L'ORCHESTRE DE LULLY

INSTRUMENTS UTILISES PAR LULLY
Lully a donné des indications précises quant à l'orchestration. On y trouve tous les instruments qu'ils avait à sa disposition à son époque

Violons
Cette instrument roi se décline dans l'orchestre français et donc chez Lully en cinq parties : dessus, haute-contre, taille, quinte et basse de violon. La haute-contre, taille et quinte de violon sont des instruments proches du violon-alto actuel mais dont la taille de la caisse variait entre 39 et 48cm. Cet ensemble est omniprésent dans les œuvres de Lully. Parfois les dessus se divisent pour former deux parties distinctes. La basse de violon est l'ancêtre du violoncelle et un peu plus gros que celui-ci (80cm). Il n'y a pas de mention de contrebasse (contrebasse de violon ou contrebasse de viole, soit violone) dans l'effectif de l'Académie Royale de Musique. Toutefois, on connait le nom de deux contrebassistes - Michel Pignolet de Montéclair et Sagioni Theobaldo di Gatti - qui figuraient dans les états de l'Académie. Mais l'usage de la contrebasse était-il systématique ? De plus, il n'y aucune indication précise quant à l'instrument (contrebasse ou violone). Mais Georg Muffat donne une indication importante lorsqu'il parle de l'interprétation des concerti grossi de Corelli : «vous formerez un trio parfait, toujours Principal en choisissant les trois parties intitulées Violino Primo Concertino, Violino Secondo Concertino et Violoncino Concertino , vous servant plutôt d'une petite basse à la française plutôt que d'une double ou grosse basse que l'on appelle violone à laquelle vous pouvez ajouter un clavecin, ou théorbe, ou autre semblable instrument, qui se jouera sur la même partie, que la dîte petite basse». Cette indication est précieuse car il préfère doubler la basse continue d'une petite basse à la française : donc pas de contrebasse ou de violone ; et doubler la basse continue, donc l'instrument par défaut est la basse de viole. (Merci à Ludovic !)

Violes
Instrument à cordes frottées qui a trouvé son apogée en France à la fin du XVIIème siècle (Marais, Ste Colombe,...) avant d'être supplanté par les violoncelles. Famille allant du par-dessus au violone, c'est la basse de viole qui sera la préférée des musiciens français. Je n'ai trouvé aucune indication de cette instrument dans une œuvre, mais l'effectif de l'Académie Royale de Musique en comptait une dans le petit chœur (voir basse continue plus bas).


Trompette
L'instrument était dépourvu de piston et ne pouvait émettre qu'une série d'harmoniques. C'est un instrument militaire et était présent à la Grande Ecurie. La trompette est associée aux timbales. Elle joue un rôle souvent associé de guerre, de marche, de combat ou de célébration.

Cor
Ce cuivre serait utilisé dans les Plaisirs de l'île enchantée (deuxième journée : la princesse d'Elide). Je n'ai pas encore trouvé d'autre indication plus précise...

Timbales
Toujours par deux et associées aux trompettes. La partie de timbales est notée par Lully si elle est spécifique (Bellerophon, chœur de peuples), sinon les timbales doublent la basse continue, dont l'écriture en quinte ne laisse aucun doute, lorsque jouent les trompettes (Isis, prologue).

Tambour
Autre instrument fait pour sonner à l'extérieur avec les trompettes, hautbois, bassons et timbales. Lully a écrit des pièces intégrant ces instruments avec des parties de tambour. Il a écrit plusieurs pièces pour cet instrument (LWV44 marche et batterie de tambour) ou avec cet instrument (LWV10 première marche des mousquetaires pour hautbois et tambours).

