-Dame à Sainte-Bernadette à Lourdes.

Les autres vitraux du transept, de la nef et de la tribune, de trois panneaux plus courts que les vitraux actuels, étaient formés de petits triangles gris et bleus sertis de plomb. La voûte du chœur était décorée par une peinture de style byzantin, représentant le Christ couronné siégeant sur un trône, tenant un globe dans la main gauche et le sceptre dans la main droite.

Les murs étaient ornés d'entrelacs verts, sur une hauteur de deux mètres environ, œuvre de l'artiste Bartlin de Haguenau. Dans une lettre du 6 juin 1914, celui-ci remercie le curé de Lingolsheim de lui avoir fait confiance pour la décoration du chœur (dessin byzantin du Christ-Roi entouré de la Vierge et de Saint Jean-Baptiste, peintures recouvertes lors de la restauration de l'église en 1975 pour le 75ème anniversaire) et de la nef, sa première grande œuvre. De petits tableaux expressifs, entourés de cadres en bois ciselés, représentaient les 14 Stations du chemin de croix et le maître-autel en grès des Vosges, flanqué de statues d'anges portant des candélabres, étaient un don de l'entrepreneur Rudloff. Les autels latéraux en bois polychrome avaient été donnés par le supérieur du Grand Séminaire, Joseph Guerber.

A gauche du transept s'élevait l'autel de la Vierge, à droite celui de Saint Joseph portant l'Enfant Jésus. Sous le vitrail du transept droit s'élevait une statue imposante du Sacré-Cœur, don de la famille Wirtz.
De généreux donateurs permirent l'acquisition de nombreuses statues de Saints et de Saintes (Sainte Odile, Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus, Saint-Louis de Gonzague, Enfant-Jésus de Prague) dont il ne reste au fond de l'église que celle de la Pieta qui, en 1900, était placée sur l'autel latéral gauche.

De la chaire en bois de chêne, démontée en 1975 pour permettre l'agrandissement des vitraux de la nef, il ne reste plus que les plâtres peints des quatre évangélistes.

Un grand lustre illuminait l'église les jours de fête. Sur un des éléments étaient gravés les noms des donateurs. Les fonds baptismaux datant de 1742, ramenés de l'ancienne église, étaient placés, comme le voulait l'ancien rite, au fond de l'église; ils se trouvent actuellement devant la Vierge de l'Assomption, servant de vasque pour la décoration florale.

Un banc de communion en fer forgé ouvragé séparait le chœur de la nef. Deux grands confessionnaux en chêne complétaient le mobilier. Reliquat de cette époque, un carillon de trois clochettes sonnant le début des offices, ainsi qu'un grand tableau (3 m sur 2,5 m) représentant la rencontre de Jean- Baptiste avec Jésus au bord du lac de Galilée. Ce tableau, peint par Anna Sorg en 1868, est u~ don de Jacques Mehn, curé de 1860 à 1873.

En 1915 l'éclairage fut électrifié mais il y eut peu de lampes, "le cuivre étant réquisitionné par l'armée". L'horloge fut dotée la même année d'un remontoir électrique.

Les cloches de Lingolsheim

Dès sa construction l'Eglise paroissiale fut dotée de cloches, signe sonore de la présence d'une Eglise vivante. Le 16 septembre 1900, quinze jours avant la bénédiction du bâtiment de l'église paroissiale, les trois premières cloches furent bénies par le Chanoine Ambroise Sensenbrenner, curé de St Pierre-le-Vieux à Strasbourg, délégué de Mgr Adolphe Fritzen, évêque de Strasbourg (1891-1919).

Elles furent dédiées à:

  • Marie Immaculée (1ère cloche) poids 1 790 kg - hauteur 1,10m - diamètre 1,14m; les parrains-marraines furent Emile Thomas, Antoine Mathis, Joseph Rebstock, Caroline Diebold, Marie Kipper, Caroline Münch,
  • à Saint-Joseph (2ème cloche) poids 860 kg - hauteur 0,90m - diamètre 0,91; les parrains-marraines furent Albert Haegel, Nicolas Zebnacker, Joseph Troesch, Catherine Faist, Elisabeth Zehnacker, Marie Anne Schehr,
  • à St Jean-Baptiste (3ème cloche) poids 554kg; les parrains-marraines furent Jacques Faist, Joseph Diebolt, Martin Diebolt, Salomé Meyer, Madeleine Fischer, Marie Schauer.

Ces cloches furent coulées dans les ateliers Causard de Colmar.

En 1917, on a réquisitionné, comme partout ailleurs, deux des cloches. Le Conseil de Fabrique en fut donc pour ainsi dire spolié, n'ayant obtenu aucune compensation en titre d'emprunt (Kriegsanleihe). Il ne reste aujourd'hui que la petite cloche en do. Dans un témoignage du curé d'alors, l'abbé Auguste Gontram, on peut lire: "Le 23 mai 1922, venant de Neuhaeusel où j'ai exercé mon ministère de curé pendant 6 ans et demi, je fus installé à Lingolsheim. Dès le 14 juillet de la même année, j'ai commandé les cloches manquantes (fa la) à la fonderie Causard de Colmar dans l'espoir qu'elles nous parviendraient, comme promis, au mois de septembre. Après de nombreuses promesses réitérées, 15 voyages à Colmar que j'ai effectués, de nombreuses lettres adressées à qui de droit, on m'a enfin fait savoir que pour Pâques 1924 les deux cloches seront fondues. Malheureusement cette fonte s'avéra un fiasco.

A cette nouvelle les paroissiens furent outrés et j'eus fort à faire pour les apaiser. La firme Causard m'assura que la fonte sera refaite et que les deux cloches seront livrées fin juillet "si tout va bien" !

Le 31 juillet 1924, Aimé Halwick prit livraison des cloches à Colmar. Dans l'après-midi du dimanche 3 août, on procéda à la bénédiction solennelle des cloches. La grande cloche fa pèse près de 10 quintaux (20 Zentner), elle est dédiée au Cœur-Sacré de Jésus i la deuxième pèse environ 4,5 quintaux (9 Zentner), elle est dédiée à Jeanne d'Arc. Poids total: 1434 kg - Coût: 19328,90 francs.

"Je suis allé personnellement faire la quête auprès des familles catholiques. La si riche commune n'a rien donné par conséquent, les cloches, ainsi que l'église et le presbytère, sont la propriété du Conseil de Fabrique."

Signé: Arthur Duffner

P.S. "Suite à une décision du Conseil de Fabrique, les familles qui n'ont rien donné, bien que leurs finances le leur auraient permis, devront payer 50 F à chaque fois qu'elles auront recours au service de la sonnerie des cloches (baptêmes, mariages, décès). "