Flûte
Allemande ou ... ? Si elle est allemande c'est une flûte traversière, sinon c'est une flûte à bec. Lully n'indique que flûtes dans ses œuvres (Isis, plainte du dieu Pan, Acte3, scène6) sans précisions supplémentaires. L'effectif de l'Académie Royale de Musique indique qu'il y avait deux flûtes allemandes dans le petit chœur (soli) et des (?) flûtes dans le grand chœur (tutti). Lully aurait été le premier à intégrer la flûte allemande à l'orchestre (le Triomphe de l'Amour).

Hautbois
Sous le règne de Louis XIV se constitue la Grande Bande des Hautbois qui comprend trois types d'instruments : le dessus en ré, la haute-contre et la taille en sol et la basse en do (Furetière). C'est également un instrument d'extérieur, militaire, utilisé avec les trompettes et les timbales et Lully composera plusieurs airs pour hautbois (LWV48 - 75), ou pour hautbois trompettes et timbales. Les indications hautbois pour des soli dans les œuvres de Lully, sont données pour des parties en clé de sol1 et à deux voix, comme pour les violons, donc pour des dessus de hautbois, peut-être que les autres, haute-contre, taille et basse,jouaient dans les tutti (?)

Basson
Il sert essentiellement de basse pour les hautbois de la Grande Ecurie. Les bassons sont classés dans le grand chœur de l'effectif de l'Académie Royal de Musique et on pourrait en conclure qui n'étaient utilisés que pour les tutti (mais les hautbois s'y trouvent également). Dans le chœur final du prologue de Proserpine, l'orchestration indique deux portées de hautbois et deux portées en clé de fa4, l'une notée basse continue et l'autre sans indication, plus loin on y trouve l'indication basson avec des indication de basse chiffrée : le basson est donc bien utilisé comme instrument de basse pour la réalisation de la basse continue avec les hautbois solistes.

Musette
C'est une petite cornemuse à deux chalumeaux et un bourdon à quatre anches en boîte, qui sera très à la mode dans la première moitié du XVIIIème siècle avec la «vague pastorale». C'est un instrument peu puissant. Il sera utilisé par Lully dans Alceste (Alceste acte? scène?) pour son évocation pastorale ou encore dans Isis (marche, acte3 scène5), il y a l'indication violons, musettes et hautbois.

Vielle à roue
Cet instrument à cordes mélodiques et bourdons frottées par une roue sera comme la musette très à la mode dans la première moitié du XVIIIème siècle avec la "vague pastorale". Lully indique la vielle dans deux œuvres : le ballet de l'impatience (3ème entrée - aveugles) mais dans le manuscrit de Philidor l'Ainé, page 66, il n'y a pas de mention expresse de cette instrument ; ainsi que dans Hercule Amoureux (pour les pèlerins jouant de la vielle), mais peut-être que les vielles faisaient parties de la mise en scène (?).

Guitare
Cet instrument à cordes pincées et utilisé dans plusieurs pièces de Lully (ballet du roy, ballet de l'impatience, pastorale comique) et Lully, lui-même, est mentionné comme jouant de la guitare dans la pastorale comique parmi quatre guitaristes. Il faut également noter que dans de nombreuses oeuvres apparaît Scaramouche inséparable de sa guitare, et donc comme pour la vielle, elle faisait partie de la mise en scène.

Luth
Instrument à cordes pincées en chœurs (sauf la chanterelle) et à corps piriforme. L'utilisation du luth dans les œuvres de Lully est attestée par Loret qui parlera de l'ouverture d'Alcidiane en 1658 en ces termes "Un grand concert, des plus charmants Compozé d'octante Instruments, Sçavoir trente six violons, Qui sont presque, autant qu'Apollons, Guitères, Téorbes ou luts Et des Violes de surplus."

Théorbe
Luth modifié par l'adjonction de cordes supplémentaires (basses) et l'élargissement du manche (doublé). Il fait parti des instruments de la basse continue comme cela est confirmé dans l'effectif de l'Académie Royale de Musique.

Clavecin
C'est également un instrument très apprécié des musiciens français. Il peut être l'instrument polyphonique de la basse continue. Lully n'a pas écrit de pièce pour clavecin seul.

Orgue
L'orgue est l'instrument liturgique. Il paraît donc logique que la basse continue des œuvres religieuses lui soient réservées. Lully n'a pas écrit de pièce d'orgue.

Basse continue
Ce n'est pas un instrument en lui-même, mais un groupe d'instruments : un voir plusieurs instruments polyphoniques (clavecin, orgue, luth ou théorbe) et un ou plusieurs instruments graves (basse de violon, basse de viole, basson). Cette basse continue est chiffrée (seule la ligne grave est notée avec des indications chiffrées des accords) mais partiellement. Pour la réalisation il faut également prendre en compte les parties au-dessus.
Le choix entre le clavecin et l'orgue dépend si la musique est profane ou religieuse. Les luths, ou les théorbes, peuvent renforcer cet instrument ou s'y substituer. Le choix de l'instrument grave dépend du caractère de la pièce et des autres instruments utilisés. Dans Bellerophon (acte3 scène5) il est indiqué : basse de violon et basse continue. Il ne fait aucun doûte que l'instrument de basse par défaut de la basse continue est la basse de viole (voir la remarque de Georg Muffat dans la basse de violon).

 

L'ORCHESTRE DE L'ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE
d'après Edmond Lemaître, Paris, Octobre 1991 dans "La Tragédie Lyrique" - édition Cicero 1991

L'orchestre de Lully se base sur un ensemble de cordes à 5 parties :
- dessus de violon
- haute-contre de violon
- taille de violon
- quinte de violon
- basse de violon
Les instruments du milieu (haute-contre, taille et quinte de violon) qui portent des noms différents mais s'accordent de même, se regroupent sous le terme de "parties". Ils assurent une fonction de remplissage harmonique. On ne compte que deux ou trois exemplaires de chacun de ces instruments. Face aux douze dessus et huit basses (voir ci dessous l'effectif de l'académie royale de musique), ils ne devaient avoir qu'une faible audience. C'est là une des particularités de l'orchestre français dont le parfait déséquilibre avantage dessus et basses.
A priori, hautbois et flûtes doublent les dessus de violon qui ne se divisent qu'en cas de trio.

Lully interdisait la publication du nom des interprètes sur les livrets de ses opéras. Comme on ne connait pas, pour cette époque, d'état du personnel de l'institution qu'il dirigeait, on ne peut se faire qu'une idée approximative de l'effectif de l'académie royale de musique. Il semblerait néanmoins que les moyens dont il disposait ne s'éloignaient pas trop de ceux qui furent fixés ultérieurement par ordonnance royale. A titre d'exemple, nous donnons la composition du corps de l'Opéra en 1713 qui fut donc utilisé lors des reprises des oeuvres de Lully.
Notons qu'au sein de l'orchestre, le "Petit Choeur" regroupe des instrumentistes de renom chargés d'accompagner récitatifs et airs en solistes. Enfin on remarquera l'absence des trompettistes ; ceux-ci étant empruntés à l'Ecurie.

Effectif de l'Académie Royale de Musique en 1713
Etat du nombre des personnes, tant hommes que filles dont le roi veut et entend que l'académie Royale de Musique soit toujours composée, sans qu'il puisse être augmenté ni diminué.

Rôles
6 dessus
3 haute-contre
2 tailles
3 basses tailles
Chœur
2 pages
12 filles
22 hommes
Ballet
10 danseuses
12 danseurs

ORCHESTRE

Batteur de musique Petit Chœur
1 clavecin
2 basses de violon
1 basse de viole
2 théorbes
2 dessus de violon
2 flûtes allemandes
Grand chœur
12 dessus de violon
3 haute-contre de violon
2 tailles de violon
2 quintes de violon
8 hautbois
? flûtes ou bassons
1 timbalier
Maître de danse ; Compositeur ; Dessinateur ; 2 Machinistes ; Maître tailleur